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Au nom de notre amour PDF

121 Pages·2011·0.61 MB·French
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1. La sonnerie stridente du téléphone retentit au moment où Melissa se prélassait sous la douche. Elle résonnait avec insistance, presque véhémence, mais la jeune femme espéra que son correspondant se découragerait. En vain : ce dernier appartenait à la catégorie de ceux qui ne renoncent jamais. En maugréant, elle sortit de la cabine, attrapa au vol un drap de bain qu'elle enroula en toute hâte autour de son buste et se précipita vers le combiné. Au moment où elle décrochait, elle s'aperçut qu'elle avait oublié de fermer le robinet, ce qui redoubla son exaspération. — Oui ! dit-elle d'une voix peu amène. — Melissa? Tu es rentrée? Tout s'est bien passé? — Très bien, Gerald, merci. Sa colère s'évanouit dès qu'elle reconnut la voix de son patron et ami. Depuis quatre ans qu'elle travaillait chez Harlie, la société de Gerald Harlie, ce dernier et sa femme, Netta, représentaient ce qu'elle avait de plus cher au monde : sans leur amitié et leur soutien, jamais elle n'aurait retrouvé confiance en elle quatre ans auparavant. Tous deux lui avaient prodigué une affection immédiate à un moment où elle touchait le fond du désespoir, reportant sur elle l'amour qu'ils destinaient aux enfants qu'ils n'avaient pas eus. Hélas, Netta était morte six mois auparavant et les rôles s'étaient inversés : à son tour d'aider Gerald que la perte d'une femme qu'il adulait plongeait dans une profonde affliction. Melissa savait que Netta aurait souhaité qu'elle aide Gerald à surmonter son chagrin et elle s'efforçait de l'entourer de son mieux. — Alors, es-tu enfin réconciliée avec ta famille? — Oui. La main de Melissa se crispa légèrement sur le combiné. Gerald connaissait les détails de ses déboires familiaux, son enfance sordide de petite fille ballottée d'une famille à l'autre, de pension en pension. Sans Netta, qui l'y avait poussée quelques semaines avant sa mort, jamais elle n'aurait entrepris ce voyage aux Etats- Unis pour rendre visite à son père, à sa belle-mère et à ses demi- frères et sœurs. Une fois de plus, Netta avait vu juste car ce voyage s'était révélé bénéfique à tous points de vue : non seulement elle s'était enfin réconciliée avec son passé, mais elle avait retrouvé une certaine paix intérieure, un sentiment de liberté qu'elle n'avait jamais connu. Cependant le moment n'était guère choisi pour aborder ce sujet délicat au téléphone : ses cheveux trempés gouttaient sur ses épaules et elle était encore étourdie après des heures passées dans un avion surchauffé et surpeuplé. Tout en écoutant Gerald, elle remonta le peignoir de bain de sa main libre. — Je voudrais te demander un service, disait-il. Pourrais-tu venir dîner à la maison ce soir? Je sais que c'est une corvée, que tu es encore sous le coup du décalage horaire, mais... — Rassure-toi, je comptais faire un saut dans la soirée. Melissa savait combien Gerald avait dû se sentir solitaire pendant ces quatre semaines d'absence et il lui tardait de revoir son seul véritable ami. — C'est gentil de ta part, Melissa, mais je voudrais que tu saches que je ne t'invite pas seulement pour parler de ton séjour. Gerald hésita, embarrassé, puis reprit d'un ton neutre : — Ecoute, je ne veux pas entrer dans les détails, mais tu sais que l'entreprise ne se porte pas très bien actuellement... Par ma faute d'ailleurs, j'ai négligé certains détails, laissé échapper des occasions... — Ne dis pas ça, Gerald, c'est faux. Moi aussi, je voulais te parler à ce sujet ; j'y ai longuement réfléchi pendant mon voyage et le plus tôt sera le mieux. Melissa se désolait que Gerald culpabilise : il n'avait aucune faute à se reprocher, mais en tant que P.