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Archéologie d'un document d'archives: Approche codicologique et diplomatique des cherches des feux bourguignonnes (1285-1543) PDF

194 Pages·2006·10.968 MB·French
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Archéologie d'un document d'archives Approche codicologique et diplomatique des cherches des feux bourguignonnes (1285-1543) Patrice Beck DOI : 10.4000/books.enc.1518 Éditeur : Publications de l’École nationale des chartes Année d'édition : 2006 Date de mise en ligne : 26 septembre 2018 Collection : Études et rencontres ISBN électronique : 9782357231221 http://books.openedition.org Édition imprimée ISBN : 9782900791837 Nombre de pages : 248 Référence électronique BECK, Patrice. Archéologie d'un document d'archives : Approche codicologique et diplomatique des cherches des feux bourguignonnes (1285-1543). Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Publications de l’École nationale des chartes, 2006 (généré le 03 mai 2019). Disponible sur Internet : <http:// books.openedition.org/enc/1518>. ISBN : 9782357231221. DOI : 10.4000/books.enc.1518. Ce document a été généré automatiquement le 3 mai 2019. Il est issu d'une numérisation par reconnaissance optique de caractères. © Publications de l’École nationale des chartes, 2006 Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540 1 Les dénombrements des feux réalisés au cours des XIVe et XVe siècles par les états de Bourgogne sont bien connus : depuis la fin du XVIIIe siècle, les archivistes en ont réalisé de bons catalogues et les historiens les ont largement exploités en matière de démographie et d'anthroponymie, d'histoire du peuplement et des institutions. Il restait à les étudier en soi, à analyser les conditions tant matérielles qu'intellectuelles de leur élaboration : quelles matières ont étémises en œuvre (papier, parchemin, reliure), par qui et selon quel processus les enquêtes ont été effectuées (commis, itinéraires, nomenclatures), comment est organisée l'information (directives et applications, réglure et mise en page), comment est-elle traitée (feux réels et feux fiscaux, mise d'assiette, collecte) ? L'étude, à la fois codicologique, diplomatique et quantométrique, de la centaine de registres conservés ouvre bien des perspectives sur les techniques administratives et comptables en usage en Bourgogne à la fin du Moyen Âge et au début des Temps modernes ; elle livre ainsi de précieuses informations sur les concepts et les pratiques gouvernementales, la politique du prince, la stratégie des représentants aux états, les réactions des populations. PATRICE BECK Patrice Beck est maître de conférences habilité à diriger des recherches à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne. 2 SOMMAIRE Préface Olivier Guyotjeannin Introduction Les dénombrements des feux, nature et enjeux I. État des lieux Le catalogue inachevé II. Les registres Des archives de papier III. Réglure et mise en page Des modules variés IV. Itinéraires d’enquête et ordre de présentation Jeux de pistes V. Instructions et pratiques. La rhétorique du pouvoir et sa réception VI. La réalisation L’impossible exhaustivité VII. Mises d’assiette L’art de la manipulation VIII. Encaissements L’art de la fraude et d’y remédier Conclusion Bibliographie Textes à l’appui Table des figures 3 Préface Olivier Guyotjeannin 1 Ces quelques lignes de présentation voudraient, en premier lieu, remercier Patrice Beck d’avoir confié à la collection Études et rencontres de l’École des chartes le présent volume, issu après de minimes retouches d’un mémoire inédit d’habilitation, présenté à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne en novembre 2004. Il y trouve, certes, par son sujet et son angle d’attaque, une place naturelle, bien dans la lignée des appels lancés, depuis quelques décennies, par Robert-Henri Bautier pour une archivistique médiévale qui soit au sens plein une critique historique des sources, ou encore par Jean Favier pour la constitution d’une « diplomatique des comptabilités », appel auquel quelques entreprises convergentes ont récemment donné un écho bienvenu. 