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Cent ans de recherches sur Molière, sa famille et les comédiens de sa troupe, par M PDF

643 Pages·2014·6.43 MB·French
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Preview Cent ans de recherches sur Molière, sa famille et les comédiens de sa troupe, par M

CENT ANS DE RECHERCHES SUR MOLIÈRE SUR SA FAMILLE ET SUR LES COMÉDIENS DE SA TROUPE Le présent instrument de recherche imprimé a été ressaisi dans son intégralité en 2009. La pagination d’origine a été restituée entre crochets, mais la numérotation des notes de bas de page n’a pas été conservée. Lors de la mise en page par le personnel du Minutier central, les cotes ont été uniformisées dans leur présentation, selon les normes actuelles, et parfois rectifiées, ainsi que les dates (les valeurs exactes sont mises entre crochets carrés). MINISTÈRE D'ÉTAT CHARGÉ DES AFFAIRES CULTURELLES DIRECTION DES ARCHIVES DE FRANCE - ARCHIVES NATIONALES Madeleine JURGENS Elizabeth MAXFIELD-MILLER Conservateur Ph. D. Radcliffe aux Archives nationales (Harvard University) CENT ANS DE RECHERCHES SUR MOLIÈRE SUR SA FAMILLE ET SUR LES COMÉDIENS DE SA TROUPE Préface d'André CHAMSON de l'Académie française Directeur général des Archives de France S.E.V.P.E.N. e 13, rue du Four, PARIS (VI ) 1963 PRÉFACE Il ne se passe pas de semaine sans qu'un ouvrage ou un article n'ajoute une contribution à notre connaissance de Molière et à notre compréhension de son oeuvre. Rien que de 1892 à 1941, c'est-à- dire en cinquante ans, sa bibliographie s'est accrue de 3 316 titres. Mais si l'oeuvre a été fouillée dans tous les sens, notre connaissance de l'homme est encore très limitée, si limitée qu'elle laisse persister des légendes, tout un fatras shakespearien, toute une série d'affabulations et d'hypothèses qu'empoisonnent encore les hypocrisies de la Cabale. Ce que nous savons vraiment sur Molière et sur sa famille repose essentiellement sur les recherches d'Eudore Soulié. Ces recherches datent d'un siècle et se sont accrues, pendant ces dernières cent années, des découvertes de chercheurs nombreux qu'aidèrent parfois la chance et le hasard. Elles vont s'accroître, aujourd’hui, des trouvailles faites avec une méthode rigoureuse par Elizabeth Maxfield-Miller, docteur de l'Université de Radcliffe-Harvard, et par Madeleine Jurgens, conservateur aux Archives nationales. L'ouvrage qu'elles publient, et dont le but est de grouper la totalité des documents d'archives, actuellement connus, concernant Molière et son entourage, contient, en effet, un nombre imposant de pièces inédites. C'est un tiers environ des pièces concernant Molière, ce sont les trois quarts des pièces concernant sa famille et celle des Béjart qui sont ici publiées ou analysées pour la première fois. La majeure partie de ces pièces inédites nous vient des minutes notariales. Toute une partie de notre passé dort, en effet, dans les quatre-vingt millions de documents conservés au Minutier central des Archives nationales et c'est là qu'Elizabeth Maxfield-Miller et que Madeleine Jurgens ont su découvrir cette masse de documents qui nous permettront de mieux connaître Molière, sa famille et son entourage. Enfant de Paris, fils, petit-fils, arrière-petit-fils de marchands et de bourgeois de la capitale, Molière se retrouve ici dans le vrai décor de sa vie. Il cesse d'être ce génie inexpliqué, fruit d'un hasard merveilleux qu'imagine souvent notre ignorance, pour s'intégrer dans une lignée pleine d'ordre et de bons sens dont il est l'aboutissement harmonieux. Cet homme de génie est d'abord un honnête homme, d'une famille d'honnêtes gens. Il en a pratiqué