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Aristote: L'éthique à Nicomaque T. 2.2 Commentaire Livres VI-X PDF

554 Pages·1970·15.638 MB·French
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ARISTOTE T R A D U C T I O N S ET É T U D E S COLLECTION PUBLIEE PAR L’INSTITUT SUPÉRIEUR DE PHILOSOPHIE DE L’UNIVERSITÉ DE LOUVAIN L ’ É T H I Q U E A N I C O M A Q U E INTRODUCTION, TRADUCTION ET COMMENTAIRE PAR René A ntoine GAUTHIER ET Jean Y ves JOLIF DEUXIÈME ÉDITION AVEC UNE INTRODUCTION NOUVELLE TOME II COMMENTAIRE DEUXIÈME PARTIE. LIVRES VI-X PUBLICATIONS UNIVERSITAIRES BÉATRICE-NAUWELAERTS 2, PLACE MGR LADEUZE 4, RÚE DE FLEURUS LOUVAIN PARIS (VIe) 1970 LES VERTUS INTELLECTUELLES LIVRE Ch. 1 Dans le plan primitif des cours de morale d’Aristote, le traité de la sagesse constituait le véritable traité de la vie contemplative; dans le plan de Y Éthique à Nicomaque, il n’est plus qu’une partie intégrante du traité de la vertu (cf. t. I, Intr., p. 77-80) . Aristote a en effet défini la vertu : « un état habituel qui dirige la décision, consistant- en un juste milieu relatif à nous, dont la norme est la règle morale, c’est-à-dire celle-là même que lui donnerait le sage » (II, 6,1106 b 36 -1107 a). Cette définition faisait appel à une notion qui n’avait pas encore été élucidée : celle de sagesse. Inconvénient qu’il n’était pas possible d’éviter : vertu et sagesse s’ineluent réciproquement, comme Aristote le montrera au eh. 13 de ce livre, et on ne peut définir l’une sans faire appel à l’autre. Reste que l’étude de la vertu morale elle-même ne sera complète que lorsqu’aura été élucidée la notion de sagesse. Tel est le but de ce livre VI, et ce n’est que pour préciser la nature de la sagesse qui entre dans la eontexture de la vertu morale qu’il étudie les vertus intellectuelles. Le plan du livre, assez difficile à dégager, a rarement été aperçu : on peut le schématiser comme suit : Chapitres Bekker Didot INTRODUCTION 1 I I. DE LA VERTU INTELLECTUELLE EN GÉNÉRAL 2 I, v II. DES VERTUS INTELLECTUELLES EN PARTICULIER 3 1IT 3. Nature, objet et nombre des vertus intellectuelles A. RÉDUCTION A LA PHILOSOPHIE ET A LA SAGESSE DES CINQ VERTUS DE LA LISTE ACADÉMICIENNE 1. La science n’est pas la vertu (le la partie « scientifique » 2. L ’art n’est pas la vertu de la partie cal­ culatrice 4 IV 3. La sagesse dirige l’action morale et c ’est elle qui est la vertu de la partie calculatrice S V 4. C’est la philosophie qui est la vertu de la partie scientifique La philosophie est la science que couronne l’intelligence des principes <ï VI La philosophie est la science des êtres Iss plus sublimes 7 VIT 436 VI, 1, 113S blS-1138 b 23 B. RÉDUCTION A LA SAGESSE DES ATTTEES VERTUS INTEL­ LECTUELLES ADMISES PAB PLATON Le bon conseil 10 IX La conscience 11 X Le bon sens XI Séduction de la conscience, etc. à la sagesse 12 2. Difficultés soulevées par la conception aristotélicien­ ne de la sagesse et de la philosophie 13 XII Ch. 1 NOUVELLE INTBODUCTION 1138b 18-19 ’Ejie! ôè... EXXeupiv — Nous avons dit plus haut qu’on doit choisir le juste milieu et non l’excès ni le défaut Cf. EE, II, 3, 1220 b 21-35; EN, II, 2, 1104 a 11-26; 5, 1106 a 26-b 35. 1138 b 19-20 tô ôè fiéoov èotîv à; ô Xùyo<; ô ôpficç Xiyti — et que le juste milieu, c’est d’agir comme le dit la droite règle. Cf. EE, II, 3, 1220 b 27-28 ; 5, 1222 a 8-10; moins nettement dans EN, II, 6, 1106 b 36-1107 a 1; cf. EN, II, 2, 1103 b 31-34; III, 8, 1114 b 29; 10,1115 b 12,19; IY, 11,1125 b 35. — A propos de Théophraste, Caractères, xxiii, 4, M. O. Navarre fait dans son commentaire, p. 150, la remarque suivante, qui vaut ici : « Le verbe \éy<a [dire] a ici le sens de kcXcvui [commander], comme souvent. Ex. X énophon, Anabase, Y, 7, 34». 