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Avicenna Latinus. Liber de anima seu sextus de naturalibus IV-V PDF

244 Pages·1968·30.382 MB·French
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,±â AVICENNA LATINUS LIBER DE ANIMA SEU SEXTUS DE NATURALIBUS ÉDITION CRITIQUE DE LA TRADUCTION LATINE MÉDIÉVALE PAR S. VAN RIET INTRODUCTION SUR LA DOCTRINE PSYCHOLOGIQUE D'AVICENNE PAR G. VERBEKE Ouvrage publié avec le concours de la Fondation Universitaire de Belgique LOUVAIN LEIDEN ÉDITIONS ORIENTALISTES E. J. BRILL 1968 Parmi les traductions arabo-latines exécutées à Tolède au douzième e. siècle, l'une des plus célèbres est celle du De Anima d'Avicenne ou Liber sextus de naturalibus. Écrit environ cent cinquante ans avant de pénétrer en Occident, ce traité connut bientôt, sous sa forme latine, une rapide diffusion et conquit une large notoriété. C'est de ce texte latin que nous avons d entrepris l'édition critique. Le De Anima d'Avicenne comprend cinq parties. L'édition de l'en- semble de la traduction médiévale comportera deux volumes : le volume r consacré aux trois premières parties est en préparation ; le présent volume contient les quatrième et cinquième parties, dans lesquelles se concentrent plusieurs des doctrines caractéristiques de la psychologie w avicennienne. Héritier du Traité de l'âme d'Aristote et des commentateurs d'Alexandrie et d'Athènes grâce à l'activité des traducteurs de Bagdad, introduit en Occident par le labeur des traducteurs de Tolède, le De Anima d'Avicenne se situe aux confins de l'hellénisme, du christia- nisme et de l'Islam, au carrefour des cultures grecque, arabe et latine, et constitue une pièce maîtresse dans l'histoire de la pensée. M. G. VERBEBE, Professeur à l'Université de Louvain, a été le pro- moteur de ce travail. Directeur du Corpus Latinum Commentariorum in Aristotelem Graecorum, il y a publié, dans le cadre des Recherches en Philosophie ancienne et médiévale du Centre De Wulf-Mansion, l'édition critique de deux traductions médiévales faites par Guillaume de Moerbeke et qui s'inscrivent toutes deux dans l'histoire du Traité de l'âme d'Aristote : celle du commentaire de Thémistius et celle du En préparation : commentaire de Jean Philopon. Mesurant ainsi, mieux que quiconque, AVICENNA LATINUS. Liber De Anima seu Sextus De Naturalibus quel vide laissait, dans l'histoire de l'aristotélisme comme dans celle (I - II - II). Édition critique de la traduction latine médiévale par de la psychologie médiévale, l'absence d'une édition critique du De S. VAN RiET. Introduction sur la doctrine psychologique d 'Avicenne Anima d'Avicenne en sa traduction latine, c'est lui qui nous suggéra par G. VERBEBE. d'entreprendre cette édition et d 'assumer les recherches philologiques qu'elle suppose. Il n'a cessé d'encourager ce projet de la manière la plus efficace, sans ménager ni son temps ni son aide. Nous lui devons une très grande reconnaissance . VI AVANT-PROPOS AVANT-PROPOS VII M. Verbeke a bien voulu, à notre demande, prendre en charge l'in- Plusieurs amis nous ont apporté leur précieux concours : Mme troduction doctrinale des deux volumes que comportera notre édition; M.C. LAMBRECHTS-BAETS, assistante à l'Université de Louvain, qui par cette introduction, le De Anima d'Avicenne se trouve situé, selon nous a secondée sans relâche depuis un an, M . A. MEKHITARIAN, d'amples perspectives, au coeur même de la problématique issue du attaché aux Musées Royaux d'Art et d'Histoire à Bruxelles, ainsi traité aristotélicien et dont les lignes dominantes sillonnent toute que M. A. SÉBAï, de Tunis, et M. A. SUBEI, de Damas. l'histoire de la philosophie ancienne et médiévale. Que tous ceux qui ont rendu possible la publication du présent Melle M.-Th. D'ALVERNY nous a accueillie dans le secteur de recher- volume soient remerciés de leur aide et veuillent bien nous l'assurer ches dont elle est la spécialiste internationalement réputée ; elle a encore jusqu'à l'achèvement de, notre édition. suivi notre travail en ses étapes principales. Successivement Conser- vateur des Manuscrits à la Bibliothèque Nationale de Paris, puis Simone VAN RIET Directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scienti- Louvain, le 21 juin 1968. fique, elle a accompli elle-même, par la prospection et la description des manuscrits avicenniens, une oeuvre immense qui rend possible, désormais, l'édition de la plupart des textes philosophiques de l'Avi- cenne latin, mais dont l'édition du De Anima aura été la première à bénéficier. Melle d'Alverny nous permettra de lui exprimer ici notre vive gratitude et de souligner que, sans ses propres publications de l'Avicenna latines, le présent volume n'existerait pas. Nous tenons aussi à remercier de tout coeur M. A. ABEL, Professeur aux Universités de Bruxelles et de Gand, de l'intérêt qu'il a toujours témoigné pour nos recherches. Directeur du Centre pour l'Étude des Problèmes du Monde musulman contemporain, auquel nous avons collaboré pendant plusieurs années, il a mis à notre disposition, avec la plus grande bienveillance, les ressources de sa bibliothèque person- nelle et de son érudition. Nous devons à l'attention amicale et diligente de Melle S. MANSION, Professeur à l'Université de Louvain, d'avoir pu