ebook img

Ben Ali le ripou PDF

160 Pages·2010·0.74 MB·French
Save to my drive
Quick download
Download
Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.

Preview Ben Ali le ripou

Aly Zmerli Ben Ali le ripou ■ □ ■ 2 * Quand nous voulons anéantir une cité, nous ordonnons aux opulents d’entre eux, d’obéir à nos prescriptions. Mais ils se livrent à la perversion, et justifient ainsi la sentence prononcée contre leur cité. Aussi la saccageons-nous de fond en comble. Le Coran, le Voyage nocturne (V. 16) * La rédaction de ce livre a été achevé le 31 décembre 2010. Les manifestations déclenchées dans tout le pays suite au suicide par immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, deux semaines auparavant, n’ont pas encore abouti à la Révolution du Jasmin qui allait contraindre l’ex-président à fuir la Tunisie pour se réfugier en Arabie Saoudite, seul pays à avoir accepté de l’accueillir. Nous avons décidé de ne rien toucher au manuscrit achevé, car il constitue un témoignage de la situation tunisienne à la veille de la chute du régime: blocage politique, désespoir populaire et absence totale de perspective. Ce sont ces causes profondes, explicitées dans ces pages, qui ont amené l’explosion ayant surpris les observateurs dans le monde entier, y compris les Tunisiens. 3 4 Table des matières  Avant-propos .......................................................................................................................... 6  Introduction ............................................................................................................................ 7  Ben Ali, cet inconu ............................................................................................................... 11  Les lendemains qui déchantent ............................................................................................ 30  Le RCD, ses "comparses" et ses opposants .......................................................................... 36  Une nouvelle occasion perdue .............................................................................................. 38  L’islam politique: vraie menace ou alibi commode ............................................................. 41  Quadrillage, intimidation et répression ................................................................................ 44  On achève bien l’opposition ................................................................................................. 47  Le triomphe de la médiocratie .............................................................................................. 52  L’ère du mensonge et du faux-semblant .............................................................................. 56  Ploutocratie administrative surpuissante .............................................................................. 59  Une presse aux ordres .......................................................................................................... 61  Une schizophrénie rampante ................................................................................................ 76  Le soutien hypocrite des partenaires occidentaux ................................................................ 79  Un ami des juifs pro-israéliens ............................................................................................. 82  Une "si douce dictature" ....................................................................................................... 92  Arbitraire, concussion et corruption ..................................................................................... 95  Un trou de près de 18 milliards de dollars ........................................................................... 98  L’irrésistible ascension de Leïla Ben Ali ........................................................................... 101  L’insatiable Belhassen Trabelsi ......................................................................................... 110  Imed Trabelsi ...................................................................................................................... 114  La mise au pas des réfractaires : le cas Bouebdelli ............................................................ 122  La république des lâches .................................................................................................... 125  Leïla Trabelsi s’y voit déjà ................................................................................................. 