1 LES ENJEUX ÉTHIQUES LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT L A PRÉVENTION ’ DU BLANCHIMENT DE L ARGENT ’ : ET L APPROCHE FONDÉE SUR LE RISQUE LA PERSPECTIVE DU SECTEUR BANCAIRE TRACY PARADISE* C e texte a pour but de mettre et une constante amélioration des en évidence l’importance des technologies du compliance/AML1. Le mesures de prévention dans la document conclura par une évaluation lutte contre le blanchiment de l’argent des mesures établies et du travail entre- (AML de l’anglais anti-money laun- pris dans ce secteur pendant les deux dering), dans le cadre de lois et autres dernières décennies, et mettra en évi- réglementations, par ailleurs de plus dence les conditions, notamment l’amé- en plus sévères, qui visent à empêcher lioration du partenariat privé-public les abus du système financier par ceux (PPP), qui pourraient laisser entrevoir qui tenteraient de blanchir les profits des progrès continus dans le domaine de leurs opérations illicites en utilisant de la prévention du blanchiment institutions financières et commerces d’argent et du crime financier, face à légitimes pour ce faire. Nous y décri- des criminels qui ont les moyens de rons l’évolution de ces mesures et le rester au-dessus de la loi. travail accompli par le groupe de Wolfsberg dans le domaine d’AML, l’évolution de l’approche fondée sur le LA PERSPECTIVE AML risque (RBA de l’anglais risk-based DU SECTEUR PRIVÉ approach), ainsi que les conséquences toujours plus astreignantes eu égard à la protection de l’entreprise et de son Il y a vingt ans, très peu de gens image. Ces dernières exigences impli- auraient pu prévoir que le blanchiment quent des augmentations de personnel de l’argent occuperait une place aussi *Responsable de l’administration exécutive du Groupe de Wolfsberg PARADISE 1 20/04/07, 15:54 2 RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE 2007 importante dans l’environnement de AML aussi efficace que possible dans contrôle international. Cependant, c’est un environnement en constante évolu- exactement l’état actuel des choses. tion, sans oublier pour autant que Le volume des transactions à l’échelle certaines formes de blanchiment ne internationale a considérablement peuvent simplement pas être discer- augmenté suite à la levée des restric- nées, même avec des systèmes ultra- tions sur les transferts de capitaux et sophistiqués. aux progrès technologiques qui ont Comment sommes-nous arrivés à permis d’effectuer dits transferts de ce constat? Le blanchiment est géné- façon beaucoup plus rapide et meilleur ralement reconnu comme étant le marché, réduisant ainsi l’importance processus par lequel les profits engen- de l’emplacement physique de l’argent. drés par des activités criminelles sont Conséquence de tous ces progrès, il est déguisés pour cacher leurs origines devenu de plus en plus difficile d’iden- illicites. Les efforts internationaux tifier et de vérifier l’origine de certains pour combattre le blanchiment ont fonds. Tout cela, ajouté à la créativité commencé avec la reconnaissance, des blanchisseurs et à leur capacité à inscrite dans la convention de Vienne faire en sorte que les transactions de 1998, que le trafic des stupéfiants paraissent légitimes, rend difficile était un problème qui ne connaissait l’identification des fonds criminels, aucune frontière, et dont la résolution car ils sont souvent indissociables des ne pourrait donc être envisagée que transactions effectivement légitimes. par des actions multilatérales. À ce L’avance des blanchisseurs sur ceux moment là, la seule infraction sous- qui souhaiteraient les arrêter demeure jacente au blanchiment était donc le considérable. trafic des stupéfiants. Au fil du temps, cette situation a Il est clair donc que le blanchiment évolué avec une large gamme de dis- d’argent n’est pas un problème en perte positions pour combattre le crime de vitesse. Le rôle des institutions organisé contenues dans la nouvelle financières dans le maintien de l’ordre convention de l’ONU (Convention du secteur financier et dans la lutte de Palerme 2000), où chaque pays la contre le blanchiment, le financement ratifiant se devait de criminaliser le du terrorisme, et d’autres formes de blanchiment et d’y inclure ce qu’on a crime économique, n’en sera que plus appelé les crimes «sérieux» comme prononcé, représentant ainsi une tâche infractions sous-jacentes. Plus récem- plus importante pour les banques. En ment, les 40 recommandations révi- résumé, le