2 C’est précisément par des enquêtes sur les comptes bourguignons, dont on espère la prochaine parution, que Patrice Beck en est venu à porter un regard nouveau et sans conteste novateur sur les séries, passablement hétérogènes au reste, des « cherches » et « re-cherches » de feux bourguignonnes. Confronté dès ses premières études à ces sources fiscales que d’autres avant lui avaient tenté de détourner vers l’histoire démographique, il est revenu sur elles après de nombreux détours, dont le bénéfice croisé se lit ici plus qu’entre les lignes — étude de la civilisation matérielle, histoire de l’anthroponymie, attention soutenue à l’histoire des techniques autant qu’à l’histoire sociale... Insatisfait sans doute du bilan mélangé qu’offrait la démarche classique, de collecte, d’inventaire, de pesée des pertes et des silences, de bilan des données, de rapide examen de la forme du document et de reconstitution de sa genèse, il a sauté le pas, et placé la source au centre même du questionnaire. Poussé par sa double compétence d’archéologue en même temps que d’historien, stimulé par la proximité intellectuelle de féconds laboratoires, il a tenu le pari double d’étudier le document comme objet, et de briser le cercle magique de l’admiration pour le document/monument tel qu’il est. Il n’a cessé d’être archéologue et historien, et l’essai me semble l’un des rares et des meilleurs produits d’une authentique typologie des sources d’archives médiévales, science auxiliaire de l’histoire. 3 Le plus spectaculaire est sans doute dans l’« archéologie des sources d’archives » à laquelle il nous convie sur un case-study exemplaire et atypique, une source à la fois sérielle et hétérogène dont les ratés, les incohérences et les échecs deviennent à leur tour instructifs. L’étude minutieuse, maîtrisée et captivante des traces matérielles de 4 fabrication doit évidemment beaucoup aux avancées éclatantes de la codicologie, son intérêt devient aussi évident à la lecture que l’étonnement devant la rareté actuelle des études. Mais le diplomatiste que je suis se plaît aussi à souligner la part non moins généreuse, et non moins déterminante, accordée à l’étude lexicographique, à la reconstitution de la genèse du document inférée de ses caractères externes et internes, au démontage des procédures d’enquête, à la reconstitution historique des mobiles et des enjeux, à l’appréciation des usages et des limites de la source, à la traque des indices de consultation et de réutilisation, jusqu’au seuil des mystères de la conservation. 4 Car c’est, pour finir, de l’histoire « tout court » qui se fabrique ici. La contradiction flagrante entre la standardisation (même déconcentrée) des comptes de châtellenie et l’irrégularité formelle des « cherches » trouve une très historique interprétation dans la restitution des processus de création documentaire : la « cherche » trouve dans sa genèse ses propres limites de pertinence et surtout d’homogénéité ; produite ou régulée par les privilégiés qui dominent les états de Bourgogne, elle doit esquiver une régularité qui consoliderait la lourde tendance de l’impôt princier à devenir ordinaire. La démonstration est brillante, au terme d’expertes manipulations sous forme de tableaux et de graphes, enrichie d’une immersion photographique constante, doublée d’un remarquable décryptage des manipulations comptables. Le lecteur verra vite la faiblesse de la glose face aux mérites de l’original, et l’immense potentiel d’imitation offert par la belle étude de Patrice Beck. AUTEUR OLIVIER GUYOTJEANNIN Professeur de diplomatique et archivistique médiévales à l’École nationale des chartes 5 Introduction Les dénombrements des feux, nature et enjeux « Jaquotte de Fouvans, elle est devenue fole et ne sçait l'en ou elle demoure mais l’en dit que les loups l’ont mangiee. » Révision des feux de la ville de Dijon, 1376 – enregistrement no 437 (Archives départementales de Côte-d’Or [ADCO] B 11574-2) « Hé malgredieu ! courent encour ces impositions ! Messire li duc avoit juré que si madame la duchesse avoit ung filzj qu’elles cesseraient à cuillir, et madame en a ung et se courent encoires. Je voye bien que aussi bien se parjurent li grans comme li petis. » Pont-de-Cussy, 1379 – amendes (ADCO B 2770). Cité par E. PETIT 1909, p. 383. 1 Parmi les sources de l’histoire du duché de Bourgogne aux temps des Valois, les « cherches des feux » sont depuis longtemps distinguées, estimées, présentées et exploitées. 