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Cinémas de la Méditerranée, cinémas de la mélancolie PDF

118 Pages·2002·2.675 MB·French
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Cinémas de la Méditerranée, Cinémas de la mélancolie -V) - cu .;c:u - ~ c.. V) (1) tj) ~ .E- Collection Images plurielles dirigée par Olivier Barlet Face à la menace de standardisation occidentale, la collection Images plurielles se donne pour but de favoriser la recherche, la confrontation et l'échange sur les scènes et écrans œuvrant de par le monde, dans les marges géographiques aussi bien que dans lamarginalité par rapport aux normes dominantes, à une pluralité de l'image. Elle est ouverte aux champs de l'écriture, de l'esthétique, de la thématique et de l'économie pour le cinéma, l'audiovisuel et le théâtre. Elle privilégie, hors de toute chapelle de pensée, la lisibilité du texte, la liberté des idées et la valeur documentaire. Déjà parus Bernadette PLOT, Un manifeste pour le cinéma: les normes culturelles dans lapremière Revue ducinéma,1997(prix Simone Genevois). Sada NIANG (Sous la direction de), Littérature et cinéma en Afrique francophone: Assia Djebar etOusmane Sembène,1997. Koffi KWAHULE, Pour une critique du théâtre ivoirien contemporain, 1997. Antoine COPPOLA, Le cinéma sud-coréen, 1997. Olivier BARLET, Les cinémas d'Afrique noire: le regard en question, 1997. Yves THORAVAL,Les cinémas de l'Inde, 1998. Sylvie CHALAYE, Du Noir aunègre: l'image duNoir au théâtre (1550- 1960),1998. Jean-Thobie OKALA, Les télévisions africaines sous tutelle, 1999. Paulo Antonio PARANAGUÀ, Le cinéma enAmérique latine: le miroir éclaté, 2000. Martine BEUGNET, Marginalité, sexualité, contrôle dans le cinéma contemporain, 2000. José Alexandre CARDOSO MARQUES, Images de Portugais en France: Immigration etcinéma, 2002 Raphaël Millet Cinémas de la Méditerranée, Cinémas de la mélancolie L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan Italia 5-7,ruedel'École-Polyteclmique Hargitau.3 ViaBava,37 75005Paris 1026Budapest 10214Torino FRANCE HONGRIE ITALIE Couverture: Aouni Kawas et Darina AI-Joundi pendant le tournage de Beyrouth fantôme, de Ghassan Salhab. Cliché D. R. @L'Hannatlan,2002 ISBN: 2-7475-2921-5 En amitié à Xavière et Nadir, Ghassan et Nesrine, Joana et Khalil, Dominique et Mona, Hayet et Jamel, Magda et Marie-Claude, Olivier et Olivier. Les textes qui composent ce recueil reprennent pour la plupart des idées développées dans des articles publiés entre 1996 et 2001 dans les revues Positif, Qantara, Simulacres et Cinémathèque ainsi que dans la dernière édition du Diction- naire du cinéma paru chez Larousse, mais aussi dans les pro- grammes cinématographiques de l'Institut du monde arabe à Paris ainsi que du festivalltBlack Movie" à Genève. Le tout est le fruit de rencontres qui m'ont mené vers des terres et des mers qui n'étaient pas les miennes. "IIest possible, indépendamment du lieu où l'on est né et où l'on vit, de devenir Méditerranéen. La méditerranéité ne s'hérite pas, elle s'acquiert. C'est une distinction, non un avantage. LaMéditer- ranée est aussi un destin." Predrag Matvejevitch, Bréviaireméditerranéen Quant à moi, je suis Breton. Mais aussi Méditerranéen. On a les origines que l'on se découvre. Ou se donne. 