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LE CORPSD ANS LE THÉÂTNPD E LA CATASTROPHE DEHOWARD BARKER HXCILJM IJ Volume 2 PmÊr ChristineK IEHL Thèsed e doctoratp réparées ousl a directiond e Madamel e ProfesseuNr icole BOIREAU Juryc omposéd e Madamele ProfesseuErl isabethA NGEL-PEREZ,UniversiPtéa ris-SorbonnPea, risI V. Madameie ProfesseuSru sanB LATTES,U niversitéS tendhaGl renoble3 . Madamele ProfesseuNri coleB OIREAU,U niversitéP aulV erlaineM etz. Monsieurl e ProfesseuFrr ancisG UINLE,U niversitéL umièreL yon2. Monsieurle ProfesseuMr ichelM OREL,U niversitéN ancyI I' Date de soutenance: le 14 décembre2 005. OChristine Kiehl UniversitéP aulV erlaineM etz UFR Lettrese t Langues Départemendt'a nglais LE CORPSD ANS LE THEATRED E LA CATASTROPHE DE HOWARD BARKER Volume 2 ChristineK IEHL Thèsed e doctoratp réparées ousl a directiond e Madamel e ProfesseuNr icole BOIREAU Juryc omposéd e Madamele ProfesseuErl isabethA NGEL-PEREZU, niversitéP aris-sorbonnPea, risI V. Madamele ProfesseuSru sanB LATTES,U niversitéS tendhaGl renoble3 . Madamele ProfesseuNri coleB OIREAU,U niversitéP aulV erlaineM etz' Monsieurle ProfesseuFrr ancisG UINLE,U niversitéL umièreL yon2. Monsieurle ProfesseuMr ichelM OREL,U niversitéN ancyI I. Date de soutenance: le 14 décembre2 005. OChristine Kiehl 252 PARTIE QUATRIEME LE CORPSE N REPRESENTATION La représentationth éâtralen e serait pas le lieu d'une unité retrouvée,m ais celui d'une tension [...] entre I'abstrait et le concret,e ntre le texte et la scène.E lle ne réalisep as plus ou moins un texte ; elle le critique, elle le force, elle I'interroge. Elle se confronte à lui et le confronte à elle. Elle est non un accord, mais un combatao6. aouBernard DORT, < La ReprésentatioEn mancipée> >L, e Monde,12 octobre1 980. 253 CHAPITREI X , LA REPRESENTATIODNU CORPS: LE CORPSD ONNÉÀ VOIR ? L'important c'est de donnerà voir nos corpsq ui sontt ellementf ragilesa0T. ootPitraB AUSCH, Parlez-moid 'amour, Paris: L'arche,7995, in : PatriceZ ANA, Yoshi OMORI, Les cris du corps,P aris : éditionsA ltematives,2004,p . 112. 254 La représentationd u corps est fortement thématiséed ans le théâtred e la Catastrophe, illustrant l'intérêt de l'auteur pour la réception du spectateur.N ous questionneronst out d'abord les liens entre le spectacleb arbaree t le modèlej acobéene t élisabéthain,lu i- même héritier de la tragédie antique. Nous aborderons ensuite le théâtre <<n éo- jacobéen> 408t,h éâtred e la nouvelleb rutalitéd e la fin du XX" sièclea fin de le confronter au projet de la Catastrophee n termes de représentationv isuelle, théâtrale. Dans le Théâtre de Barker le regard sur le corps ne se place pas dans une perspectivem orale mais esthétiquet,r aduisantu ne volonté éthiquea0,e < esth-éthique> . Nous pourrons alors évoquer le travail de la Wrestling School, tel qu'il se revendique: une (( école> non pas au sensd 'instructionm ais d'espaced e recherchep our des comédiense n < lutte )) avec le texte,p ar la médiationd e leur corps et de leur voix. L'expérimentationc oncrètes 'attachea ux perceptions,e ngagel es émotionsp our susciter un malaisea mbigum ais fécondc hezl e spectateur. ootC ette première appellation a été abandonnéea u profit de < In-Yer-Face Theatre> . oonL 'éthique prend une portée philosophique que la morale n'a pas, relevant quant à elle de la < polis > et de la < doxa >. 255 I. Voir ou ne pasv oir la cruauté? L'inscription métathéâtraled u <<re gard >> <Voir ou ne pas voir >>,t elle est la question centrale dans la tragédie du corps Catastrophique,a ssociant le spectacled es corps souffrants à la cruauté d'un texte charnel.S i le voir et I'entendres ont par définition les deux perceptionsé lémentairesd e tout spectaclet héâtral, leur fonction est fortement thématiséed ans le discours des personnagest,r aduisantl a préoccupationd e l'auteur pour le passaged u texte à la scène et la réception du spectateur. Spectacle visuel et texte ne se supe{posentp as arbitrairementU. ne combinatoiree ntre la violence du texte et celle de la représentation se met en place,p ermettantd 'éviter la surenchèreg rand-guignolesquoeu le piège de la catharsisL. es choix scéniquesd e la violencec orporelles ont conditionnésp ar les effetsà produires ur le public : The question "What kind of theatred o we want?" is best answeredf rom the point of view of "What kind of audienced o we want?'