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Chronique de mon erreur judiciaire : Victime de l'affaire d'Outreau PDF

226 Pages·2011·1.19 MB·French
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Alain Marécaux Chronique de mon erreur judiciaire Victime de l’affaire d’Outreau Flammarion © Éditions Flammarion, 2005 ; Flammarion, 2011 pour la présente édition. ISBN : 978-2-0812-6168-6 Conformément aux dispositions de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, les prénoms des mineurs victimes d’une agression ou d’une atteinte sexuelles ont été modifiés. Par ailleurs, pour préserver la vie future de mes enfants, j’ai aussi modifié leurs prénoms. À maman, morte de chagrin. « Si Louis peut être l’objet d’un procès, il peut toujours être absous ; il peut être innocent : que dis-je ? Il est présumé l’être jusqu’à ce qu’il soit jugé ; mais si Louis est absous, si Louis peut être innocent, que devient la Révolution ? » Robespierre À l’heure où je reprends ce récit, cinq ans après la parution de ce livre aujourd’hui réédité, je ne suis plus tout à fait le même homme. Voici tout juste dix ans, le 14 novembre 2001 au petit matin, la police nous a raflés, ma femme d’alors, nos trois enfants, pour nous séparer les uns des autres et nous jeter dans l’horreur d’Outreau, ce carnage judiciaire qui a broyé ma vie. J’ai d’emblée été présumé coupable, traité comme le dernier des derniers par une police et une justice devenues folles. Puis, au bout de cette longue nuit, après vingt-trois mois d’incarcération, quatre-vingt-dix-huit jours sans m’alimenter et trois tentatives de suicide, est arrivé l’acquittement ; enfin. Le 1er décembre 2005. Je suis donc un homme libre, un homme réhabilité. Je suis libre, mais je m’effondre. Je pleure ma mère morte de chagrin, mes bonheurs perdus à jamais. Ma femme d’alors m’a quitté pour refaire sa vie, je suis séparé de mes enfants, j’ai vendu mon Étude et ma maison. Je n’ai plus rien. Le vide. * Outreau m’a plongé dans les affres d’un précipice immonde, un précipice dont je suis aujourd’hui parvenu à m’extraire, mais sans pouvoir prétendre en guérir. Souvent, dans la rue, des gens viennent spontanément me tendre une main amicale et s’enquièrent avec chaleur de ma nouvelle vie. « Maintenant, monsieur Marécaux, ça va ? » Ma réponse est toujours la même : « Je vais mieux. » Au fil des ans, la plaie béante s’est progressivement muée en fracture douloureuse, une fracture qui, peut-être, un jour, pourra devenir une simple frontière, sorte de gros trait rouge délimitant deux vies : celle d’avant Outreau et celle d’après. Seule certitude, Outreau fait partie intégrante de mon existence. Mais si j’aspire à vivre heureux malgré ce que je nomme « mes fantômes d’Outreau », ceux-ci s’invitent à toute heure. Ils me hantent et me hanteront toute ma vie. Chaque jour, aussi joyeux soit-il, un détail les fait ressurgir. Une odeur, un son, une vulgaire série américaine où des flics en uniforme aboient sur un prévenu soumis à la torture, un enfant qui pleure. Un tribunal. Dans la rue, c’est une fourgonnette à gyrophare hurlante qui vient soudain me glacer le sang, moi, l’ex-menotté honteux qu’on embarquait comme un veau à l’abattoir pour un énième transfert vers une destination inconnue. Parfois, c’est un simple bruit qui me prend aux tripes, au moment où je m’y attends le moins. Par exemple, je dépose ma voiture au garage pour une révision, et à mon retour, le mécanicien fait tourner son trousseau de clefs dans la serrure d’une porte métallique. Là, d’un coup, je flanche. Je sens mon ventre se rétrécir, j’ai la chair de poule. Je meurs… J’y suis à nouveau, à Amiens, à Beauvais, à Fresnes. Rituel immuable : trois bruits secs, d’abord, en haut de la porte clac, clac, clac, deux fois, suivis de deux roulements de verrou, en