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Atalante Fugitive PDF

116 Pages·2006·12.91 MB·French
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L’ATALANTE FUGITIVE NOUVEAUX EMBLÈMES CHYMIQUES DES SECRETS DE LA NATURE M I C H E L M A Ï E R ATALANTE, LE MYTHE V A ierge chasseresse. Dans la mythologie talante occupe une place de choix grecque, Atalante (en grec ancien parmi les figures de la mythologie Άτλάντη / Atlántê) est une héroïne grecque et latine qui ont été utilisées présente dans plusieurs traditions dans les allégories du Grand Œuvre. différentes. Cette héroïne, qui possède le Dans la version arcadienne, elle est la fille d’Iasos, caractère d’Artémis, est l’un des deux lions qui roi du Péloponnèse, fils de Lycurgue, et de Clymène, gardent le trône de Cybèle, la grande déesse d’Asie fille de Minyas. Comme Iasos ne voulait pas de fille, Mineure. Le rapport est proche entre Cybèle et le elle fut abandonnée à la naissance, et recueillie par Pont-Euxin qui, pour les alchimistes, est le symbole une ourse dans la forêt du Pélion. Des chasseurs de la mise au tombeau des corps. En d’autres enfin la trouvèrent et l’élevèrent ; elle devint une termes, Cybèle est l’emblème de l’athanor des chasseresse redoutable, se distinguant notamment à Philosophes et les lions qui l’entourent sont ceux qui la chasse du sanglier de Calydon. Elle rejoindra, sont évoqués dans les textes de l’Art : Hippomenês grâce à l’intervention de Méléagre, les rangs des et Atalante. On connaît la fable qui explique la chasseurs partis tués le sanglier de Calydon malgré transmutation des deux amants en lions : l’hostilité de Ancée et Céphée et d’autres. Elle Hippomenês, à force de ruse, parvint à devenir blessera l'animal d’une flèche avant qu’il ne soit tué l’époux d’Atalante. Cette dernière, farouchement par Méléagre. Pour la remercier, celui-ci lui offrira la opposée au mariage, battait tous ses prétendants à la dépouille (la hure). Méléagre devra tuer ses oncles course et les faisait mettre à mort. Au vainqueur qui tentaient de s’emparer du trophée et sera puni possible, elle réservait sa main. Hippomenês par sa mère, Althée, qui lui interdira d’épouser implora l’aide d’Aphrodite, courroucée de la Atalante. Elle fit, comme Artémis, vœu de virginité. chasteté d’Atalante. La déesse donna à l’amoureux Ainsi périrent sous ses flèches deux centaures, trois pommes d’or, sans doute cueillies dans le Hyléos et Rhoécos, qui tentèrent d’abuser d’elle. Il jardin des Hespérides, et lui conseilla de les semer semble qu’elle épousa cependant Méléagre. Elle fut une à une dons la carrière où devait se dérouler la l’unique femme à faire partie des Argonautes aux course. Intriguée par ces pommes, Atalante s’arrêta cotés de Jason. Elle fut candidate au départ sur par trois fois pour les ramasser et ne put l’emporter l’Argo en compagnie des Argonautes partis à la sur Hippomenês, qu’elle épousa. Ayant insulté Zeus conquête de la Toison d’Or. Jason refusera la (certains disent Cybèle) en se livrant, dans un présence d’une seule femme à bord. Atalante battra sanctuaire, à leurs transports amoureux, les deux Pélée à la lutte lors des jeux funèbres de Pélias époux furent métamorphosés en lions, que Cybèle organisés par les Argonautes revenus en Grèce. attela à son char. En effet le lion, dans l’Antiquité, passait pour ne s’unir qu’au léopard : ainsi, jamais Dans la version béotienne, elle est la fille de plus Atalante et Hippomenês ne devaient se Schoenée, fils d’Athamas, et de Clyméné, la fille de rejoindre. Minyas. Son père souhaitant la marier, elle ne voulut prendre pour époux que celui qui pourrait la battre Dans l’œuvre hermétique, Atalante symbolise l’un à la course ; ceux qui échoueraient seraient mis à des constituants du feu secret : elle aime la chasse et mort. De nombreux prétendant moururent ainsi, les exercices violents ; elle fut la première à porter jusqu’à ce que se présente Hippoménès – Milanion un coup mortel au sanglier de Calydon [c’est sans en Arcadie – qui aidé d’Aphrodite, laissa tomber doute Arès qui est caché derrière ce sanglier]. trois pommes d’or données par la déesse dans sa Atalante apparaît sur l’emblème XLI où Adonis est course (elles provenaient de son verger de Tamasos, tué, vraisemblablement par le sanglier de Calydon. à Chypre). Curieuse, la jeune fille s’arrêta pour les Voici un extrait des Fables Égyptiennes et Grecques de ramasser, et fut ainsi devancée à l’arrivée. Mais par Dom Pernety sur Atalante : la suite, les amants s’étant étreints dans le temple de La fable d’Atalante est tellement liée avec celle du Jardin Déméter, ils furent changés en un couple de lions, des Hespérides, qu’elle en dépend absolument, puisque, attachés au char de la déesse. Vénus y prit les pommes qu’elle donna à Hyppomène. Une autre tradition prétend qu’Atalante est la mère Ovide avait sans doute appris de quelque ancien poète, de Parhénopaeos « fils d'une vierge », qu'elle que Vénus avait cueilli ces pommes dans le champ abandonnera à des paysans. Damaséen de l’île de Chypre [Métam. l. 10, fab. 2]. L’inventeur de cette circonstance a fait allusion à l’effet de ces pommes, puisque le nom du champ où l’on suppose qu’elles croissent, signifie vaincre, dompter, de da m ia V, subigo, domo ; qualité qu’ont les pommes d’or du Jardin MICHAEL MAIER – 2 – ATALANTA FUGIENS Philosophique ; ce qui est pris de la nature même de la Atalante a Schaenée pour père, ou une plante qui croît chose, comme nous le verrons ci-après. On a varié sur les dans les marais, de s coinoV, juncus ; elle était vierge et parents de cette héroïne, les uns la disant avec Apollodore d’une beauté surprenante, si légère à la course, qu’elle fille de Jasus, les autres filles de Schaenée, roi d’Arcadie. parut à Hyppomène courir aussi vite que vole une flèche Quelques auteurs ont même supposé une autre Atalante, ou un oiseau […]. L’eau mercurielle des Philosophes a fille de Ménalion, qu’ils disent avoir été si légère à la toutes ces qualités ; c’est une vierge ailée, extrêmement course, qu’aucun homme, quelque vigoureux qu’il fût, ne belle [Espagnet, Arcan. Hermes. Philosoph. opus, can. pouvait l’atteindre. M. l’abbé Banier semble la distinguer 58], née de l’eau marécageuse de la mer, ou du lac de celle qui assista à la chasse du Sanglier de Calydon, Philosophique. Elle a des joues vermeilles, et se trouve mais les poètes la font communément fille de Schaenée, issue de sang royal, telle qu’Ovide, dans