1138 b 21 Taïç EÎpnnÉvais eîeoiv — les états habituels dont nous venons de parler C’est-à-dire, les vertus, par opposition aux techniques telles que la gym­ nastique et la médecine (1138 b 28, 31). 1138 b 22-23 ecïtiv oxojioç nooç fiv àrco6XÉn<ov ô tov Àoyov £XWV èjiiteÎ- vEi xai àvinmv — il y a en effet un but en regard duquel celui qui possède la règle tend ou détend la corde de son arc On comparera I, 1, 1094 a 23-24; VII, 12,-1152 b 2, et surtout le traité ' hippocratique De l’ancienne médecine, ch. 9 : « H faut viser à une sorte de mesure. Or, de mesure, nombre ou poids par référence à quoi (/ktpov... irpùs 8 âva^épmv) on connaîtrait l’exacte vérité, on n’en saurait trouver aucune autre que le sensibilité du corps » (trad. Festugière) ; Platon, Gorgias, 503 d-e : « L’homme de bien, celui qui vise àu meilleur quand il dit ce qu’il dit, n’est-<3e pas la vérité qu’il ne parlera point au hasard, mais ayant les yeux fixés sur un objet précis (àvofihémav irpos tl) 507 d : « Tel est, à mon sens, le but sur lequel il faut pendant la vie avoir les yeux fixés (6 owtnrôs... n-pôs ôv jâAeVovra Set Çijv) » (trad. Robin) ; Ménon, 72 c; Ré p., IX, 591 e, etc: l’expression désigne toujours le regard vers l’Idée qui règle nos activités. Celui qui possède la règle est celui qui la connaît (1098 a 4-5). « Il tend ou détend la corde de son are », c’est-à-dire applique la règle plus ou moins strictement; la métaphore s’applique ordinairement aux cordes de la lyre, LES VERTUS -INTELLECTUELLES : INTKODUCTION 437 cf. Platon, Lysis, 209 b ; mais l’image de la lyre, après celle du but, serait ici incohérente; il est vrai que ces métaphores étaient déjà l’une et l’autre usées et que les Anciens étaient beaucoup moins sensibles que nous à l’inco­ hérence de leurs images. 1138 b 23 xai tiç éotiv opoc; tüv heootîjtùjv — et il y a une norme des états qui tiennent le juste milieu. Le juste milieu des vertus morales est déterminé par la droite règle, dont Aristote nous dira qu’elle est l’œuvre de la sagesse pratique qu’est la phronèsis. Mais l’application de cette droite règle elle-même est fonction du but, okqttos) qu’elle vise, c’est-à-dire de la fin, téàos à laquelle elle est ordonnée, fin qui se trouve du coup être la nonne suprême, opos, des vertus morales ; cette fin et cette norme, e’est la contemplation, œuvre de la philo­ sophie, sophia (cf. plus loin, ch. 13, 1144 b 17 -1145 a 1). C’est ici la première fois, et la seule (VII, 15, 1153 b 24-25 appartient en réalité à Y Éthique à Eudème) qu’apparaît dans YÉthique à Nicomaque le terme de norme, horos, mais le concept de norme tient une place importante dans la définition de la vertu, encore que là il s’exprime dans le verbe horizeïn (cf. II, 6,1106 b 36 -1107 a 1, avec le commentaire). On aurait donc tort de déclarer sans plus le concept de norme spécifiquement « eudémien », comme on l’a souvent fait à l’époque où « eudémien » signifiait « non-aristo­ télicien » et « post-aristotélicien », et comme on le fait encore quelquefois aujourd’hui qu’on voit dans YÉthique à Eudème la forme primitive de la pensée d’Aristote (on pourra suivre le développement de la controverse de Jaeger, Aristoteles, p. 251, n. 3, jusqu’à von Abnim, Ber neueste Versuch die Magna Moralia dis unecht zv, erweisen, Sitzungsber. d. Ak. d. W . in Wien, Philos.