-D.G. et président du conseil d'administration de Harlie, il était trop intègre pour ne pas se sentir responsable du déclin de son entreprise. Depuis un an, Melissa assurait le poste de directeur des ventes de la firme et, les premiers mois après sa prise de fonction, le chiffre des ventes s'était considérablement amélioré. Entreprise d'électronique à taille humaine, Harlie n'affichait aucune volonté d'expansion, mais plaçait très haut ses ambitions qualitatives : la société offrait un choix d'articles limité, mais on ne trouvait pas mieux sur le marché; les carnets de commande débordaient, l'usine fonctionnait à plein rendement et on garantissait aux employés la sécurité de l'emploi. Quatre mois auparavant, Gerald avait embauché un nouvel assistant commercial, Tim Ormond, probablement pour la soulager en partie de sa charge. Malheureusement, Tim Ormond était loin d'être une aubaine pour l'entreprise, aux yeux de Melissa du moins; bien qu'elle ait surveillé de près les débuts de Tim, les ventes chutaient depuis son arrivée. Soucieuse d'épargner de nouveaux soucis à Gerald, encore très éprouvé par la mort de Netta, la jeune femme avait tenté d'enrayer le processus sans lui en parler. Peut-être avait-elle eu tort... En tout cas, elle entretenait de fortes présomptions à l'égard de Tim : ce dernier ne semblait pas aussi honnête qu'il voulait le paraître. — J'ai évité d'en discuter avec toi avant ton départ pour ne pas gâcher ton voyage, reprit Gerald, mais ce soir j'ai besoin que tu viennes. — Alors, allons-y pour un dîner de travail, déclara Melissa en riant. Je serai là dans une heure. — La situation est trop mauvaise pour qu'un simple dîner de travail résolve nos problèmes, Melissa. Je ne suis plus maître de la situation. Melissa s'étonna du calme imperturbable de son interlocuteur. Si la situation était si catastrophique, pourquoi Gerald ne s'alarmait- il pas? Melissa, elle, commençait à s'inquiéter sérieusement. — Où veux-tu en venir? demanda-t-elle d'une voix qui cachait mal son anxiété. — Le lendemain de ton départ, les choses ont empiré brusquement. Certaines rumeurs se sont répandues comme une traînée de poudre, puis la presse a publié des articles en proclamant notre insolvabilité : pendant une semaine nous avons eu droit à la une des journaux. J'étais fou de rage : les journalistes exagéraient à plaisir nos difficultés, trop heureux d'avoir un scandale à se mettre sous la dent. De vrais vautours! Les conséquences de cette campagne de presse n'ont pas tardé : nos commanditaires se sont désistés l'un après l'autre et je ne voyais plus comment redresser la situation, quand l'un des représentants d'un des plus grands trusts internationaux d'électronique a pris contact avec moi. Après quinze jours de pénibles pourparlers, nous sommes parvenus à un accord pour une fusion... Enfin, un accord de principe, rien n'a été signé encore, mais je ne compte plus les experts-comptables et les surdoués de la finance qui hantent nos couloirs. — Une fusion? Qui a lancé l'idée? — Eux. Atterrée, Melissa n'en croyait pas ses oreilles. Harlie, dont la réputation reposait sur des produits irréprochables, allait être absorbé par un groupe puissant, un trust international qui ne s'intéresserait qu'au rendement et aux bénéfices. L'image de marque de Harlie serait détruite au profit d'un groupe anonyme et, pire encore, les investissements seraient réduits au minimum et les employés débauchés si l'entreprise ne remplissait pas son contrat selon les directives des nouveaux patrons. Nul besoin d'être dotée d'une imagination fertile pour prévoir qu'un sombre avenir attendait l'entreprise : Melissa connaissait le manque de scrupule de ces grands groupes pour qui rendement rimait avec immédiat. On ne leur laisserait même pas la chance de s'adapter avant d'intervenir dans leur gestion. — Es-tu certain d'avoir fait le bon choix ? demanda-t-elle après un silence lourd de sens. — Justement, je n'ai pas le choix, Melissa ! Sans cette fusion, nous sommes obligés de fermer boutique. Le conseil d'administration a donné son accord, nous devons tenir une réunion d'urgence dès que possible pour entériner notre décision. Mais, fais-moi confiance, j'ai examiné le contrat à la loupe avec notre conseiller juridique : tout est fait dans les règles. Si je t'ai appelée ce soir, c'est parce que le P.