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Comprendre nos interactions sociales: Une perspective neuroéconomique PDF

413 Pages·2014·2.77 MB·French
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© ODILE JACOB, NOVEMBRE 2014 15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS www.odilejacob.fr ISBN : 978-2-7381-6860-3 Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. Introduction Pourquoi un économiste théoricien des jeux et un philosophe épistémologue ont-ils formé le projet de rédiger à deux voix un livre sur les interactions sociales, alors qu’aucun des deux n’est sociologue ou psychologue social ? Et pourquoi ont-ils adopté une perspective de neuroéconomie, puisqu’ils ne sont ni l’un ni l’autre experts en neurosciences ? Il est clair, à première vue, que les phénomènes étudiés par l’économiste sont toujours les résultats d’interactions sociales, soit directes (échanges marchands, compétitions, répartitions, négociations), soit indirectes (redistributions, organisations). L’objet de la théorie des jeux qui représente l’une des approches privilégiées pour étudier ces phénomènes consiste à formaliser les interactions entre des agents supposés rationnels. Plus récemment, une économie expérimentale s’est développée, qui étudie au moyen d’expériences les décisions effectivement prises par les individus, en réaction aux actions des autres. Mais les comportements ainsi observés restaient inexpliqués tant que l’on ne disposait pas d’informations plus précises sur le fonctionnement du cerveau dans ces situations. Tel n’est plus le cas aujourd’hui où beaucoup des résultats obtenus au cours de ces protocoles expérimentaux peuvent être maintenant complétés par des informations sur le fonctionnement cérébral, grâce, en particulier, aux différentes techniques de l’imagerie cérébrale. C’est ainsi que s’est développée, depuis quelque temps, une branche sociale des neurosciences dans laquelle la neuroéconomie se trouve aux avant-postes. Le philosophe est aussi dans son rôle en défendant la position philosophique suivante : les sujets humains se constituent dans leurs interactions avec leurs semblables, qui orientent aussi leurs perspectives sur leur environnement. Les manières dont les capacités physiques de notre corps et de son système nerveux facilitent ou limitent ces interactions ne sont pas sans intérêt pour le philosophe, ne serait-ce que dans la mesure où mieux les connaître peut l’amener à réviser ses « intuitions » sur les processus cognitifs et affectifs humains, voire à modifier les catégories qui lui permettent de penser ces processus dans leurs interactions, ou encore à ne pas proposer d’idéal qui ne tienne pas compte des limitations humaines. Voilà pour nos justifications. Mais qu’en est-il des interactions sociales ? L’économiste ne va-t-il pas être tenté de les réduire à des échanges entre les agents et aux décisions qui les précédent en se concentrant exclusivement sur l’étude de leur ancrage « rationnel » ? Le philosophe, de son côté, pourrait soit, en soutenant l’individualisme, être tenté de réduire les interactions sociales aux capacités interactives des individus, soit au contraire, en soutenant le « holisme », la prééminence du tout social, vouloir montrer qu’on doit toujours présupposer un social déjà constitué, pour comprendre comment les décisions des individus manifestent une sensibilité à des normes collectives et ne se réduisent pas à suivre leur intérêt personnel. Dans ce livre, le théoricien des jeux justifiera l’emploi du qualificatif « social », en se montrant attentif aux résultats obtenus lors des nombreuses expériences qui montrent que les individus réels diffèrent de l’individu self- interested qu’est supposé être l’agent économique. Il s’efforce de comprendre les racines de ces différences, à la lumière des premiers résultats mis en évidence par ces neurosciences sociales. Cette investigation lui enseigne que nous sommes plus largement dépendants de la coordination de nos actions avec autrui et plus sensibles aux opportunités de coopération, et aux normes sociales qui les accompagnent, que ne le suppose le schéma « autiste » auquel se réfère l’économie classique. Les interactions sociales, entendues en ce sens, ouvrent ainsi le champ à une analyse renouvelée de nombreux phénomènes économiques, concernant notamment les décisions et les anticipations qui les précèdent, ainsi que les actions et les négociations qui souvent les suivent, sans oublier l’organisation qui les accompagne. Le philosophe, en cette affaire, ne se veut ni individualiste ni holiste. Les processus d’interaction sont pour lui les constituants ontologiques fondamentaux et de l’individu et des collectifs sociaux. Ces interactions ne s’établissent pas seulement à des niveaux séparés – processus infra-individuels, individuels, interindividuels, collectifs – mais aussi entre des niveaux différents. Ainsi, les limitations de certains processus infra-individuels peuvent trouver des compensations dans des interactions interindividuelles et des organisations collectives – songez à la communication des savoirs. Inversement, les collectifs ont des limitations propres – ainsi l’anonymat relatif de leurs membres ne permet pas à un individu, ni même à quelques-uns, de contrôler directement le degré d’engagement de tous dans des coopérations. Plutôt que d’opposer l’individu et le tout social, il est préférable d’étudier précisément comment interagissent ces différents types de