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Chroniques slaves 2 PDF

217 Pages·2006·1.7 MB·French
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Chroniques slaves Numéro 2 - 2006 Le texte dans la Russie contemporaine Actes du colloque de Grenoble des 12-13-14 mai 2005 Publiés avec le soutien de l’Institut européen Est-Ouest, ENS - LSH CESC CENTRES D’ÉTUDES SLAVES CONTEMPORAINES Université Stendhal-Grenoble 3 1 C OMITÉDE LECTURE MEMBRES DE L’UNIVERSITÉ STENDHAL Alexandre BOURMEYSTER Professeur émérite Isabelle DESPRÉS CESC Florence GOYET Littérature comparée Claude KASTLER Professeur émérite Ludmila KASTLER CESC Valéry KOSSOV GREMUTS Claude ROBERT Professeur émérite MEMBRES EXTÉRIEURS Anna KONEVA Faculté de philosophie Université de Saint-Pétersbourg Maxim KRONHAUZ Institut de linguistique Faculté de langue russe Université de Sciences humaines de Moscou Hélène MÉLAT Université de Paris IV - Sorbonne Valérie POZENER CNRS, Paris Igor VINOGRADOV Critique littéraire, rédacteur en chef de la revue Kontinent, Moscou Marek DĘBOWSKI Université Jagellon, Cracovie 2 Avant-propos Ce numéro 2 des Chroniques slaves est consacré aux actes du collo- que « Le texte dans la Russie contemporaine », organisé par le CESC, à l’Université Stendhal de Grenoble, les 12,13 et 14 mai 2005. L’idée centrale qui ressort de ce colloque est celle de la liberté d’ex- pression comme étant un des acquis fondamentaux du post-communisme. D’emblée, I. Vinogradov donne le cadre général en évoquant la difficulté du texte littéraire, dans ce nouveau contexte de liberté, à jouer son rôle et à exprimer une nouvelle vision spirituelle du monde, tandis qu’au contraire, le texte journalistique et politique a pleinement occupé tout le terrain rétro- cédé. Mais cette nouvelle liberté qui est celle de la presse politique en particulier, ne s’accompagne malheureusement pas d’effets pratiques sur l’organisation du pouvoir et de la société. I. Vinogradov déplore que le pou- voir ne soit pas davantage à l’écoute des critiques et propositions des jour- nalistes politiques. A. Arkhanguelski, lui, estime que la faute en revient à la presse politique qui n’est pas en adéquation avec la société, et qui s’égare dans des mythes. Quoi qu’il en soit, la grande liberté de ton du journaliste est soulignée par D. Weiss, qui s’intéresse au genre de l’interview politique, mais aussi par L. Fedorova et par S. Viellard qui ayant tous deux examiné les titres de la presse, en soulignent d’une part le style relâché et d’autre part le ca- ractère ludique. D’une façon générale, il semble que le maillage du texte dans la Russie contemporaine se relâche, c’est à dire qu’il se rapproche du russe parlé . Le style neutre (le degré zéro) de l’époque actuelle va vers une langue moins livresque. Ce phénomène est étudié par L. Fedorova, qui cite des exemples intéressants de notes écrites de professeurs adressées à leurs étudiants, mais aussi par A. Zalizniak et I. Mikaelian, qui ont étudié un type de texte nouveau et fort représentatif de l’époque actuelle, le courriel, genre qui se situe à la frontière entre l’écrit et l’oral. Dans un autre registre, I. Kor Chahine parvient à des conclusions similaires, en étudiant quatre modèles semi-locutionnels du russe actuel, dont la présence marque un 3 type de narration, communément appelé le skaz, théoriquement réservé à la narration populaire, mais aujourd’hui très fréquent, tant dans la narration littéraire, que dans le style journalistique (sur ce sujet, voir le colloque or- ganisé par C. Géry à Bordeaux en mai 2006). Enfin l’utilisation récurrente des proverbes dans la presse russe contemporaine, étudiée dans ses multi- ples aspects par S. Viellard (qui a publié récemment un bel ouvrage sur la parémiographie russe 1), conforte dans l’idée d’un phénomène de rappro- chement du russe écrit vers le russe oral. Les usages ironiques, détournés, voire inversés des proverbes témoignent également d’une ré-appropriation de la parole, comme discours assumé, qui apparaît comme la marque d’une libération. Le relâchement du texte ne serait-il aussi le signe de son impuissance à saisir la nouvelle réalité économique et sociale ? Comme les proverbes, les mots eux-mêmes sont souvent