6 Introduction "Puisque tout ce qu'on prend dans la main, c'est du vent Puisque tout n'est que ruine, désespoir." Omar Khayam, Rubayat. Il s'est passé quelque chose. Pas grand chose. Et le vent l'emportera certainement... Mais il s'est passé quelque chose. À la fin du siècle dernier. Le xxe... Quelque chose dont on ne gardera peut-être pas vraiment trace, si ce n'est une emprein- te imperceptible dans la longue histoire des images. Les ciné- mas de la Méditerranée, et d'un peu plus peut-être, ont bougé. Ont exprimé quelque chose. Quelque chose d'ancien et de nou- veau à la fois. Exprimé une mélancolie profondément médi- terranéenne. Solaire. Un peu tragique aussi. Terriblement fin de siècle. Oui, une mélancolie solaire, c'est cela. Voire, dans les moments de douce grâce, une mélancolie ensoleillée. Rien là d'incompatible. Une humeur d'après-guerre. D'après les guerres. Un mal-être au monde généralisé de sociétés en ruine, d'humanités à la dérive. Prises dans une tectonique des senti- ments. Saisies dans une faille esthétique. "De ce fait, nous ne voyons pas lamême chose que les individus quivivaientilyadeux ou troiscents ans. Lemême espace ne nous inspire plus les mêmes méditations et ne nous suggère plus le même type de contemplation." AlainCorbin, L'Hommedans lepaysage. 7 Oui, il s'est passé quelque chose. Presque rien. Mais quand même. Une poignée de films, certains remarquables, d'autres néanmoins significatifs, ont vu le jour. Difficilement. Mais ils y sont parvenus. Travaillant en lignes transversales. D'une rive à l'autre. D'un pays à l'autre. D'un regard à l'autre. Jetant des passerelles connues, galvaudées et pourtant renouvelées, réhabitées, entre l'Orient et l'Occident, le Sud et le Nord. Séries de regards croisés, de jambes décroisées, de travellings entrecroisés, fondant l'Orient et l'Occident en de molles caresses, comme disait déjà Gérard de Nerval de ces territoires bordant une même mer. De ces territoires dont l'arrière-pays est moins le désert que la Méditerranée. L'arrière-pays du centre. L'arrière-pays du cœur. L'arrière-pays de tous, qui les rapproche, les unit. Et ne les rend pas heureux pour autant. Mais dont le bleu leur donne le blues, une forme de spleen bien du Midi, bien du Sud... Une humeur sèche et lourde à la fois. Une humeur de quelque chose qui, décidément, ne va pas. Quelque chose de pas nouveau, que le meilleur des ciné- matographies méditerranéennes des dix dernières années a su réinvestir. Se réapproprier. Et réinventer. En nous livrant là une nouvelle vision de la mélancolie éternelle et infinie. Apport crucial s'il en est, pour mieux nous comprendre nous- mêmes. Pas un cinéma, mais des cinémas, si fragiles Et pourtant, les choses ne sont guère aisées. Car de quoi parle-t-on? Quand on sait qu'il n'y a pas Hun"cinéma de la Médi- terranée. Qu'il n'y a même pas Hun" cinéma arabe. Encore moins un cinéma libanais. Et moins encore un cinéma palesti- nien. Il n'y a plus de cinéma algérien. Ily a eu un cinéma égyp- tien dont il reste bien peu, mais ce n'est certes pas là qu'il s'est passé le plus de choses ces derniers temps. Peut-être y a-t-il un cinéma turc, mais rien n'est moins sûr. Un peu au-delà, il semble qu'il y ait un cinéma iranien, en tout cas qui se dessine, s'affirme depuis le milieu des années quatre-vingt. Avec des tendances fortes, identifiables et quasiment dominantes. On 8 pourrait presque parler d'une ligne, d'un mouvement, voire d'une école. Oui, une "école" iranienne, avec tout ce que cela a de nécessairement réducteur. Oui, mais l'Iran, c'est déjà une frontière, une limite où l'aire méditerranéenne s'arrête. Non, en Méditerranée, rien. Ou si peu. Que des cinémas épars, des bribes de cinématographies nationales par ci, les restes d'une grandeur perdue par là. Non, il n'y a pas en Médi- terranée une cinématographie homogène que l'on pourrait sai- sir dans sa