Commenting on Aristotle’s Rhetoric, from Antiquity to the Present Commenter la Rhétorique d’Aristote, de l’Antiquité à la période contemporaine International Studies in the History of Rhetoric Editors Laurent Pernot (Executive Editor, Strasbourg, France) Craig Kallendorf (College Station, U.S.A.) Advisory Board Bé Breij (Nijmegen, Netherlands) Rudong Chen (Pekin, China) Manfred Kraus (Tübingen, Germany) Gabriella Moretti (Trento, Italy) Luisa Angelica Puig Llano (Mexico City, Mexico) Christine Sutherland (Calgary, Canada) Volume 11 The titles published in this series are listed at brill.com/rhet Commenting on Aristotle’s Rhetoric, from Antiquity to the Present Commenter la Rhétorique d’Aristote, de l’Antiquité à la période contemporaine Edited by / édité par Frédérique Woerther LEIDEN | BOSTON The Library of Congress Cataloging-in-Publication Data is available online at http://catalog.loc.gov LC record available at http://lccn.loc.gov/2018024237 Typeface for the Latin, Greek, and Cyrillic scripts: “Brill”. See and download: brill.com/brill-typeface. issn 1875-1148 isbn 978-90-04-37623-6 (hardback) isbn 978-90-04-37624-3 (e-book) Copyright 2018 by Koninklijke Brill NV, Leiden, The Netherlands. Koninklijke Brill NV incorporates the imprints Brill, Brill Hes & De Graaf, Brill Nijhoff, Brill Rodopi, Brill Sense and Hotei Publishing. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, translated, stored in a retrieval system, or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording or otherwise, without prior written permission from the publisher. Authorization to photocopy items for internal or personal use is granted by Koninklijke Brill NV provided that the appropriate fees are paid directly to The Copyright Clearance Center, 222 Rosewood Drive, Suite 910, Danvers, MA 01923, USA. Fees are subject to change. This book is printed on acid-free paper and produced in a sustainable manner. Table des Matières Préface vii Preface xiv Notes on Contributors xx 1 Les commentaires grecs tardo-antiques et byzantins à la Rhétorique : hypothèses sur une quasi-absence 1 Pierre Chiron 2 Qu’est-ce que le commentaire anonyme des CAG XXI 2 ? 14 Camille Rambourg 3 Al-Fārābī commentateur d’Aristote dans les Didascalia in Rethoricam Aristotelis ex glosa Alpharabii 41 Frédérique Woerther 4 Rhetoric in the Court: Averroes on Testimonial Witnessing and Oaths 64 Feriel Bouhafa 5 Avicenna and Aristotle’s Rhetoric: Lexical Options 89 Gaia Celli 6 The Commentary on the Rhetoric by Bar Hebraeus 116 John Watt 7 Le commentaire littéral de la Rhétorique d’Aristote par Gilles de Rome (1272-1273) 132 Costantino Marmo 8 Jean de Jandun : la rhétorique comme révolte 153 Iacopo Costa 9 John Buridan on Rhetoric: The Quaestiones super Rhetoricam Aristotelis 174 Margareta Fredborg 10 Renaissance Synoptic Commentaries on Aristotle’s Rhetoric 211 Lawrence D. Green vi Table des Matières 11 Paraphrase, Exegesis, Common Sense: Edward Meredith Cope’s Commentary on Aristotle’s Rhetoric 231 Harvey Yunis 12 Heidegger’s 1924 Commentary on Aristotle’s Rhetoric, and the Destruction of the Corpus Aristotelicum 246 Daniel M. Gross 13 Conclusions : tradition et atypisme dans les commentaires de la Rhétorique 262 Jean-Baptiste Gourinat Bibliographie générale 289 Index Nominum 308 Index Verborum 314 Préface Le présent volume tire son origine du colloque international « Commenter la Rhétorique d’Aristote, de l’Antiquité à nos jours », organisé à Paris les 16 et 17 juin 2016 à l’École Pratique des Hautes Études1. Les articles, rassemblés ici comme autant de chapitres d’un livre, ont été révisés et mis à jour par leurs auteurs, qui ont eu la patience de préparer avec moi cette publication. Je tiens à remercier tout particulièrement le Professeur Margareta Fredborg et le Docteur Feriel Bouhafa, qui ont accepté de se joindre à cette entreprise collec- tive en rédigeant un article sur Buridan et sur Averroès ; mes remerciements vont également à Harvey Yunis, qui m’a apporté une aide précieuse et efficace dans la révision des articles rédigés en anglais. En guise d’introduction, je souhaiterais rapidement esquisser les question- nements qui furent à l’origine de cette rencontre dédiée à l’histoire et aux méthodes des commentaires à la Rhétorique d’Aristote. Cette démarche a résidé dans une simple constatation. L’activité de com- mentaire donne lieu à une production de textes très hétérogènes, de longueur variable, à la présentation matérielle fluctuante, incluant ou non le texte com- menté, prenant tantôt la forme de notes marginales, tantôt la forme de gloses, s’incarnant aussi dans ce que l’on appelle souvent trop rapidement des épito- mai, un terme qui ne recouvre pas une