'ZEL&CAUVIN BOULOULOUM=GUILIGUIL eller: ela MAZEL CANT - Se st ane) reek cae ge gs = ~ es hice Ba aed ae Re BOULOULOUM= GUILIGUIL Introduction de Patrick Gaumer DUPUIS fh LJ Apparue en toute discrétion dans le Journal de Spirou, en 1975, animée par Raoul Cauvin et Mazel —a qui l’on doit déja les aventures pleines de panache, et de drélerie, de Céline et Calebasse -, la série « Boulouloum et Guiliguili » a rajeuni durablement le mythe de Tarzan et a enchanté toute une génération de lecteurs. Nonobstant ses qualités, desservie peut-étre par un changement de titre en cours de parution et des manceuvres dolosives d’un de ses éditeurs, elle restait jusqu’a ce jour partiellement inédite en album. La présente intégrale, déclinée en deux beaux et gros volumes, lui offre enfin un écrin 4 sa mesure. Pause cigarette et corne de rhinocéros La scéne se passe le 3 juin 1997, un mardi soir, au C.B.B.D., le Centre belge de la bande dessinée, & Bruxelles, a l’occasion du vernissage d’une magnifique exposition consacrée & Tarzan!, Profitant d’une pause cigarette, assis nonchalamment sur les marches d’un des escaliers latéraux, Mazel et Yvan Delporte discutent le bout de gras. De quoi ces deux-la peuvent-ils bien parler ? Du héros fabuleux imaginé en 1912 par Edgar Rice Burroughs ? De ses différentes interprétations graphiques ou cinéma- tographiques qui les firent tant réver, enfants ? De « Boulouloum et Guiliguili », la série de Mazel scénarisée par Raoul Cauvin ? Dix ans déja que cette derniére a disparu? du Journal de Spirou. Le Tarzan miniature et son copain gorille ont néanmoins laissé un souvenir vivace chez bon nombre de lecteurs du périodique, comme en témoigne leur présence, ce soir-la, au sein de l’exposition du Centre, ou bien encore leur présence en couverture du septiéme dossier du C.B.B.D. édité pour la circonstance. Autant de signes de reconnaissance qui ravissent, a juste titre, le dessinateur : « Uexposition collective, qui s’est prolongée plusieurs mois, s’axait notamment sur les adaptations en bande dessinée de Tarzan faites par différents artistes. Toutes sortes d’images et de documents, de piéces rares. Moi, on m’avait fait honneur de mettre mes planches des “Jungles perdues” [l’autre appellation de la série “Boulouloum et Guiliguili”] 4 cété de PAGE DE GAUCHE Pause cigarette sur les marches du Centre belge de la bande dessinée, a ombre de Tarzan et de Tantor. De quoi Mazel et Yvan Delporte peuvent-ils bien s’entretenir ? L‘ANTICYCLONE BASE SUR LE MONT KABU CONTINUERA A INFLUENCER NOTRE TEMPS ! PREVISIONS POUR DEMAIN ET APRES -DEMAIN MEME TYPE DE TEMPS AVEC FORTES RAFALES DE VENT6 SUD- - SUD -OUEST EN HAUT A GAUCHE Extrait de la 4® et derniére planche du récit complet Le sorcier météo, paru dans le Journal de Spirou n° 2299, du 6 mai 1982. Cette histoire ouvre le second volume de cette intégrale. « Je me souviens que le Centre belge avait notamment exposé a cété des planches d’Hogarth, un de mes récits oil l'on voyait un sorcier écouter la météo a la radio. » [Mazel] EN HAUT A DROITE De l'aventure, du mouvement, de 'héroisme. Tim l'audace, une bande dessinée trés inspirée par Tarzan, co-signée, ici, par les fréres Raoul et Robert Giordan (Ardan, n° 2, mars 1952). CI-DESSUS Dessin de Boulouloum et Guilig du 7° dossier du C.B.B.D, (3 juin 1997). repris en couverture celles de Burne Hogarth. »3 Hogarth, Yimmense créateur américain, que d’aucuns saluent comme LE maitre du genre, le qualifiant méme parfois, de maniére un peu emphatique, de « Michel-Ange de la BD ». On y découvre aussi quelques réalisations du Canadien Harold Foster qui, bien avant de se consacrer & sa série médiévale « Prince Valiant », dessina quelques-uns des plus beaux strips et Sunday pages (bandes quotidiennes et pages du dimanche) de « Tarzan »4, S’y ajoutent des comics américail s plus contemporai , des parodies et autres inspirations diverses qui, 4 l’instar d’Akim des Italiens Roberto Renzi et Augusto Pedrazza ou de Tim l’Audace des Nicois Raoul et Robert Giordan, puis Bob Leguay, constituérent les fameux bataillons des « tarzanides® » de la BD européenne. Lexposition montée par le C.B.B.D, explore ainsi joyeusement le mythe dans toutes ses composantes : littérature, illustration, bande dessinée, film Jive et dessin animé, produits dérivés... Ajoutons-y une authentique corne de rhinocéros ! 