l’endroit cité, roi de Schyrre. Elle était vierge, et d’une beauté nous représente Atalante […] Rien de plus volatil que surprenante. Elle avait résolue de conserver sa virginité cette eau mercurielle ; il n’est donc pas surprenant qu’elle [Ovide, lo. cit.], parce qu’ayant consulté l’oracle pour surpasse tous ses amants à la course. Les Philosophes lui savoir si elle devait se marier, il lui répondit qu’elle ne donnent même souvent les noms de flèche et d’oiseaux. devait pas se lier avec un époux, mais qu’elle ne pourrait C’était avec de telles flèches qu’Apollon tua le serpent cependant l’éviter. Sa beauté lui attira beaucoup Python. Diane les employait à la chasse, et Hercule dans d’amants ; mais elle les éloignait tous par les conditions les combats qu’il avait à soutenir contre certains dures qu’elle imposait à ceux qui prétendaient à l’épouser. monstres ; la même raison a fait supposer qu’Atalante Elle leur proposait de disputer avec elle à la course, à tuait avec un javelot, et non avec une pique, ceux qui condition qu’ils courraient sans armes ; qu’elle les couraient devant elle, Hyppomène fut le seul qui la suivrait avec un javelot, et que ceux qu’elle pourrait vainquit, non seulement parce qu’il était descendu du atteindre avant d’être arrivés au but, elles les percerait de dieu des Eaux, par conséquent de même race qu’Atalante, cette arme ; mais que le premier qui y arriverait avant mais avec le secours des pommes d’or du Jardin des elle, serait son époux. Plusieurs le tentèrent, et y périrent. Hespérides, qui ne sont autre chose que l’or ou la matière Hyppomène, arrière petit-fils du Dieu des eaux, frappé des Philosophes fixée et fixative. Cet or est seul capable de lui-même de la valeur connue de la beauté d’Atalante, ne fixer le mercure de sages en le coagulant, et le changeant fut point rebuté par le malheur des autres poursuivants en terre. Atalante court ; Hyppomène court à cause d’elle, de cette valeureuse fille. Il invoqua Vénus, et en obtient parce que c’est une condition sans laquelle il ne pouvait trois pommes d’or. Muni de ce secours, il se présenta l’épouser. En effet, il est absolument requis dans l’oeuvre pour courir avec Atalante aux mêmes conditions que les que le fixe soit premièrement volatilisé, avant de fixer le autres. Comme l’amant, suivant la convention, passait volatil ; et l’union des deux ne peut par conséquent se devant, Hyppomène en courant laissa tomber adroitement faire avant cette succession d’opérations ; c’est pourquoi ces trois pommes à quelque distance l’une de l’autre, et l’on a feint qu’Hyppomène avait laissé tomber ses Atalante s’étant amusée à les ramasser, il eut toujours pommes de distance en distance. Atalante enfin devenue l’avance, et arriva le premier au but. Ce stratagème amoureuse de son vainqueur, l’épouse, et ils vivent l’ayant ainsi rendu vainqueur, il épousa cette princesse. ensemble en bonne intelligence ; ils sont même Comme elle aimait beaucoup la chasse, elle prenait inséparables, mais ils s’adonnent encore à la chasse ; souvent cet exercice. Un jour qu’elle y était beaucoup c’est-à-dire qu’après que la partie volatile est réunie avec fatiguée, elle se sentit atteinte d’une soif violente auprès la fixe, le mariage est fait ; ce fameux mariage dont les d’un Temple d’Esculape. Elle frappa un rocher, dit la Philosophes parlent dans leurs traités [D’Espagnet, can. fable, et en fit jaillir une source d’eau fraîche, dont elle se 58 ; Morien, Entretien du Roi Calid, 2e partie ; Flamel, désaltéra. Mais ayant dans la suite profané avec Désir désiré ; L’auteur anonyme du traité Consilium Hyppomène un Temple de Cybèle, il fut changé en lion, et conjugii massae Solis et Lunae, Thesaurus Philosophiae, Atalante en lionne. Quelque envie que l’on puisse avoir et tant d’autres]. Mais comme la matière n’est pas alors de regarder cette fiction comme une histoire véritable, absolument fixe, on suppose Atalante et Hyppomène toutes les circonstances ont un air si fabuleux, que M. encore adonnés à la chasse. La soif dont Atalante est l’Abbé Banier lui-même s’est contenté de rapporter ce atteinte, est la même que celle dont brûlaient Hercule et qu’en disent divers auteurs, sans en faire aucune les Argonautes auprès du Jardin des Hespérides ; et ce application. Ceux qui trouvent dans toutes les fables des prétendu temple d’Esculape n’en diffère tout au plus que règles pour les moeurs, réussirent-ils mieux en disant que de nom. Hercule dans le même cas fit sortir, comme celle-ci est le portrait de l’avarice et de la volupté ? Que Atalante, une source d’eau vive d’un rocher, mais à la cette vitesse à la coure indique l’inconstance qui ne peut manière des Philosophes, dont la pierre se change en eau. être fixée que par l’appât de l’or ? Et que leur Car, comme le dit Synésius [Sur l’œuvre des métamorphose en animaux, fait voir l’abrutissement de Philosophes], toute notre art consiste à savoir tirer l’eau ceux qui se livrent sans modération à la volupté ? de la pierre ou de notre terre, et à remettre cette eau sur Quelque peu vraisemblable que soient ces explications, sa terre. Ripley s’explique à peu près dans les mêmes combien d’autres circonstances trouve-t-on dans cette termes : fiction qui les démentent, et qui ne sauraient s’y ajuster ? « Notre art produit l’eau de la terre, et l’huile du rocher le Mais il n’en est aucune qui devienne difficulté à mon plus dur. » « Si vous ne changez notre pierre en eau, dit système. MICHAEL MAIER – 3 – ATALANTA FUGIENS Hermès [Sept Chap.], et notre eau en pierre, vous ne prend soin, il la met dans le vase, et lui donne le goût de réussirez pas. » la chasse, c’est-à-dire, la dispose à la volatilisation ; quand elle fut en âge de soutenir la fatigue, et qu’elle fut exercée, Voila la fontaine du Trévisan, et l’eau vive des Sages. elle assista à la chasse du Sanglier de Calydon, c’est-à- Synésius que nous venons de citer, avait reconnu dans dire, au combat qui se donne entre le volatil et le fixe, où l’oeuvre une Atalante et un Hyppomène, lorsqu’il dit le premier agit sur le second, et le surmonte comme [Loc. Cit.] : « Cependant, s’ils pensaient m’entendre sans Atalante blessa le premier d’une flèche le fier animal, et connaître la nature des éléments et des choses créées, et fut cause de sa prise ; c’est pourquoi on lui adjugea la sans avoir une notion parfaite de notre riche métal, ils se hure et la peau. A ce combat succède la dissolution et la tromperaient, et