trouver, réunis par ses soins à la filmothèque du Centre De Wulf-Mansion (1), les micro- films des cinquante manuscrits connus du De Anima d'Avicenne. Le R.P. A. RAEs, Préfet de la Bibliothèque Vaticane, M. M. BozzA MARIANI, Directeur de la Bibliothèque Casanatense, M . J. VAN DAMME, Bibliothécaire de la Bibliothèque de la Ville de Bruges, nous ont ré- servé le meilleur accueil. (1) Le e Centre de Wulf-Mansion. Recherches de Philosophie ancienne et médiévale e est établi à l'Institut Supérieur de Philosophie de l'Université de Louvain . Le conseil de direction est formé des titulaires des chaires de philosophie ancienne et médiévale de l'Institut : F. Van Steenberghen, G. Verbeke, H.L. Van Breda, S. Mansion, S. Van Riet, C. Wenin. — Administrateur-Directeur : S. Mansion. LE «DE ANIMA» D'AVICENNE UNE CONCEPTION SPIRITUALISTE DE L'HOMME A partir du douzième siècle, le De Anima d'Avicenne a été mis à la portée des philosophes et des théologiens d'Occident : ce traité a été traduit à Tolède, sans doute après 1150, par l'archidiacre Dominique Gundisalvi ou Gundissalinus, avec la collaboration d'un savant juif, appelé Ibn Dawud (1). Il a été lu et étudié par les penseurs médiévaux qui n'hésitent pas à faire appel à l'autorité du célèbre médecin et philosophe d'Orient pour étayer les grandes thèses de leur conception sur l'homme. On sait d'autre part que, depuis le début du treizième siècle, certaines doctrines hétérodoxes ont été dénoncées dans l 'œuvre d'Avicenne et combattues avec énergie : ainsi, Guillaume d'Auvergne dénonce chez Avicenne la thèse de l'éternité du monde, la néces- sité de la création, l'influence des astres sur le comportement humain, la doctrine de l'intellect agent séparé, considéré comme la cause efficiente et finale des âmes humaines ; il croit même qu'Avicenne est adversaire de l'immortalité personnelle (2). De tous les penseurs du treizième siècle, c'est Roger Bacon qui semble être le mieux ren- seigné sur la vie et les oeuvres d'Avicenne (3). L'influence de l'avicen- nisme a été tellement profonde que les grandes thèses de ce courant doc- trinal ont été visées par les décrets de 1210 et 1215 (4). Même les plus grands représentants de la pensée du treizième siècle, Albert le Grand et Thomas d'Aquin, se réfèrent à l'œuvre d'Avicenne dans l'exposé de leur propre doctrine, que ce soit pour la combattre ou pour y (1) Cfr M. Th. D'ALvERNY, Avicenna Latinus I, dansArchives d'Histoire littéraire et doctrinale du Moyen Age, XXVIII, 1961, p. 285. (2) R. DE VAux, Notes et textes sur l'Avicennisme latin aux confins des XIl e-%Ille siècles. Paris, 1934, p. 30. Un autre témoin de l'influence exercée par le De Anima d'Avi- cenne au début duXIIIe siècle, est le Traité de Mme de John Blund, qui a enseigné à Oxford et à Paris. Cfr D. A. CALLus, TheTreatise of John Blundon the Soul, dansAutour d'Ari8tote, Recueil d'études de Philosophie ancienne et médiévale offert à Mgr A.Mansion, Louvain, 1955, pp. 479-495. (3) R. DE VAux, o.c., p. 57. Cfr A. BIRHENMAJER, Avicenna und Roger Bacon, dans Revue Néo-Scola8tique de Philosophie, 1934 (36), pp . 308-430 (Mélanges De Wulf). (4)R. DE VAux, o.c., p. 45sqq. mml 3* 2* LE «DE ANIMA* D'AVICENNE UNE CONCEPTION SPIRITUALISTE DE L'HOMME chercher des arguments à l'appui de leurs thèses (b). Plus tard, vers la Les livres IV et V du De Anima d'Avicenne contiennent les textes fin du moyen âge, un exposé de la doctrine psychologique d 'Avicenne fondamentaux qui, dans ce traité, concernent la psychologie humaine : a été élaboré par le célèbre médecin et philosophe Hugues de Sienne portrait de l'homme, doctrine de la vie cognitive, activité des sens (1370-1439) (6). internes, activité de la pensée. L'introduction des livres I, II et III La traduction latine des œuvres d'Avicenne, spécialement celle du concernera plus spécialement la définition de l'âme, l'activité des sens De Anima, a donc exercé une influence profonde sur la pensée médié- externes, le rôle du pneuma ou souffle vital avec, à l'arrière-plan, la vale de l'Occident. Rien d'étonnant : l'arrivée du De Anima n'est-elle psychocosmologie avicennienne, corollaire d'une métaphysique émana- pas contemporaine du premier contact des Latins avec le Traité tiste. de l'âme d'Aristote et avec les Libri Naturales ou vraisemblablement même antérieure à celui-ci? C'est en tout cas le premier écrit latin qui, 1. Traité « de l'âme », traité «de l'homme» ? en dehors du De Anima du Stagirite même, reproduit la trame d'un traité de structure aristotélicienne : il a d'ailleurs été repris, au cours On possède, à l'heure actuelle, une liste impressionnante d'ouvrages, de la même génération, par la compilation de Gundissalinus (7). Le écrits au cours du Moyen Age, et portant toujours le même titre : De texte de ce traité est difficile à comprendre, surtout pour un lecteur Anima. Beaucoup d'entre eux sont des commentaires sur le Traité de moderne. Le but de notre introduction est de rendre la traduction d'Aristote, d'autres sont des exposés systématiques. Comme l'âme latine du De Anima intelligible à un lecteur contemporain qui s'inté- il y a des centaines de traités du même genre, cet intitulé n'étonne resse à l'évolution et aux multiples aspects de la pensée médiévale . plus guère et semble