6 La, done, sur les marches du Centre, A quelques métres d’un immense portrait du seigneur de la jungle juché sur la trompe et sur l'une des défenses de l’éléphant Tantor, Mazel et Delporte évoquent peut-étre finalement leur premiére rencontre, il y a maintenant quelques lustres, « C’était & la toute fin des années cinquante, indique le dessinateur de “Boulouloum et Guiliguili”. Ma premiére tentative dans ce métier. Je m’étais rendu a la rédaction du Journal de Spirou, située a Vépoque a la galerie du Centre, au coeur de Bruxelles. J’avais amené avec moi quelques esquisses de Calcar, un petit Hindou. Un personnage inspiré, par son contexte, du Livre de la jungle de Rudyard Kipling. Delporte m’a recu de maniére un peu séche, a demandé son avis Ason copain Maurice Rosy, qui officiait alors comme directeur artistique du journal. Ce dernier m’a convaincu que les lecteurs auraient peut-étre un peu de mal & s’identifier & mon personnage. II] m’a, malgré tout, incité a persévérer. » Ce que Mazel fera... Pour notre plus grand plaisir ! Construction d’un imaginaire Mazel, de son véritable nom Luc Maezelle, nait a Herentals, dans la campine anversoise, le 27 juin 1931. Sa prime jeunesse, il la passe a courir aux cétés de son frére ainé, Jacques. Un cadet, Michel, ne verra le jour que quelques années plus tard. Leur mére, Jeanne, est une habile couturiére. Germain, leur pére, leur communique son attachement a la nature, ala littérature. En un temps ott les ouvrages sont rares et chers, l’homme s’est tout de méme constitué une belle bibliothéque ot se croisent les écrivains francais et anglo-saxons. Le soir, il lit A sa progéniture des récits de Jules Verne ou d’ Alexandre Dumas, de Fenimore Cooper, de Mark Twain ou de Jack London. « Un enchantement », résume Lue. La tribu Maezelle déménage bientét a Anderlecht, une commune de Bruxelles. D’une nature réservée, plongé d’un seul coup dans un environnement urbain qui l’effraie plus qu’autre chose, le petit Lue se construit son propre imaginaire. Une facilité a s’échapper du quotidien qu'il mettra par la suite a profit dans ses propres récits. La Seconde Guerre mondiale fracasse ses certitudes, Sa famille est un temps éparpillée entre la Belgique et la France. Survient la Libération, Sur ce que Mazel qualifie volontiers de « plus beau jour de ma vie ! », nous renvoyons & la lecture de Yintégrale « Caline et Calebasse »6, Au cours de son enseignement primaire, qu'il poursuit a l'Institut Notre-Dame de Cureghem, il feuillette quelques numéros du Petit Vingtiéme —\e supplément jeunesse du quotidien Le Vingtiéme Siécle?, un journal belge d’obédience catholique conservatrice —, se passionnant pour les farces de Quick et Flupke, deux ketjes des Marolles, un quartier populaire de Bruxelles, ou pour les escapades plus exotiques de Tintin et Milou, autant de personnages imaginés par Hergé, un auteur en odeur de sainteté dans toutes les écoles chrétiennes du royaume. Durant la guerre, Mazel lit essentiellement Bravo !,un périodique publié a Vorigine en néerlandais’, puis adapté en langue frangaise a partir de décembre 1940, Détail amusant, Vhebdomadaire est a l’époque imprimé a quelques centaines de métres? de son domicile, au n° 18 de la place de la Vaillanee, a Anderlecht, par la S.A.R., la Société anonyme de rotogravure d'art. Brawo ! se distingue par son bel éclectisme. On y eroise des séries réalistes américaines comme « Gordon I’Intrépide » (« Flash Gordon ») et « Jungle Jim » d’Alex Raymond ; des fantaisies humoristiques, en provenance, elles aussi, d’outre-Atlantique, comme « Félix le Chat » (« Felix the Cat) » d'Otto Messmer ou « Isidore le chemineau » (« Pete the Tramp ») de Clarence D, Russell ; les westerns « Tom Mix » du Francais Edmond-Francois Calvo et. « Kit Carson » de I’Italien Rino Albertarelli ; les premiéres productions de Jacques Laudy (« Les aventures de Bimelabom et sa petite seeur Chibiche »), de Sirius (« Les aventures de Polochon », une nouvelle interprétation de son CI-DESSUS Les malicieux Garnements, dessinés épisodiquement par Rudolph Dirks ou Harold Knerr, et inspirés du Max & Moritz de Wilhelm Bush, marqueront durablement les lecteurs du journal Bravo /(n° 25, septiéme année, 19 juin 1947). « Bouldaldar » commencé avant-guerre dans Le Patriote illustré), de Willy Vandersteen (« Sindbad le Marin ») et d’Edgar Pierre Jacobs (Le rayon U). « Dans Bravo !, commente Mazel, il ne faudrait pas non plus oublier “Les Garnements”, une BD que j'appréciais par-dessus tout. Une série mettant en scéne deux gosses insupportables, Cl-DESsOUS En 1979, Mazel illustre Le serviteur noir de Washington, une nouvelle de Mark Twain (Journal de Spirou n° 2155, du 2 aoiit 1979). « J'ai découvert cet auteur étant enfant. Depuis, plus ou moins reeadrés par leur mére!9, par un capitaine de la marine a l’embonpoint prononcé et par une sorte de professeur loufoque. ». « Les Garnements » ? Mais oui, bien sir, un comic strip connu également sous le titre « Pim, Pam, Poum », traduction de « The Katzenjammer Kids », la plus ancienne des il m‘accompagne et reste un séries encore en activité!, présente le plus de mes écrivains préférés. » souvent en premiére page de Bravo |, dés les premiers numéros néerlandophones, en 1936, et illustrée selon les gags par Harold Knerr ou Rudolph Dirks. CI-DESSUS Premiére apparition de Corentin Feldoé, par Paul Cuvelier, dans I'hebdomadaire Tintin (n° 1, 26 septembre 1946). « Cuvelier, un véritable artiste que j'ai eu l'occasion de connaitre ensuite personnellement et avec qui je suis devenu ami, » [Mazel] Une lecture indispensable Ala fin de occupation allemande, on assiste en Belgique a une véritable effervescence créative dans le domaine de la bande dessinée, En quelques mois, ce sont ainsi plusiewrs dizaines d’hebdomadaires —la périodicité la plus en vogue - qui apparaissent dans les aubettes et s’efforcent @attirer le chaland, via d’alléchantes couvertures. Certains ne feront qu’un passage éclair, @’autres bouleverseront durablement le paysage de ce qui ne s’appelle pas encore le neuviéme art. Faute de moyens, le jeune Lue ne peut évidemment pas tous les acheter, mais i] se forge peu peu son esprit critique. « Je lisais notamment le journal Tintin qui publiait de trés grands dessinateurs. J’y appréciais évidemment Hergé, la suite de ses aventures de Tintin et Milou, mais aussi “Corentin” de Paul Cuvelier, un véritable artiste que j’ai eu occasion de connaitre ensuite personnellement et avec qui je suis devenu ami. J’aimais moins “Blake et Mortimer” de Jacobs, car je trouvais qu’il y avait un peu trop de texte et que cela nuisait. parfois a la fluidité de la narration. Mes gotts personnels me portant naturellement vers la bande dessinée humoristique, je me régalais surtout du Journal de Spirou. Tl faut dire que j’étais influencé par mon pé t par mes deux oneles, Henri et Arthur, qui ne manquaient pas d’humour.., Ils m’ont beaucoup marqué. Adolescent, je me précipitais donc chaque semaine dans les kiosques pour acheter “mon” Spirou, afin de suivre les aventures de mes personnages pré Si je ne le lisais pas avant-guerre!2, il m’est, en revanche, dés sa réapparition fin 1944, devenu trés vite indispensable. D'emblée, je fongais sur les pages de “Lucky Luke” de Morris. J’adorais vraiment son travail. C’était pour moi le plus grand, le plus lisible, C’était un narrateur exceptionnel, Tout en simplicité, tout en efficacité, C’est devenu pour moi un modéle a suivre, Parmi les autres auteurs du journal, il y avait évidemment Jijé et Franquin, leur série “Spirou et Fantasio”. Plus tard, au cours des années cinquante et soixante, j'ai fort aimé la fraicheur des dessins de Peyo et apprécié l’esprit rosse de Tillieux. Je disais que ma préférence allait vers le genre comique, mais cela ne m’a pas empéché d’apprécier infiniment la série “Tarzan” qui était également publiée dans ce journal. »