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Commerce et colonisation en Guinée PDF

426 Pages·1986·14.019 MB·French
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RACINES DU PRÉSENT Collection dirigée par Aiain Forest Collection Racines du Présent Christian BOUQUET, Tchad, genèse d’un conflit. Monique LAKROUM, Le travail inégal. Paysans et salariés sénégalais face à la crise des années trente. Chantal DESCOURS-GATIN, Hugues VILLIERS, Guide de recherches sur le Viet-Nam. Bibliographies, archives et bibliothèques de France. Claude LIAUZU, Aux origines des tiers-mondismes. Colonisés et anticolonialistes en France (1919-1939). Albert AYACHE, Le mouvement syndical au Maroc (1919-1942). Tome 1. : Jean-Pierre PABANEL, Les coups d’État militaires en Afrique noire. « Connaissance du Tiers-Monde. Paris VIII ». Entreprises et entrepreneurs en Afrique (XIX<-XX° siècles). 2 vol. Ruben UM NYOBÈ, Le problème national Kamerunais. Wafik RAOUF, Nouveau regard sur le nationalisme arabe. Ba’th et Nassérisme. Ahmet INSEL, La Turquie entre l’ordre et le développement. ODILE GOERG COMMERCE ET COLONISATION EN GUINÉE 1850-1913 Préface de Jean-Pierre CHRÉTIEN Éditions L'Harmattan 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique 75005 Paris En couverture : la pesée du caoutchouc à Conakry en 1898 (coli. privée). Cet ouvrage est publié avec le concours de l’Unité Asso- ciée — C.N.R.S. — Paris-VII « Tiers-Monde, Afrique: Les sociétés dans leur histoire et leur environnement. » et avec le concours de la Direction de la Recherche du ministère de la Coopération. © L'Harmattan, 1986 ISBN : 2-85802-473-9 ISSN : 0757-6366 Préface Cet ouvrage est en mesure de faire date. En effet la Guinée était peu représentée, depuis une vingtaine d'années, dans les bibliographies courantes. Odile Goerg aura eu le mérite, avant même les événements qui ont ouvert un nouveau cours en 1984, de réussir à y mener une première enquête historique digne de ce nom, sans sacrifier en quoi que ce fût au verbalisme idéologique dans lequel baignaient les sciences sociales enseignées à l’époque dans ce pays. La rigueur scientifique du métier d'’historien n'exclut pas, bien au contraire, le souci d'apporter un éclairage neuf à des problèmes actuels. Précisément cette histoire économique de la Guinée entre le milieu du XIXe siècle et la Première Guerre mon- diale, période cruciale de son histoire contemporaine, entre la fin de la traite négrière et la mise en place du régime colonial, va beaucoup plus loin qu’une chronolo- gie du développement des échanges commerciaux. Elle met en valeur deux séries de contradictions dont a hérité l’espace guinéen tel que l'ont défini les frontières modernes. D'abord les contrastes régionaux, loin de nourrir des complémentarités, apparaissent comme porteurs de cliva- ges culturels, sociaux et politiques profonds : les popula- tions concernées étaient au siècle dernier tournées vers des horizons très différents. Traitants des Rivières du sud, colporteurs dioula de l’est et pouvoirs peul du Futa Dija- 5 lon mènent chacun leur jeu, à partir de denrées, de prati- ques et de contacts propres. Ils seront obligés de cohabi- ter sous le drapeau français à la fin du XIXe siècle. La lec- ture des descriptions précises et concrètes dont Odile Goerg nourrit ses analyses sur ces trois « marchés » apporte selon nous des éléments de compréhension plus solides sur les oppositions « ethniques » de la Guinée con- temporaine que maint tableau ethnologique. Une autre gamme de contradictions est issue des qui- proqguos entretenus par le discours et la pratique de la colonisation. On prétendait intégrer au sein du marché mondial des populations désunies et somnolentes, et on disloquait les réseaux les plus vivants qu'elles avaient bâtis au cours de leur histoire, au profit du seul débouché de Conakry et de l’axe ferroviaire peu à peu étiré jusqu’à Kankan. On lançait des produits-miracles qui connais- saient tour à tour des crises catastrophiques. On invo- quait la liberté des échanges et on s'aftaquait à l’autono- mie des partenaires africains pour les mettre sous la coupe des règles comptables d’une bureaucratie étrangère et, plus concrètement, réduire leur influence au profit de tra- Jiquants libano-syriens, agents des firmes européennes. Finalement les logiques de la modernisation à la mode coloniale ont été vécues de manière fort peu rationnelle, si l’on se met, comme l'historien tente de le faire, à la place de ceux qui en ont été les témoins