2 Elles constituent une belle série documentaire comptant une centaine de registres1 qui, entre le milieu du XIVe et le milieu du XVIe siècle, donnent le nom des chefs de famille tenant feu dans le duché et les terres qui en dépendent : malgré leurs classiques défauts de distribution dans le temps et dans l’espace, elles sont considérées par les historiens démographes comme de précieux témoignages de l’évolution de la population bourguignonne à la fin du Moyen Âge et aux débuts des Temps modernes2. 3 Ces listes nominatives des chefs des feux ont évidemment aussi attiré l’attention des anthroponymistes qui y trouvent une riche matière utile à l’étude de l’évolution des modes de dénomination des personnes, des stocks de noms et de surnoms3. 4 Ces listes sont établies dans chaque bailliage4 par lieux habités et, dans les grandes villes, par paroisses ; des prologues identifient la seigneurie de rattachement ainsi que le statut de l’habitat en distinguant généralement « grange », « moulin », « hameau », « village » ou « ville de plat pays », « ville marchande avec foire et marché », « ville ferme » et 6 « bonne ville ». Se révèlent ainsi la géographie féodale, la hiérarchie des agglomérations et l’organisation spatiale du peuplement5. 5 Pour chaque feu est précisé le statut personnel – « franc, abonné, serf » – et les capacités économiques sont évaluées en deux puis trois catégories : les « solvables » ou « paiables » s’opposent aux « misérables, mendiants et pains querrants » jusque dans les années 1420 ; ensuite, entre les « paiables » et les « mendiants », le terme de « misérables » identifie une catégorie intermédiaire de foyers solvables. L’évaluation reste certes grossière et les critères ne nous sont pas donnés : les « cherches des feux » ne sont pas des « estimes »6. Elles fournissent tout de même les moyens d’une évaluation générale de l’évolution chronologique et de la distribution spatiale des capacités économiques de la population7. 6 Instruites surtout par l’administration fiscale en vue d’établir l’assiette d’impôts généraux extraordinaires appelés « fouages » ou « aides » votés par les états généraux pour le prince8, ces enquêtes ont évidemment attiré l’attention des historiens des institutions en général, de la fiscalité en particulier : de Dom Urbain Plancher9 à Henri Dubois10, nombre de chercheurs y ont puisé de précieux témoignages sur les mécanismes de l’impôt et, plus généralement, sur l’organisation administrative publique, sur les rapports entre le pouvoir et les sujets, donc sur la pensée politique. C’est que « les types d’impôt [...] reflètent assez exactement les capacités administratives de l’État [...] et le niveau des techniques fiscales », que « chaque type d’impôt résulte également d’un rapport deforce politique [où s’affrontent] fisc et contribuables, riches et pauvres, fortunes immobilières et fortunes mobilières, rentiers et marchands. L’étude de l’impôt débouche donc sur celle des sociétés humaines »11. 7 Des origines, on sait ainsi que la fiscalité directe généralisée, ainsi que les taxes indirectes sur les ventes, du vin et du sel notamment, ne sont véritablement introduites en Bourgogne qu’avec le rattachement du duché à la couronne royale par Jean le Bon, en novembre 1361. Il y a certes des précédents connus, mais l’un est sectoriel et l’autre isolé. L’impôt des « marcs » n’est prélevé annuellement depuis les années 1280 que sur les feux des bourgeois des villes de Dijon, Beaune, Semur-en-Auxois et Montbard, en raison des chartes de commune à elles octroyées12. Un « disme de la monnoie » général est obtenu par Robert II en échange de sa promesse d’assurer la stabilité du denier digenois et un certain Martin Chauvin le lève sur le Beaunois en 128513 : le fait suggère que « la fiscalité de type “moderne” est, [...] au moins dans une certaine mesure, fille de la monnaie, c’est-à-dire des nécessités de l’économie monétaire et, en fin de compte, de la croissance économique »14. Sous Jean le Bon et ses successeurs ducaux, qui en reçoivent immédiatement délégation du roi à leur profit, c’est par l’aide aux « quatre cas », coutumier du droit féodal, que ce prélèvement fut accepté par les élites du duché collaborant au gouvernement dans le cadre des sessions des états de Bourgogne15 : c’est l’ambition et les guerres dynastiques surtout, habillées du devoir régalien d’assurer la paix civile et la défense du territoire, qui en furent le moteur principal16. Mais