Extrait: En l’an de grâce mil neuf cent vingt-cinq, la Régie française, désireuse de venir en aide aux réfugiés russes, a jeté sur le marché des cigarettes « Natacha » au bout cartonné. J’en achetai aussitôt une boîte et, lançant en l’air des anneaux irréguliers de fumée malodorante, je me mis à songer à ce doux nom auquel sont liés plu-sieurs souvenirs touchants de ma vie.
Pas une seule Natacha adulte n’a croisé le fil de sa vie avec le mien, — mes souvenirs ne sont point de cet ordre-là. Mais il y eut plusieurs Natacha, petites et blondes, les unes réelles, d’autres créées par mon imagination, qui ont failli apporter dans le brouhaha de mon existence la lumière égale de la vie de famille. Ont failli, mais ne l’ont pas apportée... Que vois-je là-bas, à l’horizon ? N’est-ce pas l’aube du coucher ?... Ont failli, mais ne l’ont pas apportée et donc ne l’apporteront plus.