processus, comment ils constituent et maintiennent des structures qui sont d’échelles différentes mais qui peuvent aussi entrecroiser différents niveaux – un organisme, des relations parentales, des collectifs, des institutions – et comment les différentes structures d’interaction qui se mettent en place se combinent, se soutiennent mutuellement, ou, au contraire, s’imposent les unes aux autres des transformations. Nous suivrons à la trace ces processus d’interaction en examinant successivement les niveaux différents où ils se manifestent. Dans une première partie, intitulée « Interactions et intersubjectivité », nous analyserons les interactions entre des processus infra-individuels qui sont nécessaires à la constitution du sujet. Mais ces processus infra-individuels ne se bornent pas à construire un sujet isolé, ils l’engagent déjà dans des interactions, si bien que ce sujet est nécessairement intersubjectif, comme nous le montrerons au chapitre 1. Pour autant, cette dynamique d’intersubjectivité ne réduit pas la spécificité de chaque sujet puisque elle contribue, au contraire, à sa construction. Nous étudierons au chapitre 2 comment la figure d’autrui se constitue. Nous avons posé cette intersubjectivité comme fondatrice, et nous analyserons, sur cette base, la portée de la référence à « un autre moi-même » et discuterons ses limites. Cette recherche suggère, qu’au rôle de l’autre qui nous fait face, il nous faut ajouter celui du (des) tiers. Une fois cette structure interactive de base constituée, nous pouvons revenir sur les processus de décision, et montrer au chapitre 3 comment ils sont le fruit de l’interaction entre différentes perspectives, par exemple, entre des perspectives temporelles à court et à long terme, entre des interactions à courte et à longue portée. Ce chapitre nous a conduits à repenser, dans cette optique, comment les sujets conçoivent et traitent les relations d’intertemporalité, avec toutes leurs conséquences, parfois inattendues et tout au moins différentes de celles le plus souvent enseignées, sur les anticipations des agents. Nous aurons ainsi, au cours des trois chapitres qui forment cette première partie, établi que les thématiques qu’on associe généralement à une focalisation sur les seuls individus pouvaient avantageusement être repensées, dans une perspective interactionniste de part en part. Nous aborderons ensuite, dans une deuxième partie, intitulée « Coordination et coopération » ce que l’on considère communément comme des interactions sociales, au sens de rapports interindividuels. Sur ce terrain, les distinctions introduites par la théorie des jeux, entre les jeux de pure coordination (reposant sur l’identification de points focaux), les jeux de coordination à équilibres multiples (lorsqu’une multiplicité de possibilités aboutit à des résultats différents) et les jeux de confiance (lorsque la coopération s’avère risquée pour chaque joueur considéré individuellement), nous ont servi de premiers repères. Les problèmes de coordination, lorsque certaines solutions satisfont l’intérêt de chacun des joueurs, suggèrent l’émergence d’un point de vue du groupe, dont l’adoption par les individus conduit au mode de coordination le plus efficace. On mettra en évidence, au chapitre 4, les différentes difficultés auxquelles se heurte cette coordination, en signalant, au passage, les problèmes posés par la notion de confiance, face au risque inhérent à certaines formes de coordination. Cette analyse permettra notamment de dégager la notion clé d’« interintentionnalité ». Le chapitre 5 expose les voies de passage d’une simple coordination à une véritable coopération. Il discute les différents modes de coopération et montre que le succès de leur fonctionnement reste dépendant du nombre des candidats à cette coopération et de leurs modes d’organisation en réseaux. Une analyse plus poussée des modes d’accès à la coopération révèle ainsi l’importance des formes de coopérations conditionnelles, souvent négligées par les approches traditionnelles. Notre but n’est pas ici d’exposer des résultats déjà bien connus en théorie des jeux, mais plutôt de les mettre en perspective, et de proposer de nouvelles interprétations des distinctions que suggère leur confrontation aux données mises en évidence par la psychologie expérimentale et la neuroéconomie. En amont de la coordination il faut prendre en compte cette « interintentionnalité » qui se manifeste entre les sujets. Ce travail aura été facilité par l’analyse préalable, développée dans la première partie, concernant la structure du sujet, qui intègre déjà autrui, les tiers, sans oublier l’émergence d’un point de vue du groupe. Cela nous a permis, à propos de la notion de confiance, qui occupe une position centrale dans ce dispositif, d’introduire une distinction éclairante entre deux de ses modalités différentes, une « confiance-cadre » et une « confiance-pari ». Nous traiterons enfin dans une troisième partie, intitulée « Règles et normes », le niveau des interactions que l’on considère d’ordinaire comme paradigmatique du social : celui qui concerne les conventions et les règles et renvoie à des normes. On a d’abord saisi dans les « conventions » (au sens de Lewis : des conduites que chacun a intérêt à tenir s’il sait que les autres vont faire de même, et si cela est de savoir commun) une manière de réduire le social à la capacité des individus à se représenter les états mentaux des autres. Mais la connaissance commune