blanchiment est «un pro- sées du GAFI (Groupe d’Action finan- blème» que les banques ne pourront cière) de juin 2003 ont étendu les jamais considérer comme « résolu » infractions sous-jacentes au blanchi- dans leur évaluation des risques, et ce ment jusqu’au délit d’initié et la même en tenant compte de l’efficacité manipulation des cours. Suite à cette de leurs systèmes. La vigilance et l’adap- évolution, les industries concernées par tation constantes sont des éléments les règlements contre le blanchiment clés pour le maintien d’un programme sont non seulement les banques, mais PARADISE 2 20/04/07, 15:54 3 LES ENJEUX ÉTHIQUES LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT aussi les banques d’investissement, les quant à la responsabilité et à la prise gestionnaires de fortune, les compa- de conscience dans les questions de gnies d’assurances, ainsi que, plus corruption. récemment, les casinos, agents immo- La corruption n’est pas la seule sphère biliers, commerçants en métaux où de nouvelles lois sont apparues. Ces précieux et pierres précieuses, avocats, dernières années, le terrorisme a égale- notaires, comptables et pourvoyeurs ment beaucoup attiré l’attention des de trusts. législateurs, bien qu’il ne soit en Nous constatons donc que le blan- aucun cas un phénomène nouveau. Ces chiment est devenu un problème 30 dernières années, des attaques terro- d’envergure internationale, où, au-delà ristes se sont produites fréquemment de la portée des lois nationales, les au Royaume-Uni, en France, en Espa- organisations supranationales jouent gne, au Moyen-Orient, en Indonésie aussi un rôle important. Les princi- et dans de nombreux autres pays dans pales sont le GAFI et le comité de le monde. Cependant, le 11 septembre Bâle, ainsi que la Banque Mondiale et 2001 et les attaques contre les États- le Fonds Monétaire International. Ces Unis, ont changé la manière dont les organisations font des examens systé- Américains, sinon le reste du monde, matiques de leurs pays membres, afin ont abordé le terrorisme. Au lende- de s’assurer que des régimes AML soient main de ces attaques, le Président Bush en place, appliqués, imposés et super- a déclaré la guerre à la terreur, indi- visés de façon efficace, cherchant ainsi quant notamment que la meilleure à pallier toute lacune législative qui manière d’arrêter de futures attaques permettrait d’abuser du système finan- serait «de bloquer les flux d’argent aux cier à des fins criminelles. terroristes». Depuis lors, nous avons Aujourd’hui, nous ne pouvons pas vu l’introduction de beaucoup d’ini- parler de blanchiment sans parler de tiatives législatives qui ont des consé- corruption et de terrorisme. Il y a de quences de grande envergure pour le plus en plus une reconnaissance des monde des affaires. effets généralement néfastes de la Actuellement, lorsqu’on parle du corruption qui comprennent, au mini- blanchiment, il semble donc aller de mum, des conséquences sociales, poli- pair avec le financement du terrorisme, tiques, économiques, de sécurité et bien qu’ils soient distincts l’un de des droits de l’homme. La lutte contre l’autre. Le blanchiment dépend de la corruption est un défi important, l’infraction sous-jacente, ce qui n’est d’autant plus que des changements dans pas le cas pour le financement du terro- les attitudes et les pratiques doivent risme. La collecte de fonds, afin de non seulement être réalisés mais égale- soutenir les activités terroristes, peut ment soutenus. Une gestion active, avoir des origines légitimes : par exem- dans les secteurs publics et privés aussi ple, des dons à des institutions de bien- bien que dans la société civile, est faisance détournés ensuite au profit primordiale pour le succès de tout de terroristes, sans que l’institution programme de réforme. Cela explique elle-même soit mise en cause. De plus, les exigences accrues à tous les niveaux les transactions en question tendent PARADISE 3 20/04/07, 15:54 4 RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE 2007 souvent à être petites et donc plus travail requis pour vérifier les noms de difficiles à identifier. Les investigations leurs clients, privés ou institutionnels, dans les cas de blanchiment ont pour contre toutes ces listes. but une condamnation judiciaire et la récupération des fonds et, bien que LE GROUPE DE WOLFSBERG les investigations dans les cas de finan- BANQUES cement du terrorisme œuvrent égale- INTERNATIONALES, ment en ce sens, l’objectif