-hist. Kl., Bd 211, 2. Abh., Vienne, 1929, p. 35-42), Le concept de norme est assurément d’origine platonicienne (Rép., VIII, 551 a; Pol., 293 c-e), et il a sa place dans le Protreptique d’Aristote (fr. 5a W , p. 29-; fr. 13 W , p. 54, 2-5). Mais c’est surtout dans la Politique d’Aristote qu’il joue un rôle important, et s’il est familier aux parties les plus anciennes de la Politique, contemporaines de YÉthique à Eudème (II, 6, 1265 a 32; 7,1267 a 29; 9,1271 a 35; III, 9,1280 a 7; 13, 1283 b 28; VII, 2, 1324 b 3; 13, 1331b 36; 14, 1334 a 12; VIII, 7, 1342 b 33), il ne l’est pas moins aux parties les plus récentes, contemporaines de YÉthique à Nicomaque (IV, 8, 1294 a 10, 35; 9, 1294 b 15; 11, 1295 a 39; 15, 1300 a 10-11; 16, 1300 a 15; VI, 2, 1317 b 11, 14; V, 11, 1314 a 25), dans lesquelles il désigne ce qui est à la fois le critère distinctif et la fin spécifique des différents types de constitutions (l’état d’homme libre pour la démocratie, la valeur pour l’aristocratie, etc.; cf. Jaeger, Aristoteles, p. 301, n. 2). Au reste, dans YÉthique à Eudème elle-même le concept de norme n’apparaît ex professo qu’une seule fois (VIII, 3, 1249 a 21 - b 25) ; les autres passages où il appa­ raît sont, l’un, H, 5 ,1222 b 7, l’annonce de ce traité ex prpfesso, les autres, 438 VI, 1-2, 113S b 25 -1139 a 3 VII, 9,1241 b 35; 10,1243 b 29, EN, VII, 15,1153 b 24-25, des obiter dicta. Or, de cet unique traité ex professo de la notion de nonne que nous trouvons dans VÉthique à Eiulèmer notre passage de VÉthique à Nicotnaque semble être la nouvelle rédaction (nous allons y revenir, comm. sur 1138 b 34). Au reste, pas plus dans V Éthique à Eudème que dans Y Éthique à Nicomaque le concept de norme ne conserve la saveur platonicienne qu’il a encore dans le Protreptique; la norme à laquelle Aristote nous renvoie, ce n’est pas une norme idéale, une quelconque Idée du Bien, c’est la fin réelle et concrète de l’homme, ce bien humain qu’il n’a cessé d’opposer au Bien-en-soi (cf. I, eh. 4). La norme dont il est ici question, e’est en effet non la définition qui exprime la forme (sens du mot par ailleurs fréquent chez Aristote), mais bien la fin, comme le montre le rapprochement avec o-koitos (cf. Phys., II, 8, 199b 6; Pol., VII, 13, 1331b 30-38; 15, 1334a 11-13, etc.). 1138 b 25-26 ’¿«ri ôè to pèv eiiieîv outuç àXnBè; jiév, oùGèv ôè oa<fé^ — Cette dernière assertion est vraie, bien sûr, mais elle n’a rien d’éclairant. Pour le sens du mot aa^éç, on pourra comparer Thucydide, Histoires, I, xxir, 4, avec le commentaire de EU. Weidauer, Tlmkydides und die Hippo- kratischen Schriften (Heidelberger Forschungen), Heidelberg, 1954, p. 50-57, et surtout les nombreux textes parallèles de YEthique à Eudème (I, 5, 1216 b 32-35; 7, 1217 a 19-20; II, 1, 1220 a 16-17; VIII, 3, 1249 b 5-6, que nous citons un peu plus bas, comm. sur 1138 b 34). H s’agit d’opposer à la con­ naissance vulgaire, vraie mais confuse ((rvyKexvp.évai^, 1216 b 35), la connais­ sance scientifique, claire et distincte; passer de l’une à l’autre, c’est « éclai­ rer )> une question, « faire la lumière », apprendre à « voir clair ». La fréquence de l’expression dans VÉthique à Eudème fournissait un argument aux partisans de l’attribution de ce passage de YÉthique à Nicomaque à YÉthique à Eudème. Mais si l’on admet que notre passage est la nouvelle rédaction, nicomaehéenne, du même texte dont nous lisons la première rédaction, eudémienne, dans YEthique à Eudème, VIII, 3, on ne s’étonnera pas de voir Aristote reprendre ici une formule qu’il avait déjà utilisée là. 1138 b 28 tioveTv — s’entraîner Ce terme technique évoque la gymnastique (cf. I, 4, 1096 a 34; II, 2, 1104 a 32) qu’Aristote aime à prendre en exemple à côté de la médecine (cf. II, 2, 1104 a 14-18; VI, 13, 1143 b 27). 