qui serait exigée, en bonne logique, pour réussir cette opération (savoir que tu sais que je sais, que je sais que tu sais, etc., jusqu’à l’infini) dépasse, dans la réalité, nos capacités mentales. Un problème qui a été clairement identifié par les théoriciens des jeux, mais qu’ils n’ont pas réussi, jusqu’à présent, à résoudre de manière satisfaisante. Le chapitre 6 dégage des conditions plus réalistes de développement de pratiques qui installent de manière, au moins implicite, des règles de conduite communes débouchant sur des « standards de comportements » répondant aux intuitions des fondateurs de la théorie des jeux. Comment rendre compte de l’émergence et du maintien de ces règles ? Pour y parvenir, il est nécessaire d’adopter une perspective dynamique, d’où le recours aux théories des jeux évolutionnaires. Pour expliquer, en outre, le maintien et la reproduction de comportements empathiques, si ce n’est altruistes, au cours de l’évolution, nous nous devons, de fait, de raisonner à une échelle plus globale que celle d’un individu – à l’échelle de sa parenté, mais aussi de ceux qui ressemblent à ses parents, etc. Une majorité des travaux expérimentaux dérivés de la théorie des jeux portent sur différentes modalités de partage d’un bien entre les joueurs (jeu du dictateur, jeu de l’ultimatum, jeu de la confiance…). On a cherché, de cette manière, à dégager les conditions qui président concrètement à l’émergence de normes d’équité. Des travaux combinant l’expérimentation et l’imagerie cérébrale ont, dans cette perspective, mis en évidence des comportements, à première vue surprenants, qualifiés de « punition altruiste », dont l’interprétation a suscité, et suscite encore, d’âpres discussions. Plusieurs sujets observés dans cette expérience préfèrent, en effet, punir ceux dont le comportement n’a pas respecté les règles tirées de ces normes d’équité, même si cette punition s’accompagne, pour eux, d’un coût financier. Certaines activations neuronales observées à cette occasion portent à penser que ces sujets éprouvent un plaisir singulier à punir. Mais on peut aussi, soutenir, au vu d’autres zones cérébrales qui sont également activées, qu’ils tiennent compte de l’opinion des tiers. On peut même élargir cette perspective et imaginer que ces individus veulent acquérir une réputation dans le groupe, et sont ainsi, peut-être, à la recherche d’une reconnaissance sociale. De telles interprétations n’étant pas nécessairement contradictoires. Le chapitre 7 s’attache aux normes proprement dites, celles par lesquelles le social se manifeste formellement, à travers des règles explicites. Les théories qui assimilent les normes à des signaux indicateurs ne sont pas suffisantes ici, pas plus que celles qui les font émerger, plus ou moins spontanément, dans des jeux évolutionnaires, ou celles qui les réduisent à des connaissances partagées sensibles aux différents contextes. Elles peuvent, certes, rendre compte de l’émergence et du maintien de règles implicites, mais elles ne parviennent pas à dégager les effets spécifiques propres à l’explicitation des normes. Celle-ci fait, en effet, intervenir des activités de métacognition qui nous informent du mode sous lequel nous nous rapportons à une représentation, et nous permettent ainsi de distinguer des niveaux d’explicitation. Les normes explicitées dans cette perspective ouvrent deux possibilités d’enquête. La première porte sur la question de savoir si les autres se rapportent bien à une règle donnée de la même manière que nous – pour savoir, par exemple, non seulement s’ils coopèrent, mais s’ils coopèrent dans le sens où nous pensons coopérer. La seconde concerne les conditions qui peuvent nous inciter à réviser ces règles. Elle conduit au problème posé par le contrôle des règles elles-mêmes, et touche ainsi au fondement du social et du politique. On songe évidemment d’abord au droit, mais on peut également considérer, dans cette perspective, d’autres types de normes, comme les normes religieuses et les normes scientifiques, voire des normes esthétiques. Nous verrons que l’analyse de ces extensions fournit des aperçus stimulants. Cet accent placé sur le contrôle nous rappelle, enfin, les implications directes de ces règles explicites sur le contrôle exercé par les sujets sur eux-mêmes. Voici les principaux points sur lesquels nous pensons avoir apporté des éclairages susceptibles d’étendre et d’enrichir la compréhension de nos interactions : La spécification de la variété des capacités qui doivent se mettre en place et se combiner de manière dynamique et complexe pour assurer le fonctionnement de nos interactions. La nécessité de penser l’intentionnalité subjective comme une interintentionnalité. L’exigence de prendre en compte dans les interactions intersubjectives les références aux perspectives de tierces personnes, qu’elles soient présentes ou absentes, voire anonymes. L’identification de la différence entre interactions à courte et à longue portée, déjà mise en jeu pour déterminer ce qui est pour nous perceptivement saillant, et ses diverses implications sur les choix intertemporels.

Description:
Ce livre est le résultat d'un dialogue fécond entre un économiste et un philosophe. Il montre dans quelle mesure et avec quelles limites les apports récents des neurosciences permettent de mieux comprendre aujourd'hui nos interactions sociales. Il revisite ainsi les questions, classiques en éco
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