aller de soi. Pourtant, leDe Anima d'Aristote et Notre intention n'est donc pas d'identifier toutes les sources de la les ouvrages postérieurs portant le même titre, traitent de l'homme, pensée avicennienne; elle n'est pas non plus de décrire l'influence que de son principe de vie, de ses puissances sensibles et intellectuelles : cette pensée a exercée sur les théologiens et les philosophes d'Occident. pourquoi, dès lors, ne pas parler d'un traité de «l'homme», plutôt Notre but est bien plus modeste : il s'agit de mettre en évidence et de que d'un traité «de l'âme», ainsi que l'a fait Némésius d'Émèse en chercher à comprendre les grandes thèses du spiritualisme avicennien ; choisissant pour son traité (célèbre au Moyen Age et attribué à Gré- nous ne cesserons de faire appel à des termes de comparaison, afin de goire de Nysse) le titre De natura hominis ? Faudrait-il en conclure montrer en quoi la psychologie d'Avicenne correspond aux conceptions que tous ces auteurs identifient purement et simplement l'homme et d'autres penseurs, anciens ou médiévaux, ou en diffère. Nous espérons l'âme et que le corps ne compte pas? Par ailleurs si, entre l'homme et ainsi offrir au lecteur une synthèse doctrinale qui lui permette d'aborder l'âme il y a coïncidence totale, quelle est la signification précise du l'étude de ce texte difficile et d'en saisir toute la richesse philosophique. terme « âme» ? Cette introduction se rapporte avant tout au contenu des livres IV et V du De Anima; il va sans dire cependant qu'on sera amené à recourir à Le De Anima d'Avicenne se situe dans la perspective de la psycho- d'autres passages du même traité ou à d'autres écrits avicenniens (8). logie aristotélicienne ; sans être un commentaire sur le Traité de l'âme du Stagirite et sans adopter toujours les solutions proposées par le (5) B. HANEBERO, Zur Erkenntnislelare von Ibn Si-na und Albertus Magnus, dans Abhandlungen der philosophisek-philologischen Classe der KSniglichBayerischenAkademie logique du Kitâb al-Najàt ou Livre du Salut (efr F. RAHMAN, Avicenna's Psychology. An der Wissenschaften, T. 11, Munich, 1866. — C. VAN STEENRISTE, Avicenna-citaten bij English translation ofKitâb al-Najât,Book II, Chapter VI, with historieo-philosophieal S. Thomas, dans Tijdschrift voor Philosophie, 1953 (15), pp. 457-507. notesand textual improvements on the Cairo edition. Oxford, 1952); àla partie psycho- (6) G. QuADRI, La philosophie arabe dans l'Europe médiévale, Paris, 1947,pp. 172-197, logique du Livre des Directives et Remarques, traduction avec introduction et notes par (7) H. DuLuDE, La tradition latine des traités de d'âme d'Aristote et d'Avicenne. Thèse A. M. GoieaoN, Paris, 1951. dactylographiée. Montréal, 1958, p. 14 : « Lafaleafamusulmane constitue le médium de % Lee textes du Shifia', autres que ceux du De Anima et cités en latin, sont empruntés transmission d'Aristote en Occident ». à AvieExxA, Opera Philasophica, Venise, 1508, réimpression, Louvain, 1961. (s) On aura recours principalementàl'Épître sur l'âme qui passe pourle premier écrit Les textes duDe Anima sont cités, pour les livres IV et V, d'après la présente édition, psychologique d'Avicenne (cfr S. LANDAUER, Die Psychologie des Ibn Sind, dans Zeit. pour les livres I, II, III, d'après le manuscrit de base de la présente édition (Casanatensis schrift der Deudschen Morgenlandesgesellschaft, 1876 (29), pp.335 à 418);àla partie psycho. 957) avec mention de la référence correspondante dans l'édition de Venise 1508. 4* 5* LE e DE ANIMAh D'AVICENNE UNE CONCEPTION SPIRITUALISTE DE L'HOMME maître grec, il se place dans la même optique, aborde les mêmes Socrate et sous l'influence de sa réflexion philosophique, le terme problèmes et, par delà le Stagirite, plonge certaines de ses racines dans a déjà subi une transformation sémantique radicale . N'est-ce ~vX~ le même passé (9). pas là d'ailleurs un processus normal, qui se produit régulièrement dans l'évolution du vocabulaire philosophique à partir du langage Dans la poésie homérique, le terme «âme» désigne la force qui assure préphilosophique ? Les termes philosophiques sont souvent repris la vie de l'homme; si l'homme est un être vivant, c'est grâce à la pré- au langage courant, mais ils sont progressivement « spiritualisés » sence et à l'action de la psyché. L'âme ne désigne donc pas le principe et «intériorisés» grâce à une réflexion de plus en plus poussée. de la pensée ni de la vie affective, mais une sorte de souffle vital, que Pour Socrate, le terme OvX71 ne désigne plus un souffle matériel, l'homme exhale au moment de la mort, soit par la bouche, soit par qui quitte l'homme au moment de la mort, mais le centre de la per- une blessure. L'âme continue-t-elle à survivre après la mort? Selon sonne humaine, le principe de la connaissance et de la vie morale : les anciennes croyances grecques, elle descend aux Enfers où elle cette âme continue à vivre après la mort, non pas comme une ombre, mène une existence diminuée : dans ce monde souterrain, elle con- mais comme un principe responsable des actions bonnes et mauvaises tinue d'exister comme une ombre, presque sans vitalité et pénétrée accomplies durant la vie terrestre. Socrate, se trouvant en présence d'oubli. A côté de l'âme, 0VXI', la