1138 b 34 tîç t’ eotîv ô ôpBôç Àoyoç xai toutou tîç opoç — ce qu’est la droite règle, et quelle en est la norme. Joaehim préfère traduire : «ce qu’est la droite règle, c’est-à-dire quelle en est la norme ». Mais, comme l’a bien souligné Greenwood, p. 169 (cf. aussi Mabguerhte, Revue d’His. de la Philos., 4, 1930, p. 101), il y a là deux questions bien distinctes : (1) Quelle est la droite règle? Réponse : c’est LES VERTUS INTELLECTUELLES : INTRODUCTION 439 celle que formule la sagesse, phronèsis ; (2) Quelle est la norme suprême à laquelle cette droite règle elle-même se réfère? Réponse : c’est la contem­ plation, œuvre de la philosophie, sophia. On rapprochera de cette introduction le passage suivant de YÉthique à Eudème : « Il y a pour le médecin lui-même une nonne par rapport à laquelle il discerne le corps qui est sain de celui qui ne l’est pas et par rapport à laquelle il juge de la mesure dans laquelle il faut faire ceci ou cela, c'est- à-dire de la mesure dans laquelle c’est sain, tandis que si on le fait moins ou plus, ce ne l’est plus. De même pour le vertueux lui aussi, lorsqu’il est question d’agir, c’est-à-dire de choisir des choses qui sont sans doute des "biens naturels, mais non des Mens moraux, il doit y avoir une norme à la fois de son état et de son acte de choix et de fuite de l’abondance ou de la modicité des richesses (lire : Kal <j>vyijç %prjimTiav irXifûovs Kaî ¿Xiyonjroç) et des biens de la fortune. Dans les livres précédents, nous avons dit que cette norme, c’est d’agir «comme le dit la règle». Mais c’est comme-si quelqu’un, en matière de Tégime alimentaire, disait qu ’il faut manger a comme le dit la médecine et la règle qu’elle prescrit». C’est vrai bien sûr, mais ce n’est pas éclairant» (Vin, 3. 1249 a 21-b 6). Du parallélisme de ces textes, on a souvent conclu au XIXe siècle que l’introduction du livre VI de YÉthique à Nicomaque était l’œuvre non d’Aris- tote, mais d’Budème. Le problème ne se pose plus en ces termes depuis que Jaeger a restitué à Aristote YÉthique à Eudème, mais il demeure, même si les données en sont nouvelles (cf. t. I, Intr., p. 70-73). Nous admettons que, eudémien en son fond, le livre VI a été remanié par Aristote pour être introduit dans YÉthique à Nicomaque.. Mais, si nous admettons aussi avec M. Margneritte (Revue d’hist, de la phîlos., 4, 1930, p. 99-104) que EE, VLLL, 3, 1249 a 21 - b 25 formait primitivement la conclusion du traité de la sagesse (irepl <f>povÿfreuç) de YÉthique à Eudème, nous ne pouvons du coup penser que notre introduction ait jamais pu appartenir à cette rédaction primitive du livre VI : la répétition eût été trop flagrante. Nous inclinons donc à voir dans l’introduction actuelle du livre VI la nouvelle rédaction, proprement nicomuchêenne, de la première partie de l’exposé eudémien sur la norme, celle que nous venons de citer, où le problème se trouvait posé. La seconde partie, celle qui résolvait le problème, ne sera reprise que sous une forme très brève, à la fin du livre (13, 1145 a 6-11). ANCIENNE INTRODUCTION ("h. 1138 b 35 -1139 a 3 ràç ôn ... Xé^ufiev outoç — Lorsque , nous avons... à parler des autres. Cf. EE, H , 1, 1220 a 5-12; 4, 1221b 27-32; EN, I, 13, 1103 a 3-10. — 440 VI, 2, 1139 a 3 - 1139 a 15 Rieckher, Rassow et SusemiM ont vu à juste titre dans. ces quelques lignes une introduction du livre VI indépendante de celle qui précède. Stewart, Bumet, Greemvood, Joachim objectent bien à tort que ces lignes développent une idée parfaitement compatible avec la précédente et qui pourrait former la deuxième partie d’une introduction unique : l’étude des vertus intellec­ tuelles est nécessaire, premièrement parce qu’il n’y a pas de vertus morales sans les vertus intellectuelles, deuxièmement parce que les vertus intellectuel­ les sont les vertus de la seconde des parties de l’âme. Cela pourrait être, bien sûr, mais cela n’est pas : rien n’indique un tel plan, les sections 1138 b 18-34 et 1138 b 35-1139 a 3 sont juxtaposée s sans qu’il y ait dans l’une un seul mot qui fasse allusion à l’autre. Il est donc probable que, les lignes 1138 b 18-34 étant une introduction nouvelle ajoutée après coup, les lignes 1138 b 35 -1139 a 3 sont au contraire l’introduction ancienne, inséparable de ce qui suit (en ce cas, le texte primitif de la