principal en STANDARDS demeure la rupture de l’acheminement INTERNATIONAUX2 d’argent aux terroristes, afin de les empêcher de perpétuer leurs crimes. Comme la lutte contre le blanchiment, En 1999, un groupe de banques la lutte contre le financement du terro- internationales très actives dans les risme a des conséquences étendues pour services bancaires privés, ainsi que des le secteur privé. représentants de l’ONG Transparency Le texte de loi le plus important International, le professeur Mark qui lie l’AML aux mesures contre le Pieth de l’Université de Bâle et Stan financement du terrorisme (CTF de Morris, d’Interpol, se sont réunis l’anglais counter-terrorist financing) afin d’examiner et comparer leurs est le « Uniting and Strengthening directives AML. Les « principes AML America by Providing Appropriate de Wolfsberg », comme ils sont main- Tools Required to Intercept and tenant internationalement connus, ont Obstruct Terrorism Act of 2001» plus été publiés à la suite de cette réunion. familièrement connu sous le nom de La publication de ces principes, suite « USA Patriot Act», qui a fourni au à une coopération étendue parmi ces gouvernement des États-Unis l’auto- banques, a constitué une grande étape rité, entre autres, d’augmenter le flux pour l’industrie. C’était en effet la pre- d’informations entre ses instances et mière fois qu’une initiative du secteur toutes institutions financières, indépen- privé recommandait que ces principes damment de la sphère privée et des du «Connaître-Votre-Client» (Know questions juridictionnelles. Du côté Your Customer) soient appliqués à leurs américain, notamment, nous avons entreprises. Ces principes indiquent vu un nombre toujours croissant de que la «politique de la banque sera pays, d’organisations et de personnes d’empêcher l’utilisation de ses opéra- désignés par le Trésor (OFAC: Office tions mondiales à des buts criminels». of Foreign Assets Control) comme Ces principes mettent en avant des « ennemi» dans la guerre nationale, et pratiques liées à l’exercice des services internationale, contre le terrorisme. bancaires privés comme l’identification D’autres nations ont suivi le mouve- du client (chaque client doit être iden- ment et ont publié leurs propres listes. tifié), l’ayant droit économique (qui Il suffit seulement de penser au nom- doit être établi pour tous les comptes), bre de pays dans lesquels opèrent les la vigilance (qui doit être exercée pour banques membres du groupe de tous les ayants-droits économiques) et Wolfsberg pour réaliser l’ampleur du l’établissement d’un historique pour PARADISE 4 20/04/07, 15:54 5 LES ENJEUX ÉTHIQUES LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT chaque client (toute information surveillance ont été mentionnées. Le applicable devant être rassemblée et rapport a également mis l’accent sur le enregistrée). Tous les documents rela- fait que cette lutte ne pourrait aboutir tifs aux mesures de prévention doivent que si la coopération et le flux d’infor- être gardés pendant cinq ans au mini- mations entre la police, les instances mum. Les principes décrivent des judiciaires et le secteur privé étaient situations exigeant une vigilance étroits et réguliers, et que les mesures accrue comme, par exemple, pour les prises pour combattre le financement personnes politiquement exposées, les du terrorisme étaient effectuées à clients de pays et industries jugés l’échelle mondiale. comme étant à risque élevé, aussi bien Dans le courant de la même année, que les intermédiaires financiers. Ils se le groupe de Wolfsberg a aussi publié réfèrent également à la surveillance, ses principes anti-blanchiment pour les aux contrôles, à l’éducation et à la banques correspondantes. La contri- formation. Les membres du groupe bution du groupe à ce sujet était oppor- de Wolfsberg ont pris l’engagement tune car quelques régulateurs avaient d’appliquer ces principes à leurs ser- déjà laissé entendre que des lois pour- vices bancaires privés à l’échelle mon- raient être édictées dans ce domaine diale. L’initiative a été bien reçue par le suite aux attentats du 11 septembre. secteur bancaire dans son ensemble et Ces recommandations traitaient des également par les autorités de contrôle, conditions de vigilance dans les rap- qui ont bien accueilli les avantages auto- ports interbancaires. Une attention régulateurs des principes. particulière a été donnée à l’environ- Au lendemain du 11 septembre nement de contrôle d’une