poésie homérique distingue l'in- de ses juges et décrivant sa mission, la présente comme une exhor- tellect, vdog, désignant l'esprit en tant qu'il atteint un savoir clair, et le tation continuelle, adressée à tous, jeunes et vieux, à se préoccuper Bvfcôg, principe de mouvement et de vie émotive. de leur âme plus que du corps et de la fortune. Pareille exhortation Ces trois éléments ne sont pas conçus comme les parties d'un tout, ils serait dénuée de sens si elle avait pour but d'amener les hommes sont juxtaposés avec leur fonction propre, sans aucun lien organique à s'occuper du souffle matériel qui est à l'origine des opérations vitales. qui les unifie. On ne peut les concevoir non plus comme des facultés de Et quand Socrate s'entretient avec Alcibiade de l'amitié et qu'il l'âme, comme des puissances actives émanant d 'un principe vital arrive à la conclusion que son interlocuteur n'a eu, durant toute sa unique. Il en est un peu de ces principes supérieurs comme des organes vie, qu'un seul ami, à savoir Socrate, parce que lui seul a été l'ami du corps : le corps non plus n'est pas conçu comme une unité, mais de son âme et pas seulement de son corps, on y retrouve une nouvelle comme un ensemble de membres dont on n 'aperçoit pas la structure fois la notion de psyché dans sa signification la plus dense : le corps organique (10). Le titre Traité de l'âme ne pourrait guère se comprendre est considéré comme l'instrument de l'âme ; l'admiration de la beauté si l'on donnait au terme ~vXI] le sens qu'il revêt dans la poésie homé- corporelle ne conduit donc pas à l 'intimité avec une autre personne ; rique. Si donc le Stagirite et les auteurs postérieurs ont choisi ce titre celui qui admire le corps, s'attache à quelque chose qui appartient à pour désigner leur traité sur l'homme, c'est que le terme «âme» a subi l'homme, mais il n'entre pas pour autant en contact avec le cœur de la une évolution sémantique importante. Sans retracer ici toutes les personne humaine. Dans l'optique platonicienne, le regard du philosophe étapes de cette évolution passant par le Shamanisme, l'Orphisme, le a ne s'arrête pas à la réalité corporelle qui est perpétuellement en devenir ; Pythagorisme, Héraclite et Empédocle, on peut dire que, du temps de la mort de Socrate est devenue le symbole de la philosophie véritable le philosophe apprend à mourir, à se détacher du monde sensible, (9) Le De Anima d'Aristote a été traduit en arabe par Ishaq ibn Hunain au IXe-Xe pour avoir accès à la réalité authentique, le monde des Idées . Il agit siècle. Sur les antécédents de cette traduction (traduction du grec en syriaque), les révisions qui en furent faites, et la traduction arabe d'Abu Isa Ibn Zur`a, cfr L. Mixlo- de même dans le contact avec autrui : il transcende les apparences PALuELLo, Le texte du a De AnimaH d'Aristote. La tradition latine avant 1500,dansAutour corporelles pour réaliser une rencontre au niveau de l'âme, c'est-à-dire d'Aristote, pp. 217-218; S. VASRIET,De Latijnse Pertaling van Avicenna's Kitâb al-nerfs, au niveau du moi d'une autre personne. N'est-ce pas dans l'âme dans Orientalia Gandensia I, 1964, p. 207. qu'on trouve le trésor de toutes les connaissances humaines qui vont (10) J. BURNET, The Socratie Doctrine of the Soul. The Hertz Lecture, 1916, dans se développer au cours de l'existence? N'est-ce pas dans l'âme aussi Proceedings Brit. Arad., VII. — B. SxELL, The Discovery of the 1Hind, Oxford, 1953, que se situent les grandes options au sujet de l'orientation de la vie Chapter I: Homer's View of Man. — E. R. DODns, The Greeks and the Irrational. Ber- keley-Los Angeles, 1951, surtout le chap. 5, p. 135 sqq. : The Greek Shamans and the humaine? Chaque homme porte en lui une possibilité d 'équilibre et Origin of Puritanism. d'harmonie, mais aussi la. menace d'un déséquilibre et d'un conflit F_ 6* LE *DE ANIMA* D'AVICENNE UNE CONCEPTION SPIRITUALISTE DE L'HOMME 7 * constant. C'est à la lumière de son savoir immanent, plus ou moins même l'organisation du corps, prend son origine dans l'entéléchie développé, que l'homme décide de l'orientation de sa vie vers le bien première qu'est l'âme. Il en résulte que l'étude de l'âme sera en même véritable ou vers des valeurs apparentes. temps l'étude du corps et de toutes les activités vitales, depuis la vie Quand Aristote, en plein quatrième siècle, écrit son Traité de l'âme, il a végétative jusqu'à la pensée. Par ailleurs, l'homme n'est pas le seul derrière lui tout le passé de la tradition philosophique : ses lecteurs, être vivant dans le monde: il n'est donc pas le seul à posséder en lui un qui connaissent la pensée de Socrate et de Platon, sont en état de principe de vie, une âme : en étudiant la forme substantielle de l'être comprendre la signification du titre 7rep'i OvX~g, désignant un des humain, Aristote replace l'homme dans l'ensemble du monde biolo- traités les plus étudiés de l'œuvre aristotélicienne . On comprend gique et examine à la fois ce qu'il a de propre et ce qu'il a de commun aisément pourquoi le traité n'est pas intitulé irepc acûµaros. Bien avec les autres vivants. qu'Aristote n'accepte pas le dualisme psychologique de Platon, il Il est d'ailleurs intéressant de remarquer comment les questions n'en reste pas