les humbles devoirs qui peuvent, à l'occasion, susciter de hautes vertus. Cette famille était fidèle à Dieu, au milieu des confusions de l'époque. Un grand oncle maternel de Molière avait dû quitter la France au temps de la Réforme et sa grand tante avait fondé le monastère de Notre- Dame-des-Anges de Montargis, où devaient se retrouver une de ses soeurs et quatre de ses cousines. Cette famille était aussi fidèle au Roi. Le grand-père paternel de Molière avait suivi Henri IV pendant ses premières campagnes. Cette famille, enfin, était fidèle à ses amitiés. Molière avait hérité de ses grands-parents maternels d'une délicate bonté dont il donnera un dernier témoignage quelques jours avant sa mort. Il avait mis en apprentissage Catherine Réveillon, fille d'un camarade défunt, et c'est sur le contrat de mariage de cette petite protégée qu'il apposera sa dernière signature. Quoi qu'on en ait dit, Molière est toujours resté fidèle à sa famille et à son esprit. Cet homme exceptionnel n'a jamais rompu avec les siens. Il n'a jamais dit le fameux : "Famille, je te hais!"Dans sa difficile vieillesse, son père a toujours été l'objet de ses soins. Il est vrai que Jean Pocquelin avait toujours soutenu son fils dans ses propres difficultés. Il avait payé ses dettes et offert sa demeure comme domicile fictif à la troupe de comédiens sur le point de revenir à Paris. A leur retour dans la capitale, c'est lui qui avait fourni les meubles nécessaires à leur logis et même à la représentation de leurs pièces. Certes, ce père a peut-être regretté le départ de son aîné, mais il est toujours resté son appui et ce n'est pas sans quelque fierté qu'il réclamait à un notaire certain papier qu'il voulait remettre "au sieur de Molière, son fils". Rien d'étonnant à cela. Si les comédiens étaient peu considérés dans certains milieux, ils jouissaient des faveurs de la bourgeoisie parisienne à laquelle appartenaient les Molière et les Béjart. Pendant la jeunesse de Molière, le doyen des Confrères de la Passion, à l'hôtel de Bourgogne, était un confrère de son père, lié d'amitié avec son grand-père. La plupart de ses compagnons, à l'Illustre Théâtre et dans ses autres entreprises, appartenaient comme lui à des familles de marchands ou, comme on dirait aujourd'hui, de petits fonctionnaires. Par sa grand- mère, Agnès Mazuel, il cousinait avec une quinzaine de musiciens du Roi. Dans ce milieu, dans ces familles unies les unes aux autres, on se soutenait, on se prêtait de l'argent et on faisait des sacrifices pour aider la communauté. Les Béjart eux-mêmes, autre tribu, plus entraînés dans la vie brillante du Marais, ne faisaient pas exception à la règle. Ils avaient le même sens de la solidarité, le même esprit d'organisation et Molière, en s'alliant à eux, n'allait pas vers l'inconnu. Le climat familial et social dans lequel a vécu Molière se dégage ainsi de tous ces actes, dont chacun est comme un point de tapisserie, mais dont l'ensemble compose un vaste tableau. La plupart de ces documents n'ont rien d'exceptionnel. Ils ne sont que des échos de la vie, dans ce qu'elle a de quotidien et d'intime. Certains d'entre eux attireront pourtant l'attention, comme le contrat de société, d'octobre 1659, réintégrant la célèbre Marquise dans la troupe de Molière et de Madeleine Béjart, ou bien le marché, passé le 3 décembre 1664, pour les décors de Don Juan. Ce palais, ce hameau de verdure, cette forêt, ce temple et cette porte de ville rêvés par Molière et proposés par lui à l'imagination des peintres, pourront encore faire rêver bien des hommes de notre temps. De toute façon, les critiques trouveront dans cet ouvrage les documents