banque dans 2001, le groupe s’est à nouveau réuni son pays d’origine, ses règles AML afin de préparer sa propre réponse à internes et nationales, sa structure de ces attaques. En février 2002, après propriété, la qualité de sa gestion et la consultation avec les régulateurs et les portée de ses activités. Des normes de représentants de la police, le groupe a vigilance accrues (EDD de l’anglais publié son rapport sur «la suppression Enhanced Due Diligence) ont été du financement du terrorisme». Le rap- décrites et les relations avec les banques port a défini l’engagement du groupe fictives ont été exclues. dans la lutte contre le financement 2003 a vu la publication du rapport du terrorisme, en préconisant une de Wolfsberg sur la surveillance, le approche qui était clairement fondée filtrage et la recherche, dans lequel les sur le respect des droits des individus. membres ont défini les conditions de Les banques se sont engagées à appli- la surveillance. L’importance de la sur- quer des procédures appropriées dans veillance avait déjà été soulignée dans la consultation de listes de terroristes, à les recommandations précédentes du faire des rapports en cas de découvertes groupe. Le rapport établit que le rôle et à trouver la manière d’améliorer la de la banque est d’identifier les transac- qualité des listes avec l’aide des auto- tions inhabituelles, de les étudier par rités. La vigilance accrue pour les sec- rapport à des soupçons de blanchi- teurs et activités à haut risque et la ment ou de financement du terrorisme PARADISE 5 20/04/07, 15:54 6 RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE 2007 et de déclarer n’importe quelle activité Le groupe a noté que « il n’y a suspecte aux autorités compétentes. En aucune méthodologie universellement conformité avec les principes ci-dessus, acceptée, qu’elle soit éditée par des le rapport de surveillance applique une gouvernements ou des institutions approche fondée sur le risque. financières, qui prescrit la nature et l’ampleur d’une approche fondée sur le risque ». Par conséquent, ces conseils L’APPROCHE FONDÉE cherchent à articuler des considérations SUR LE RISQUE appropriées dans le développement et la mise en application d’une approche fondée sur le risque où chaque établis- Comme suite logique de tous ces sement devra déterminer les détails travaux, le groupe de Wolfsberg a spécifiques à appliquer selon ses opéra- publié ses recommandations sur l’ap- tions3. proche fondée sur le risque en juin Chaque établissement devrait iden- 2006. Les prémisses de cette publi- tifier les critères qui, en premier lieu, cation étaient de reconnaître que la lui permettront de mesurer au mieux menace constante du blanchiment peut les risques liés à ses clients et transac- être gérée efficacement par une bonne tions, et qui, dans un deuxième temps, compréhension des risques potentiels lui permettront de définir des mesures liés aux clients comme aux transac- et des procédures de contrôle adéquates tions. Il paraît certain qu’une évalua- afin d’atténuer ces risques. Le groupe a tion des risques de blanchiment peut noté qu’il est possible que ces risques être faite d’entrée en appliquant les n’apparaissent qu’une fois que le client critères de vigilance appropriée à a commencé à effectuer des transac- l’ouverture d’une relation et, par la tions, et donc que la surveillance conti- suite, en appliquant ces mêmes critères nue constitue un élément clé, mais de vigilance et de surveillance aux tran- pas exclusif, d’une RBA efficace. Les sactions tout au long de la relation. conseils postulent que les critères de Une approche fondée sur le risque, risque les plus acceptés sont les risques raisonnablement conçue, cherchera liés aux pays, aux clients et aux services. donc à identifier le degré de risques Ces trois catégories peuvent être potentiels de blanchiment liés aux nuancées par des variables de risque clients et aux transactions, de façon à additionnelles, qui contribueront à permettre à un établissement de se une catégorisation de risque adaptée à concentrer sur ces clients et transac- chaque client. tions. Les ressources peuvent ainsi être Parmi ces variables de risque, on allouées là où les risques sont les plus trouve le niveau de capitaux : par élevés. exemple, dans le cas où les transactions Le groupe de Wolfsberg estime que portant sur des sommes importantes ces principes peuvent aider les institu- d’un client (comparées aux profils de tions financières