moins vrai que l'unité de l'homme n'est pas aussi poussée abordées par le maître grec dans son Traité de l'âme, ont été reprises chez lui que dans la phénoménologie contemporaine . Dans ses oeuvres invariablement au cours de l'histoire et sont devenues la trame tradi- de jeunesse et aussi dans l'Éthique â Nicomaque, Aristote n'hésite tionnelle d'un exposé philosophique sur l'homme : on les retrouve pas à dire que l'homme est avant tout et principalement l'esprit, chez Avicenne, comme on les rencontre presque jusqu'à nos jours bien qu'il admette par ailleurs que l'âme soit l'acte premier d'un dans tous les traités de psychologie. On peut dire que le Stagirite corps physique et organique possédant la vie en puissance ( 11). D'ail- a fixé pour des siècles le contenu du traité de l'homme. leurs, même si l'on ne conçoit pas le corps comme un instrument anonyme Quelles sont ces questions ? Nous les aborderons dans notre exposé sur mis à la disposition du moi, il ne s'ensuit pas encore que le corps con- le spiritualisme d'Avicenne. Il s'agit d'abord de savoir si l'homme est, stitue le tout de l'homme : en dehors d'une conception purement sans plus, une partie du .monde physique : il est certain que l'homme matérialiste, on admettra toujours dans l'homme une dimension qui s'insère dans la réalité matérielle, comme les êtres inanimés, les plantes transcende l'organisme corporel. D'autre part, on comprend aussi que et les animaux. Tout le problème est de savoir si son être appartient le Stagirite n'ait pas choisi comme titre : «De l'intellect», 7repi voe. intégralement au monde physique. N'y a-t-il pas dans l'homme des Il est vrai que la pensée constitue le caractère propre de l'homme, activités qui transcendent la réalité physique, à tel point que l'être celui qui le distingue des autres vivants et le maître grec ne manquera humain se situerait à la limite de deux mondes, le monde matériel pas de le mettre en relief : plusieurs chapitres de son Traité de l'âme et les réalités immatérielles? Et si certaines activités humaines dépas- sont consacrés à l'étude de la pensée et, si l'on se réfère à la morale du sent le monde physique, ne faut-il pas en dire autant du principe de Stagirite et à l'idéal de la contemplation comme constitutif de l'eudé- ces activités? D'où la question de savoir si l'âme humaine est maté- monie, on se rend compte de l'importance accordée par Aristote à la rielle ou immatérielle : cette question a été posée et reposée au cours de dimension intellectuelle de l'être humain. Pourtant la pensée n'est pas l'histoire et très souvent dans les mêmes termes que ceux du Traité de le tout de l'homme, surtout si l'on tient compte du fait que la vie intel- l'âme d'Aristote. On s'est demandé notamment si, parmi les activités lectuelle plonge ses racines dans l'expérience sensible à tel point que humaines, il n'y en aurait aucune qui soit entièrement indépendante de la pensée ne peut s'exercer à aucun moment sans une image sensible (12). l'organisme corporel (13). La question est importante, car la solution Dans l'optique aristotélicienne, le Traité de l'âme est donc une étude qu'on donnera au problème de l'immortalité en dépendra : si l'âme de l'homme, ou plus particulièrement une étude de la forme sub- est matérielle, elle périra avec le corps ; par contre, si elle est imma- stantielle de l'être humain : tout ce qu'il y a de formel dans l'homme, térielle, elle pourra continuer de subsister après la mort, car elle pourra toujours exercer les activités qui ne requièrent pas l 'intervention d'un organe corporel. (11) G. VasszKB, Thèmes de la morale arie6otélicimne, dans Revue philosophique de Louvain, 1963 (61~ pp. 190sqq. ( (13) De Anima, III, 431a 16 : M oMdw& e voeî"Oaavrdoµaror r) Our 13) De Anima, I, 1, 403a 3sqq q* 8* UNE CONCEPTION SPIRITUALISTE DE L'HOMME LE tDE ANIMA» D'AVICENNE Certains auteurs chrétiens, Némésius notamment, avaient incorporé Toutes ces questions tournent autour du problème central de la dans le traité de l homme les pages remarquables consacrées par psychologie aristotélicienne, à savoir le rapport entre l âme et le corps : ' ' Aristote au libre arbitre dans son Éthique â Nicomaque. Avicenne ne le l'homme est-il composé de deux éléments qui se présentent comme fait pas, sans doute parce que la question de la liberté et de la respon- deux substances pouvant exister séparément, ou bien l union entre ' sabilité personnelle se posait autrement dans le cadre de sa métaphy- l'âme et le corps est-elle si intime que les deux composants ne puissent subsister en dehors d'elle? Quelle est la fonction du corps vis-à-vis de sique émanatiste, et que, d'autre part, le De Anima est loin d'être le seul exposé de sa psychologie. l'âme humaine? Le corps est-il indispensable à l'existence de notre principe vital? Et, d'autre part, quel est le rôle de l'âme vis-à-vis du corps? L'âme apporte-t-elle la vie à un organisme déjà constitué ou 2. Psychologie et philosophie de la nature bien sa causalité vis-à-vis du corps est-elle plus profonde? Afin de résoudre ce problème central, il n'y a pas d'autre moyen que Dans l'encyclopédie philosophique d'Avicenne appelée %itāb d'examiner les différents niveaux des activités humaines ; c'est pour- al-Shifā' ou Livre