132  Lettre ouverte à Monsieur le Président .............................................................................. 141  Epilogue ............................................................................................................................. 159  5 Avant-propos Durant les vingt dernières années – très subrepticement – des mutations, tant dans l’ordre politique que dans l’ordre moral, ont conduit, dans une première étape, à un musellement du Tunisien. Un musellement au cadenas ! Et on veut faire mieux. Le Tunisien sera métamorphosé en perroquet. On veut faire de lui un papegai qui répètera ce qu’on lui aura ordonné de dire. Aussi, depuis la réélection présidentielle du 10 octobre 2009 prépare-t-on celle de 2014 et le modelage des consciences présente-t-il trois variations: il prend de la vitesse ; il se donne de belles apparences ; il prétend répondre au vœu de l’unanimité populaire. Unanimité tellement unanime qu’en grand tralala, la voix du rigoureux Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie ainsi que celle du distingué Grand Rabbin de Tunis, se sont jointes au grand concert démocratico-trabelsique. Honni soit qui mal y pense ! Vouloir comprendre sur quelle surface épineuse nous voguons depuis plus de deux décennies, c’est vouloir saisir les tenants et les aboutissants de la mésaventure de notre patrie depuis qu’on a appelé le Changement et c’est vouloir connaître le vrai portrait du pourvoyeur de ce tournant politique ainsi que le bilan de son travail. C’est ce qu’on se propose de vous révéler. Des recherches nous mèneront à une réflexion sur le pouvoir autocratique, sur les limites de l’action tyrannique et sur le devoir de hurler "Non !" et d’agir en conséquence. Ce hurlement commence d’ailleurs à se faire entendre à travers les mouvements de contestation qui se multiplient aux quatre coins du pays, de Redeyef à Sidi Bouzid, en passant par Ben Guerdane. Nous assistons visiblement à une fin de règne, qui risque d’être longue et, peut-être aussi, violente. Notre devoir est d’aider à démonter les rouages d’un pouvoir qui a déstructuré le pays, freiné sa transition démocratique et éteint l’espoir dans le cœur de ses enfants. 6 Introduction "L’espérance de vie d’un Tunisien est de… deux présidents et demi". Cette boutade attribuée au poète Sghaier Ouled Ahmed ironise sur l’immobilisme de la scène politique tunisienne, marquée depuis l’indépendance du pays en 1956, par deux présidences, celle d’Habib Bourguiba, qui a duré 30 ans, de 1957 à 1987, et celle de Zine El Abidine Ben Ali, qui promet de durer encore autant sinon davantage. Car si l’on en juge par ses manœuvres pour faire le vide politique dans le pays et assurer ainsi son maintien à la tête de l’Etat au-delà de toute limite, ce dernier semble en effet bien parti pour dépasser le record de longévité de son prédécesseur. Aujourd’hui âgé de 74 ans, Ben Ali a déjà rempilé, en octobre 2009, pour un cinquième mandat de cinq ans, à l’issue d’une énième mascarade électorale montée et mise en scène par ses services. Ce mandat, qui devrait être constitutionnellement le dernier, annonce déjà, aux yeux des Tunisiens, habitués aux amendements constitutionnels et aux tripatouillages électoraux, un sixième, en 2014, qui amènera le président sortant – à moins d’une catastrophe nationale – jusqu’en 2019. Ben Avi – joli sobriquet dont les Tunisiens affublent désormais leur président – aura alors, avec l’aide de Dieu, dépassé 83 ans. Il aura aussi, en trente-deux ans de règne sans partage, enterré le rêve de transition démocratique caressé par plusieurs générations de Tunisiens et de Tunisiennes, condamnés à subir indéfiniment les abus et distorsions d’un système politique archaïque, mélange d’autoritarisme, d’affairisme et de voyoucratie. On sait comment Bourguiba a pu se maintenir aussi longtemps au pouvoir. Leader nationaliste, il a conduit son peuple à l’indépendance au terme d’un combat marqué par plusieurs arrestations, emprisonnements et éloignements. Celui que ses compatriotes appelaient le Combattant Suprême a eu le mérite de mettre les bases d’un Etat moderne et d’initier, souvent dans l’adversité, de grandes réformes politiques et sociales: abolition de la monarchie, proclamation de la République, vite transformée en autocratie comme on le verra plus loin, promulgation d’une constitution moderne, émancipation de la femme, généralisation de l’enseignement, etc. Ce sont autant d’actes fondateurs, souvent audacieux qui ont renforcé sa légitimité historique et façonné la Tunisie contemporaine, qu’ils ont dotée des attributs de la