à exercer un jugement ses pairs) justifieraient une catégo- commercial et une gestion du risque risation de risque accrue4. On peut appropriés par rapport à leurs clients. considérer aussi l’étendue des règle- PARADISE 6 20/04/07, 15:54 7 LES ENJEUX ÉTHIQUES LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT ments ou l’environnement de contrôle présenter, et en effet présentent pour auquel un client est soumis : dans le cas la plupart, des risques plus élevés de de clients institutionnels, par exemple, blanchiment, parmi lesquels, et en tout les clients basés dans les pays où la premier lieu, les pays qui font l’objet supervision du secteur bancaire est de sanctions ou d’embargos à l’échelle considérée comme étant appropriée internationale. Ceci peut s’étendre contribueraient à une classification même à des pays sujets à des sanctions de risque inférieure. La régularité du ou embargos émis par une organi- contact avec le client, la durée de la sation ou gouvernement national relation et la familiarité avec les juri- dont un établissement peut choisir dictions concernées indiqueraient d’accepter la légitimité, basée soit sur plutôt une catégorisation du risque les politiques de sa propre juridiction moyenne ou basse. Par contre, l’utili- ou sur son accord avec les fondements sation de sociétés intermédiaires, dans sur lesquels ces mesures sont propo- le cas où le raisonnement pour une sées. D’autres facteurs peuvent être telle utilisation n’est pas clair, aura l’identification d’un pays reconnu tendance à classer le client dans une comme étant à régime AML faible, ou catégorie de risque plus élevée. ayant été reconnu comme un pays Une fois que l’évaluation des risques qui soutient des activités terroristes que représente un client aura été ou, encore, comme ayant des niveaux complétée et « sa» catégorisation éta- significatifs de corruption5. blie, l’entreprise pourra mettre en place Les principes sont clairs sur le fait des mesures et des contrôles appropriés que chaque établissement doit faire sa pour les situations de risque plus propre évaluation de ses clients qui élevé. Ces mesures et contrôles sous- pourraient présenter des risques plus entendent la connaissance des bran- élevés de blanchiment. Les recomman- ches d’activité présentant des risques dations conviennent que certaines élevés, l’application des critères de KYC caractéristiques pourraient être consi- ou de vigilance plus étendue (EDD), dérées comme des indicateurs de situa- ainsi que des procédures claires pour tions à risque potentiellement élevé: l’approbation hiérarchique d’ouverture les marchands d’armes, les entreprises de certaines relations classées comme qui font un usage intensif de liquidités étant à risque plus élevé, la surveillance (bureaux de change et casinos, entre et le contrôle fréquent des transactions autres), les institutions de bienfai- et des relations elles-mêmes. sance non réglementées, commerçants Comme mentionné ci-dessus, les en marchandises de grande valeur, critères de risque le plus régulièrement avocats, comptables, les sociétés et/ou utilisés sont les risques liés aux pays, personnes utilisant des intermédiaires aux clients et aux services. Bien qu’il et les personnes politiquement expo- n’y ait aucune liste reconnue, fût-elle sées. Les services ayant été identifiés à établie par des organisations gouverne- risque potentiellement plus élevé mentales, des institutions financières comprennent aussi les services ban- ou des ONGS, il est universellement caires correspondants à échelle inter- accepté que certains pays puissent nationale, les services bancaires privés PARADISE 7 20/04/07, 15:54 8 RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE 2007 et les services de métaux précieux et publics et privés considèrent le risque billets de banque. de réputation comme étant leur risque En conclusion, le groupe de le plus important. La réputation Wolfsberg souligne le rôle de la forma- constitue un capital à la valeur inesti- tion et de l’éducation dans l’exécution mable et sa protection est devenue le réussie d’une RBA. Il a aussi noté que souci principal de la direction générale. ces conseils n’ont pas touché à la ques- Cela n’est guère étonnant si l’on consi- tion du financement du terrorisme, dère les conséquences qu’une atteinte en vue du rapport, publié par le groupe à la réputation de l’entreprise peut en 2002, qui avait déjà mis l’accent sur avoir sur les prévisions du marché, sur