Attila : La violence nomade

505 Pages·2009·21.735 MB·French

by  Michel Rouche

Du MÉ':ME AUTEUR
L'Aquitaine, des Wisigoths aux Arabes, 418-781, Paris, EHESS
Jean Touzot, 1979.
Clovis, Paris, Fayard, 1996.
Clovis, histoire et mémoire, Actes du colloque international de
Reims (d.ir.), Paris, PUPS, 1997, 2 vol.
Les Empires universels, 11'-Iv" siècles, Paris, Larousse, 1968; rééd.,
1999.
Histoire générale de l'enseignement et de l'éducation en France,
t. I, Des origines à la Renaissance (v" av. J.-C.-rr siècle), Paris,
Perrin, 2003.
Les Racines de l'Europe: les sociétés du haut Moyen Âge, 588-888,
Paris, Fayard, 2003.
Romanité, germanité, chrétienté durant le Moyen Âge, le choc des
civilisations, Lille, Septentrion, 2003.
Les Origines du christianisme (30-451), Paris, Hachette, 2007.
Petite Histoire du couple et de la sexualité, Paris, CLD, 2008, 2~ éd.
Fulbert de Chartres, précurseur de l'Europe médiévale?, Paris,
PUPS, 2008.
Le Moyen Âge en Occident, Paris, Hachette, 2008, 15'' éd., avec
M. Balard.
Le Bréviaire d'Alaric, aux origines du Code c'ivil, Paris, PUPS,
2008, en co-direction avec B. Dumézil.
Michel Rouche
ATTILA
La violence nomade
Fayard
Carte 1. L'Empire romain en 395. [,a séparation de
l'Empire entre Honorius, à l'ouest, et Arcadius, à l'est, a
lieu selon la ligne de partage linguistique, le latin à
l'ouest (sauf pour le diocèse de Dacie) et le grec à l'est.
La fracture entre Pan11onie et Dacie est à l'origine des
deux Europe, occidentale et orientale.
Carte 1 - L'Empire romain en 395
-
bo
prélcc1ure du
pré1011e des Gaules Frontières de l'Empire
... .(.'f/
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----
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HUNS
0 500 Km
GÉPIDES
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...
M.ROUCHE
Diocèse d'lllyricum en 316-396
Ligne de partage linguistique
••••••
latin {Occident), grec (Orient)
Partage OccidenVOrient (396)
Carte 2 - Les provinces de l'lllyricum
Avant-propos
« À vendre Attila, neuf mois, rottweiller de race, prix
à débattre.» Cette annonce trouvée sur Internet n'est
pas la seule que l'on puisse découvrir sur le roi des
Huns. Les motofaucheuses Attila, les débroussail
leuses Attila y font florès. Qu'un chef de guerre surgi
du fin fond de l'Asie centrale puisse jouir d'une telle
célébrité quinze siècles après sa mort, célébrité mar
quée du sceau de la violence et de la destruction, pose
question. Cette réputation de repoussoir pourrait, après
tout, n'être que le reflet de l'opinion de ses adversaires,
une vision des vaincus, une ultime vengeance destinée
à occulter le visage d'un des plus grands conquérants
du monde. Nous ne le connaissons en effet que par des
écrivains romains assistant impuissants à l'effon
drement de l'empire d'Occident, à la chute de Rome
trois fois pillée en 410, 455 et 472. En huit ans de règne
personnel, il est parvenu à faire venir à ses pieds
simultanément les ambassadeurs des deux empires
romains d'Occident et d'Orient. Ses facettes sont mul
tiples : génie méconnu, brigand bien-aimé, fléau de Dieu,
stratège impitoyable, barbare purificateur, monstre diabo-
12 ATTILA
lique : tout a été dit de cet homme qui a stupéfié
l'Empire romain.
Alors que les fouilles archéologiques sont devenues
de plus en plus scientifiques, depuis les frontières de la
Chine Jusqu'à la péninsule européenne, il est possible de
mieux saisir le caractère étrange des Huns en parti
culier et des nomades en général. Elles permettent de
rétablir l'équilibre entre la civilisation des steppes, le
nomadisme pastoral et guerrier et celle des paysans
sédentaires de l'Empire romain à la fois continental et
méditerranéen. Deux modes de pensée, deux façons de
vivre s'opposent entre des hommes groupés en tribus
guenières et des citoyens déléguant leur défense à des
armées permanentes et à un État tenu par des fonction
naires. Forte de son millénaire d'existence, Rome s'est
trouvée en butte à un nouvel adversaire parfaitement
inconnu.
Les attaques des Huns, leurs raids subits, leurs victoires
démoralisantes lors de leur installation dans la plaine
danubienne nécessitent une analyse des causes de leur
supériorité dans le domaine de l'armement. L'hlstoire
militaire qui va de la défaite romaine d'Andrinople à la
victoire « romaine » des champs Catalauniques est riche
en surprises. La montée en puissance d'Attila s'opère
alors dans un climat de facile réussite jusqu'aux coups
d'arrêt brutaux de la défaite et de la disparition.
Attila fait s'interroger sur les forces et les faiblesses
de ses adversaires, les deux Empires romains, ainsi que
sur celles de ses alliés germaniques. Il a su tirer profit
d'une société à la violence disciplinée, instable dès
qu'elle perd son maître, avide de tout temps, puisant ses
forces dans une rage primitive de vivre. Cette violence a
fait la force d'Attila, comme elle fit ensuite celle de ses
successeurs, Avars et Magyars. La célébrité d'Attila
AVANT-PROPOS 13
vient certes de ses succès considérés par ses adversai
res comme des brigandages, mais plus encore des épo
pées et des mythes qui fleurirent autour de sa mémoire
au point d'être créateurs d'histoire en plein xxe siècle.
Car Attila n'est rien sans son histoire, celle du conqué
rant voulant mettre le monde à ses pieds, et tout, grâce à
sa légende de triomphateur dans la mort, le sang et l'or.
CHAPITRE PREMIER
Le monde des steppes
D'une frontière à l'autre, de l'Empire chinois à l'Empire
romain, de la Grande Muraille de Chine aux fortifications
du limes (limite, rempart) romain du Danube et du Rhin,
s'étend sur plus de 10 000 kilomètres un espace géogra
phique uniforme, le monde des steppes. Là naquit, vers
l'an mille avant Jésus-Christ, la civilisation nomade. Les
conditions physiques et climatiques de ces régions
doivent être connues si l'on veut comprendre l'extra
ordinaire réussite d'Attila. L'histoire mondiale reste en
effet dominée pendant deux millénaires par les grands
empires qui s'y créèrent depuis les plaines de la Mand
chourie jusqu'à celle de la Hongrie. Si un organisme poli
tique arrive à maîtriser plus ou moins cet espace deux
fois plus étendu que les États-Unis actuels, il peut pré
tendre à la maîtrise des mondes antiques et médiévaux à
partir de ce centre de gravité géopolitique des trois conti
nents, Asie, Europe et Afrique. Encore faut-il que nous
ayons une bonne connaissance de ces espaces infinis,
ensuite une vision claire des obstacles à franchir, fleuves
et montagnes, enfin un contact réel avec les zones et les
aires sédentaires.