dont ils ont besoin pour mener à bien leurs enquêtes pour fixer la vérité et pour en finir avec les légendes. On a dit tant de choses sur Molière que l'important est de pouvoir rejeter ce qui est faux et de pouvoir affirmer ce qui est vrai, en s'appuyant sur des preuves. Ce que nous venons de dire n'est qu'un premier jugement, une réaction immédiate, devant ce que certains de ces documents nous apportent. Leur étude attentive et leur examen critique doit permettre aux chercheurs de délimiter le champ de la vérité. Car ce recueil s'offre à nous comme une extraordinaire contribution à la connaissance de celui qui a été, peut-être, le plus grand de nos écrivains et qui, à coup sûr, aussi grand que les plus grand, a été le plus profondément humain de nos créateurs de génie. André CHAMSON de l'Académie française. [p. 1] INTRODUCTION L'idée de ce recueil naquit lors des recherches que nous avons effectuées, il y a quelques années, pour dresser une liste des signatures de Molière (1). Nous avons été frappées alors de la dispersion des documents et de la difficulté de retrouver certains d'entre eux. Au siècle dernier, le vaste courant de recherches entreprises afin d'établir une biographie exacte de Molière avait abouti aux précieuses publications d'Eudore Soulié (2), en 1863, d'Émile Campardon (3) et de Georges Monval (4) ; mais, depuis que Le Moliériste n'était plus là pour centraliser les découvertes, les articles auxquels celles-ci donnaient lieu se dispersaient dans des revues, parisiennes ou provinciales, parfois difficiles à retrouver (5), souvent malaisées à consulter. D'autre part, le dépôt aux Archives nationales des anciennes minutes notariales parisiennes permettait d'entreprendre des dépouillements plus approfondis que ceux jadis menés par Soulié dans les études mêmes des notaires, et les premières recherches dans ce fonds laissaient espérer la découverte d'actes encore inconnus. Notre premier propos était donc de donner une suite aux publications groupées du XIXe siècle et de présenter les documents découverts depuis 1890 ainsi que ceux que nous étions susceptibles de retrouver. Mais, à mesure que se poursuivait notre travail, nous nous sommes rendu compte du caractère artificiel qu'il présentait [p. 2] ainsi conçu : certains des documents que nous retrouvions ne prenaient leur valeur que rapprochés de ceux donnés par Soulié et Campardon alors que d'autres expliquaient ou complétaient ceux-ci. Il nous est apparu que, pour faire oeuvre intéressante et utile, il nous fallait présenter tous les documents actuellement connus relatifs à Molière. Notre connaissance de la vie de celui-ci ne pouvait progresser qu'à ce prix. Deux raisons plus matérielles nous ont assurées dans cette voie : l'impossibilité de consulter, maintenant, ailleurs que dans les bibliothèques, les recueils de Soulié, Campardon et Monval et l'inexactitude de l'orthographe adoptée par ceux-ci dans leurs transcriptions (6). Il nous a donc semblé qu'une seconde publication de certains documents en respectant leur forme exacte ne serait pas inutile. Or, si tout acte où il est question de Molière se révélait essentiel, il nous a paru qu'il ne fallait pas négliger ceux qui se rapportaient à son entourage. La connaissance de sa propre famille, dans laquelle Molière vécut jusqu'à vingt et un ans, la connaissance de la famille Béjart, avec laquelle il n'a cessé de vivre depuis ce moment jusqu'à sa mort, peuvent éclairer sa vie d'un jour tout nouveau. Quoiqu'on ait bien voulu écrire, la famille Pocquelin n'a jamais rejeté de son sein le jeune comédien, dont le père resta toujours le plus sûr appui dans les moments difficiles. Quoi qu'on ait bien voulu inventer, la famille Béjart-Hervé était une famille d'honnêtes gens dont le malheur fut 1 État actuel des autographes de Molière dans Revue d'histoire du théâtre (1955) III-IV, p. 278-297. 