souveraineté, de l’authenticité et de l’ouverture sur le monde. Rattrapé par l’âge, miné par la maladie et trompé par une cour aussi obséquieuse qu’intéressée, et qui se battait déjà pour sa succession, le premier président de la République Tunisienne a eu cependant la faiblesse de se croire au-dessus des lois et des institutions. C’est ainsi que, dès les premières années de son règne, il a fait taire toutes les voix discordantes, interdit les partis politiques, verrouillé le champ public et imposé un contrôle strict sur les médias. Conséquence : pour ses compatriotes, l’indépendance – si chèrement acquise – n’a finalement pas élargi le champ des libertés. Au contraire, plus le nouveau pouvoir – pompeusement appelé républicain – se renforçait dans le pays, plus ces derniers se voyaient délester de certains droits dont ils bénéficiaient pourtant sous le régime du protectorat, comme celui d’exprimer une opinion différente, de fonder un parti, de créer un syndicat, de publier un journal ou de s’organiser en association, sans avoir à quémander une hypothétique autorisation du ministère de l’Intérieur, comme le stipule aujourd’hui les lois de la République Tunisienne. 7 Bourguiba, son parti le Néo Destour, devenu le Parti Socialiste Destourien (PSD), son gouvernement, et toute la clique au pouvoir allaient bientôt imposer un régime tout à la fois nationaliste, paternaliste, autoritaire et quelque peu débonnaire, où les épisodes de répression aveugle alternaient avec les phases d’ouverture durant lesquelles, le Combattant Suprême, jouant les pater familias, se montrait indulgent à l’égard de ceux qui bravaient son pouvoir personnel, ces " fils prodigues " qui ne tardaient pas d’ailleurs à rentrer dans les rangs. A ceux qui se montraient plus récalcitrants, ils n’hésitaient pas à infliger les souffrances les plus terribles: tortures, procès iniques, emprisonnements… C’est au sein de ce régime que l’actuel président a fait son apprentissage. Homme d’appareil, il a fait l’essentiel de sa carrière au ministère de la Défense Nationale, puis à celui de l’Intérieur, en tant que haut responsable de la sécurité, Ben Ali n’a rien renié de l’héritage bourguibien: le réformisme social, le libéralisme économique, le rejet viscéral des mouvements religieux et l’attachement, plus pragmatique qu’idéologique, à l’Occident… Autant de choix qui sont en vérité inscrits dans la tradition d’ouverture des Tunisiens depuis les époques les plus anciennes. Mais, après une courte période d’hésitation ou d’acclimatement durant laquelle il a donné l’illusion de vouloir instaurer en Tunisie une démocratie digne de ce nom – promesse contenue dans la déclaration du 7 novembre 1987, annonçant la destitution de Bourguiba et son accession personnelle au pouvoir –, Ben Ali n’a pas tardé à renouer avec l’autoritarisme bourguibien, qu’il s’est empressé de renforcer tout en l’adoptant aux nouvelles réalités du pays et en le déclinant sous une forme plus ou moins acceptable par ses partenaires occidentaux. Ces derniers se montrant d’autant plus disposés à fermer les yeux sur les dépassements de son régime policier en matière de libertés publiques et de droits de l’homme, qu’il leur donne satisfaction en matière d’ouverture économique, de facilités d’investissement et de lutte contre le terrorisme islamiste et l’immigration clandestine. C’est ainsi que sous couvert d’un pluralisme de façade, plus arithmétique que politique, le régime issu du Changement – c’est-à-dire du " coup d’Etat médico-légal " qui a ouvert à Ben Ali la voie de la magistrature suprême – continue d’enserrer la société tunisienne dans l’étau d’une dictature de fait, plus ou moins musclée, souvent implacable, qui empêche le débat public et tue dans l’œuf toute velléité de contestation politique. Au point qu’aujourd’hui, les Tunisiens ne sont pas loin de regretter les périodes antérieures, celle du protectorat français, au cours de laquelle ils – ou leurs parents – avaient la possibilité de s’exprimer plus ou moins librement, de s’organiser au sein de structures associatives autonomes et de mener des combats pour le changement et le progrès. Ils sont nombreux aussi à regretter le style de gouvernement de Bourguiba qui, tout en exerçant un pouvoir autoritaire, adossé à une culture de parti unique et à un culte de la personnalité, s’était toujours gardé de piller le pays et d’accaparer ses richesses au profit de son propre clan, comme le fait aujourd’hui, de manière effrontée, arrogante et humiliante pour ses concitoyens, l’" Homme du Changement ". A la mort