détournés de leur sens initial, ou empruntés aux langues occidentales, recyclés des realia du passé. C’est ce que mon- trent V. Kossov à propos des nouveaux concepts juridiques et politiques, où sous le couvert d’emprunts étrangers se glisse parfois subrepticement une pratique politique spécifiquement nationale, V. Beliakov qui étudie avec beaucoup de précision le glissement de sens du sème « élite », M. Désert qui montre comment sous la polysémie du « post-moderne », ont été recy- clés des mots du paradigme identitaire et de la panoplie eurasienne. Postmoderne, voilà bien le mot qui caractérise le sentiment de liberté, mais aussi de désarroi profond de la Russie postcommuniste. D’une part, tout est permis au journaliste qui peut à l’envi se moquer des hommes po- litiques, des ministres (D. Weiss), à l’écrivain, qui peut explorer les frontiè- res, les marges et les tabous (H. Mélat), jouer avec le texte (R. Roudet, à propos des romans policiers d’Akunin), expérimenter avec l’écriture, (I. Després, à propos de Makanine), à tous les utilisateurs du courriel qui peuvent se sentir libérés de la norme orthographique, grâce aux mélanges d’alphabet cyrillique et latin (A. Zalizniak et I. Mikaelian). L’homme russe est invité par la publicité à assouvir ses désirs, à se sentir tout puissant, maître du temps et de l’espace (G. Roberts). Mais d’autre part, il se sent complètement désemparé, effrayé, comme un en- fant (A. Vinogradova de la Fortelle). Dans un monde bouleversé où les polarités se sont inversées, et où il a perdu ses repères, il lui faut repasser par le stade du langage de l’enfant (O. Mineeva et E. Caldarone), pour se réapproprier le monde, pour réapprendre à vivre. Le texte (les titres de la presse, le roman policier) peut alors contribuer à encoder la réalité (S. Viellard), et donc à dédramatiser, à apaiser l’angoisse existentielle, sou- vent par l’humour et l’ironie, la satire (L. Fedorova). Parfois l’écriture triom- phe de la peur (A. Vinogradova de la Fortelle). Parfois, au contraire, les mots ne viennent pas, comme dans la pièce de Pokrass étudiée par L.Kast- ler, Le non dit . Le théâtre russe contemporain exprime cette difficulté d’être des personnages, cette impossibilité de mettre des mots sur des 1. « Les proverbes en Russie »,R evue des Etudes Slaves, tome LXXVI (2005), fascicules 2-3 4 AVANT-PROPOS douleurs sourdes. Le texte théâtral se relâche également, il n’échappe pas au brouillage des genres, le dialogue dramatique cède au monologue, les longues didascalies le font tendre vers la narration, voire le roman. Le texte russe actuel, si on peut tenter une telle généralisation, a un caractère hétérogène (L. Fedorova), brouillé, flou, inachevé et allusif (A. Zalizniak et I. Mikaelian, I. Després) souvent marqué par les inver- sions de valeur et de sens (I. Després, S. Viellard), mais aussi un fort ca- ractère interactif. Il invite à participer à sa construction (ou reconstruc- tion) le lecteur, qui n’a plus un rôle passif, mais devient l’égal de l’auteur, et le complice de son jeu (D. Weiss, S. Viellard, R. Roudet). De cette façon, une connivence s’installe, fondée sur un acquis culturel et linguistique com- mun, et qui conforte dans le lecteur russe le sentiment d’appartenir à une communauté nationale. Tatiana Tolstoï utilise largement ces décalages interculturels (G. Ovtchinnikova). Le retour à l’herméneutique, en tant que science de l’interprétation des textes, (évoqué par M. Dennes, à travers la réévaluation de l’œuvre du philosophe Gustav Chpet), devrait permettre d’envisager de façon nouvelle et différente l’interaction du langage et de la pensée, le rapport de l’être à la pensée par l’intermédiaire des mots, la façon dont la langue permet la communication, car elle permet de surmonter les présupposés, et peut donc aider au dépassement du post-modernisme, en tant que crise du réalisme, et donner une méthode de reconstruction de la réalité. Remercions ici le Professeur Maxime Krongauz (Moscou, RGGU) et Ludmila Kastler (CESC), qui ont organisé ce colloque, ainsi que tous les participants, qui ont contribué à son succès. I.D. 5 6 Igor Vinogradov Moscou Le fonctionnement des textes littéraires et politiques dans la Russie contemporaine