ligne 34 a dû être Sé, qu’ont lu Mb et Robert Grosseteste et qu’adopte Susemihl ; mais 877 peut être une correction d’Aristote lui-même). I DE LA VERTU INTELLECTUELLE EN GiÉNÉRAL Le plan du traité des vertus intellectuelles est le même, en beaucoup plus bref, que celui du traité des vertus morales : on a d’abord une étude de la vertu intellectuelle en général, aboutissant à la définition de la vertu intel­ lectuelle : c’est le ch. 2, correspondant aux livres II-III, 8 du traité des vertus morales; puis une étude des vertus intellectuelles en particulier, ch. 3-13, correspondant aux livres III, 9 - V du traité des vertus morales. 1139 a 3 è\éx8n — Nous avons déjà dit Cf. EE, II, 1, 1219 b 26-1220 a 12; 4, 1221b 27-32; EN, I, 13, 1102 a 27 -1103 a 3. 1139 a 6-8 év pèv <|)... Tà èvôexopEva — l’une avec laquelle... ceux qui le peuvent. C’est-à-dire l’une avec laquelle nous connaissons le nécessaire, l'autre avec laquelle nous connaissons le contingent. On reconnaît ici la division platonicienne de la science et de Y opinion, telle que Platon l’établit notam­ ment dans la République, V, 476 a - 480 a, texte auquel Aristote semble avoir pensé en écrivant ces pages. Ce sont en effet leurs objets qui distinguent la science et l’opinion; c’est parce que son objet est Vidée, c’est-à-dire la réalité une, étemelle, immuable, nécessaire, que la seience est science, c’est-à- DÉFINITION DE LA VERTU INTELLECTUELLE 441 dire savoir véritable, et c’est parce que son objet, ce sont les choses d’ici-bas, multiples, variables et contingentes, intermédiaires entre l’être et le non-être, que l’opinion est ce qu’elle est, c’est-à-dire intermédiaire entre le savoir et le non-savoir. On se souviendra que Xénocrate avait schématisé cette corres­ pondance des degrés de l’être et des degrés du savoir en distinguant trois réalités : la réalité intelligible (ovcria vo-qrri), la réalité opinable (o¿cria 8o£aaT7)) et la réalité sensible (oûcrc'a ata-ftyn?) ; cf. R. Hbinze, Xenokrates, Leipzig, 1892, fr. 5. Aristote reste donc bien ici sur le terrain de l’Académie. 1139 a 8-10 rroôc; yàn ... m-epuxôc; — Pour des objets... l’un ou l’autre de ces objets. Cf. Platon, Rép., Y, 477 d : (Lorsqu’il s’agit de caractériser une faculté de l’âme et de la distinguer d’une autre), «l’unique considération vers laquelle je m’oriente est celle de son objet et de son action; et c’eat au moyen de cette considération que j’ai désigné chacune d’entre elles comme étant une faculté; qu’en outre j’appelle identique celle à laquelle on assigne le même objet et dont l’action produit le même effet, autre celle dont l’objet est différent et l’action génératrice d’un effet différent » (trad. Robin). 1139 a 10-11 eïjiep ... ocùtoïç — s’il est vrai que c’est en vertu d’une cer­ taine similitude... la connaissance. Aristote ne fait pas tant allusion à la doctrine assez grossièrement maté­ rielle d’Empédoele, d’après laquelle « le semblable est connu par le sem­ blable » (cf. Mêt., B, 4, 1000 b 5-9; De l’âme, I, 2, 404 b 13-15, 405 b 15; 5, 410 a 24-25) qu’à la transposition raffinée qu’en avait faite Platon en soulignant la parenté qui unit l’âme au monde des Idées et qui lui permet de le connaître, cf. par ex. Rép., Yl, 490 b : (l’homme saisit la réalité vraie) « au moyen de cet organe de l’âme auquel il sied de se saisir d’un semblable objet, et à qui cela sied en raison de sa parenté avec lui» (trad. Robin). 