de Bourguiba, en avril 2000, beaucoup de Tunisiens découvrirent en effet, non sans surprise, que cet homme qui a régné pendant trente ans dans un pays qu’il a libéré de la colonisation et marqué de son empreinte indélébile, a vécu ses dernières années aux frais de l’Etat, dans une maison qui a longtemps servi de logement de fonction au gouverneur de Monastir, sa ville natale. Ils eurent de la peine à croire aussi que le Combattant Suprême n’a rien laissé en héritage à ses descendants. Ni château en bord de mer, ni domaine agricole, ni compte en banque bien fourni. Sa dépouille mortelle fut d’ailleurs veillée, à Monastir, dans la 8 demeure de ses parents, une petite maison comme on en voit dans les quartiers populaires ceinturant les grandes villes. En comparaison – ou par contraste – avec le faste royal dans lequel baigne aujourd’hui le président Ben Ali et les innombrables membres de son clan, aussi voraces les uns que les autres, le règne de Bourguiba apparaît, aux yeux de ses compatriotes, plutôt débonnaire et bienveillant, sobre, vertueux et altruiste, en tout cas moins marqué par la corruption, le népotisme et la concussion. C’est ce qui explique que les jeunes Tunisiens et Tunisiennes, nés au lendemain de l’accession de Ben Ali au pouvoir, s’intéressent aujourd’hui à Bourguiba et à son legs politique au point de lui vouer un véritable culte. Au-delà des comparaisons entre les deux hommes, qui ont au final si peu de choses en commun, ce qui importe le plus aujourd’hui c’est d’essayer de comprendre comment la jeune République Tunisienne, née dans l’enthousiasme d’une construction nationale et démocratique, a-t-elle pu dériver vers cette sorte d’oligarchie qui est la nôtre aujourd’hui et où le président, réélu indéfiniment à des scores astronomiques, en est presque venu, au fil des jours, à détenir les pouvoirs d’un monarque absolu. Comment, en l’espace de deux décennies, est-on passé d’un régime vaguement autoritaire à une véritable dictature, semblable à celles qu’ont connues les régimes militaires de l’Amérique latine ou communistes de l’Europe de l’Est pendant la guerre froide? Comment fonctionne aujourd’hui ce régime policier, qui tient beaucoup de la personnalité et du caractère de son architecte et pilier central, le président Ben Ali? Comment, en recourant systématiquement à la répression politique et au contrôle des médias pour dissimuler l’affairisme de la clique qu’il sert – et qui le sert – avec un zèle toujours renouvelé, ce régime a-t-il pu empêcher jusque là toute transition démocratique dans un pays où les prémices du pluralisme politique remontent pourtant aux années 1970-1980? Ce livre essaie de répondre à ces questions, en témoignant des évolutions, blocages et dysfonctionnements en œuvre dans ce pays arabo-musulman qui possède tous les atouts pour réussir sa transition démocratique, mais qui continue d’offrir l’image peu reluisante d’une république bananière. En s’appuyant sur les archives officielles, sur des documentations privées, sur des témoignages d’acteurs ou de témoins dignes de confiance, cet ouvrage est écrit, sans haine ni rancune envers quiconque, pour traduire une image réelle de la Tunisie. Peut-être serait-il le point de départ d’un réveil de conscience afin d’éviter aux Tunisiens, peuple attachant, digne d’admiration et qui mérite mieux que la dictature actuelle qui l’oppresse, la chute dans un abîme dont nul ne peut mesurer les conséquences. Ce livre, qui se présente comme un document sur la réalité du pouvoir actuel en Tunisie, son mode de fonctionnement, ses pratiques, ses piliers internes et relais externes, ne prétend pas répondre à toutes les questions que pose la situation tunisienne actuelle. Il voudrait d’abord analyser la personnalité de Ben Ali, sa conception du pouvoir, ses méthodes de gouvernement et même les ressorts les plus secrets de sa personnalité, qui ont fortement marqué son si long règne et déteint sur le système personnalisé – pour ne pas dire personnel – qu’il a mis en place dans son pays. 9 Pour cela, nous étudierons d’abord le parcours politique de cet homme et sa fulgurante ascension à la tête du pouvoir et les moyens qu’il a mis en œuvre depuis pour s’y maintenir le plus longtemps possible, notamment par le mensonge, le double langage et la duplicité érigée en système de gouvernement, au mépris des idéaux démocratiques dont il ne cesse pourtant de se réclamer de manière insistante et quasi-incantatoire. 10

See more

The list of books you might like

Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.