-D.G. du trust vient dîner ce soir à la maison : j'aimerais que tu le rencontres, cela te permettra de mieux juger la situation. Melissa ne comprenait plus rien. Gerald paraissait content de la fusion, presque enthousiaste ! Il retrouvait des accents qu'elle ne lui avait plus entendu depuis la disparition de Netta. La mort tragique de cette dernière l'avait-elle changé plus qu'elle ne l'imaginait ? Il semblait ravi de se débarrasser de l'entreprise que son père avait fondée. — Je compte sur ton charme et ta séduction pour amadouer notre homme car il émet encore quelques réserves. Je t'envoie un taxi dans une heure, je ne tiens pas à ce que tu conduises après ton voyage. Et voilà ! Le rangement des bagages attendrait, songea Melissa en enjambant les sacs de voyage et les valises éparpillés au milieu de l'appartement qu'elle habitait depuis maintenant trois ans. Le bruit de la douche, qui coulait toujours, la tira de ses préoccupations. Melissa se précipita pour fermer le robinet, puis se mit à marcher de long en large en s'efforçant de garder la tête froide : la tournure prise par les événements en si peu de temps la rendait perplexe, tout ceci ressemblait à un cauchemar. Lorsqu'elle s'était envolée un mois plus tôt pour se débarrasser définitivement des fantômes de son enfance, Harlie était une petite firme à la réputation prestigieuse dans le monde de l'électronique de pointe. Bien sûr, ils rencontraient quelques difficultés de vente passagères, mais il n'y avait pas lieu de s'inquiéter outre mesure. La conjoncture économique générale était morose pour tout le monde. Pendant son séjour aux Etats- Unis, Melissa avait imaginé plusieurs solutions susceptibles de redresser la situation, la première étant une sérieuse investigation dans les activités de Tim Ormond et elle rentrait d'ailleurs avec un épais dossier de notes pour Gerald. Que ce dernier soit résolu à choisir la solution de facilité en vendant son entreprise à Dieu sait quel groupe la révoltait. Elle devait convaincre Gerald de renoncer, le persuader d'affronter la crise sans recourir à cette extrémité. Melissa examina sa penderie d'un air indécis. Que mettre? Toutes ses tenues élégantes étaient au fond de ses valises depuis vingt- quatre heures, probablement froissées et importables. De toute façon, elle ne se sentait pas d'humeur à faire des frais pour un homme dont elle devinait à l'avance qu'il lui serait antipathique, un rapace qui ne songeait qu'au profit. Melissa imaginait sans peine à quoi ressemblerait l'hôte de Gerald : blasé, arrogant, affadi par une vie trop luxueuse. En un mot : odieux. Et puis à quoi bon nourrir des illusions ? Même si elle cherchait à éveiller l'attention de cet homme, quel intérêt pouvait présenter pour lui le directeur des ventes d'une société en perte de vitesse? La jeune femme frissonna soudain : elle avait froid avec ses cheveux trempés et le drap de bain humide toujours resserré autour de sa poitrine. Sans réfléchir, elle choisit la première robe qui lui tomba sous la main, une robe de lin bleu marine d'une coupe irréprochable mais sévère, et l'enfila à la hâte. Rien de sexy dans cette tenue : elle avait l'air de la parfaite femme d'affaires ; mais, tout compte fait, elle servirait sans doute mieux les intérêts de Harlie sans jouer de sa séduction naturelle. Melissa s'autorisa une note de fantaisie en choisissant une large ceinture de soie multicolore qui réveilla le côté trop strict de la robe, puis elle brossa énergiquement ses longs cheveux bruns et les retint sur les côtés avec des peignes en écaille. On ne pouvait opter pour une tenue plus sobre. Pourtant, Melissa fronça les sourcils lorsqu'elle s'examina dans la glace : même lorsqu'elle s'efforçait de gommer l'extrême sensualité qui émanait d'elle, elle restait infiniment attirante et féminine. Pourtant, elle ne cherchait pas à séduire les hommes, loin de là. L'effet qu'elle produisait sur eux la laissait indifférente depuis son bref et désastreux mariage avec Ralph Draker, quatre ans auparavant. Depuis, elle s'était endurcie, donnait d'elle l'image d'une femme à la poigne de fer, ce qui lui avait permis de reprendre confiance en elle, de pallier ses manques affectifs et de s'épanouir dans son travail. D'ailleurs, ce soir, elle se sentait d'humeur à affronter la terre entière et le grand ponte n'avait qu'à bien se tenir : elle ne se laisserait pas impressionner! Un sourire malicieux éclairait son visage lorsqu'on sonna à sa porte. Le chauffeur de taxi l'attendait. Grange House, la maison dans laquelle Gerald et Netta avaient vécu pendant les dix-neuf années