2 Eudore SOULIÉ, Recherches sur Molière et sur sa famille, Paris, 1863. 3 Émile CAMPARDON, Documents inédits sur J. B. Poquelin Molière, Paris, 1871 et Nouvelles pièces sur Molière et sur quelques comédiens de sa troupe, Paris, 1876. 4 Le Moliériste, revue dirigée par Monval, parut de 1879 à 1890 et comporta 10 volumes. 5 Certains de ces articles sont mentionnés dans le recueil bibliographique suivant : Paul SAINTONGE et Robert Wilson CHRIST, Fifty years of Molière Studies, a bibliography (1892-1941), Baltimore, 1942, et dans Supplement to Fifty Years of Molière Studies, dans Modern Language Notes, LIX (1944), p. 282-285. 6 Dans la plupart des cas, ils ont en effet modernisé l'orthographe des documents. D'autre part, il semble, d'après une note retrouvée dans la liasse contenant le contrat de mariage de Molière, que c'était parfois un clerc de notaire qui établissait la transcription, ce qui expliquerait quelques erreurs de lecture plus graves que le non-respect de l'orthographe. d'habiter le Marais et d'avoir des amis de situation sociale et pécuniaire supérieure à la sienne. Il ne fait aucun doute, d'ailleurs, que les deux familles aient eu des relations communes : le grand-père maternel de Molière prêtait de l'argent à l'amie d'enfance de Madeleine Béjart; sa grand-mère paternelle et sa grand-tante maternelle, toutes deux maîtresses lingères, avaient pour consoeur Marie Hervé qui avait été reçue dans la corporation à peu près en même temps que Jeanne Pocquelin, tante de Molière. Ce sont plusieurs centaines de documents qui, tout au long des XVIe et XVIIe siècles, nous retracent l'histoire de ces familles. Et à tous ceux-là viennent se joindre ceux également pleins d'intérêt [p. 3] qui nous révèlent la personnalité des comédiens, compagnons de Molière au cours des années d'infortune et de succès. La masse était si énorme que nous avons été obligées de faire un choix et voici la présentation à laquelle il nous a semblé logique de nous arrêter. La partie principale de notre recueil est consacrée à la présentation, dans l'ordre chronologique, des actes concernant directement Molière; encore avons-nous adopté deux formes dans cette présentation : les actes où intervient Molière ou qui sont de première importance pour sa vie ou son oeuvre (7) sont donnés intégralement, d'après les originaux; les actes qui le concernent moins directement (8) sont seulement analysés afin d'éviter des longueurs. Chaque document, copie complète ou analyse, est affecté d'un numéro d'ordre; il est précédé de sa date, d'une analyse succincte en forme de titre, de sa cote (9) et de l'indication de sa première publication s'il a déjà été transcrit. Nous nous sommes efforcées d'accompagner chaque texte de toutes les notes qui pouvaient le rendre plus intelligible et plus vivant, notes qui, pour la plupart, sont tirées de documents inédits (10). Nous avons fait suivre le corps de notre recueil de trois appendices où figurent pour les deux premiers dans l'ordre chronologique les analyses des actes les plus importants relatifs à la famille Poc quelin-Cressé, à la famille Béjart-Hervé et pour le dernier les notices biographiques des comédiens de la troupe de Molière (11). L'Appendice I, consacré aux familles Pocquelin et Cressé renferme les actes essentiels concernant quatre générations, depuis les grands-parents de Molière jusqu'à sa fille. Dans l'Appendice II, à côté des actes relatifs aux Béjart et à Marie