« C'était notre terre. Quand je dis que c'était notre terre, je veux dire que nous ne l'avions pas volée, que nous en avions rêvé au temps de nos ancêtres, et que l'État français nous avait permis de concrétiser nos rêves en nous vendant une bouchée de pain six cent cinquante-trois hectares de bonne terre africaine. »Le domaine de Montaigne, quelque part dans le Dahra berbère, propriété depuis plus d'un siècle des Saint-André. Une terre que cette famille de colons a faite sienne. Tout au long de ce roman choral entêtant, six personnages issus peu ou prou du domaine entremêlent leurs voix, tissant ainsi la trame complexe d'une page douloureuse de l'histoire de l'Algérie. Tour à tour conquérantes, désespérées, implorantes, le plus souvent discordantes, elles s'interpellent et se répondent pour composer le chant funèbre de l'Algérie coloniale, celui des vainqueurs comme des vaincus, unis désormais dans la souffrance d'un déracinement insurmontable. L'écriture libre et singulière de Mathieu Belezi, le souffle et le rythme incantatoire de ce roman en font une oeuvre unique qui interroge les paradoxes de l'identité et de l'appropriation.