travailleraient inutilement. Mais, s’ils noirceur, représentées par les combats institués en connaissent les natures qui fuient, et celles qui suivent, l’honneur de Pélias, comme nous le verrons dans le ils pourront, par la grâce de Dieu, parvenir où tendent quatrième Livre. Enfin après y avoir remporté le prix leurs désirs. » contre Pélée, elle retrouva ses parents ; c’est-à-dire, Michel Maier a fait un traité d’emblèmes Hermétiques, qu’après que la couleur noire a disparu, la matière qu’il a intitulé en conséquence Atalanta fugiens, etc. commence à se fixer, et à devenir Lune et Soleil des Ceux d’entre les Anciens qui ont dit qu’Hyppomène était Philosophes, qui sont les père et mère de leur matière. Le fils de Mars, ne sont point contraires dans le fond à ceux reste a été expliqué ci-devant. Ce que je viens de dire de la qui le disent descendu de Neptune [Ovide, Métam. l. X, guerre de Calydon semblerait exiger que j’entrasse dans fab. 11], puisque le Mars philosophique se forme de la un plus grand détail à ce sujet ; mais cette fable n’étant terre provenue de l’eau des sages, qu’ils appellent aussi pas de la nature de celles que je me suis proposé leur mer. Cette matière fixe est proprement le Dieu des d’expliquer dans ce second Livre, à cause de leur rapport Eaux ; d’elle est composée l’île de Délos, que Neptune, plus apparent avec l’Art hermétique, je n’en ferai pas une dit-on, fixa pour favoriser la retraite et l’accouchement de mention plus étendue. Latone, qui y mit au monde Apollon et Diane ; c’est-à- Dom Pernety, F. E. G. , livre II, chap. 3 dire la pierre au blanc et la pierre au rouge, qui sont la Lune et le Soleil des Philosophes, et qui ne diffèrent point Nous ne savons ce que le lecteur, curieux, aura d’Atalante changée en lionne, et d’Hyppomène retenu de cette recension de Pernéty. L’hypothèse métamorphosé en lion. Ils sont l’un et l’autre d’une d’un principe qui poursuit l’autre est séduisante. En nature ignée, et d’une force à dévorer les métaux particulier, Pernety a raison, lorsqu’il voit en imparfaits, représentés par les animaux plus faibles Atalante l’élément AIR et en Hippomenês l’EAU. qu’eux, et à les transformer en leur propre substance, Car il s’agit des deux principes immédiats du comme fait la poudre de projection au blanc et au rouge, Mercure [cf. Atlas de Chevreul, planche 2]. qui transmue ces bas métaux en argent ou en or, suivant L’hypothèse selon laquelle Hippomenês sème les sa qualité. Le Temple de Cybèle où se fit la profanation, pommes d’or est, là encore, dans le droit fil de la est le vase Philosophique, dans lequel est la terre des tradition hermétique : les pommes d’or symbolisent sages, mère des dieux chymiques. Quoiqu’Appollodore ait le Soufre rouge ou principe tingeant de la Pierre. Ces suivi une tradition un peu différente de celle que nous pommes d’or proviennent des chaux métalliques, au venons de rapporter, le fond en est le même, et s’explique départ corrompues dans le Mercure, d’où l’illusion aussi facilement. Suivant cet auteur, elle fut exposée dès de leur disparition symbolisée par la phase de sa naissance dans un lieu désert, trouvée et élevée par des chasseurs ; ce qui lui fit prendre beaucoup de goût pour la putréfaction, ou la grande éclipse de Soleil et de chasse. Elle se trouva à celle du monstrueux sanglier de Lune du pseudo-Lulle. Le mariage de l’EAU et de Calydon, et ensuite aux combats et aux jeux institués en l’AIR est ce moment où commence la réincrudation l’honneur de Pélias, où elle lutta contre Pélée, et remporta des Corps [c’est la même allégorie que le sommet de le prix. Elle trouva depuis ses parents, qui la pressant de la montagne, que le passage des roches Cyanées, au se marier, elle consentit d’épouser celui qui pourrait la sortir du Pont-Euxin, que celui où Ulysse est vaincre à la course, ainsi qu’on l’a dit. Le désert où enchaîné au mat de son navire pour ne pas Atalante est exposée, est le lieu même où se trouve la succomber à l’appel des sirènes, etc.]. Mais la matière des Philosophes, fille de la Lune, suivant Hermès consommation du mariage dans le temple de Cybèle [Tab. Smarag.] : In depopulatis terris invenitur, Sol est est une corruption, un affront majeur qui justifie, ejus pater, et mater Luna, comme Atalante avait aux yeux de la déesse, la métamorphose des époux Ménalion pour mère […]. Les chasseurs qui la en lion et lionne. Il faut ajouter que Pernéty semble trouveront, sont les Artistes auxquels Raymond Lulle ignorer la voie sèche et que tout ce qu’il dit, d’une [Theorica Testam. , c. 18] donne le nom de chasseurs manière générale, il ne le conçoit – comme synthèse dans cette circonstance même. Cum venatus fueris eam mentale – que par la voie humide, ce qui, on le sait (materiam) a terra noli ponere in ea aquam, aut maintenant, va à l’encontre de la chronologie, la voie pulverem, aut aliam quamcumque rem. L’Artiste en sèche ayant précédé la voie humide. MICHAEL MAIER – 4 – ATALANTA FUGIENS MICHEL MAÏER « C’est raisonner en enfant, de penser qu’il n’y a rien 1589, à Nuremberg ; 1589-1591, il habitait Padoue dans le monde qui soit différent de ce que nous voyons avec le fils de Goebel ; 1592, université de Francfort ; parmi nous…, que c’est doublement enfant, de croire que 1596, université de Bologne ; 1596, université de ce que nous n’entendons pas, ce que nous ne concevons Bâle. pas, ce qu’il n’est pas possible d’imaginer, ne peut être En 1590, il commence à exercer la chirurgie. Entre entendu, conçu et imaginé de personne ; qu’en 1592-1596, il travaille à Koenigsberg sous la conséquence, de ce qu’une infinité d’ignorants, et de gens surveillance de Severin Goebel. Il paraît qu’avant avides ont échoué dans l’étude de la philosophie 1600 il est déjà courtisan de Rodolphe II et écrivain hermétique, en conclure que ce qu’elle promet est dans la chancellerie Allemande. En 1601, on le purement chimérique et imaginaire, c’est le comble de la retrouve comme étudiant à l’Université de présomption et de l’extravagance. » Koenigsberg. C’est de même en 1601 qu’il – M ichael Maier commence à consulter dans l’Auberge du Lion Blanc, Gdansk où il dispense ses propres traitements. Vers 1608, il revient à Prague comme M ichael Maier naquit dans le Holstein médecin. En 1609, il entre enfin au service de vers 1568, à Rensburg, en Allemagne. l’empereur. Vers 1611 et dans la période 1612-1614, Parcourant toute l’Europe il fut il voyage beaucoup, en premier lieu en Saxe, puis