bas, clap significatif d’une mise à l’isolement jusqu’au petit matin. Adieu le garagiste, retour à ma geôle glaciale et enfumée : le gardien vient de faire sa dernière tournée, je crève en silence. Le malaise ne dure que quelques secondes, le temps de me souffler à moi-même : « Allez, c’est fini tout ça, c’est du passé…» Les repas de famille, pourtant si chaleureux, si festifs, ne se font jamais, aujourd’hui encore, sans passer par la case prison. Mon père, surtout, ne peut s’empêcher d’évoquer « Burgaud ». Le juge Fabrice Burgaud s’invite alors à notre table, malgré nous, la famille Marécaux, qu’il a humiliée, meurtrie. Et ce en dépit du désir farouche que nous avons tous de le rayer de nos pensées. * Les nouvelles pages de cette réédition m’entraînent sur les chemins de ma propre reconstruction. Heureusement, j’ai conservé les précieux cahiers d’écolier sur lesquels je consignais chaque soir le contenu de chaque journée. Que suis-je devenu, depuis ce procès de Saint-Omer qui, le 2 juillet 2004, m’a condamné à dix-huit mois de prison avec sursis pour les faits les plus odieux, les plus répugnants, les plus honteux, pour ce qu’il y avait de plus monstrueux à mes yeux : le pire des outrages qu’un père puisse faire subir à son fils ? Un homme innocenté au grand jour, un an plus tard, dans ce théâtre de la cour d’assises de Paris, où les accusateurs, enfin, confirment leurs inventions ; où la presse s’enflamme pour nous, les faux coupables d’Outreau, victimes du plus grand fiasco judiciaire de tous les temps ; où les juges, dont nous attendrons, en vain, les excuses, n’émettent que de pitoyables « regrets ». Même si je l’ai vécu d’une manière beaucoup plus douloureuse qu’on pourrait l’imaginer, l’acquittement fut la première étape décisive sur le chemin de ma résurrection. Désormais, qui suis-je ? Un homme qui se soigne par les petits bonheurs de tous les jours. Dont l’amour, que j’ai retrouvé sur mon chemin alors qu’Outreau a détruit ma vie conjugale d’« avant » ; mais aussi la famille, si précieuse, qui fait bloc autour de moi ; l’amitié, bien sûr, dont on sait le vrai prix quand la vie vous jette dans le néant. Et mon travail d’huissier enfin, avec lequel j’ai renoué, un matin de 2007, en prêtant à nouveau serment au sein de ce même palais de justice de Boulogne-sur-Mer qui, six ans auparavant, avait requis ma mise en détention. * Oserais-je dire qu’Outreau m’a « apporté » quelque chose ? Oserais-je avouer que l’après Outreau m’a plongé dans une aventure inimaginable ? Écrire un livre a été une vraie thérapie, tant l’écriture « libère » en ce qu’elle allège votre fardeau. Ce livre est né du courage d’un éditeur, Flammarion, qui a cru en mon innocence alors même que la cour d’assises de Saint-Omer venait de me condamner. Devenir, bien malgré moi qui n’en voulais pas au départ, le héros d’un film(1), fut une autre énorme surprise. Se voir « joué » par un acteur de génie, Philippe Torreton, un Marécaux si vrai que je pleure en le voyant être devenu moi par le miracle d’une gémellité sidérante, a quelque chose d’à la fois impressionnant et effrayant. Et pourtant, comme je voudrais que tout cela ne me soit jamais arrivé ! Comme j’aimerais être resté le petit huissier de cette bourgade du Pas-de-Calais, l’ex-étudiant en droit d’origine modeste dont la famille se disait si fière de sa réussite, l’homme heureux, entouré d’une belle famille qui vivait dans une si jolie maison ensoleillée des cris joyeux de ses trois enfants. Oh oui, j’aurais voulu rester le petit notable de Samer, à qui le garde-champêtre remettait en main propre un carton l’informant de sa présence en tête de cortège des défilés du 11 novembre et du 8 mai, côte à côte avec le receveur des Postes et le percepteur. Demeurer celui que je veux rester, de toutes mes forces, tout en ayant conscience