/I0. La réceptiond u spectateure stm ise en abîmeà traversl es personnagees n-dehorsd es marqueurs de pré-mise en scène.P arce que la question du corps souffrant est centrale dans la fable, les personnagess ont simultanémenta ctantse t spectateursL. a topique charnelles 'accompagned 'une remisee n questiond e la définitionm ême du < théâtreotl) comme lieu d'où I'on voit. Le théâtred e la Catastrophec hamelle est confronté à la difficulté suivante : comment donner à voir I'horreur et la souffrance tout en évitant le voyeurisme qui conditionne et aliène le spectateurd ansu n projet cathartique? It is pain that the audiencen eedst o experiencea, ndn ot contemptal2 Comment soustrairel e public au confort moral de sesp réjugés? Existe-t-il pour le spectateuru ne alternative à I'empathie et I'engagementm oral sansr ester campé dans une neutralité tiède qui solderait l'échec du spectacle? Comment inciter le spectateurà I'expérience de la douleur sans l'encourager à une complaisancem asochiste ou oroHoward BARKER, Argumentsf or a Theatre,o p. cit. p. 45. 'ttEn grec < theatron > désigne < le lieu d'où le public regarde une action qui lui est présentée dans un autre endroit. Le théâtre est bien, en effet, un point de vue sur un événement: un regard, un angle de vision et desr ayonso ptiquesl e constituenti,n PatriceP AVIS, Diclionnaire du théâtre,p . 359. ol2Howard BARKER, Argumentsf or a Thealre, ibid. p. 45. 2s6 sadienne? Commentr endre le spectateur< <s ensible> à ce qu'il voit alors que le texte signe la < dérouted u sensal3> ? Commenté viter, à I'inverse,u n trop-plein d'esthétisme qui érigeraitl e < non-sens) ) en ( sens) ) ? Comments olliciter les émotionsd u spectateur tout en encourageants a réflexion critique ? La perspectivev isuelle est fortement thématiséed ansl es scènesd 'exactionsp hysiques.L orsque Savagem enaced 'assassiner ou de mutiler Gummery,G ay s'écrie : GAY (suddenly):C an't watch! (Sheg rabs her clothing, runs to FLADDER) Can you? (Sher usheso ut) Can't watch! (TheB ite of the Night, p. 99) Gay dit I'effroi du spectateurd evant le < théâtre de l'échafaud> : elle résiste au voyeurisme.L e parti pris contraire,c elui de I'indifférence devant la mise à mort est énoncép ar Savagelo rsqueE psome ntreprendd 'étranglerH elen : HELEN: [. ..] Sav-agel( Pause)C an you watch this?( Pause)Y ou can.Y ou can watcht his ... t...1 SAVAGE: I can watch. I canw atch anything. (TheB ite of the Night, p. 107) Les indicationss céniquess oulignentl e naturalismed e la mise à mort, le bourreau Epsom grimace dansl 'effort de strangulation: EPSOM silences her by dropping the cloth over her face. He puts his hands about her throat. He exerts.H e stops.P ause (...) He grimaces as if at effort. (TheB ite of theN ight, p. 107) La foule s'empressed e toucher le corps de la morte comme on touche la relique d'une sainte: EPSOM drives away THE AUDIENCE which has gathered at the scene. WOMAN: Curest umours,w hore's blood! EPSOM: No, it's angman'ss pit yer thinkin'ofl (He gobs at her. Shef lees) He laughs. Others risk his blows to touch HELEN for luck.) (TheB ite of the Night, p. 107) ol3sarah HIRSCHMÛLLER, La Questiond u Sensd ans L'rBuvre dramatique de Howard Barker, op. cil 257 L'agitation et I'excitation qui entourentl a scènes ingentl e < théâtre> des exécutions publiquesd e la RenaissanceS. avageo bservel a scènee n silencea vantd e conclures ur un commentairem étathéâtral: SAVAGE: I can watch. I can watch anything. EPSOM: It's a gift, mate ... (THE PUBLIC are repulsedb y EPSOM) SAVAGE: I think to believe in every lie is better than to see through every truth... (TheB ite of the Night, p. 107) Le champ sémantique auquel Savage a recours en tant que spectateurr elève du registre intellectuel: "think" et "believe", "iS better than" désignent la < réflexion morale > et soulignent la distance émotionnelle du personnaged ans sa posture d'observateur. Savage garde la tête froide devant cette parodie du <<s pectacled e l'échafaud> . Son commentaire prend une dimension pédagogiqueà I'adresse du spectateurc ar il s'appuies ur la