privilégiés, nous vou- lons parler bien sûr des peuples d'Afrique à la fin du XIXe siècle. On aura compris que, par delà les oppositions stériles entre anthropologie et histoire, entre « sociétés fradition- nelles » et « changement colonial », l’étude d’Odile Goerg nous offre, très simplement et très finement à la fois, un beau livre d'histoire africaine. Jean-Pierre CHRÉTIEN Introduction L'activité commerciale sous forme d’économie de traite (1) résume le mode d’exploitation économique de la plupart des colonies d’Afrique occidentale. L'analyse des échanges — pratiques commerciales, réseaux, objets, agents du commerce... — permet ainsi de saisir les trans- formations majeures qui affectèrent les sociétés coloni- sées, transformations parfois amorcées avant l’ère colo- niale. L’étude de réseaux d'échange précoloniaux et de leur devenir après la mainmise coloniale montre, sur l’exemple de la Guinée, le démantèlement de réseaux com- plexes et la substitution à cette organisation ancienne d’une autre dominée de l’extérieur. L’analyse de l’attitude de l’administration vis-à-vis de ce commerce traditionnel prouve la rapidité avec laquelle les colonisateurs surent détruire cette organisation séculaire ou du moins la subor- donner à leurs fins, déposséder les commerçants locaux du contrôle des échanges pour n’en faire que des auxiliai- res du commerce européen. Par une comparaison des systèmes commerciaux avant et après la colonisation, nous tenterons de mettre en valeur à l’échelle d’une colo- nie ce remodelage de la géographie des échanges (2), les modifications profondes des pratiques commerciales et le renouvellement des agents du commerce du fait de l’intru- sion massive de nouveaux éléments. (1) « Transaction intervenant entre deux systèmes de production non har- monisés : contre des produits bruts ou semi-bruts issus d’une économie de type agricole aux techniques restées traditionnelles sont échangés des biens manufac- turés à la consommation immédiate ou courante », C. COQUERY-VIDROVITCH et H. MonioT, L'Afrique noire de 1800 à nos jours, p. 297-298. (2) Voir les développements de Miège, Expansion européenne et décolonisa- tion de 1870 à nos jours, 1973, p. 237 sq., P.U.F. L'exemple de la Guinée est intéressant à plusieurs ticres. Notons tout d’abord le manque d’étude globale concer- nant le début de l’ère coloniale en Guinée, malgré l’importance de cette colonie dans l’ensemble de l’Afrique occidentale française et la spécificité des options prises au moment de l’indépendance notamment en matière économique (3). De plus, l’intense activité commerciale qui caractérisait les régions regroupées dans l’actuelle Guinée en fait un champ d’étude privilégié pour observer les bouleverse- ments découlant de l’intrusion coloniale qui interrompit brusquement l’évolution propre des systèmes commer- ciaux (4). Trois zones se signalent tout particulièrement par limportance des échanges : les « Rivières du Sud », mar- quées par l'influence européenne, la partie orientale domi- née par la cité commerciale de Kankan, liée à la région aurifère du Bouré, et les marchés forestiers drainant les noix de cola. Ainsi, encore moins qu'ailleurs, les colons se trouvèrent-ils confrontés à un vide commercial, à l'absence de traditions justifiant l’imposition d’une nou- velle organisation. Le début de l’ère coloniale est caractérisée de façon très ponctuelle par le cycle commercial du caoutchouc dont la date terminale — chute des cours du caoutchouc de cueil- lette en 1913-1914 — clôt cette étude. L’existence d’un produit de traite privilégié accéléra l’exploitation coloniale et accentua l’impact de l’économie de traite par la mise en place précoce et rapide d’une infrastructure d’exporta- tion ainsi que d’un système fiscal pesant. Ce phénomène est d’autant plus frappant qu’au cycle du caoutchouc suc- (3) Ceci concerne la période du gouvernement de Sékou Touré (1958-mars 1984). Après une étatisation quasi-totale du commerce (Suret-Canale, La Répu- blique de Guinée, p. 205 à 216), la Guinée semble vouloir redonner une cer- taine place au commerce privé ; voir notamment la Conférence Nationale sur le commerce privé de juin 1979 (compte rendu dans Horoya, organe central du Parti-État de Guinée, 10 et 11 juillet 1979). (4) Avant la colonisation les Européens se contentaient de réceptionner les- produits aux différentes escales de traite sans intervenir sur les conditions de production et d'acheminement de ceux-ci : la réponse aux nouvelles demandes commerciales découla par conséquent d’une adaptation des réseaux et pratiques commerciales africaines ; ceci est à nuancer dans le cas de l’arachide, produit de culture. 