de la Guérison, le De Anima est incorporé à la philo- quoi l'on trouve généralement, dans les traités de l'âme, des exposés sur sophie de la nature (scientia naturalis): celle-ci comprend huit traités ; chacun des sens externes, sur la fonction des sens internes, sens com- le De Anima en est le sixième ; d'où son nom de Liber sextus de naturali- mun, imagination et mémoire ; suit alors l'étude de la pensée et de bus. Au début de la série, se situe le traité de physique proprement l'appétit. Dans l'examen de ces différentes activités psychiques, le dite qui étudie surtout le mouvement, le temps et d'autres questions problème de l'intellection, et plus particulièrement la question de qui concernent le monde matériel en général. Vient alors le De Caelo savoir comment se conçoit le principe actif de l 'intellection, appelé et Mundo, qui comprend l'étude des corps célestes, suivi du De Genera- par Aristote le 7TOLrgTLKÔV, prendra de plus en plus d'importance : tione et Corruptione. Le quatrième traité se rapporte aux éléments : les renseignements donnés par Aristote sur ce point sont brefs et De Actionibus et Passionibus universalibus quae fiant ex qualitatibus obscurs, d'où les interprétations divergentes qui en ont été proposées elementorum. Le cinquième concerne les minéraux : De Mineralibus. au cours de l'histoire. D'ailleurs, l'herméneutique de la pensée humaine Après l'étude de l'âme, Avicenne aborde celle des plantes, De Vege- présente plus qu'un intérêt académique ; la consistance de la personne tabilibus, et des animaux, De Animalibus. L'étude de la vie, on le voit, humaine dépend directement de l'interprétation donnée au problème commence au sixième traité ; on pourrait se demander pourquoi de l'intellection : on l'a bien vu lors de la lutte autour de l'Averroïsme, Avicenne examine d'abord l'homme, puis les plantes et enfin les car ce que plusieurs auteurs médiévaux ont reproché à Averroès, animaux : c'est que le De Anima déborde largement le problème de c'est de supprimer l'individualité de la personne humaine et sa res- l'homme et aborde diverses questions qui concernent l 'étude de la vie ponsabilité propre (14). en général(15) ;ce traité introduit donc l'étude du monde biologique, comme la Physique introduit celle du monde matériel. Inscrit dans le sillage du Traité de l'âme d'Aristote, le De Anima d'Avicenne présente en somme les mêmes contributions positives et (15) Cfr D. Salsas, Étude sur la métaphysique d'Avicenne. Paris, 1926, p.171 : <i D'où il les mêmes lacunes que lui. Certaines questions, pourtant, y sont plus suit que l'âme est un nom commun à l'homme, à l'animal, au végétal d'une part ; aux développées, telles l'étude de la vue à laquelle est consacré tout le hommes et aux anges célestes de l'autre ». troisième livre, l'étude des sens internes, surtout celle de l'imagination, Dans le prologue de sonDe Anima, Avicenne explique pourquoi il ne traite pas d'abord de la mémoire, de la cogitative et de 1>estimative. D>autre part, la de l'âme végétative, ensuite de l'âme animale et finalement de l'âme humaine. A ses principale lacune du traité aristotélicien n a pas été comblée : On n ,y yeux, pareil exposé aurait manqué de cohérence ; ce qu'il a en vue, ce n'est pas tellement cequidifférencie les trois niveaux de vie, mais ce qui est commun aux trois, sans négliger trouve pas d'étude approfondie de la volonté ou du libre arbitre. pour autant ce qui est propre à chacun. C'est pourquoi il commence par une étude de l'âme en général en y rattachant l'examen des activités propres à l'homme ; il passera (14) G. VimBax>», L'Unité de l'homme : saint Thmnas contre Averroës, dans Revue ensuite à l'étude du végétal et de l'animal (Psychologie d'Ibn Sinâ [Avicenne] d'après philosophique de Louvain, 1960 (68),pp. 220-249. son œuvre Abi /à . Éditée et traduite en français par J . Bakoë, Prague, 1966, pp. 3-4). Io* LE ♦DE ANIMA» D'AVICENNE UNE CONCEPTION SPIRITUALISTE DE L'HOMME Il* Quelle est la place occupée par la scientia naturalisdans l'ensemble Peut-on dire qu'aux yeux d'Avicenne, l'étude de l'homme relève de l'encyclopédie avicennienne qu 'est le Shifā' ? S'insérant dans la entièrement de la physique? Nullement; ce qui fait partie de la phy- partie spéculative de la philosophie, elle se situe après la logique sique, c'est l'étude de l'âme dans sa relation au corps (20) . Qu'on se (trivium) et avant les branches du quadrivium (De disciplinalibus), rappelle la définition aristotélicienne de l'âme : elle est la première à savoir, l'arithmétique, la géométrie, la musique et l'astrologie. entéléchie du corps; Avicenne reste fidèle à cette optique : pour lui, La dernière partie de la philosophie spéculative est constituée par la le corps fait partie de la définition de l'âme comme l'oeuvre fait partie métaphysique : Liber de causa causarum(16). Avicenne estime que de la définition de l'artisan. Mais, pour connaître l'essence de l'âme, la question de savoir si la logique fait partie de la philosophie ou si pour savoir ce qu'elle est en elle-même, Avicenne estime qu'une autre elle en est seulement l'instrument, ne présente aucun intérêt : la recherche est nécessaire (21) : ceci ne s'inscrit plus dans l'optique réponse qu'on donnera à cette question dépendra