les débuts furent très difficiles dans une province jalouse de son autonomie et réagissant fortement à « l’ingérence royale » : même s’il se multiplia, l’impôt direct général resta « extraordinaire », faisant toujours l’objet, au coup par coup, d’un contrat avec les représentants des trois états. Ceux-ci constituaient une force politique suffisante pour forcer les ducs Valois à les associer, au moins par ce biais du « nerf de la guerre », à la conduite de leur politique et s’ils collaborèrent, c’est que ces puissants seigneurs laïcs ou ecclésiastiques et ces grands bourgeois étaient finalement appelés à accepter l’impôt que d’autres qu’eux finalement, par le jeu des exemptions, auraient à acquitter17. Selon les 7 calculs des historiens économistes, les ducs n’eurent pas à se plaindre : soixante-douze fouages furent attribués et levés entre 1360 et la fin du XVe siècle, soit en moyenne un tous les deux ans ; et Philippe le Hardi, sans doute le duc Valois le mieux étudié des quatre en la matière18, obtint satisfaction à 93 % de ses demandes et reçut ainsi en moyenne annuelle 21 000 francs, soit 20 % de son budget. 8 Le mécanisme du prélèvement, essentiel donc à maîtriser pour comprendre les enjeux, a été non moins bien étudié. Dans une société d’ordres, la méthode la mieux acceptée et la plus efficace est assurément celle qui adopte le principe de quotité proportionnelle, fixant le montant dont doit s’acquitter chaque feu contribuable en fonction de son statut et de sa fortune, « le fort portant le faible ». Les états bourguignons « auraient dû, semble-t-il, rester fidèles à cet impôt de quotité [car], avec ce système, le duc avait intérêt à restreindre les exemptions. Mais il leur parut sans doute imprudent de laisser aux mains du pouvoir, avec un instrument aussi élastique, la tentation d’accroître ses profits par une légère augmentation des cotes. (...) Le duc préférait aussi sans doute tabler sur des sommes données. Aussi, tous les fouages votés à partir de 1375 furent-ils des subsides de répartition à chiffre fixe »19. Pour le duc, la dépression démographique et économique s’installant, il était en effet plus sûr de définir le montant du revenu et il était ainsi possible de multiplier les exemptions sans diminuer le profit. Pour les états, la fixation de la somme était « un frein qu’on opposa aux appétits financiers du prince : c’était en somme le système de l’abonnement pratiqué par les villes mais étendu ici à tout un pays » 20. 9 La technique adoptée en Bourgogne associa cependant les deux principes. Le duc demandait une certaine somme, discutée et généralement votée par les états qui déléguaient alors des « élus » pour suivre le dossier et dont le choix était certes commandé par la nécessaire représentation des trois ordresmais bien évidemment aussi par les intrigues sans fin de la compétition politique entre les partenaires21. Ces élus définissaient en tout cas les règles et les modalités de mise d’assiette et de recouvrement : nomination et instruction des enquêteurs chargés de dénombrer et de caractériser les feux, établissement et, le cas échéant en fonction des premiers résultats, révision du calendrier des levées et de la quote-part de chaque type de feu à chaque terme pour définir la somme due par chaque localité, nomination des receveurs chargés de collecter les sommes et de délivrer les quittances. Des contre-enquêtes étaient organisées par le duc et diligentées par un personnel ducal ou choisi par les conseillers princiers quand les rentrées d’argent escomptées étaient déçues ou que la fraude était soupçonnée : c’est que le dispositif normal laissait, diplomatiquement certes mais non sans risque, le soin aux autorités locales de répartir entre les contribuables la cotisation globale mise à la charge de la localité selon la règle du « fort portant le faible », puis de rassembler l’argent22. 10 C’est ainsi que les archives conservent deux belles séries, l’une d’enquêtes et l’autre de comptes23. Ces ensembles ont l’avantage même d’être redondants : les recettes étaient perçues par des receveurs attachés à chaquebailliage avant que d’être centralisées par un receveur général et les uns comme les autres rendaient compte de leur gestion. Chaque cherche était fournie en deux exemplaires, pour en archiver l’un et confier l’autre aux collecteurs : c’est pourquoi les registres conservés se présentent sous des formes diverses, les uns non annotés, les autres surchargés de mises d’assiettes, de contrôles et de contre- enquêtes qui offrent des aperçus sur les techniques comptables et la compétence – y compris la roublardise – des enquêteurs et des receveurs. 