totalité, en toute exhaustivité et toute objectivité. Et même si l'on réduisait l'investigation au seul monde arabo- méditerranéen, on ne trouverait rien de plus. Donc, rien. Rien, si ce n'est une sorte d'humeur partagée et transversale. Une synthèse du "sentiment de Méditerranée". Car la Méditerranée, ce n'est pas qu'une géographie, une géologie, une histoire, une géopolitique... C'est aussi une émotion. Oui, un sentiment. Des cinéastes perdus Cela ne constitue pas pour autant une seule et même ciné- matographie. Surtout si les bribes que l'on tente d'assembler, de saisir, sont parfois réduites à peu de chose. Et pourtant, oui, et pourtant encore, il y a des cinéastes. Qui avancent, contre vents et marées, même si ces dernières n'existent pas -ou si peu - en Méditerranée. Mais il y a des marées humaines: Le Caire, Beyrouth, Istanbul... Millions. Il y a des flux et reflux politiques. Des avancées et des retraits militaires. Et au milieu, des cinéastes. Qui travaillent, vaille que vaille. Oui, des cinéastes. Des anciens, qui ont bien du courage de continuer. Des plus jeunes, qui ont bien du courage de se lancer. Car per- sonne n'a dit que c'était facile de faire du cinéma. Surtout pas sur le pourtour méditerranéen. Encore moins quand on en est au Sud. "IIYa des tigres malades dans la mélancolie des couchants Avec des fureurs grises en leurs lents mouvements" Nuno Judice, LaCondescendancede flêtre. 9 Alors, quelle perspective pour un cinéaste libanais? Quel horizon pour un cinéaste algérien? Est-ce beaucoup plus dégagé pour un cinéaste marocain? Ou tunisien? Même pour un réali- sateur turc ou égyptien, il n'y a désormais plus rien d'aisé. La faible quantité d'œuvres produites chaque année en est un signe. Parmi d'autres. Moins strictement économiques, mais peut-être plus politiques. Ces pesanteurs économiques et poli- tiques, justement, voilà qui a rendu les créateurs, et pas seule- ment les cinéastes, bien mélancoliques ces derniers temps. Leur bonheur d'être triste n'est donc pas sans racines géopolitiques. L'impossible bassin méditerranéen L'aire ici étudiée est donc en partie insituable. Un peu ban- cale... Même si l'on sait tout de suite ce que HMéditerranée" veut dire. C'est en fait aujourd'hui l'aire d'une ère. Celle de la fin d'une époque. Ou du début d'une nouvelle. Quelque chose d'insaisissable. À l'image de la mélancolie, toujours indéfinis- sable. Et c'est pourtant le paradigme mélancolique qui va nous permettre de saisir cette aire cinématographique mouvante. Cette aire, ici imparfaitement embrassée, certains la trouve- ront trop large: il aurait fallu s'en tenir aux cinémas arabes; la TUrquie, ce n'est pas le monde arabe, etc.; et que vient faire Israël là-dedans? Pour d'autres, elle sera trop resserrée: la Méditerranée, c'est plus que cela, il y a un quart nord-ouest presque complètement délaissé. L'actualité cinématogra- phique récente de l'Italie, de l'Espagne, voire de la France, ne permet que très peu d'inclure tout cela dans l'analyse ici déve- loppée, au risque de s'écarter de l'axe paradigmatique retenu. Et si des cinématographies Hoccidentales" trouvent leur place dans ce regard porté sur la Méditerranée, c'est davantage comme cinématographies plus anciennes, sorte de corpus, voire de référent. Ce n'en est que plus stimulant: on en vient à embrasser d'un seul coup d'œil, d'un seul mouvement de phrase, aussi bien Pollet, Pasolini, Rosselini, Salvatores, Vis- conti, Tanner, Godard, que Salhab, Ayouch, Allouache, Ustao- glu, Ceylan, Suleiman. 10

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