Hervé, figurent quelques pièces concernant Esprit de Rémond, comte de Modène, allié de la famille. L'Appen- [p. 4] dice III, qui se rapporte aux comédiens, présente ceux-ci dans l'ordre alphabétique de leurs noms de théâtre et donne pour chacun d'eux une courte notice biographique (12). Ainsi que nous l'avons dit les documents présentés sont nombreux, très nombreux et pour rendre leur consultation moins aride nous avons expliqué en quelques chapitres ce que notre recueil appor 7 Tels les marchés pour l'aménagement du Palais Royal, les comptes pour Le Bourgeois gentilhomme ou pour Psyché. 8 Par exemple, les contrats de mariage de ses grands-parents ou de ses parents, les inventaires après décès des membres de sa famille. Dans cette catégorie rentrent également les documents passés en province dans lesquels interviennent plusieurs camarades de Molière et qui permettent ainsi de préciser le passage de la troupe dans telle ville, à telle époque. 9 Voici les abréviations usitées le plus fréquemment : Arch. nat. pour Archives nationales; Min. centr. pour Minutier central; Arch. dép. pour Archives départementales; Arch. comm. pour Archives communales et Bibl. nat. pour Bibliothèque nationale. 10 Afin d'éviter toute erreur les documents donnés in toto sont imprimés en caractères plus fins que les analyses. 11 Dans quelques cas très rares nous avons donné des transcriptions, ainsi lorsqu'il s'agissait d'inventaires de costumes de théâtre. 12 Ce n'est là qu'une contribution à l'histoire de ces comédiens, car donner pour chacun d'eux l'ensemble des documents connus dépassait notre présent propos. tait grâce à eux de nouveau pour l'histoire de Molière et de sa famille. Plusieurs tableaux généalogiques, quelques plans complètent cette présentation. A la fin du volume se trouvent une table chronologique des documents et une table alphabétique des noms de personnes, lieux et matières. Malgré l'abondance des documents recueillis, nous sommes persuadées qu'il existe encore à Paris et surtout en province de nouveaux renseignements à découvrir et nous avons l'espérance que de futures trouvailles viendront compléter nos recherches, aussi allons-nous faire le point des sources où nous avons puisé et de celles où l'on peut encore chercher. Notre meilleure et plus abondante source d'information fut naturellement le Minutier central où sont centralisés tous les actes dressés par les notaires parisiens depuis le XVIe siècle jusqu'au XIXe siècle (13). Il y a là, approximativement, quatre-vingt-dix millions d'actes, dont dix-sept millions environ furent dressés au cours du XVIIe siècle. Pour connaître véritablement le contenu de ces actes, il n'existe qu'un seul moyen : les consulter un à un (14). Nous reconnaissons [p. 5] facilement ne pas avoir accompli cette tâche : sachant qu'habituellement les Parisiens du XVIIe siècle avaient recours aux notaires de leur quartier, nous nous sommes adressées à ceux qui exerçaient dans le voisinage des personnages nous intéressant (15). Aussi nos recherches nous ont-elles conduites chez les notaires des quartiers Saint-Germain- l'Auxerrois et des Halles où habitaient les grands-parents de Molière et chez ceux de la rue Saint- Honoré où vint loger son père; nous avons cherché les Béjart dans les études du Marais; puis, suivant Molière dans ses différents domiciles parisiens, nous nous sommes adressées, en 1644, aux notaires de Saint-Germain-des-Prés et, en 1645, à ceux du quartier Saint-Paul; en 1658, nous avons visité les minutiers voisins du Louvre et, à partir de 1660, ceux qui se trouvaient aux alentours du Palais Royal. Telle fut la ligne générale de nos recherches