qu'avait duré leur mariage, se situait un peu à l'écart de Marton Clee, non loin de l'usine et des bureaux de l'entreprise. C'était une solide maison victorienne au charme un peu désuet où Melissa se sentait chez elle car on l'y accueillait toujours à bras ouverts. Tandis qu'elle gravissait les marches du perron, la porte d'entrée s'ouvrit et la silhouette opulente de Corky apparut sur le seuil. Ravie de revoir la jeune femme, la gouvernante arborait un large sourire et la pressa sur son cœur avec fougue. Corky travaillait depuis dix ans à Grange House qu'elle dirigeait avec un soin jaloux. D'âge moyen, elle était entrée au service de Netta à la mort du père de cette dernière et vouait un culte à l'entreprise dont elle suivait la progression avec une attention soutenue. — Bonjour, Corky! s'exclama Melissa en souriant. Elle se dit que c'était probablement son premier et dernier sourire sincère de la soirée. Plus l'échéance du face-à-face avec le magnat de l'électronique approchait, plus cette rencontre lui déplaisait. Quelle frustration de ne pas avoir eu le temps de cerner les données du problème avec Gerald! Melissa aurait voulu l'interroger, savoir s'il prenait cette décision parce que la mort de Netta lui ôtait tout ressort ou parce qu'il croyait sincèrement que c'était la meilleure solution pour assurer l'avenir de Harlie. Tout en écoutant d'une oreille distraite le bavardage de Corky, Melissa enleva sa veste et traversa l'entrée d'un pas nerveux. Il lui tardait de serrer la main au roi de l'électronique. — Je suis contente que vous soyez revenue, déclarait Corky en trottant derrière elle. Si vous saviez comme ce pauvre M. Harlie s'est fait du souci pendant votre absence! Pas à cause de la fusion — ça, c'est la meilleure nouvelle que nous ayons entendue depuis des mois — mais il se demandait comment vous réagiriez en apprenant les derniers développements. Il craignait que vous ne lui reprochiez d'avoir agi à votre insu, alors que les événements se sont précipités sans qu'il puisse rien faire. Pour lui, vous faites partie de la famille, vous comprenez... La main sur la poignée de la porte, Melissa hésita un instant avant d'entrer. Elle était loin d'être aussi convaincue que Gerald et Corky des bienfaits d'une fusion. Tout s'était passé trop vite à son goût. Trop vite ? Que cachait cette précipitation ? Pour répondre à cette question, mieux valait se former une opinion sur l'homme dont elle entendait la voix sûre et profonde à travers la cloison de la porte. En contrepoint, la voix crispée et le débit rapide de Gerald résonnaient comme une fausse note. D'un geste résolu, elle poussa la porte et entra dans le salon. Comme d'habitude, la pièce au confort discret et feutré dégageait une atmosphère accueillante. Dans la cheminée, un grand feu se reflétait sur les meubles d'acajou foncé, animant de lueurs mordorées les murs tendus de chintz vert mousse. Pourtant, Melissa eut la sensation de pénétrer dans une glacière. Telle une ombre surgie du passé, l'homme qui avait été son mari l'espace de quelques semaines, Ralph Draker, la dévisageait de son éternel regard moqueur. Immédiatement, Melissa eut la sensation d'être prise dans une souricière, prisonnière d'une toile d'araignée aux mailles serrées, à la merci de celui qu'elle tentait désespérément d'oublier depuis quatre ans. 2. — Melissa, je te présente Ralph Draker, le P.-D.G. de Draker Electronics. Ralph, voici Melissa Soames, notre directrice des ventes. — Enchanté de faire votre connaissance, mademoiselle Soames! Melissa tendit la main avec réticence, tout en s'effor-çant de maîtriser l'émotion qui lui nouait la gorge. Comment décrire ce mélange d'inquiétude et de trouble qui l'envahit lorsque Ralph effleura sa main? Elle croyait avoir rayé de sa vie cet homme qu'elle avait aimé à la folie et voilà qu'il resurgissait, réveillant les images douloureuses d'un passé qu'elle avait fui. Un bref instant, elle crut défaillir, mais l'indignation succéda bientôt à la confusion. Ne se serait-elle soustraite à ce simulacre de mariage que pour se retrouver face à lui? A qui d'autre qu'au hasard imputer un tel coup de théâtre? Sûrement pas à Ralph en tout cas! Celui-ci

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