8 11 Mais c’est aussi pour cela que ces documents sont aujourd’hui quelque peu dispersés dans différents fonds, certaines pièces finissant centralisées, d’autres archivées localement ou thématiquement, d’autres encore déplacées, du fait de remplois comme au gré d’usages érudits ou archivistiques ultérieurs24. 12 Deux autres facteurs achèvent de brouiller les cartes. Par souci d’économie d’une part, les frais d’enquête étant à la charge du contribuable et comptés horssomme votée au duc, les dénombrements n’ont pas été partout systématiquement commandés et réalisés comme l’indiquent certains documents normatifs et comptables (fig. 6)25 ; c’est ce que suggèrent aussi les prologues qui justifient l’existence de douze enquêtes réparties sur huit fouages, non prévues à l’origine, mais rendues nécessaire soit pour contrôler le dénombrement précédent du fait des fautes et mêmes des fraudes qui l’entachaient, soit du fait des grandes mortalités et diminution du peuple intervenues depuis le dernier recensement26. D’autre part, les registres n’ont pas tous été préservés et l’archiviste « révolutionnaire » Peincedé fait état dans son Recueil de plus de 32 registres aujourd’hui disparus27. 13 Si bien que le catalogue des sources disponibles reste toujours ouvert. Comme reste finalement ouverte la question des enjeux de ces dénombrements : l’objectif explicite, directement fiscal de ces enquêtes, ne masque-t-il pas en effet d’autres buts, ceux-là indirects, inavouables, politiques ? La question a été abordée par M.-A. Arnould, via une compilation des indices laissés à cet égard dans les documents et repérés par les études antérieures28 : pour lui, cette suspicion ne serait pas permise car les dénombrements, en raison de leur multiplication et de leur volatilité, ne seraient que des documents techniques, de service, qui ne peuvent pas avoir été conçus comme des enquêtes « statistiques lourdes » visant à renseigner précisément le prince sur ses sujets, notamment sur l’organisation du peuplement et des puissances seigneuriales. Le trouble ne serait entretenu que par certains aspects contextuels de deux ou trois enquêtes dont l’organisation est restée quelque peu empreinte de non-dit : l’enquête générale au royaume de France, que Ferdinand Lot a nommé « état des paroisses et des feux de 1328 », cellequi est préconisée à Philippe le Bon en 1440 « sans faire savoir [aux officiers requis] les causes pourquoy », et le « dénombrement général » de 146929. À l’occasion de ce dernier, les commissaires enquêtant à Chalon en 1470 rencontrèrent en effet des difficultés, les échevins refusèrent de collaborer30. Le fait peut intriguer, ou bien n’apparaître que comme réaction classique d’administrés face à l’impôtet, s’il jette le trouble, s’ilsuggère implicitement l’existence de quelque soupçon nourri par la communauté face à l’enquête, rien n’indique que celui-ci ne soit pas seulement fantasmé par les populations. 14 Une autre caractéristique distille le doute : l’identité des seigneurs de rattachement des agglomérations et des populations est enregistrée, alors qu’elle ne constitue pas un critère fiscal. Mais l’argument tiendrait mieux si le duc était le donneur d’ordre des enquêtes et ce n’est pas le cas : les commissaires sont sous les ordres des élus des états de Bourgogne. 15 Reste une donnée non explorée qui peut alimenter l’argumentaire : l’analyse formelle des registres, l’étude des régularités ou des incohérences en matière de réglure, de mise en page, de vocabulaire ou d’organisation des données, outre qu’elle informe sur le travail de scribe, ne peut-elle éclairer les finalités de ces enquêtes ? M.-A. Arnould a initié le travail en consacrant le troisième chapitre de son essai aux « règles de critiques propre au genre »31 : il y évoque les conditions d’élaboration des enquêtes et les procédures suivies par les commissaires, mais il s’agit davantage d’analyse diplomatique que codicologique et plus d’un programme de travail que d’une enquête systématique.

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