en rapport avec son développement historique pendant et après la perestroïka Résumé de l’intervention Les changements radicaux qui ont eu lieu en Russie pendant et après la perestroïka, ont provoqué des transformations également dans le mode de fonctionnement des textes littéraires et politiques qui occupent l’espace culturel actuel. Ces transformations sont directement liées à l’ensemble des changements dans la vie du pays, mais avant tout à l’introduction de la liberté d’expression et au caractère des garanties démocratiques qui sont vouées à l’assurer. Elles peuvent être formulées brièvement de la manière suivante. A. Textes littéraires Dans les nouvelles conditions de liberté, la littérature n’a plus besoin de remplir, outre ses fonctions directes (inhérentes à sa nature), celles de porte- voix des idées et des humeurs politiques, sociales, économiques, particuliè- rement celles qui sont opposées au pouvoir officiel, et dont l’expression directe et publique, à l’époque totalitaire, était difficile, voire impossible. La littérature contemporaine est libérée de cette fonction. Dans le cadre de la criminalisation générale de l’être social en Russie, déterminante pour son aspect, sa texture et son coloris dominant, c’est la littérature policière – en plein essor en Russie aujourd’hui – qui a répondu à la commande sociale d’une représentation adéquate, haute en relief et imagée, de ce qui se passe alentour. Ceci a quasiment privé la « grande » littérature de son autre fonction, autrefois traditionnelle, de fournir aux lec- teurs des modèles imagés, ayant avant tout une valeur informative sur la so- ciété. Ayant perdu ces deux fonctions, la littérature se trouve dans une situa- tion où est infiniment augmentée la valeur de ses ressources supérieures, qui sont l’essence même de sa nature, et qui lui ont toujours assuré une large reconnaissance sociale : la capacité d’exprimer « les aspirations les plus profondes de l’homme, les vérités universelles de l’esprit » (Hegel), d’être un puissant moyen artistique et philosophique pour concevoir l’être humain et le monde. Cependant, engagée comme elle l’est sur les voies du post-modernisme actuel (qui, en Russie, est quasiment un pur épigone), la 7 IGOR VINOGRADOV littérature contemporaine ne parvient pas, pour le moment, à remplir cette fonction. L’explication n’est pas tant dans les particularités du contexte russe, que dans l’état général de la culture artistique mondiale à l’heure actuelle, qui, ayant épuisé les principales ressources spirituelles du réa- lisme socio-psychologique et philosophico-existentiel de la première moitié du XXe siècle, se retrouve aujourd’hui devant la nécessité d’élaborer un nouveau paradigme de vision spirituelle du monde. Tout cela à la fois, auquel s’ajoute l’appauvrissement de la plus grande partie de l’intelligentsia (en majorité, des fonctionnaires), qui constitue de- puis toujours la masse des lecteurs de littérature, a été la cause de la brus- que chute des tirages. Cette chute a touché avant tout les « grosses » re- vues, qui sont traditionnellement en Russie le principal « canal » par lequel la société participait au processus culturel. Par conséquent, le statut de la littérature dans la société contemporaine russe a complètement changé. La littérature est devenue l’affaire d’une élite de lecteurs, qui trouvent un certain intérêt en soi à connaître ce qu’on pourrait désigner par « la cui- sine » littéraire, pour elle-même, dans l’attente que cette dernière produise peut-être un jour quelque chose de réellement important et exceptionnel pour toute la société, mais sans se sentir particulièrement engagés par cette attente. Tout cela trouve son reflet dans la critique littéraire, qui a beaucoup changé, devenant pour l’essentiel une simple expertise, spécialisée stricte- ment dans le domaine de l’esthétique, au service d’un lectorat élitaire, et ayant complètement perdu l’énergie de la pensée intellectuelle et philoso- phique, vivante et éclairante, qui dans le passé faisait d’elle également un phénomène social à prendre au sérieux. B. Les textes politiques Dans ce domaine, l’apprentissage de la liberté par les journalistes et les politiques se poursuit avec succès, et les