évidemment de la aristotélicienne, mais dépend d'une psychologie dualiste d'origine définition qu'on présentera de la philosophie(17). Pour Avicenne, néoplatonicienne. Si l'on peut étudier l'essence de l'âme sans tenir remarquons-le, la philosophie de la nature se situe avant l'étude compte de sa relation au corps, c'est que l'âme subsiste en elle-même des mathématiques : c'est là une conception platonicienne; l'étude en dehors de sa relation au corps et ne se sert de l'organisme corporel de la philosophie commence par l'étude du monde sensible, se poursuit que comme d'un instrument (22). par l'étude des mathématiques, puis par celle du monde suprasen- Que le De Anima d'Aristote puisse se prêter à des interprétations sible (18). Saint Thomas, à la suite d'Aristote, situe le quadrivium relevant d'une psychologie dualiste, bien des commentaires anciens avant la philosophie de la nature, parce que celle-ci s'appuie davantage et médiévaux en sont la preuve. Ainsi, à la fin du Moyen Age, Cajetan sur l'expérience; quant à l'éthique, elle est placée pour le même motif aborde lui aussi, dans son commentaire sur leDe Anima d'Aristote, la après la philosophie de la nature. Avicenne, de son côté, situe la philo- question de savoir si l'étude de l'âme relève de la physique, et essaie sophie pratique à côté de la partie spéculative, en y introduisant les de saisir la pensée authentique du Stagirite. Il distingue deux positions distinctions aristotéliciennes : la politique (scientia civilis), l'écono- extrêmes, auxquelles il refuse de se rallier : certains prétendent, dit-il, mique (ordinatio domesticalis) et la morale(scientia moralis)(19). que l'étude de l'âme relève essentiellement (absolute) du métaphysicien et secondairement (secundum quid) du physicien; d'autres disent que cette recherche appartient totalement au domaine de la physique et (16)Les quatre grandes parties ou tSommes» du Shild'(Logique, Physique, Mathé- que l'âme humaine serait, elle aussi, un être physique (de numero matiques, Métaphysique) se trouvent décrites dans l'Avicenna Latinua 1, pp. 282-283 (cfr M. T. D'ALVERNY, O .C.). (17)Logica, Venise, f. 2 va: Et inde deceptiones quae sunt de huiusmodi quaestione frustra et superfluae sunt: frustra quia non est oppositio in his dictionibus - unusquisque (20)De Anima, I, 1 (Cas. 957 L 2 rb, Venise, f. 1 vb) : Et ideo tractatus de anima fuit enim eorum intelligit de philosophia ahud quam anus; superfluae vero quia sollicitudo de scientia naturah, quia tractare de anima secundum hoc quod est anima, est tractare de huiusmodi non prodest. de es secundum quod habet comparationem ad materiam et ad motum. Il n'est pas (18)Cfr AvicENNE,Le Livre de Science. Traduction M. Achena et H. Massé, Paris, 1955, exact de dire sans nuances : # Aristote et Avicenne considèrent tous deux que l'étude I, p. 90 : la science spéculative se divise en trois ordres : « La science qu'on dénomme de l'âme et des phénomènes psychologiques fait partie de la physique ». Cfr M. AmiD, supérieure, science primordiale, science de tout ce qui est au delà de la nature; la science Essai sur la p8ychologie d'Avicenne,Genève, 1940, p. 67. intermédiaire qu'on dénomme science des mathématiques; celle qu'on dénomme science (81) De Anima, I, 1 (Cas. 957, f. 2 rb; Venise, L 1 vb) : unde oportet ad sciendum inférieure, science de la nature ». eseentiam animae facere alium tractatum per se solum. Cfr F. RAnmAN, Avicenna's (19)Logica,Venise, L 2 rb : Philosophia vero practica spectat vel ad scientiam senten- Psyehology, p. 9 : e In fact to describe the soul as entelechy is not to say anything about tiarum per quas ordinatur consortium humanum commune et vocatur gubernatio the nature of the soul taken in itself». civitatis et est scientia civilis; aut perquas ordinatur consortium humanum familiare (22) Aux yeuxd'Avicenne, l'étude de l'âme vient avant celle du corps - il est plus utile et vocatur ordinatio domesticalis; aut per quas ordinatur modus unius hominis secundum de connaître l'âme en vue de saisir les propriétés du corps que de comprendre le corps honestatem animae ipsius et vocatur scientia moralis. — Il est à remarquer que pour en vue depénétrerl'essencedel'âme. CfrDeAnima, I,1(Ca8. 957 f. 1 rb; Venise, f. 1 ra) : Avicenne la perfection morale appartientà proprement parlerau domaine de l'âme : scientiaenim de anima mains adminieulum estadcognoscendas dispositions corporales, l'homme n'est pas tellement le composé d'âmeet de corps, mais l'âme. quam adminiculum corporis ad cognoscendum dispositions animales . 