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Clodiana religio. Un procès politique en 61 av. J.-C. PDF

261 Pages·1982·10.559 MB·French
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CUODIANA RELIGIO un procès politique en 61 avant J.C. Ph. Moreau PUBLICATIONS DE-LA SORBONNE LES BELLES LETTRES ÉTUDES ANCIENNES Université Paris IV PUBLICATIONS DE LA SORBONNE Série « NS Études » — 17 Université de Paris IV - Paris-Sorbonne CLODIANA RELIGIO Un procès politique en 61 av. J.-C. par Philippe MOREAU Maître-assistant à l'Université de Paris-Sorbonne Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique COLLECTION D'ÉTUDES ANCIENNES publiée sous le patronage de VASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ CLODIANA RELIGIO Un procès politique en 61 av. J.-C. par Philippe MOREAU Maître-assistant à l'Université de Paris-Sorbonne Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique PARIS SOCIÉTÉ D'ÉDITION « LES BELLES LETTRES » 95, BOULEVARD RASP AIL, PARIS 1982 Jules Cesar ne fit autre mal à sa femme Pompeia, sinon la répu dier, laquelle avoit esté adultère de P. Claudius, beau jeune gentilhomme romain, de laquel le estant eperdument amoureux, et elle de luy, espia l'occasion qu'un jour elle faisait un sacrifi ce en sa maison, où il n'y entroit que des dames : il s'habilla en garce, luy qui n'avoit encore point de barbe au menton, qui se meslant de chanter et de jouer des instrumens, et par ainsi, passant par cette monstre, eut loisir défaire avec sa maîtresse ce qu'il voulut;mais, estant cogneu, il fut chassé et accu sé ; et par moyen d'argent et de faveur, il fut absous et n'en fut autre chose. Ciceron y perdit son latin par une belle oraison qu'il fit contre lui. Brantôme, Les dames galantes, éd. Lalanne, VIII, p. 198. A un moment où les historiens se penchent volontiers sur des séries longues de plusieurs siècles, il faut sans doute se justifier de consacrer une étude, même de dimen sions modestes, à un ensemble d'événements qui se sont déroulés en quelques mois, et ont trouvé leur origine dans un épisode mineur de la chronique galante et scandaleuse de la République romaine finissante. L'intérêt n'en sera certes pas la reconstitution des faits eux-mêmes, mais bien plutôt l'étude de leurs répercussions sur la société romaine (presque essentiellement, bien sûr, sa classe dirigeante). Les sources antiques (au tout premier chef, la Correspon dance de Cicéron) forment un réseau assez serré pour que l'on puisse espérer reconstituer avec quelque vraisemblan ce les mailles manquantes, en s'appuyant sur ce que l'on sait d'autre part des pratiques usuelles de la vie politique, des règles du droit public et privé. Et la précision à laquel le on aboutit (assez rarement atteinte à ce degré pour une affaire judiciaire, même à une époque bien documentée comme la fin de la République) permet de saisir, dans le détail, le fonctionnement des organes politiques, religieux et judiciaires de l'Etat romain. Car c'est un des intérêts de l'épisode qu'un grand nombre d'institutions et de groupes 8 CLODIANA RELIGIO de toute espèce y soient impliqués : sénat, comices, princi paux magistrats, figures dominantes du monde politique, quelques figuresf éminines, même, pontifes et Vestales, une quaestio, le groupe dur des optimates (appelons-les provi soirement ainsi), les boni, les populares, des associations populaires plus ou moins légales. Seule peut-être l'armée n'est pas directement présente, sinon par le souvenir des campagnes de Clodius en Orient : mais toute l'affaire se déroule en présence des vétérans de Pompée, juste revenus en Italie. On peut donc saisir, dans la complexité de leurs interactions, toutes les forces, composantes et valeurs de la société romaine : groupes fondés sur la solidarité genti- lice ou familiale, groupes d'âge (les barbatuli iuuenes) groupes reposant, partiellement au moins, sur une identité d'idéologie, relations interpersonnelles qui se créent, s'in fléchissent ou se brisent, puissance de l'argent, rôle des mentalités religieuses ou morales. En un mot, malgré le caractère minime et contingent de son point de départ, l'affaire de la Bona Dea peut être considérée comme le révélateur du fonctionnement d'une société complexe, à un moment de crise, où les tensions qui vont finir par la déchirer sont déjà nettement percepti bles : c'est dans cette optique qu'il a paru intéressant de mener l'étude. Vu le caractère limité du point de départ, il y aurait eu une audace excessive à extrapoler et à présenter des conclusions générales sur la société politique du Ier siècle avant J.