forme clairement repérable puisqu’il peut désigner aussi bien le résumé d’une œuvre entière que l’exégèse d’une seule portion du texte considéré ; et si l’on se tourne cette fois du côté de la tradition arabe, la forme du commentaire s’incarne, lit-on généralement, dans ces trois formes devenues canoniques que sont l’abrégé (muḫtaṣar) ou le petit commentaire (ğawāmiʿ), le commentaire moyen ou paraphrase (talḫīṣ), et le grand commentaire (šarḥ) – mais encore faut-il exercer ici toute la prudence requise, car chacun de ces trois genres est loin d’avoir fait l’objet d’une codifi- cation rigoureuse, et l’observation précise de ces pratiques discursives semble plutôt indiquer qu’elles n’obéissent jamais à une mise en œuvre immuable, qu’elles ne poursuivent pas toujours le même objectif ni qu’elles empruntent 1 Cette manifestation a pu avoir lieu dans les meilleures conditions grâce à l’appui sans faille de Philippe Hoffmann, Pierre Caye, Sylvio de Franceschi et Pierre Chiron, et grâce au soutien financier des institutions qu’ils représentent : le LabEx Hastec, le Centre Jean Pépin (CNRS, UMR 823), le LEM (CNRS, UMR 8584), l’Institut Universitaire de France et l’Université de Paris-Est. viii WOERTHER inlassablement les mêmes méthodes, comme Steven Harvey l’a encore récem- ment montré dans le cas des commentaires d’Averroès à la Physique d’Aristote2. Face à cet essaim de pratiques discursives, il se n’agira pas de tenter de sai- sir abstraitement ce qui constituerait l’essence du commentaire. Il s’agira au contraire d’embrasser ces pratiques dans leur diversité afin de rendre compte le plus fidèlement possible de leurs différences et de chercher à identifier les conditions qui les ont déterminées selon les aires linguistiques, en fonction des conditions sociales, culturelles, religieuses, intellectuelles dans lesquelles ces commentaires ont été non seulement produits, mais aussi accueillis. Si je devais, à partir de ma propre expérience des commentaires, définir ce qui constitue ce « genre » littéraire, je dirais qu’il s’agit d’une production qui se situe quelque part entre la répétition, sous une autre forme, d’un même énoncé, et la construction d’une entité autonome dont l’origine ultime est toujours situable dans un autre texte. Mais il conviendrait de compléter peut- être cette formule encore trop vague par d’autres propositions qui tentent elles aussi d’enserrer le commentaire dans des limites qui sont autant de pôles. Je me bornerai ici à en citer trois. Le commentaire oscillerait, tout d’abord, entre ce que j’appellerai l’« élu- cidation » et l’« interprétation ». J’entends ici par « élucidation » ce qui correspond grossièrement à l’explication de texte scolaire, impersonnelle – celle qui est enseignée dans les écoles et les universités, et qui met en œuvre toute une série d’opérations qui remontent pour certaines d’entre elles jusqu’aux progymnasmata de la période hellénistique ; par « interprétation » au contraire, une opération plus subjective, qui ne suit pas forcément de règles ni de méthodes précises, mais obéit aux impulsions propres de celui qui inter- prète et réagit d’une manière personnelle face à un texte sans se laisser guider par la moindre autorité extérieure. Dans quelle mesure les diverses formes de commentaires négocient-elles cette situation d’écartèlement ? À l’opposition statique entre subjectivité et objectivité ne devrait-on pas substituer plutôt l’idée que l’exercice de commentaire le plus systématique, le plus contraignant, ne se départit jamais d’une composante personnelle ? Deuxièmement, le commentaire engagerait des méthodes exégétiques que l’on peut grossièrement diviser en trois approches. D’une part, l’approche phi- lologique, qui vise à saisir le sens d’un texte en le recontextualisant, dans l’idée qu’il doit être considéré comme le produit d’un contexte particulier, à la fois intellectuel, social, économique, matériel, et que ce sont les conditions de sa production qui doivent nécessairement déterminer celles de sa réception. 