en nommé docteur en médecine et en Angleterre et Amsterdam. D’après le Deutsche Neue philosophie en 1601. Il entra Biographie en 1611-1614, il entre dans le court de successivement au service de l’empereur d’Autriche, Jamesje, où il reste presque cinq années. Vers 1614, il du landgrave Maurice de Hesse, du duc de est médecin non résidant et pharmacien à Magdebourg. Puis en 1609, de retour en Allemagne Landgrave Maurice de Hesse, et il continue des auprès de Rodolphe II, il reçut le titre de comte recherches sur des sujets philosophiques. En 1618, il Palatin. Il continua durant toute sa vie à séjourner va à Stockhausen où il soigne un noble riche, von un peu partout en Europe. Sur le plan ésotérique, il Eriedesel. En 1618 -1622, il est médecin du Duc est connu sous le titre de Grand Maître de la Wilhelm Chrétien de Magdeburg. fraternité des Rose-Croix. Il contribua au Une mention particulière doit être faite, concernant développement des idées rosicruciennes partout en Rodolphe II. Parmi les souverains qui ont accordé à Europe, notamment en Angleterre et en Allemagne. l’alchimie une protection locale particulière, Michel Maier nous laisse quelque vingt-cinq traités Rodolphe II, qui monta en 1576 sur le trône dont l’un des plus connus est sans conteste d’Allemagne, mérite assurément un traitement l’Atalanta fugiens [Atalante fugitive] ; certains spécial. Quoique né à vienne, Rodolphe avait été disent qu’il s’agit de l’épopée hermétique de la fille élevé en Espagne à la cour de Philippe II, et c’est là d’un roi de Scyros sous la forme d’épigrammes qu’il avait puisé le goût des sciences réputées successives. Ce traité a été publié pour la première occultes. Devenu empereur, il établit sa résidence à fois, en latin, en 1617 [Une traduction en anglais Prague. Dans les premières années de règne, il se existe à la British Library MS. Sloane 3645. Il en consacra tout entier aux soins du gouvernement, existe une autre traduction, toujours en anglais, à n’accordant que ses instants de loisir à ses études Mellon MS. 48, à Yale, USA.] favorites, l’astrologie et l’alchimie. Mais, la gestion Il comporte 50 figures accompagnées d’épigrammes des affaires étant devenue plus difficile, et ses et d’explications. Ces discours étaient accompagnés embarras ayant augmenté par suite de la guerre de 50 canons musicaux. Selon certains critiques, qu’il eut à soutenir contre les Turcs, il trouva plus Atalante symboliserait Eve, Hippomenês l’âme qui simple d’abandonner en entier la direction de l’Etat. résiste à la tentation. Michel Maier meurt à Confiant à ses ministres le gouvernement de Magdeburg en 1622. Voici quelques détails l’empire, il s’enferma dans le château de Prague biographiques : pour ne plus s’occuper jusqu’à la fin de ses jours que Michael Maier était le fils de Johann Maier, du de la pierre philosophale. Rodolphe avait eu pour Duché de Holstein, ou selon d’autres sources, de maîtres, dans l’astronomie Tycho-Brahé et Kepler ; Petrus Meier (1590), qui travaillait au service de le docteur Dee lui avait ouvert le monde secret des Heinrich Rantzaus, gouverneur de Schleswig- esprits, et il avait reçu les premières leçons Holstein. Une relation de sa mère, Severin Goebel, d’alchimie de ses médecins ordinaires, Thaddeüs de un médecin célèbre de Gdansk et Koenigsberg, lui Hayec, et plus tard Michel Mayer [Maier] et Martin permit de mener à bien des études. Il a étudié à Ruland [à qui l’on doit un Thesaurus, disponible sur Rensburg ou Kiel en premier lieu. On note ensuite le serveur Gallica de la bnf]. Dans l’intérieur du les dates suivantes : 1587, université de Rostock ; MICHAEL MAIER – 5 – ATALANTA FUGIENS château de Prague, tout le personnel était une couleur de safran…]. spagyrique. Les valets de chambre du prince étaient Parmi les artistes hermétiques que Rodolphe II eux-mêmes attachés à ses travaux de laboratoire ; on honora le plus particulièrement de sa faveur, on a conservé parmi ces derniers les noms de Hans peut citer Kelley, qui fut élevé par lui au rang de Marquard, surnommé Dürbach, de Jean Frank et de marquis de Bohême et comblé de faveurs ; Sebald Martin Rutzke. Un emploi plus noble encore était Schweitzer, qui, après avoir travaillé longtemps et réservé à l’un des valets de chambre du prince, avec beaucoup d’éclat chez l’électeur Auguste de l’Italien Murdochée de Delle. Poète de la cour, il Saxe et ensuite sous le prince Christian son était chargé de célébrer en rimes allemandes les successeur, s’attacha, en 1591, à la cour de Rodolphe, exploits de ses confrères, et de traduire en vers qui l’anoblit et le nomma directeur des mines de beaucoup d’écrits alchimiques ; les artistes de la Joachimstadt, où il mourut en 1601 ; enfin, le cour enluminaient ses manuscrits. Tous les Polonais Sendivogius [cf. le Cosmopolite]. alchimistes, quels que fussent leur nation et leur Il semble cependant que la réalité soit beaucoup rang, étaient sûrs d’être bien accueillis à la cour de moins flatteuse pour Rodolphe II que ne le laisse l’empereur Rodolphe. Après avoir reconnu, par un croire même un critique aussi acerbe que L. Figuier. examen préalable, qu’ils possédaient la science En vérité, tout le règne de Rodolphe II est marqué requise, le médecin Thaddoeus les introduisait par une emprise démoniaque. L’empereur avait la auprès du prince, qui ne manquait jamais de les manie de la persécution. Il assistait à la messe dans récompenser dignement quand ils avaient su le un oratoire secret entièrement grillagé et ne se rendre témoin d’une expérience intéressante. promenait que dans des couloirs dont les fenêtres Souvent même l’empereur appelait auprès de lui les avaient été murées à l’exception d’une petite artistes que leur renommée désignait à son attention. ouverture. Souvent pris de folie, il n’épargnait pas Si presque tous répondaient à cet appel, quelques- ses serviteurs. Ainsi, dans la nuit du 26 septembre uns y restaient sourds, tel fut, par exemple, un 1600, poignard à la main, il se jeta sur son artiste franc-comtois à qui l’empereur avait dépêché chambellan, Jiri Wolfgang Rumpf, qu’il soupçonnait un homme de confiance pour le conduire à Prague. de malveillance. Il fit jeter en prison un autre Le Franc-Comtois résista à toutes les promesses de chambellan qu’il soupçonnait de vouloir le détrôner. l’envoyé, se bornant à cette réponse pleine de sens : On n’arrivait guère à l’arracher à ses astrologues et « Si je suis adepte, je n’ai pas besoin de