-C. Cependant, plus modestement, l'étude a été menée avec une arrière-pensée constante : tester, sur un cas précis, les théories d'ensemble soutenues sur la vie politique de la République finissante, en particulier sur le rôle d'éventuels « partis », pourvus d'une idéologie, de thèmes, d'objectifs et de moyens d'action propres, ou, au contraire, de groupes fondés sur des solidarités de person- AVANT-PROPOS 9 ne à personne (les liens familiaux occupant une place déterminante), servant à quelques grandes figuresd 'instru ment dans la conquête du pouvoir : quelques observations seront présentées, en conclusion, sur ces questions. Cette étude est issue d'une thèse de doctorat de 3e cycle, rédigée sous la direction de M. Pierre Grimai, et soutenue en juin 1973 devant un jury comprenant également MM. Alain Michel et Claude Nicolet, puis totalement refondue pour tenir compte des observations du jury, et des nombreuses publications parues depuis cette date. Sous sa nouvelle forme, ce travail a bénéficié des critiques et des remarques de MM. Grimai et Nicolet, comme d'ailleurs, plus généralement, de leur enseignement à la Sorbonne ou à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes. A l'un et à l'autre, je dois plus que je ne puis dire. Plusieurs chapitres ont été rédigés lors de séjours à l'Ecole Française de Rome, et mes remerciements vont à ses responsables, MM. Georges Vallet et Michel Gras. Enfin, last but not least, M. Jean-Louis Ferrary m'a amicalement et généreusement fait bénéficier de sa science imparable. Que tous soient assurés de ma reconnaissance. CHAPITRE I LE SCANDALE DES DAMIA /. LES EVENEMENTS Les indications les plus détaillées sur ce point ne nous viennent pas de Cicéron, mais de Plutarque et du scholias- te de Bobbio ; ce dernier, d'après E. Badian \ tirant toutes ses informations des discours de Cicéron qu'il commente, on doit considérer que les passages perdus de Vin Clodium et Curionem contenaient un récit détaillé que Att. 1, 14 à 16, où Cicéron s'en tient à l'essentiel. Quant à Plutar que, dont les deux récits concordants, Caes. 9-10 et Cic. 28-29, sont exceptionnellement précis, R. Flacelière pense qu'il tire ses indications de la Correspondance, et fait remarquer la coïncidence de Att. 1, 16, 5 (le bon mot de Catulus) et Cic. 29, 7, et celle de Att. 1, 16, 10 (plaisante rie de Cicéron sur les juges) et Cic. 29, 10, mais n'exclut pas l'utilisation de la biographie due à Tiron, et de son recueil de bons mots de Cicéron2, ce qui est très probable, le récit de Plutarque étant plus riche que la Correspondan- (1) E. Badian, Marius' Villas : The Testimony of the Slave and the Knave, JRS, 63, 1973, p. 125-131. (2) R. Flacelière, Plutarque, Vies, 12, Paris, Belles-Lettres, 1976, p. 56-63. 12 CLODIANA RELIGIO ce. La combinaison de Plutarque et du Scholiaste de Bobbio permet donc de reconstituer ainsi les faits : une nuit3 de décembre 62, pendant la célébration des Damia, fête annuelle de la Bona Dea, se produisit un scandale sans précédent4 : tandis que, dans la maison de César, alors préteur (la fête, étant organisée pro populo, devait se dérouler dans la demeure d'un magistrat à imperium 5), sous la direction d'Aurelia, sa mère, en présence de Pompeia, sa femme, et de Iulia, sa sœur, et des Vestales, les dames de l'aristocratie romaine6 célébraient le culte secret (et non les mystères, comme on le dit parfois 7) de (3) Sur le caractère nocturne de la fête, Plut., Caes. 9,8 ; Cic, Att. 2, 1, 5 ; et, sur le culte de la Bona Dea en général : Marquardt, Le culte chez les Romains, 2, p. 32-34 ; Wissowa, Religion und Kultus 2, p. 216-217 ; Warde Fowler, Roman Festivals, p. 255-256 ; K. Latte, Reli gionsgeschichte, p. 228-230. (4) Souligné par Cic, Har. resp. 17, 37 :quod quidem sacrificium nemo ante Clodium omni memoria uiolauit. (5) Cic, Har. resp. 