que je deviens un peu un autre… * Car une telle épreuve ne fait pas que vous marquer au fer. Elle vous transforme. Mes goûts ont changé, même ceux que je pensais immuables. Mes priorités, surtout. Si je continue d’exercer mon métier d’huissier avec la même humanité que celle qui fut toujours mienne, je l’exerce néanmoins de manière différente. Surtout, le travail n’est plus toute ma vie. La vie, aujourd’hui, je la savoure tel un déporté qui, revenu des camps, se jette sur la moindre miette. Les loisirs, mot hier inconnu de mon parcours, prennent désormais toute leur place dans ma nouvelle existence auprès de Sabine. Ma femme d’avant Outreau connaissait uniquement un acharné du boulot qui ne s’autorisait que quelques jours de vacances, le portable vissé à l’oreille. Aujourd’hui, auprès de ma nouvelle compagne, je prends le temps de savourer les heures, d’aller au théâtre, de partir en vacances. * Rien ne sera jamais plus comme avant, mais pour donner toutes ses chances à ma renaissance encore en devenir, je fais aujourd’hui ce serment : ne plus parler d’Outreau. Le 14 novembre 2001, j’ai été arraché au bonheur par un tsunami judiciaire aux conséquences irréparables ; le 14 novembre 2011, je cesserai définitivement de m’exprimer publiquement sur « l’affaire ». Une affaire que cet ouvrage raconte avec détails et dans toute son horreur, un drame qui ne me quittera jamais vraiment… Alain Marécaux Janvier 2011 Préface Par maître Hubert Delarue Outreau se présentait comme la terrible chronique d’un désastre judiciaire annoncé. Nous étions quelques-uns à savoir, ou plutôt à espérer, que le procès de Saint-Omer mettrait, selon le mot de Stéphane Durand-Soufflant, « le vide en lumière ». Et la lumière est venue, quotidienne, terrible, bouleversante, salvatrice, mais à quel prix ? Celui de l’enfance et de l’innocence bafouées par l’arrogance des uns, la suffisance des autres, et le conformisme de tous. * Alain Marécaux vous convie à partager son incompréhension douloureuse, à cheminer dans la quotidienneté des jours qui se ressemblent, dans la nuit carcérale, dans sa vie volée, détruite, à travers cette chronique de la souffrance et du mépris ordinaire. Dans ce récit où vous allez le suivre, jour après jour, pendant un peu plus de vingt-trois mois, le mythe de la prison « quatre étoiles » est totalement dissipé. C’est la crasse, la promiscuité, les injures, les bagarres, les trafics en tout genre, et « la fiole » pour dormir, pour tenir, pour oublier cet enfer carcéral d’autant plus douloureux qu’il est totalement injustifié. La prison surpeuplée est une zone de non-droit, d’arbitraire parfois, la face cachée, honteuse de la justice française. Vous l’accompagnerez aussi dans les hôpitaux psychiatriques, où il sera conduit quand, aux portes de la folie, il tentera de retrouver sa liberté volée dans le suicide ou la mort lente, et découvrirez une galerie de portraits, émouvante, d’hommes et de femmes également blessés, brisés, oubliés. L’hospitalisation d’office, c’est la prison, avec la folie en plus. * La mort ne voudra pas de lui, mais c’est un mort-vivant qui quitte l’hôpital-prison de la maison d’arrêt de Fresnes, après quatre-vingt-dix-huit jours de grève de la faim dans une indifférence quasi générale. Pour les médecins qui le soignaient, avec dévouement et sollicitude, le pronostic vital était engagé. Le garde des Sceaux en avait été averti par mes soins. De guerre lasse, il sera remis en liberté et domicilié chez une nièce dans le Doubs, où il aura pendant plusieurs mois à s’occuper des trois jeunes enfants du couple… comprenne qui pourra. Dans cet univers carcéral et médical glauque et insupportable, Alain Marécaux va rencontrer quelques bons samaritains, gardiens de prison, infirmiers, compagnons de misère, qui redonnent un peu de chaleur et