«...Au total, il est donc tout naturel que vers 1930, en ce temps de contre-révolution sociale et artistique, les meilleurs romanciers américains prennent pour base d'opération le grand réalisme critique d'avant-guerre. Une métaphore militaire en amenant une autre, je crois qu'il faut admirer la stratégie indirecte des pères fondateurs et leur descendance, par laquelle ils pénètrent dans le dispositif ennemi, c'est-à-dire la culture de masse, afin d'opérer sur ses lignes de communication... Rions en tout cas encore une fois des feuillistes qui affirment sempiternellement de tel ou tel ouvrage qu'il est davantage qu'un "roman policier".
Le roman noir, grandes têtes molles, ne vous a pas attendus pour se faire une stature que la plupart des écoles romanesques de ce siècle ont échoué à atteindre.»
À travers ses chroniques, Jean-Patrick Manchette retrace histoire, théorie et critique du roman noir. Des textes souvent percutants, drôles et lucides, qui révèlent la passion de l'essayiste et la rigueur de l'analyste. Ce recueil rassemble l'intégralité des chroniques "Polars" parues dans Charlie Mensuel, des "Notes noires" de la revue Polar, et plusieurs textes et préfaces traitant du roman noir ou de ses maîtres, de Dashiell Hammett à James Ellroy.
Jean-Patrick Manchette (1942-1995), auteur de romans policiers, fut aussi critique de romans noirs et de cinéma, dialoguiste et scénariste de films, et traducteur. Il est considéré comme le « pape du néo-polar », bien qu'il se situe dans la tradition des grands maîtres du polar américain comme Hammett ou Chandler. Il est très tôt militant, avec notamment la lutte contre la guerre d'Algérie, puis dans l'extrême gauche dans la mouvance situationniste. Passionné de jazz et de polars américains, il commence par écrire des scénarios de court-métrage, des films sexy avec le réalisateur Max Pécas et des épisodes de la série télévisée Les Globe-trotters. Il débarque dans la Série noire en 1971 avec Laissez bronzer les cadavres (avec Jean-Pierre Bastid) et L'Affaire N'Gustro. Neuf autres romans suivront. Il est aussi traducteur (Robert Littell, Robert Bloch, John Buell, Ross Thomas et Donald Westlake), critique littéraire dans Charlie Mensuel, Polar et occasionnellement Libération. Il participe à de nombreux scénarios de séries télévisées et de cinéma et dirige la collection de science-fiction Futurama. Il arrête d'écrire des fictions en 1982. Atteint d'une grave forme d'agoraphobie, il passera l'essentiel de ses dernières années cloîtré chez lui. Il décède le 3 juin 1995.