2 Harvey 2011, p. 81-97 ; Harvey (non publié). Préface ix D’autre part, l’approche philosophique qui, prenant le contre-pied de l’ap- proche philologique, cherche au contraire à abstraire le sens universel d’un texte en l’envisageant comme une production indépendante de tout contexte. Il faut enfin ajouter au moins encore une troisième voie, laquelle consiste à commenter un texte en l’adaptant aux conditions spécifiques de sa réception afin de rendre plus aisée son appropriation par le lecteur au prix, parfois, de sérieux anachronismes. Enfin, troisièmement, le commentaire oscillerait entre dépendance et autonomie : tantôt texte-outil relégué à un statut inférieur dans un rapport de verticalité avec le texte qu’il commente, tantôt entité indépendante, lisible pour elle-même, se dispensant de toute connaissance du texte commenté. En travaillant sur le Commentaire moyen d’Averroès à l’Éthique à Nicomaque d’Aristote, il m’est ainsi apparu qu’en reformulant le plus clairement possible la version arabe de l’Éthique à Nicomaque, Averroès visait non pas à éclairer le texte d’Aristote, mais cherchait plutôt à produire, à partir de ce texte même, une forme nouvelle, plus lisible, plus complète, plus homogène, et même plus aristotélicienne encore que le texte d’Aristote – ce qui rend par conséquent caduque la version arabe à partir de laquelle il travaille. Le Commentaire moyen à l’Éthique à Nicomaque ne doit dès lors plus être envisagé comme une sous-catégorie philosophique, ontologiquement dégradée parce qu’elle dérive son existence d’une autorité première et supérieure (celle d’Aristote) : au contraire, il semble que le rapport reliant le texte et son commentaire – l’Éthique à Nicomaque et le Commentaire moyen à l’Éthique à Nicomaque – doive dans ce cas être considéré comme un rapport horizontal, où un texte donne naissance à un autre texte, autonome et doué d’une existence, d’une unité et d’une cohérence qui lui sont propres. Pour emprunter les catégories de Gérard Genette, le rapport d’intertextualité qui relie l’Éthique à Nicomaque au Commentaire moyen à l’Éthique à Nicomaque ne doit pas être envisagé comme un rapport de métatextualité – relation dite plus couramment « de commen- taire », comme l’est pas exemple la relation critique3 – mais comme un rapport d’« hypertextualité », que Genette définit ainsi : 3 La métatextualité est la relation « “de commentaire”, qui unit un texte à un autre texte dont il parle, sans nécessairement le citer (le convoquer), voire, à la limite, sans le nommer : c’est ainsi que Hegel, dans la Phénoménologie de l’Esprit, évoque, allusivement et comme silen- cieusement, le Neveu de Rameau. C’est, par excellence, la relation critique » (Genette 1982, p. 10). x WOERTHER Toute relation unissant un texte B (que j’appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que j’appellerai, bien sûr, hypotexte) sur lequel il se greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire. (…) Pour le prendre autrement, posons une notion générale de texte au second degré (je renonce à chercher, pour un usage aussi transitoire, un préfixe qui sub- sumerait à la fois l’hyper- et le méta-) ou texte dérivé d’un autre texte préexistant. Cette dérivation peut être soit de l’ordre descriptif et intellec- tuel, où un métatexte (disons telle page de la Poétique d’Aristote) « parle » d’un texte (Œdipe Roi). Elle peut être d’un autre ordre, tel que B ne parle nullement de A, mais ne pourrait cependant exister tel quel sans A, dont il résulte au terme d’une opération que je qualifierai, provisoirement en- core, de transformation, et qu’en conséquence il évoque plus ou moins manifestement, sans nécessairement parler de lui ou le citer. L’Énéide et Ulysse sont sans doute, à des degrés et certainement à des titres divers, deux (parmi d’autres) hypertextes d’un même hypotexte : l’Odyssée4. Cette esquisse des limites à l’intérieur desquelles la pratique du commentaire semble se mouvoir est évidemment approximative et bien incomplète. Elle n’a été proposée ici qu’à titre très général, car il s’agira en réalité de mener ici une réflexion sur la pratique du commentaire à partir de la tradition de la Rhétorique d’Aristote. C’est parce qu’il a été lu et commenté depuis le moment de sa rédac- tion jusqu’à aujourd’hui, dans des contextes différents, que ce traité constitue en effet un point d’observation exemplaire quand on cherche à retracer l’his- toire de la pratique du commentaire dans une perspective comparatiste. Cette recherche pourra notamment mettre en œuvre les approches suivantes. Premièrement, sur un plan purement matériel, il s’agit de considérer l’or- ganisation spatiale de la page en observant le rapport visuel qu’entretiennent texte commenté et commentaire. Il s’agit d’observer si le texte commenté est toujours inclus dans le commentaire et, dans le cas où il viendrait à disparaître, tenter d’éclairer les raisons de cette absence. Deuxièmement, sur un plan linguistique, il s’agit de décrire les diffé- rentes transformations que les commentaires imposent à la Rhétorique, tant au niveau de la microstructure que de la macrostructure et de l’énoncia- tion : quand et pourquoi le commentateur intervient-il en son nom propre ? Le texte commenté subit-il un redécoupage ? La modalisation et le régime 4 Genette 1982, p. 11-12.
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