les difficultés à distinguer les fonds la confiance des clients en la société, «terroristes» d’autres fonds. Le groupe pour ne pas mentionner les limitations a clairement indiqué que ces conseils possibles que les régulateurs pourraient ne devraient pas empêcher les insti- placer sur les ambitions de croissance tutions financières d’entrer en affaires de l’entreprise. avec un client classé comme étant à Le nombre des acteurs intéressés par haut risque, mais qu’ils devraient plu- les opérations de chaque institution tôt servir à identifier des situations où financière ne se limite pas qu’aux des mesures et contrôles additionnels clients et aux actionnaires, mais s’étend seraient recommandés pour traiter avec au grand public, aux médias (qui sont de tels clients. devenus une vraie force par leur capa- cité à influencer l’opinion publique), aux acteurs politiques, aux régulateurs, COMPLIANCE PASSE LE CAP : aux instances judiciaires, aux ONGS, L’ÉMERGENCE DU RISQUE et aux employés de l’entreprise. Les DE RÉPUTATION valeurs fondamentales sur lesquelles sont basées la réputation d’une entre- prise, la solvabilité, la confidentialité, Comme nous avons vu, KYC et RBA l’intégrité, l’honnêteté, la compétence sont donc devenus indispensables aux et la qualité sont confirmées par son banques eu égard à la protection de action envers tout événement qui pour- l’entreprise, confrontée à des risques rait affecter sa réputation, c’est-à-dire qui pourraient porter préjudice à sa ce qui est fait, ce qui n’est pas fait, ce réputation et à la valeur de sa marque qui aurait dû être fait et ce qui n’aurait et de son image. La réputation est la pas dû être fait. Le risque de réputa- base sur laquelle repose la confiance tion, contrairement aux risques du que les clients placent dans la capacité marché ou de crédit, n’est ni prévisible de l’entreprise de fournir des services ni quantifiable. En outre, il marque de haute qualité et des solutions effica- immédiatement; il y a peu ou pas de ces à leurs besoins. Ce rattachement au règles qui entourent l’événement, dont risque de réputation est plus qu’une la perception peut être aggravée par la simple question de perception: des spéculation des médias. recherches récentes ont indiqué que les D’autres facteurs rendent la mesure plus grandes institutions des secteurs de l’impact d’un quelconque événement PARADISE 8 20/04/07, 15:54 9 LES ENJEUX ÉTHIQUES LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT sur la réputation d’une entreprise plus entière, plutôt qu’une déviation anor- difficile: le fait que les lois, les normes et male d’un parcours juridique. En plus la perception changent dans le temps, de cette augmentation des effectifs, il que les jugements tendent à être portés y a aussi eu une augmentation dans rétrospectivement et peuvent donc les dépenses faites pour des systèmes varier selon les valeurs des uns et des de surveillance, filtrage et autres. Ces autres et, finalement, l’impact que sommes, selon la nature des besoins peuvent avoir d’autres événements se économiques, se chiffrent entre US$30 produisant en même temps. Une répu- et 50 millions par an pour une grande tation peut prendre des décennies à entreprise. établir mais peut être détruite en une seconde, ce qui peut avoir un impact vaste, et potentiellement dévastateur, LE PARTENARIAT sur la valeur de l’entreprise. PRIVÉ-PUBLIC Les fonctions de compliance/AML dans les institutions financières, ont donc augmenté leurs effectifs souvent On a mentionné ci-dessus que le plus que proportionnellement, pour secteur public a fait du secteur privé faire face à cet ensemble toujours crois- son associé le plus proche dans la lutte sant de mesures dans la lutte contre le contre le blanchiment, le financement blanchiment et autres formes de crime du terrorisme et toutes formes de crime économique. Si nous regardons les économique. Cela ne doit cependant structures des départements juridiques pas être à sens unique. Il doit abso- ou ceux de la gestion des risques dans lument y avoir plus d’interaction les institutions financières d’il y a dix entre les secteurs publics et privés, si ans, on trouvera difficilement une quel- le combat doit atteindre ses objectifs. conque mention d’un département Ce «Partenariat Privé-Public (PPP)» compliance indépendant mais, plutôt, comme il a été appelé, peut prendre les noms d’une ou deux personnes beaucoup de formes, qui peuvent qui traitaient les sujets compliance/ contribuer, d’une