auxquelles se joignirent des sondages dans les études dont étaient clients ceux avec qui Molière et les siens étaient en rapport. Cette promenade à travers le Paris notarial nous a conduit à examiner, pour des époques diverses, les papiers de quatre-vingt-dix notaires répartis dans soixante-trois études différentes (16). La moisson ne fut pas également fructueuse. Certains notaires avaient accidentellement passé un acte ou deux, d'autres se révélaient être les notaires de famille; en raison de leur rôle de conseillers et presque d'amis de leurs clients, nous ne pouvons passer sous silence ceux dont les minutes nous furent les plus précieuses. 13 Conformément à la loi du 14 mars 1928 qui autorisait le dépôt des minutes ayant plus de 125 ans d'âge, les 140 notaires de Paris et de la Seine ont versé aux Archives nationales tous leurs papiers anciens. Ce dépôt, dû à l'activité infatigable d'Ernest Coyecque, archiviste conseil de la chambre des notaires, fut effectué de 1928 à 1948. L'organisation et la mise en exploitation du Minutier se font sous la direction de M. Jacques Monicat, conservateur en chef aux Archives nationales, qui a lancé plusieurs campagnes de dépouillements : inventaires des minutes de la Révo lution et de l'Empire, relevé des actes de baptême annexés aux tontines, recherches des documents concernant l'histoire de l'art aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'histoire littéraire et l'histoire musicale au XVIIe siècle. 14 Les notaires ont en général dressé des répertoires chronologiques de leurs minutes; ces recueils donnent la nature de chaque acte et les noms d'une ou de deux des parties contractantes; ils sont des guides précieux mais leur brièveté donne lieu à bien des omissions. 15 Il nous a semblé que c'était la façon logique de procéder dans nos dépouillements, mais parfois les actes des notaires répondent à une logique qui n'apparaît que lorsqu'on a tous les éléments en main, ce qui est rarement le cas : ainsi avons-nous trouvé, par hasard, un contrat de mariage de Geneviève Béjart (voir Document CLXI, p. 391), conservé chez un notaire voisin de la place de Grève parce qu'il avait été dressé chez la tante de la fiancée qui habitait alors rue du Coq, ce que nous ignorions. 16 Il y avait à Paris au XVIIe siècle 113 études; par suite de circonstances diverses (incendie, guerre, destruction ancienne), les minutes d'une quinzaine d'entre elles ont disparu. Nicolas Jolly, qui exerça du 1er février 1591 au 15 octobre 1631 (17), eut pour fidèles clients Jean I Poquelin, grand-père de Molière, Agnès Mazuel, sa femme et le premier beau-père de Jean I, Guillaume Tournemine (18). Après la mort de Jolly, Agnès Mazuel n'eut [p. 6] plus de notaire attitré : elle eut recours à ceux du voisinage, François Beçon (19), Jacques Morel (20) et Thomas Cartier (21), installés au commencement de la rue Saint-Honoré, non loin du cimetière des Innocents. Jean II Pocquelin, père de Molière, établi en 1620 dans la partie moyenne de la rue Saint- Honoré, eut tout naturellement un autre notaire que ses parents. Ce fut Jean des Quatrevaulx (22) qui habitait rue Saint-Germain-l'Auxerrois (23). Lorsque Jean des Quatrevaulx eut cédé sa pratique à Jean Chapellain, le jeune (24), en 1629, le père de Molière s'adressa à Simon Lemercier (25), époux de Jeanne des Quatrevaulx et beau-frère de Jean (26). C'est à lui que Jean II Pocquelin confia un certain nombre de papiers relatifs à ses affaires au début de sa carrière; quelque peu négligent, il les y oublia pendant plus de trente ans et ses héritiers récupérèrent ce qu'ils purent des successeurs de Lemercier (27). Après que le père de Molière