lecteurs n’ont aucun motif de se plaindre d’un manque d’analyses politiques sérieuses et pertinentes. On est frappé par l’abondance de publications politiques. Cependant, sur le plan des effets de ces analyses dans la pratique, c’est le vide presque total. Le pouvoir chargé de mettre en place notre « démo- cratie dirigée» a appris à ne prêter aucune attention à ce qu’écrivent les journalistes « scribouillards », à ne pas les écouter. Le résultat est une baisse sensible de l’intérêt des lecteurs également pour ces textes, auxquels le pouvoir impose un statut de bavardage gratuit. Si bien que la situation est à l’inverse de celle de la littérature. La tâche principale de l’écrivain litté- raire consiste à explorer d’une manière adéquate ce champ nouveau de la liberté humaine qui peut fournir un nouveau contenu à sa propre œuvre. Tandis que le problème central de la presse politique actuelle n’est pas ce- lui de sa propre liberté, mais celui du fonctionnement effectif et fructueux de la parole politique à l’extérieur, dans une société qui se prétend démo- cratique, mais s’acharne à détruire tous les mécanismes d’effet-retour qui seuls font de la liberté d’expression politique une authentique liberté politique. 8 Alexandre Arkhanguelski Moscou Le texte politique dans la Russie en marche, entre 1991 et 2005 Résumé de l’intervention La tradition russe a connu un grand nombre de genres d’expression politi- que (discours, manifeste, article polémique, déclaration, appel, lettre ouverte, etc.). Dans les années 70, la liste de ces genres s’est brusquement réduite. La presse officielle se limitait au rapport solennel, à l’article dans la ligne du Parti (la une de la Pravda, les articles de la Gazette littéraire signés « Le littéra- teur »), aux « appels » du Premier mai du Comité Central du PCUS. Le dis- cours politique non officiel se bornait aux genres de la lettre ouverte, la motion collective, l’interview dans les médias occidentaux, et plus rarement, au traité politique (« De la paix, du progrès… » de A. Sakharov, « Lettre aux guides » de A. Soljenitsyne, « L’URSS existera-t-elle jusqu’en 1984 ? » de A. Almarik, etc.) . Mais tant la presse officielle que le discours non officiel étaient privés de la caractéristique essentielle du véritable texte politique, ils n’agissaient d’aucune façon sur la réalité environnante, sur la vie politique. Ils construi- saient une utopie, celle du socialisme mature, ou celle d’une société libre. A partir de 1989, pour un court moment la Russie voit se réactiver les genres des textes politiques d’avant la révolution. Le discours en public, les slogans des manifestations, le manifeste public, le rapport d’enquête indépen- dant, le pamphlet. Ces textes ont une action sur la réalité, ils appellent à être pour ou contre ce qui se passe. Mais ce processus n’a pas duré longtemps. L’énergie révolutionnaire, démocratique, a été vite épuisée, est arrivée une autre époque. La presse politique s’est mise à fabriquer une réalité parallèle, à construire un nouveau destinataire. Sont apparus de nouveaux périodiques, destinés à la classe moyenne, qui n’existait pas encore à ce moment là, (Kommersant, Den’gi, Ekspert), ou bien aux masses révolutionnaires, qui n’étaient plus révolutionnaires, et qui n’étaient plus des massesZ (avtra, Den’). Ces éditions copiaient le style des périodiques politiques occidentaux : revue quotidienne satirique des événements politiques (M. Sokolov), ou bien habillaient les idées de droite avec le style de gauche des futuristes et des trotskistes (A. Prokhanov). Aujourd’hui en Russie, il manque toujours les genres de la presse politique directement liés à la vie politique réelle, mais en revanche fleurissent les gen- res qui contribuent à la fabrication et à la propagande des mythes. (M. Leontiev, E. Limonov, A. Koch.) 9 10

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Le pouvoir chargé de mettre en place notre « démo- cratie dirigée» a appris à ne prêter aucune de l'interview, le journaliste prend pour un moment la place du ministre pour développer un plan d'action plus U nih est seks, oni dumajut, chto u nih est ljubov'. On ne takoj, kak vse. On verit
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