1139 a 14-15 môte TÔ AoyioTixov âonv ev ti pépoç TOÔ \oyov ’¿XOVTOC; — Par conséquent, la partie calculatrice n’est qu’une des deux parties de l’âme rationnelle. La pointe de cette remarque est dirigée contre Platon : il a eu tort d’appeler to XoyitmKov la partie rationnelle tout entière (Bêp., IV, 4391 d). Le mot XoylÇecrdai, dans la langue courante, signifie « calculer », « compter sur », « conjecturer » ; il ne peut donc s’appliquer qu’à l’activité de la seconde des parties de l’âme rationnelle. La critique trahit un parti pris évident : dans la langue philosophique de Platon et d’Aristote lui-même le mot de Aôyoç désigne souvent le concept, le jugement et le raisonnement, en un mot l’œuvre de la pensée ; il n’y avait donc aucun inconvénient à appeler XoyitrriKov, pensante, la partie rationnelle tout entière; le traité De l’âme se gardera bien de cette critique malveillante. 442 VI, 2, 1139 a 15 - 1139 a 31 On s’est demandé (Greenwood, p. 171-173) pourquoi Aristote n’avait pas d’emblée appelé cette seconde partie de l’âme rationnelle la partie délibéra- tive, to fiovXevrucàv, ce qui eût été un terme bien aristotélicien (cf. De l’âme, III, 10, 433 b 3). C’est précisément sans doute parce que nous sommes ici en plein Platonisme. Lorsqu’il ne pensera plus à chercher à Platon de mauvaise querelle, Aristote appellera cette partie de l’âme de son vrai nom platonicien : ce sera la partie opinante, to Sogacrnicov (5, 1140 b 26; 13, 1144 b 14). Et lorsque Aristote se dégagera, de ce Platonisme, la division des deux parties de l’âme rationnelle, partie scientifique et partie opinante, sera remplacée par la division des deux fonctions de l’intellect, intellect spéculatif et intellect pratique. Cette division, proprement aristotélicienne, va faire dans un instant son apparition ici-même, mais encore bien timide­ ment : elle va se présenter comme si elle recouvrait la précédente, alors que ce n’est évidemment pas le cas. La division platonicienne voit dans la science et dans l’opinion, sinon des parties, au moins des facultés de l’âme (Aristote a déjà laissé entendre son opinion sur ee point, cf. EE, n , 1, 1219 b 32-36; EN, 1,13,1102 a 28-32), facultés distinctes de par leurs objets, ici le nécessaire et là le contingent; la division aristotélicienne voit dans l’intellect spéculatif et dans l’intellect pratique des fonctions d’une seule et même faculté, fonctions qui se distinguent d’abord par leurs fins (De l’âme, III, 10, 433 a 14-15), là le savoir et ici l’action (cf. plus haut, I, 1, 1095 a 4-6), et par voie de conséquence seulement par leurs objets : l’intel- leet pratique, précisément parce qu’il doit diriger l’action, considère l’objet même de l’action (rô irpaKTov), auquel l’intellect spéculatif ne s’intéresse pas (De l’âme, III, 9, 432 b 27)...Rien qui montre mieux la diversité de ces deux points de vue que le cas de la physique aristotélicienne : la physique a pour objet le général, qui est l’une des formes du contingent (cf. plus haut, I, 1, 1094 b 21) ; du point de vue platonicien, elle devrait donc relever de la partie opinante-, elle n’en relève pas moins pour Aristote de l’intellect spéculatif, et non de l’intellect pratique, parce que sa fin est le savoir et non l’action (cf. Mét., E, 1, 1025 b 19 -1026 a 7). De cette irréductibilité, Aristote prendra conscience : le traité De l’âme ne retiendra que la division de l’intelleet spéculatif et de l’intellect pratique et ne soufflera mot de la division platonicienne en partie scientifique et partie opinante. Mais il n’en avait pas encore pris conscience au moment où il écrivait notre texte, ce qui nous invite à lui attribuer une date ancienne et à y voir un reste de la rédaction primitive du livre VI, celle qui appartenait à YÉthique à Eudème (cf. plus loin, eomm. sur X, 7, 1177 a 14-15), à moins qu’il ne faille y voir un écho du dialogue Sur la justice ; cf. plus loin, eomm. sur VI, 4,1140 a 2-3. 1139a 15-b 13 Xmrréov ... àp<foïv — Il nous faut donc... pour ces deux parties, leurs vertus. La construction de la fin de ce chapitre est assez difficile à saisir. Elle

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