manière ou d’une AML à côté de leurs autres responsabi- autre, à une approche plus cohérente et lités. Maintenant, les départements de efficace par rapport à ces crimes. Un compliance sont entièrement acceptés exemple d’un PPP apparemment comme une fonction essentielle de efficace (il n’en est qu’à ses premiers toute institution financière. En effet, pas et son travail est encore peu connu) dans certaines des entreprises membres est le groupe consultatif établi par le de groupe de Wolfsberg, les effectifs GAFI, qui compte parmi ses membres de compliance/AML ont augmenté des régulateurs, des associations indus- jusqu’à 130 % par an depuis 2001. trielles et des institutions financières. Cette immense augmentation dans le Ce groupe travaille sur la RBA dans le personnel consacré au compliance a but de s’assurer que toute activité pos- eu comme effet secondaire que le rôle sible à l’échelle internationale, et au de «compliance officer» soit reconnu niveau du GAFI, eu égard au dévelop- comme étant une profession à part pement de la RBA, est effectivement PARADISE 9 20/04/07, 15:54 10 RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE 2007 entreprise. Sont à l’étude les possibi- efforts entrepris pour empêcher lités que le GAFI publie des directives l’écoulement de fonds illicites dans internationales qui clarifieraient la mise le système financier international en place d’une RBA; que les contacts doivent, eux aussi, être internationaux, entre les secteurs publics et privés, par- car les efforts fournis au seul niveau ticulièrement eu égard aux typologies, national sont voués à l’échec. En soient activement poursuivis, et qu’il y d’autres termes, la menace globale du ait un dialogue continu dans le secteur blanchiment, du financement du terro- public sur la définition et l’exécution risme et du crime économique au sens efficace de la RBA. large, exige des mesures globales et les Une harmonisation accrue dans gouvernements se doivent de regarder l’approche des régulateurs, en coor- au delà de leurs intérêts politiques dination avec le secteur privé, quant nationaux afin de contribuer à un à la transmission des données et à environnement de contrôle plus l’identification des problèmes posés par harmonisé. Plus que dans tout autre certains pays eu égard aux principes domaine, donc, le succès de ce combat consolidés de gestion des risques de dépend d’une véritable coopération KYC, préconisés par le comité de Bâle entre et parmi tous les acteurs gouver- par exemple, est un autre domaine nementaux (secteur public) et les insti- où il y aurait beaucoup à gagner d’un tutions financières (secteur privé) à un PPP amélioré. Pour une institution niveau international, c’est-à-dire un financière internationale active dans de véritable partenariat privé-public. nombreuses juridictions, confrontée Afin de s’assurer qu’un PPP puisse à une pléthore de lois et règlements vraiment réussir, en particulier face à différents, il peut être problématique un environnement en constante évolu- d’obtenir des informations sur certains tion, les établissements internationaux comptes et, plus grave, illégal de trans- tels que les membres du groupe de férer ces informations d’une juridic- Wolfsberg, qui font de la confiance, tion à une autre. Cela concerne non du respect de la sphère privée et du seulement les pays soumis au secret service leurs valeurs absolues, devraient bancaire, mais encore un certain nom- constamment chercher à être impli- bre de pays aux lois de protection des qués dans la formulation des règle- données rigoureuses. Il incomberait à ments et l’établissement des directives l’industrie et aux autorités de contrôle prises par les régulateurs afin que, autant d’avoir une approche plus cohérente, que faire se peut, ces règles soient ou pour le moins, une meilleure conçues en tenant compte de toutes compréhension que ce n’est le cas ac- les considérations que les institutions tuellement des limites auxquelles sont appliqueraient dans la conduite habi- assujetties les institutions financières tuelle de leurs affaires. Cela devrait dans l’application de ces principes. d’autant plus être le cas que nous avons vu que les répercussions sur les institu- tions financières sont vastes, notam- Que pouvons-nous donc conclure ment en termes de ressources et de de tout cela? Nous avons vu que les mise en œuvre de nouveaux systèmes. PARADISE 10 20/04/07, 15:54
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