d’humanité à cet hiver sans fin. * Que pouvait-il faire ou dire, que l’on aurait pu voir ou entendre alors que sans la moindre preuve, au mépris de la raison élémentaire et du bon sens, avec son épouse Odile, on les avait en quelque sorte « jetés aux chiens » ? En quelques instants, les vies d’Alain Marécaux, de son épouse Odile et de leurs trois enfants ont basculé pour toujours. Il devient ce notable dévoyé et perverti qui s’en allait faire son marché d’innocence, satisfaire ses turpitudes et ses fantasmes dans les quartiers défavorisés de la banlieue boulonnaise. L’émotion, la réprobation légitime que suscitent ces crimes terribles, a tout emporté sur son passage. Les digues de la raison se sont rompues, les sécurités judiciaires évanouies, nous étions seuls, désemparés, découragés parfois, mais en même temps convaincus de la justesse de notre combat. Il n’était pas possible que, confrontés à une telle somme de mensonges, d’incohérences, les protagonistes de ce drame, et au premier chef les magistrats chargés de le conduire, de le contrôler, et enfin de le juger, ne finissent pas par convenir que la justice tout entière s’était fourvoyée. * Une question reste lancinante, sans réponse : pourquoi a-t-il fallu tant et tant de temps pour que l’on s’aperçoive enfin que le dossier d’Outreau reposait principalement sur la parole d’une femme fantasque, manipulatrice et perverse et sur celle d’enfants blessés, tourmentés que l’on avait sexuellement pervertis ? C’est en apportant un crédit immodéré à la parole, et principalement à la parole de l’enfant, en la sacralisant au-delà de tout, sans se soucier des conditions dans lesquelles elle avait été recueillie, sans chercher à la vérifier, à la décrypter, à la replacer dans le contexte traumatique et pollué des quartiers d’Outreau, que l’on a commis la première erreur. C’est en refusant de prendre en compte les éléments matériels, médicaux, scientifiques, qui venaient combattre et contredire le déluge de mots incohérents, fantasques et contradictoires entre eux, que l’on a commis la deuxième erreur. Enfin, c’est en s’abandonnant aux passions et aux modes et en s’affranchissant des grands principes fondateurs de notre justice, que sont le respect scrupuleux et non incantatoire de la présomption d’innocence, la culture du doute et la recherche laborieuse de preuves indiscutables et de qualité, confortées par des éléments objectifs, que, par inexpérience, par complaisance et par conformisme, on a commis cette troisième erreur qui est sans doute la plus grave. * C’est aux hommes et aux femmes composant le jury de Saint-Omer que nous devons d’avoir accompli le premier pas dans la reconnaissance tardive mais salutaire de l’erreur judiciaire qui était en train de se commettre. Pour une fois, le hasard, auquel bizarrement l’institution s’abandonne pour décider des affaires les plus graves, a bien fait les choses. En quelque sorte, la revanche du bon sens populaire, fruit du tirage au sort, sur la compétence, l’expérience, la connaissance de magistrats professionnels qui sont restés sourds, insensibles, autistes au drame qui était en train de se commettre sous leurs yeux. En plaidant à Saint-Omer, je n’ai rien dit d’autre que ce que j’avais écrit au juge d’instruction, et répété sans cesse dans les mémoires déposés au greffe de la chambre de l’instruction de Douai. * Mais il ne suffit pas d’écrire, encore faut-il être lu, à défaut d’être cru, ou d’être compris.

Description:
L'affaire d'Outreau : dix-sept personnes accusées de faire partie d'un réseau de pédophilie, un véritable fiasco judiciaire qui a détruit des vies et broyé des réputations. Alain Marécaux était l'un de ces dix-sept accusés... Aujourd'hui, il fait partie des treize personnes qui ont été a
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