12* LE eDE ANIMA» D'AVICENNE UNE CONCEPTION SPIRITUALISTE DE L'HOMME 13* entium naturalium), sinon le Stagirite en aurait traité dans sa méta- auxquelles on se heurte quand on essaie d'intégrer les activités supé- physique, ce qu'il n'a pas fait(23). Cajetan s'oppose à ces deux positions : rieures de l'homme au domaine de la physique. Bien que toute pensée à ses yeux, l'étude de l'âme relève essentiellement du physicien et se fasse à l'aide d'images sensibles, il n'en reste pas moins vrai que les secondairement du métaphysicien : c'est que la nature de l'âme humaine activités supérieures de l'homme ne s'inscrivent pas dans le devenir est ambiguë, elle est à la limite du temps et de l'éternité, de l'ordre du monde physique(28). Comme bien d'autres commentateurs, Avi- sensible et de l'ordre intellectuel(24). L'exercice normal de la pensée cenne et Cajetan dépassent la conception authentique du maître grec, requiert l'aide d'images sensibles, c'est pourquoi l'étude de l'âme mais ils y ont été amenés par certaines déclarations du Stagirite relève essentiellement du physicien ; mais il n'est pas exclu que l'âme lui-même. humaine, par une certaine participation aux substances séparées, puisse se passer d'images sensibles dans l'exercice de la pensée (25). Au début du cinquième livre de son De Anima, Avicenne esquisse Aussi bien Avicenne que Cajetan interprètent le De Anima d'Aristote une sorte de portrait de l'homme ; il y décrit les caractères qui lui sont dans le sens d'une psychologie dualiste; il est indéniable, cependant, propres, qui le distinguent des animaux et le situent à un autre niveau que l'interprétation de Cajetan est plus proche de la pensée authentique dans l'échelle des perfections (29). Il est intéressant de noter que la du maître grec. Celui-ci ne dit pas que l'homme peut penser sans source de ce tableau n'est pas le Traité de l'âmedu Stagirite, mais le images sensibles, il affirme même expressément le contraire ; mais, début de saPolitique(30). d'autre part, il se rend compte du fait que l'âme humaine ne peut être Le premier caractère propre à l'homme, est qu'il est orienté vers la considérée purement et simplement comme une réalité physique ; vie en société, qu'il est un être social, un ~Cvov 7roacTtKÔV (31) : l'homme toute âme n'est pas une nature, comme il l'affirme dans le De Partibus isolé ne peut atteindre son achèvement, il a besoin des autres . Les animalium(26). Au livre VII de la Physique, Aristote essaie de traduire animaux se suffisent à eux-mêmes, ils se contentent de leur équipement en termes physiques l'activité de la pensée et de la vie morale, mais il naturel : seul, l'homme a besoin d'autrui pour vivre sa vie et ce besoin n'y parvient pas; ni l'exercice de la pensée ni l'acquisition des vertus ne constitue pas une imperfection ; au contraire, et Avicenne y insiste, morales ne peuvent se concevoir comme une altération; par l'accom- il exprime la noblesse de la nature humaine (32). Dans son traité de plissement de ces activités, l'homme ne devient pas autre, il devient davantage ce quil est Aristote est donc conscient des difficultés ' (27). ipsum propellitur. Qui scientiam tenet, si contemplando exercet, non mutatur, sed ad suum finem pervenit ». (28)DeAnima, III, 8, 432 a 7. (23)Commentaria in De Anima Aristotelis, Vol. I, Rome, 1938, p. 55. (29) Déjà au livre I, 4, de sonDe Anima (Cas. 957, £ 11 ra; Venise, L 4 va), Avicenne (24)Commentaria in De Anima Aristotelis, Vol. I, p. 57 : Consonatque hoc his quae indique de façon succincte les activités propres à l'homme : Actions quae propriae sunt de anima intellectiva dicuntur quod scilicet est vinculum intellectualis et sensibilis = hominum, sicut est percipere intelligibilia et adinvenire artes et meditari de creaturis et ordinis, et quod est in horizonte aeternitatis, et similibus. discernere inter pulchrum et feedum. — L'inspiration aristotélicienne de ce passage (25)Commentaria in De Anima Aristotelis, Vol I, p. 57 : différentia constitutiva animae n'est guère discutable : d'après le Stagirite, les hommes après avoir satisfait aux besoins nostrae simpliciter spectat ad naturalem, secundum quid vero ad metaphysicum: ac per les plus urgents ont inventé les arts; ensuite ils se sont appliqués à l'organisation de la hoc substantia animae quidditative sumpta physicae est considerationis. Et hoc procul société politique et morale, ils se sont consacrés ensuite à l'étude du monde matériel dubio secundum doctrinam sancti Thomae sentiendum est, consentaneumque est doc- pour s'adonner enfin à la contemplation du suprasensible (efr De Philosophia, fr. 8, éd. trinae Averrois. Ross). (26) I, 1, 641 b 9 : ov8È yâp aâaa OvXti vais. .. (30) LaPolitique d'Aristote a-t-elle été traduite en arabe? Il semble que non ; toujours J. M. Le Blond (Aristote, philosophe de la vie. Le livre premier du traité sur les Parties est-il qu'on ne possède aucune trace de pareille version . Les arabes ne semblent donc pas des animaux. Paris, s.d., p. 158) note au sujet de ce texte : e L'âme qui n'est pas nature, avoir eu une connaissance directe du traité en question, ce qui n'exclut pas pour autant est évidemment l'âme noétique, mise en dehors des prises du naturaliste, précisément un contact indirect, par l'intermédiaire d'autres ouvrages. Cfr R. WALZER, Aspects of parce que, ainsi qu'Aristote le déclarait plus haut, elle n'est pas principe de mouvement ». Islamic Political Thought : Al-Fāràbi and Ibn Xaldūn, dansOriens,XVI, 1963, p. 42. (27)Phys.,VII, 3, 246 a 12 : ovK ÉaTL SÉ o11Tej àperi o&e j KaK{a à»OIWŒ&9, &e j J£b (31) Pol. I, 2, 1253 a 3. âpe7j TeÀeûoois Tts. CfrDe Anima, LI, 5, 417 b 5. Cfr Aristotelis De Anima, éd. F. A. (82) De Anima, V, 1, p. 70, 14:Hoc autem est propter nobilitatemeiuset ignobilitatem Trendelenburg, Berlin, 1877, p. 299 : • Ita sensus, si patitur, non alienatur, sed ad se aliorum animalium, aient postea scies alias.

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