17, 37 :fit in ea domo quae est in imperio ; cf. Plut., Caes. 9, 7 ; Cic. 19, 4 ; Dio Cass., 37, 45, 1. Aurelia agissait en qualité de mère du magistrat : Plut., Cic. 19, 5 : 8ià yovaiKôç f\ nntpôç aoToû. Cf. Schol. Bob. p. 26 H. Son autorité dans la maison de César est soulignée par Baisdon, Historia, 15, 1966, p. 66. (6) Sur la présence de Pompeia et des Vestales, Schol. Bob. p. 20 H. ; Cic, Har. resp. 17, 37 ; Plut, Cic. 28, 1 et 19, 5. Seules les Romaines de haut rang (donc des femmes appartenant aux mêmes cercles que Clodius) étaient conviées : Cic, Mil. 10, 27 : matronas honestissimas. (7) E. Ciaceri, Cicerone e i suoi tempi, 2, Rome, 1930,p. 21 ; J. L. Strachan-Davidson, Problems of the Roman Criminal Law, 2, Oxford, 1912, p. 40 ; Wissowa, Religion und Kultus 2, p. 216-217, considèrent ce culte comme un culte à mystères. H. Le Bonniec, Le culte de Cérès à Rome, Paris, 1958, suivi par N. Janssen, Recherches sur le culte de la Bona Dea, nature et évolution, thèse du 3e cycle, Paris, 1962 (inédite), p. 6, a cependant montré que Cicéron ne parle jamais de mysteria ou à?ini tia à propos.de la Bona Dea, mais seulement de sacrificium. Voir à ce propos les allusions évidentes de Leg. 2, 9, 21 : nocturna mulierum sacri- ficia ne sunto praeter olla, quae pro populo rite fient, et 2, 14, 36 : qua licentia Romae data quidnam egisset ille (évidemment Clodius), qui in sacrificium cogitatam libidinem intulit, quo ne imprudentiam quidem LE SCANDALE 13 cette déesse dont le culte était interdit aux hommes, et dont le nom même devait leur rester inconnu, un homme, grâce à la complicité d'une esclave de Pompeia nommée Habra8, pénétra dans la maison que César et ses servi teurs mâles avaient dû quitter cette nuit-là, pour respecter le rituel. L'homme était déguisé en femme, précisément en musicienne9 (et ce travestissement lui vaudra longtempsles ocutorum adici fas fuit ? Le seul point commun avec les mystères est le caractère secret : le sacrifice s'effectue in operto : Sén., Luc. 97, 2 ; Schol. Bob. p. 20 H. Cf. Juv., 6, 314 : Bonae sécréta deae ; Cic, Har. resp. 17, 37 : uetusta occultaque... occultum. Sur les cultes secrets à Rome, voir S. Savage, Remotum a notitia uulgari, TAPhA, 1945, p. 157-165. (8) Le nom de cette esclave est "Aßpa d'après Plut., Cic. 28. 3 (AC- pa selon d'autres manuscrits), mais Plut., Caes. 10, 3, emploie pour la dé signer le nom commun ößpa, « servante favorite ». Cf. Chantraine, DELG, p. 4, s. u. dßpöc ; R. Flacelière, Vies, 9, Paris, Belles-Lettres, 1975, p. 275, et 12, 1976, p. 98 n. 1, voit dans le nom donné à cette esclave un double jeu de mots avec le nom commun ößpa et le nom Aura porté par des esclaves ou des affranchies (13 occurrences dans CIL, VI). La théorie qui fait de "Aßpa la transcription grecque de Aura remonte à R. Estienne, Thesaurus Graecae linguae, 1, p. 78, s. u. Aßpa, et elle est adoptée par J. Carcopino,,/K/es César3, p. 191,et D. Magni- no. Plut. uit. Cic, Florence, 1963, p. 90). La question est compliquée par le scholiaste de Bobbio, qui nomme cette servante Hibera (leçon corrigée par Niebuhr en Habra, et reçue par Hildebrandt). M. Heikki Solin, directeur de l'Institutum Romanum Finlandiae, a bien voulu nous signaler que, parallèlement à Habra (attesté trois fois comme nom de liberta à Rome au Ier s. ap. J.-C. : CIL, VI, 11711, 19135 et 37643, cf. CIL, I2, 2708), on rencontre à la même époque un affranchi Haber (CIL, VI, 7918) et qu'il s'agit de noms d'esclaves tirés, comme il est fréquent, de particularités physiques (gracieux, délicat, frêle) : cf. H. Solin, Die griech. Personennamen in Rom. Ein Namenbuch, Berlin, De Gruyter, 1979, p. 689. La forme Habra - ("Aßpa est donc la plus proba ble, et la forme Hibera du Schol. Bob. est probablement une erreur. (9) Cic, Att. 1, 12, 3 : cum ueste muliebri ; 1, 13, 3 : muliebri uesti- tu ; In Clod, et Cur., fr. 23 : tu, qui indutus muliebri uestefueris ; Schol. Bob. p. 26 H. ; Cic, Har. resp. 20,44 ; Sest. 54, 115 ; Liv., Per. 103 ; - Suét., Diu. Iul. 6. On sait que le sacrifice s'accompagnait de chants et de danses par Plut, Caes. 9, 9 ; Juv. 6, 314 et Schol, uetust. ad. h.

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