l’empereur ; ses alchimistes, et il négligeait les affaires de l’Etat. si je ne le suis pas, l’empereur n’a pas besoin de Au fil des ans, il a chassé les rares hommes moi. » compétents de la Cour pour confier les affaires de Dans ce cas, Rodolphe II, ne se tenant pas pour l’Empire à des marmitons, des palefreniers, des battu, entrait en correspondance avec l’artiste hallebardiers, des hommes dont il pensait qu’ils ne récalcitrant. Les alchimistes ne se montrèrent pas lui raviraient pas le pouvoir. Vers la fin de sa vie, ingrats envers leur protecteur couronné. Ils lui fait révélateur, il défaillait à la vue d’un crucifix. On décernèrent le nom d’Hermès de l’Allemagne, et murmurait qu’il était sous l’emprise du Diable et des vantèrent partout son mérite. Rodolphe fut rangé, philtres de ses courtisans. Peut-être a-t-il été soigné par leurs écrivains, au nombre des heureux un temps par le Brugeois Anselme-Boèce De Boodt, possesseurs de la pierre philosophale. Ce fait parut docteur en droit et médecin à Prague. Humaniste, d’ailleurs hors de doute lorsque, après la mort de épris des beaux-arts et de musique, il s’intéressa l’empereur, en 1612, on trouva dans son laboratoire beaucoup à la minéralogie. Dans son Gemmarum et quatre-vingt-quatre quintaux d’or et soixante lapidum Historia (1609), traduit en français sous le quintaux d’argent, coulés par petites masses en titre Le parfaict joaillier ou Histoire des pierreries, il croit forme de briques. A côté de ce trésor se trouvait à l’action thérapeutique de certaines pierres déposée une certaine quantité d’une poudre de précieuses parce que la turquoise qu’il portait au couleur grise. Personne ne douta que ce produit doigt l’aurait sauvé plusieurs fois d’un accident [ce secret ne constituât les restes de la pierre traité fort intéressant est disponible sur le serveur philosophale de l’empereur Rodolphe. Mais Gallica de la bnf : [Le] parfait joallier ou Histoire des l’événement prouva que cette croyance était mal pierreries, composé par Anselme Boèce de Boodt, fondée. Le valet de chambre Rutzke, s’étant Lyon : J. -A. Huguetan, 1644, 746 p.]. empressé de voler ce trésor, le transmit par héritage Parmi ceux qui furent familiers de Rodolphe II, il à sa famille. Or, quand on voulut la soumettre à faut encore citer Heinrich Khunrath. On connaît peu l’expérience, la pierre philosophale de l’empereur se de choses sur la vie de Khunrath : il naquit à Leipzig trouva sans vertu [mais L. Figuier ne dit pas et obtint un diplôme de médecine à Bâle en 1588, où comment on s’en servit ; avait-elle était enveloppée il soutint une thèse brillante sur le thème De dans du papier avant d’être jetée sur la masse Signatura Rerum. Selon Elias Ashmole, citant le fondue du métal ? Par ailleurs, la pierre journal du Dr John Dee, Khunrath était déjà une philosophale a toujours été regardée comme ayant MICHAEL MAIER – 6 – ATALANTA FUGIENS célébrité en 1589. Il était à la cour de l’empereur l’astrologie, de l’agriculture, de la minéralogie, etc. Cette Rodolphe II en 1598 et mourut à Dresde en 1605. série fut sans doute inaugurée par l’Arcana arcanissima publiée sans mentions de lieu et de date [H. M. E. De Voici d’autres lignes sur Michael Maier, extraites de Jong a fourni successivement le contenu de chacun des l’Alchimie [Dervy, 1985] de Jacques Van Lennep : traités alchimiques de Maier : Maier, Atalanta fugiens – Michael Maier naquit à Rendsburg (Holstem) en 1568. Sources of an alchemical book of emblems, Leyde, Après avoir entamé des études de médecine à l’université 1969]. Peut être, ce traité sortit-il de presse lors de son de Bâle et les avoir terminées à Rostock en 1597, il exerça séjour en Angleterre, entre 1614 et 1616. Cette la profession pendant quelques années jusqu’à ce que supposition est d’autant plus convaincante qu’une Rodolphe II le nommât physicien de sa cour, en 1608. II y variante en fut éditée par une « société londonienne » en fut comblé d’honneurs, nommé secrétaire particulier de 1625 et que l’ouvrage est dédié a William Paddy [Sous le l’empereur, membre de son consistoire, élevé au rang de titre : De hieroglyphicis Aegyptiorum libri sex… comte. apud Societatem londinensem, Londres, 1625 – Lorsqu’il fut anobli, Maier demanda a Rodolphe II de Macphail, II 84]. Le titre « Arcanes très secrets ou pouvoir faire figurer dans ses armoiries un aigle et un hiéroglyphes egypto-grecs non encore divulgués » crapaud. II s’expliqua : « Très gracieux César, Avicenne nous renseigne suffisamment sur les liens que les érudits véritable philosophe hermétique dit, dans sa Porta établissaient entre les sciences occultes et l’écriture des elementorum un aigle qui vole à travers l’air et un Égyptiens qui, pour eux, cachait les secrets des dieux et crapaud qui se traîne sur le sol constituent le magistère. des héros de l’antiquité. Ceux-ci tenaient, selon Maier en Par aigle, il entend la partie volatile de l’argent vif tout cas, à l’Art par excellence, l’alchimie. Hermès-Thot commun et par le crapaud qui se traîne a terre, la partie l’avait révélée aux prêtres qui en avaient transcrit les fixe de la terre. Tous deux réunis permettent donc de préceptes en hiéroglyphes. En les déchiffrant, l’on réaliser la médecine hermétique et la teinture des sages. apprendrait notamment la signification réelle, J’aurai grand plaisir a vous donner des éclaircissements alchimique, de la mythologie antique qu’il tenta sur ce point. » [Atalanta fugiens, trad. E. Perrot, Paris, d’expliquer dans son traité. Cette conviction influença 1969, p. 46] Ce blason figure près du portrait du comte directement, par la suite, la conception de certains au début de l’Atalanta, alors qu’il avait quarante neuf emblèmes de l’Atalanta. Elle reposait sur un fond de ans. vente qui fut encore partagé par Marcelin Berthelot qui, Après l’abdication de son protecteur en 1611, il quitta lorsqu’il édita les anciens traites gréco-égyptiens, proposa Prague pour Amsterdam et l’Angleterre mais on sait peu de rechercher dans la vallée du Nil, les origines de de choses sur ce séjour. II y fut certainement influencé l’alchimie. Quant à la tendance de découvrir des par les idées de Robert Fludd dont il faut noter que révélations alchimiques dans les faits et gestes des dieux l’Utriusque cosmi fut publié en 1617, la même année de l’Olympe, des héros gréco-romains, elle se concrétisa que l’Atalanta par le même éditeur, Johann Theodor De déjà à la fin du Moyen Âge et au début de la