fut allé habiter sous les piliers des Halles, on le rencontre au hasard des actes chez divers notaires, dont les plus souvent fréquentés sont Jean Levasseur (28), Pierre Parque, le jeune (29), et principalement Pierre Buon (30), qui fut également le notaire de son gendre André Boudet. La famille Cressé eut pour notaire, à partir de 1620, maître Vincent Collé (31). [p. 7] En ce qui concerne les Béjart, deux notaires eurent successivement leur faveur (32) : Louis Le Camus (33), installé rue Sainte-Avoie, passa pour eux quelques actes au début du mariage de Joseph et de Marie Hervé, tandis que Claude Leroy (34), établi rue Saint-Antoine, reçut de très nombreux actes entre 1620 et 1643 (35). 17 Ses minutes sont conservées dans l'étude XXXVI, dans les liasses 72 à 147. 18 Nicolas Jolly était établi rue Saint-Denis, tout près de l'église des Saints-Innocents. De ses deux mariages, dont le premier avec une fille de notaire, il avait eu sept enfants établis dans le monde de la finance et dans la magistrature (Min centr., LXXXVI, 315, inventaire du 21 octobre 1631). 19 Min. centr., XLV, 73 à 82 (23 juillet 1633 à 15 janvier 1637). 20 Ibid., XLII, 45 à 138 (23 mai 1605 à 17 février 1653). 21 Ibid., XIII, 1 à 41 (13 avril 1613 à 10 octobre 1645). 22 Ibid., XXIV, 272 à 297 (16 juin 1607 à 31 décembre 1628). 23 Il était fils d'Antoine des Quatrevaulx, également notaire, et par sa mère, Denise Morot, il était allié à la propriétaire du Pavillon des singes où naquit Molière et, par surcroît, mais très lointainement, à la mère de celui-ci, Marie Cressé (Ibid., XXXVI, 133, inventaire du 27 août 1620). 24 Le cousin de l'écrivain. 25 Min. centr., VII, 1 à 37 (14 septembre 1611 à 12 novembre 1647). 26 Installé rue Saint-Honoré, dans le voisinage du Louvre, il avait une clientèle de choix : Charles d'Albert, duc de Luynes, Simon Vouet, peintre du roi, Charles de l'Aubespine, garde des sceaux, Louis, cardinal de La Valette, pour n'en citer que quelques-uns. 27 Voir Document CCXXIV, p. 454. 28 Min. centr., XLV, 167 à 282 (13 juin 1622 à 10 octobre 1685). 29 Ibid., LXXXVI, 382 à 468 (4 janvier 1650 à 1696). 30 Ibid., XVI, 237 à 334 (1637 à 1674). 31 Ibid., CV, 542 à 567 (1614, 3 juin à 1631, 7 juin). 32 Un troisième notaire, Étienne Tolleron, oncle par alliance de Pierre Béjart, eut temporairement pour clients les neveux de celui- ci, Joseph et Marie Béjart, mais ses minutes ne sont que très fragmentairement conservées (Min. centr., LXXII, 1 à 11 (1615 à 1646). 33 Ibid., XIV, 1 à 51 (25 mai 1605 à 18 octobre 1637). 34 Ibid., LXXXVII, 445 à 634 (26 mai 1618 à avril 1669). 35 En 1671, un procès opposait encore les héritiers de Marie Hervé à ceux de Claude Leroy (voir Document CCXXXIX, p. 482). La carrière parisienne de l'Illustre Théâtre promena les comédiens chez dix notaires différents. Lorsqu'il s'agissait d'actes réglant des affaires intérieures de la troupe (association des comédiens (36), engagement de musiciens (37) ils étaient passés chez Pierre Fieffé (38), mais dès qu'il était question d'accords avec d'autres personnes, c'étaient les notaires de celles-ci qui intervenaient : Jacques Legay (39), notaire à Saint-Germain-des-Prés (40), Claude Drouyn (41), établi au coin des rues d'Orléans et de Poitou (42), Michel Groyn (43), installé à la Porte Baudoyer (44), Jean Levasseur, déjà rencontré (45), Nicolas Bauldry (46), qui exerçait rue Saint-Antoine (47), Guillaume Duchesne (48), [p. 8] son voisin (49), Olivier Gaultier (50), installé rue Saint-Martin (51), Gervais Manchon (52) et enfin Nicolas Motelet (53). Après treize ans de vie provinciale la troupe de Molière se réinstallant à Paris suivit les lois