Renouvelant profondément la présentation de la conscience, Gustave Flaubert et Henry James ont ouvert au roman des régions jusqu’alors inconnues, et donné à ce genre au xxe siècle la mesure de sa tâche et de son exigence. Le jugement moral sur les personnages s’atténue ou se suspend, au bénéfice d’une description aussi fine qu’ambiguë. Et cette descente dans les abîmes intérieurs délaisse désormais la trop nette articulation du monologue intérieur (étudié dans La Conscience au grand jour) pour une approche plus subtile, notamment grâce au style indirect libre, dans une parole à mi-voix. Comment les mouvements et les glissements de la conscience en viennent-ils à prendre une force dramatique plus intense que les événements même du monde ? Pourquoi son « intime aventure » occupe-t-elle à présent le centre ? En quoi ce qui faillit seulement avoir lieu peut-il avoir autant d’effet que ce qui se produisit ? Par quels modes du style le secret peut-il être suggéré comme tel, avec tout le non-dit qu’il suscite ? Pourquoi la vie quotidienne se fait-elle ce qu’il y a de plus lourd d’un sens inépuisable ? Et quel jour neuf se lève-t-il alors sur notre relation aux choses et aux lieux, comme sur les rapports de force qui ordonnent nos multiples liens avec les autres consciences, nœuds de notre identité ? Comment montrer avec rigueur le règne en nous du faux, de l’illusion, du clair-obscur ? Ce volume présente les conclusions du diptyque sur la vision que le roman des deux derniers siècles a prise de l’humaine conscience dans toutes les nuances de sa fragilité.