renaissance. Bry. Maier rencontra sans doute en Angleterre le Dom Pernety consacra par la suite a l’étude alchimique physicien de Jacques Ier, William Paddy, président du de ces « fables » de patientes recherches qu’il publia en Collège des Physiciens de Londres, ainsi que l’alchimiste 1758. [Fables Égyptiennes et Grecques, etc.] Francis Anthony, le fils d’un orfèvre qui affirmait avoir L’éditeur Lucas Jennis commença a éditer les ouvrages de découvert l’or potable. II lui dédia son Lusus serius. Des Maier dès 1616 tout d’abord à Oppenheim. II y eut en 1616, on le retrouva en Allemagne où il publia coup sur cette année, le « De circula physico quadrato » et le coup ses traités. Il quitta Prague devenue moins « Lusus serius » Le premier a pour objet la accueillante pour les alchimistes sous le successeur de « Quadrature du cercle ou l’or et sa vertu Rodolphe, Matthias. Trois ans plus tard, il devint le médicinale ». II établit une concordance entre le cœur, physicien de Maurice de Hesse Cassel (1572-1632), un centre du corps humain, l’or centre du monde métallique landgrave surnommé « le scientifique », qui, comme et le soleil foyer de l’univers. L’on conçoit combien les Rodolphe II et d’autres princes germaniques, attirait les sciences étaient encore entachées de symbolisme. Le alchimistes à sa cour. Maier quitta Cassel pour exercer la second traité est consacré au « Jeu sérieux par lequel médecine à Magdebourg où il mourut en 1622. [J. B. Hermès ou Mercure a été juge et désigne roi de toutes Craven, Count Michael Maier, doctor of Philosophy choses, grâce à l’arbitrage de l’homme raisonnable ». and of Medicine, Alchemist, Rosicrucian Mystic Maier y disserte sur l’éminence de ce dieu dont dépend le 1568-1622. Life and Writings, Kirkwall, 1910 – mercure, élément primordial du grand-œuvre. L’année Londres : Dawsons, 1968] suivante, 1617, vit la publication de cinq traités. Deux Ce savant fut un écrivain fécond : dix sept livres furent sortirent chez le même Jennis : Silentium post clamores publies entre 1616 et 1624. Tous n’ont pas trait à et Symbola aureae mensae duodecum nationum ; l’alchimie, mais c’est le cas pour la majorité. Il considérait trois chez Johann Theodor De Bry : Examen, fucorum que l’alchimie était la science par excellence. Elle pouvait, pseudo chymicorum, Jocus severus et le prestigieux selon lui, opérer une synthèse des autres connaissances. Atalanta fugiens. Le « Badinage sévère » (Jocus Aussi, s’applique-t-il dans ses différents traités à la severus) se présente comme « un tribunal écuitable par rapprocher de la médecine, de la musique, de l’histoire, de lequel grâce à l’arbitrage du phénix, la chouette, après MICHAEL MAIER – 7 – ATALANTA FUGIENS diverses discussions et plaintes des oiseaux qui la articles spécialisés : Kanttekening bij Michaël Maier’s querellaient, a été déclarée reine des oiseaux et consacrée à Atalanta fugiens, in Album Discipulorum de J. G. Van Pallas pour son exceptionnelle sagesse ». [cf. poème du Gelder, Utrecht, 1963, pp. 79-91 ; du même auteur : phénix attribué à Lactance] Michael Maier Atalanta fugiens… in The Art Bulletin Maier y défend les principes de l’occultisme incarné par 1965, vol. XLVII, pp. 143-144 ; de T. L. Davis, Count la chouette, et notamment ceux de l’alchimie. Michael Maier’s Use of the Symbolism of Alchemy, in Journal of Chemical Education, 1938, V, 9]. L’« Examen des frelons pseudo-chymiques » dénonce les folies des faux alchimistes [cf. l’écho qu’en donne Il est dédié aux membres du Consistoire impérial de Husson in Chimie et Alchimie] qui se ruinent a la Muhlhausen, spécialement à Christophe Remart, un recherche d’un or que dédaignent les vrais fils d’Hermès. juriste, comte palatin comme l’était Maier. La préface Ceux ci, grâce à leur culture et à leurs convictions insiste sur l’originalité du livre qui associe l’image, le éthiques, savent que l’alchimie repose sur la poésie, texte et la musique, un avertissement qui se découvrait comme la physique sur la musique. Elle implique des déjà dans le titre annonçant cinquante fugues à trois connaissances étendues dans tous les domaines de la voix. L’alchimie, selon Maier, ne pouvait s’adresser science et de la culture. Maier attaque avec une virulence qu’aux esprits élevés, nés pour explorer les plus hautes particulière les falsificateurs qui abusent le public par des réalités, tant par l’intelligence que par les sens. « C’est transmutations truquées dont il fournit les preuves. Il pourquoi, afin de posséder en quelque sorte d’un seul n’ignore pas, par contre, les difficultés auxquelles se coup d’œil et d’embrasser à la fois ces trois objets des sens heurtent ceux qui, avec sincérité, recherchent la pierre les plus spirituels la vue, l’ouïe et l’intelligence elle même, philosophale. Cette distinction entre les vrais et les faux et pour faire pénétrer en une seule et même fois dans les adeptes et la critique sévère de ceux-ci, est une des esprits ce qui doit être compris, voici que nous avons uni constantes de l’histoire de l’alchimie. […] Le « Silence l’optique à la musique, et les sens à l’intelligence, c’est-à- après les cris » (Silentium post clamores) se veut une dire les choses précieuses à voir et à entendre, avec les apologie de la doctrine des Rose-Croix et la réfutation des emblèmes chymiques qui sont propres à cette science. arguments de leurs détracteurs. On y découvre Reçois donc en une seule et même fois, dans un seul livre, l’enthousiasme de Maier pour cette secte dont le ces quatre sortes de choses compositions fictives, mysticisme coïncidait parfaitement avec sa vision de poétiques et allégoriques, œuvres emblématiques, gravées l’alchimie qui accordait autant de poids à son aspect dans Vénus ou le cuivre, non sans Vénus ou la grâce » idéaliste et spéculatif qu’à ses exigences empiriques. Il [cf. introduction] consacra encore en 1618, un écrit à sa secte Themis Nous avons déjà souligné l’importance de la musique aurea, « Themis d’or ou lois de la fraternité R C ». pour l’alchimiste. C’est ici qu’elle se concrétise Les deux autres traités, publies en 1617, furent illustres. véritablement, dans ces « fugues », la seule composition Le titre de l’un mérite d’être traduit intégralement : « Les musicale alchimique encore conservée. Le musicologue F. symboles de la table d’or des douze nations, c’est-à-dire H. Sawyer de l’université de St Andrews, sous la les fêtes d’Hermès ou de Mercure célébrées par douze direction