distinction entrel e mensongee t la vérité. Savagee st la mise en abîmed u spectateucr ontemporains aturéd 'imagesd e violence,a nesthésiép ar la médiatisationt élévisuellee t cinématographiqued e I'horreur. La sociétéd e I'image mêle indifféremment la réalité et la fiction et se plaît à abolir leurs limites pour nourrir I'excitationv isuelle du spectateur. Savages ous-entendq ue I'exécution de Helen n'est qu'un leurre ("I think to believe in every lie is better than to see through every truth"). Le personnaged onne une clé de distanciationa u spectateure n soulignant I'artifice et la séductiond e la représentation théâtrale.C e constatp eut paraîtreé vident: nouss avonsq ue le comédienq ui interprètel e rôle du bourreau ne fait que simuler la mise à mort de Helen. Revendiquer la fiction romanesquec omme telle est contraire au naturalisme.L 'identification empathiquee st désarçonnée,l' exécution de Helen n'est que du < théâtre> : elle ne cherchep as à reproduire la réalité mais à la réinventer comme fiction. La parodie du théâtre de l'échafaude st complètel orsqueH elen estr amenéeà la vie par le baiserd e Savage: SAVAGE: I insist that you imagine 1...1(Heg oes to HELEN and takesh er in his arms) EPSOM (Horrfiefi: Clear of the body! SAVAGE: Down the tunnels of her ears,I whisper ... (He mutters)D own the chasmo f her throat I murmur ...(He draws the clothfrom her mouth and kissesh er.) t...1 HELEN:Not dead"' (TheB ite of theN ight,p. r08) 258 L'hypotexte du conte de fee désamorcele vraisemblablen aturalisted e I'exécution (parodique)d e Helen. L'effet à la fois ludiquee t grotesqued u baiserd u PrinceC harmant à la < Belle Hélène> réveille le spectateurd e sa léthargiei ntellectuelle.C ependantl e recours à cette pirouette décalée ne sous-tendp as un quelconquec ommentaires ur l'exécution. Helen n'est pas morte, ses tortures -auxquellesl e public a partiellement assisté-a pparaissenfti ctives a posteriori.E n ce sens,I 'effet de distanciationa bien une dimension pédagogiqueot1oe t seule cette visée et non ses modalitésp euvent paraître brechtiennes)I.l ne s'agit pas tant de condamnerl e voyeurismec omme interdit moral mais de dénoncer son exploitation politique et commerciale: les gouvernements occidentauxa utorisentl a médiatisationv isuelle de la barbarien on pas dans un souci démocratiqued e liberté d'expression,m ais pour engourdir le peuple avec un nouvel opium. Le XXI' siècle s'ouvre dans le paradoxes uivant: la plupart des démocraties occidentalesq ui ont aboli la torture et la peined e mort autorisenlta diffusion télévisuelle des atrocitésp erpétréesa illeursd ans le monde sansl a moindre censure.S imultanément, la télévisione t le cinéman ousa breuventd e fictions violentesa u réalismec onvaincant: Nouveau paradoxe,l a culture populaire s'en empare [du supplice], notamment à travers le cinéma gore et ses multiples ramifications, nouvelle hypertrophie fin de siècle de notre motif que nous devons lire comme symptôme de la désubstantialisatiocnr oissanted e la violence,s urenchèrefa ntasmatiquee t vide facea u tabou de la mort réelleal5. La frontièree ntrer éalité et fiction cessed 'opérerp our le spectateudr 'aujourd'hui : Curieusementl,a représentationd e la violencee st d'autantp lus exagéréeq uand celle-ci diminue de fait dansl a sociétéc ivile. Dans le cinéma,a u théâtre,d ans la littérature.o n assistee n effet à une surenchèred ansl es scènesd e violence,à une débâcled 'horreur et d'atrocitésj,a mais l' <<a rt >>n e s'était consacréd e cette façon à représentelra propre texture de la violence,v iolence < hi-fi > faite de scènes insupportablesd 'os broyés, de jets de sang, cris, décapitations, I6 . amputationsc, astrationsa alasi I'auteur conteste la mission idéologique de son théâtre, la dimension pédagogique est fortement 'Wrestling ' soulignée dans les écrits théoriquese t dansl e nom même de la compagnie, la School . atsAntonioL EIVA DOMINGUEZ, Décapitations.D u culte des crânes au cinéma gore,Paris: Presses Universitairesd e France,2 004,p . 226. otuc. LIPOVETSKY, L'ère du vide : essaiss ur I'individualismec ontemporain,P aris, Gallimard, 1983, p.205, in Décapitations,i bid., p. 226.
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