8 céda une phase de « vide économique » — sans que la pression fiscale ne se relâche — avant que l’exportation des bananes, dans les années 1930, ne fournisse à la Gui- née un autre produit d’exportation privilégié. La nature-même des sources infléchit quelque peu cette étude, d’une part par l’accent mis sur le commerce à lon- gue distance et le commerce extérieur au détriment des échanges locaux plus diffus et d’autre part par l’aspect dominant des phénomènes de structure aux dépens d’une analyse conjoncturelle et quantitative précise. En effet les sources écrites, essentiellement européennes, privilégient toujours les échanges qui mettent en jeu les rapports avec l'Europe et minimisent les menues relations commerciales locales. Cependant cette restriction ne vide pas l’analyse de tout intérêt : comme le souligne Suret- Canale, ce secteur d'économie de marché, « marginal en ce sens qu’il n’englobe qu’une fraction secondaire de l’activité productrice des hommes, dont l’essentiel, consacré à l’autosubsistance, continue de se dérouler dans le cadre des structures traditionnelles (...) commande toute l’activité économique et sociale. C’est lui le seul secteur dynamique, mobile, en expansion, qui se subordonne les structures traditionnelles réduites à un rôle passif, inerte » (5). En ce qui concerne la période précoloniale, pour laquelle les séries statistiques sont par trop partielles ou peu fiables, on ne peut pas toujours quantifier les phéno- mènes, même de façon approximative. Il est ainsi impos- sible de comparer quantitativement les flux commerciaux avant et après la mainmise coloniale et l’on ne peut que constater la croissance générale des échanges, correspon- dant à une pression accrue sur les producteurs. A l’exception du chapitre intitulé « La Guinée sous le régime colonial » de l’ouvrage de Suret-Canale (6), peu d’études récentes furent consacrées à la Guinée coloniale alors que celle-ci fut l’objet de nombreux écrits — tant livres qu’articles divers — vers 1900-1910, les contempo- (5) SURET-CANALE, La république de Guinée, 1970, p. 96. (6j Idem chapitre IF, p. 81 à 157. rains étant frappés par les transformations rapides et l’essor des exportations du caoutchouc ; ces livres, ceux d’Arcin (1907-1911), Madrolle (1895), Rouget (1906), Famechon (1900), Aspe-Fleurimont (1900)... fourmillent de renseignements d’une inégale valeur. Certaines études récentes apportent cependant des élé- ments intéressant la problématique envisagée, qu’il s’agisse de celle de Schnapper sur « La politique et le commerce français dans le golfe de Guinée de 1838 à 1871 », de la thèse de Pehaut sur les oléagineux ou de celle de Person, fondamentale pour la partie orientale de la Guinée actuelle (7). Les archives constituent dans ces conditions l’essentiel des sources utilisées : rapports antérieurs à la mainmise coloniale effective (Archives Nationales du Sénégal, série 7G), documents périodiques émanant des autorités colo- niales (A.N.S., série 2G), ou compte-rendus variés de mis- sions (série 1G). Quatre fonds furent diversement consul- tés : ceux primordiaux du Gouvernement Général de l'A.O.F. à Dakar (A.N.S.) et du ministère des Colonies à Paris (A.N.S.O.M.) ainsi que ceux du Public Record Office à Londres (P.R.O.) et des Archives nationales de Guinée à Conakry (A.N.G.) qui offre, en particulier, d’intéressantes monographies datant de 1908-1912. Les documents du P.R.O. permettent d’éclairer le processus de la mainmise coloniale française par le point de vue de la Grande-Bretagne, puissance rivale, notamment dans les Rivières du Sud. La lacune essentielle des sources utilisées est l’absence de recours aux traditions orales et enquêtes. Celles-ci auraient permis de faire contre-point aux sources quasi- exclusivement coloniales, de les éclairer différemment et d’approfondir certains aspects comme les réseaux fami- laux par exemple. Un séjour en Guinée m’a permis d’approcher de façon indirecte et très partielle ce type de source par le biais des recherches d’historiens guinéens (7) SCHNAPPER, La politique et le commerce français dans le Golfe de Gui- née, Paris, Mouton, 1961. PEHAUT Ÿ., Les oléagineux dans les pays d’Afrique occidentale associés au marché commun, Lille, 1974. PERSON Y., Samori, une révolution dyula, Dakar, 1968-1975. 10

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