duquel elles furent exécutées à Londres en 1935, héros choisis et égaux par la pratique de l’art chimique, la précisa qu’il s’agissait en fait d’une « fuga per sagesse et l’autorité, pour confondre et désarmer canonem », une des formes primitives de la fugue telle Pyrgopolynice, cet adversaire plein de Jactance depuis qu’elle existait au XVIe siècle. La fugue de Maier est une tellement d’années, qui outrageait la vierge Chimie, tant sorte de canon à trois voix, celles d’Atalante, Hippomene par ses arguments que par ses bruyantes invectives afin et Pomone. Cette dernière assurant un « cantus firmus » de rétablir dans son honneur et sa réputation les artistes [l’équivalent de la basse continue] ce qui, de l’avis de ce qui en tirent leurs mérites ». spécialiste, constitue une curiosité musicale intéressante. A nouveau, le but de Maier fut de défendre l’alchimie Un autre musicologue partageant cette opinion, ajouta contre ses détracteurs, en retraçant son histoire depuis ses qu’il s’agissait d’un spécimen de « catch », pièce a trois origines légendaires. Il divisa son plaidoyer en douze voix basée sur le procédé du canon, dont les plus anciens parties consacrées chacune à un alchimiste éminent exemples, Pammelia et Deuteromelia de Ravenscroft, appartenant à l’une des douze nations envisagées. […] datent de 1609 [F. H. Sawyer : The Music in Atalanta fugiens, in J. Read : Prelude to Chemistry, Londres, Atalante, un essai d’oeuvre totale 1961]. Le second traité illustre publié par Maier en 1617, fut Sans doute convient-il de se demander ce qui incita Maier l’inestimable Atalanta fugiens, « Atalante fugitive ou à incorporer cette œuvre musicale dans l’Atalanta, en nouveaux emblèmes chymiques des secrets de la dehors du fait déjà évoqué qu’il existait depuis des siècles nature » [l’ouvrage fut donc édité à Oppenheim en 1617, une parfaite connivence entre l’alchimie et la musique ? puis en 1618 ; cf. Caillet, 6988 – Brunet, III, 1313 – Dans sa préface, Maier ne cacha pas son désir de réaliser Duveen 381 – Ferguson, II, 62 – Macphail, I, 76 – une œuvre totale s’adressant autant à la vue qu’à l’ouïe. Landwehr, J. . Outre le fac similé avec post face de Une telle démarche peut être rapprochée d’un genre qui Wuthrich L. H. , la traduction en français de E. Perrot apparut alors, l’opéra, dont le caractère dramatique, dans laquelle le lecteur aura accès aux emblèmes ; et la typique du baroque n’est pas absent, d’ailleurs, de thèse de H. M. E. De Jong. On peut encore ajouter des l’Atalanta. André Chastel qui analysa cette période ou la MICHAEL MAIER – 8 – ATALANTA FUGIENS renaissance était en crise, remarqua que la conjonction de encore diffuse et il faudra attendre Carl Gustav Jung, l’auditif et du visuel y parut constante. La musique et le notamment, pour qu’elle devienne évidente mais Maier bruit furent par, exemple, omniprésents dans la peinture est attentif à certains points de convergence entre les de cette époque où l’on chantait beaucoup. Maier conçut fables antiques et l’imaginaire alchimique, comme ceux de donc un livre qui non seulement ne trahissait pas les l’inceste, de l’hermaphrodisme, du meurtre du père. habitudes des adeptes, mais coïncidait parfaitement avec Maier s’expliqua sur le choix du titre qui se réfère à l’esprit de son temps. Au cours de ses pérégrinations, il l’histoire racontée par Ovide de la vierge Atalante qui séjourna dans les principaux centres musicaux, ce qui distançait à la course tous ses prétendants jusqu’à ce que l’influença certainement. Alors que la musique l’un d’eux, Hippomene, eut l’idée de jeter devant elle trois connaissait un véritable âge d’or, il se trouva à Prague, le pommes d’or. Vénus lui avait offert ces fruits du jardin foyer musical de l’Europe centrale où, nous l’avons vu, il des Hespérides. Curieuse, Atalante les ramassa, perdant rencontra sans doute Monteverdi qui s’y trouva en 1596. du temps, la course et sa virginité. Pernety interprêta II aurait pu y côtoyer également Hans Léo Hassier (1564 cette légende. Curieusement, l’historien qui consacra une 1612) qui partageait avec l’empereur la passion des thèse à l’Atalanta, ne cite jamais ce bénédictin qui, automates musicaux. En Angleterre ou la musique pourtant, ne manque pas de se référer a Maier. Pour élisabethaine pénétrait l’art théâtral et développait le celui-ci, cette légende cachait une vérité alchimique, celle chœur polyphonique, il rencontra Fludd dont le traité du mercure, ce métal qui fuit et ne peut être fixé que par Utriusque cosmi développe des théories sur la le soufre. II la fit représenter sur la page de titre dans la cosmologie musicale. Par la suite, Maier se retrouva à la bordure ornementale, plaçant l’ensemble de l’œuvre sous cour de Maurice de Hesse, le protecteur d’un des plus le symbole fondamental du couple qui engendre la pierre grands musiciens allemands, Heinrich Schütz. Ce fut là, philosophale. Aucun des cinquante emblèmes qui suivent, sans doute, qu’il composa l’Atalanta. ne revient sur l’histoire de la vierge véloce. Par contre, Le choix de trois voix pour le canon n’est pas arbitraire. II l’unité de l’ouvrage reste préservée par les « fugues » ou correspond évidemment aux trois tonalités, grave, Atalante et ses comparses développent le sujet de ces moyenne et aiguë mais aussi aux trois principes de emblèmes. […] l’oeuvre alchimique. C’est Mercure, lui même, le dieu L’on eut tendance à attribuer les gravures à Johann trois fois grand des alchimistes, l’inventeur de la lyre, qui Theodor De Bry puisque ce fut lui qui édita l’Atalanta et avait détermine ces trois tons. Une partition musicale, qu’il était un graveur consommé. Cependant, Hartlaub, dont le texte est en latin, correspond donc à chaque Faber du Faur et Wuthrich préférèrent y voir l’œuvre de emblème qui est accompagné d’une devise explicative et Mathieu Merian l’Aîné. C’est un fait que celui ci d’une épigramme dans cette même langue. Celle-ci est travailla pour De Bry à cette époque. En 1617, l’année traduite en allemand, sous la partition. Un « discours » même de la publication du livre, il épousa la fille de son de deux pages en latin, suit à chaque fois cette éditeur, Maria Magdalena. Cet argument ne suffirait pas disposition. Il commente chaque emblème avec force si l’on ne retrouvait, selon Wuthrich, dans l’Atalanta, un références à la mythologie, aux fables, à la philosophie et paysage reproduit par Menan dans une de ses planches aux sciences. Ce « discours » est une dissertation qui topographiques gravées en 1642. II s’agit des villages de comporte en général deux parties. La première situe la Berg et Cannstatt reliés par un pont sur le Neckar. Ayant gravure dans un contexte culturel général, se référant comparé les deux gravures, nous avouons qu’il faut selon sa nature à l’histoire, à la philosophie, à la beaucoup de bonne volonté pour leur trouver une mythologie, à la médecine, à la minéralogie, à l’éthique, quelconque similitude. L’emblème XXXVI de l’Atalanta etc. montre une église dans chaque village alors que la L’on pourrait supposer que Maier souhaitait par ces gravure représentant vraiment ces localités, montre deux propos, toucher un autre public que les seuls alchimistes, églises dans Cannstatt et aucune dans Berg. II existe les amateurs d’emblèmes qui n’auraient sans doute certainement une parenté de style entre les gravures de compris que peu de choses à son exégèse alchimique. Dans l’Atalanta et celles qui sont signées par Menan, mais on celle ci, Maier aime dévoiler ses sources. Cette méthode pourrait en dire autant pour celles de Johann Theodor De qui consiste a fournir l’image et son commentaire se Bry dont la facture est assez voisine. Compte tenu de ces retrouvera dans les Douze clefs de Basile Valentin qui remarques et du nombre important de gravures qui furent publiées pour la première fois avec illustrations, durent être realisées pour l’Atalanta, nous pensons dans un recueil de Maier. II s’agit d’un phénomène qu’une collaboration entre les deux artistes ne peut être important dans l’histoire de l’alchimie et de son exclue. Nous formulons cette hypothèse en tenant compte iconographie. Avec l’Atalanta, la suprématie fut accordée du fait que les emblèmes durent être conçus et gravés à l’image. Cette tendance aboutira à un livre d’images rapidement puisque la présence de Maier n’est signalée en alchimiques sans texte, le Mutus Liber. Le « discours » Allemagne qu’après son séjour en Angleterre, en 1616. nous révèle non seulement l’érudition de Maier mais Dans sa thèse, De Jong affirme, sans prendre la surtout l’étendue de son intelligence, car il tente, en précaution de dire qu’il s’agit d’une hypothèse, que les établissant un parallélisme entre la mythologie et emblèmes sont de Menan. Elle ne cite pas une seule fois le l’alchimie qui, à première vue, peut paraître naïf, de nom de Johann Theodor De Bry, pourtant l’éditeur de dégager leur réalité commune. Certes, cette conscience est l’objet de ses recherches. Sur sa lancée, cette thèse attribue MICHAEL MAIER – 9 – ATALANTA FUGIENS sans autre prudence à Menan quelques gravures du traité ouvrages d’herméneutique alchimique, cf. Aurora Symbola Aureae, et déclare que le De lapide consurgens] Il fut alors amputé de sa fugue et de philosophorum de Lambsprinck fut illustré de gravures l’épigramme en allemand. Il y eut enfin, en 1708, dans la « de la main de Menan ». D’autres, comme Macphail, les même ville, une traduction en allemand. Entre temps, les attribuent à De Bry. L’on n’y trouve aucune signature de emblèmes figurèrent parmi les illustrations du ces artistes. En fait, comme seules œuvres alchimiques Viridarium chymicum publié à Francfort, en 1688. certaines, Menan signa le frontispice et une planche du Maier publia encore en 1618 deux traités avec Museum hermeticum (1625) Certes peut on à partir de illustrations. L’un, le Viatorium le fut chez De Bry. II ces pièces lui en attribuer quelques autres, mais il s’agit d’un Guide du voyageur sur l’océan immense convient d’être prudent. Menan signa aussi le frontispice des erreurs chymiques destiné à le mener vers la pierre d’un traité de Robert Fludd, un ami de Maier, De philosophale en tenant compte des concordances entre les naturae simia qui fut édité en 1624 aux frais des métaux et les planètes tout en relevant leurs effets sur le héritiers de Johann Theodor De Bry. Nous le corps humain. Ses sept gravures l’illustrent. Herbrant mentionnons car les œuvres du rosicrucien anglais sont Jamsthaler se souvint certainement du titre de ce livre voisines de l’alchimie, tel cet autre traité l’Utriusque lorsqu’il publia, en 1625, chez l’autre éditeur de Maier, cosmi (publié la même année que l’Atalanta) dont il n’est Lucas Jennis, un ouvrage (Viatorium spagyricum) que pas rare de voir les illustrations attribuées a Menan. Or, ce dernier illustra en empruntant des gravures à la le titre mentionne qu’elles furent exécutées par De Bry. Philosophia reformata de Mylius, elles mêmes inspirées Force est de conclure que les deux artistes, le gendre et le de programmes iconographiques antérieurs. Ce fut un des beau père, collaboraient étroitement et que le problème de travers de cet éditeur que de réutiliser ses planches dans l’attribution, à l’un ou à l’autre, de nombreuses gravures, des publications différentes. mériterait un examen approfondi. Un autre recueil de Maier, Tripus aureus, fut publié L’Atalanta fut un ouvrage à succès si on en juge par sa chez celui-ci. Ce Trepied d’or contient trois traités, le postérité. Un problème se pose immédiatement quant a ce Testament de Cremer, le Crois-moi de Norton et que d’aucuns, comme Duveen, considèrent comme la surtout les Douze clefs de Basile Valentin. deuxième édition, en 1618. Lui même et Jung possédaient En 1620, Maier publia encore, toujours chez Jennis, « La les exemplaires de 1617. Macphail était plutôt d’avis que semaine philosophique au cours de laquelle Salomon, roi le M DC XVIII des exemplaires qui sont connus, n’était très sage des Israélites, la reine Saba d’Arabie, ainsi que le qu’une modification par cachet, de la date de l’editio roi de Tyr Hyram, exposent et élucident l’un l’autre, sous princeps. La question reste en suspens. Le traité reparut forme de Colloque, les énigmes de l’or ». Les illustrations en 1687, à Francfort, mais sous un autre titre Secretioris repondent aux journées de la semaine alchimique, période naturae secretorum scrutinum chymicum. [rappelons symbolique des sept phases du grand œuvre. Elles que c’est sur cette édition que travailla Jung, pour ses coïncident avec les sept jours de la création de l’univers. MICHAEL MAIER – 10 – ATALANTA FUGIENS

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Sources of an alchemical book of emblems, Leyde,. 1969]. Peut être, ce traité sortit-il de presse lors de son séjour en Angleterre, entre 1614 et 1616.
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