du bon voisinage et s'adressa successivement et principalement à deux notaires établis rue Saint- Honoré aux alentours du Palais Royal. C'est Léonor Pain (54) qui eut la clientèle de Molière dès son retour à Paris; il la conserva aussi longtemps qu'il exerça. Dans son étude défilaient presque tous les gens du quartier, habitants des rues Fromenteau, Saint-Thomas-du-Louvre et Saint-Honoré, au voisinage des Quinze-Vingts et du Palais Royal : c'étaient des voisins de Molière, souvent des amis. Toute cette clientèle se rendait d'ailleurs assez indifféremment chez Maître Pain ou chez son collègue, Pierre Gigault (55) que Molière fréquenta assiduement à partir de 1668 (56). Pierre Gigault n'était d'ailleurs pas un inconnu pour lui : il avait épousé, le 17 mars 1659 (57), une très lointaine cousine de la mère de Molière, Madeleine Cressé, soeur de Pierre Cressé, médecin (58), voisin et ami de Jean-Armand de Mauvillain, le médecin qui précisément soignait Molière. Quelques autres notaires du quartier passèrent des actes pour 36 Voir Document XX, p. 224, 30 juin 1643. 37 Voir Document XXIII, p. 232, 31 octobre 1643. 38 Min. centr., LXII, 96 à 169 (1605-1651). 39 Ibid., XCII, 1 à 151 (1605-1653). 40 Notaire de Noël Galloys, il passa le bail du jeu de paume des Mestayers le 12 septembre 1643 (voir Document XXI, p. 227). 41 Ses minutes ne sont pas conservées. 42 Il sanctionna, le 18 septembre 1643, le marché de construction des loges avec Jean Duplessis qui habitait le Marais (voir Document XXII, p. 231). 43 Min. centr., CXVII, 486 à 565 (février 1623 à avril 1663). 44 Notaire de François Amblard qui fournit le bois pour les loges, le 6 décembre 1643 (voir Document XXV, p. 236). 45 Il passa le marché de pavage du 28 décembre 1643 avec son fidèle client et voisin Léonard Aubry (voir Document XXVI, p. 239) et, par la suite, reçut plusieurs actes pour les comédiens en décembre 1644 (voir Documents XXXIII à XXXVII, p. 247 à 256). 46 Min. centr., XIX, 392 à 464 (6 juillet 1623 à 7 mai 1656). 47 Notaire de François Cocuel, propriétaire du jeu de paume de la Croix noire (voir Document XXXVIII, p. 256). 48 Min. centr., CV, 959 à 425 (1608 à 1646). 49 Il signa le 21 janvier 1645 le marché de tapisserie avec Michel Le Normant qui demeurait rue Saint-Paul (voir Document XLI, p. 263). 50 Min. centr., IX, 374 à 409 (janvier 1635-mai 1649). 51 C'est lui qui régla quelques-unes des difficultés surgies entre son client Louis Baulot et les comédiens (voir Documents XLIV et XLVII, p. 268 et 272, 5 avril et 20 mai 1645). 52 Min. centr., X, 90 à 109 (1644-1656). Notaire de Jeanne Levé, il reçut l'obligation de Molière envers celle-ci, le 30 mars 1645 (voir Document XLII, p. 265). 53 Min. centr., XC, 179 à 224 (1619-1661). Établi au coin des rues d'Orléans et de Poitou, il reçoit, le 3 juin 1646, la dernière procuration des Béjart réfugiés en cette dernière rue (voir Document LXIII, p. 292). 54 Min. centr., XLIII, 145 à 161 (18 mars 1655-13 mars 1667). 55 Ibid., CXIII, 40 à 79 (juillet 1658-avril 1675). 56 Malheureusement, il faut déplorer la disparition d'un grand nombre d'actes de son minutier; il manque des demi-années entières et ces lacunes nous privent de cinq actes passés par Molière. Les minutes de Maître Denis Béchet, son successeur, à qui Armande Béjart et les comédiens se sont adressés fréquemment à partir de 1675, ne sont pas plus complètes. 57 Min. centr.,LXVIII, 176. 58 Voir Elizabeth MAXFIELD-MILLER, Molière, l'affaire Cressé et "Le Médecin fouetté et le Barbier cocu", dans Publications of the Modern Language Association, LXXII (1957), p. 854-862.

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