S N O TI ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL I LVIII – 2012 – CNRS Éditions, Paris D É S R N C ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT . T INTERNATIONAL GÉNÉRAL (2012) R A P PATRICK JACOB FRANCK LATTY À S É R I T - S N En 2012 comme depuis plusieurs années, le droit international a trouvé un O terreau particulièrement fertile de « réalisation juridictionnelle » 1 dans les déci- I T sions arbitrales rendues par les tribunaux arbitraux compétents pour trancher les DI litiges entre État et investisseur étranger 2, dans la quasi-totalité des cas sur le É fondement de traités bilatéraux ou multilatéraux de protection des investissements étrangers. Ces décisions, bien que de qualité inégale, sont le signe de l’« essor S R nouveau » du « vieux droit des gens de Grotius » 3 qui a littéralement « investi » N les relations transnationales économiques. À ce titre, rares sont, parmi la quaran- C taine de décisions rendues en 2012 4 – qu’il s’agisse de sentences fi nales, de déci- sions intermédiaires ou d’ordonnances – celles qui ne comportent pas des éléments . T susceptibles d’intéresser les « internationalistes », éléments que la présente chro- R nique s’efforce de restituer de manière exhaustive 5. Elle le fera, pour le cru de 2012, A à travers la question des sources du droit international (I), celle de la responsabilité P internationale (II) et celle du droit applicable 6 (III). À S É R I T - S N (*) Patrick JACOB, maître de conférences à l’Université Paris Sud 11. O (**) Franck LATTY, professeur à l’Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité. 1. J. COMBACAU/ S. SUR, Droit international public, 10e éd., Domat, Paris, Montchrestien, 2012, p. 575. TI 2. À noter qu’un contentieux interétatique sur le fondement de traités bilatéraux d’investissement a I vu le jour. En 2012, deux sentences de 2005 et 2008 ont été rendues publiques dans une affaire de protec- D tion diplomatique entre l’Italie et Cuba soumise à un tribunal ad hoc (comm. C. CRÉPET DAIGREMONT in É Cahiers de l’arbitrage, 1er octobre 2012, n° 4, p. 893). Une autre affaire entre l’Équateur et les États-Unis S d’Amérique a abouti à une sentence arbitrale du 29 septembre 2012 (incompétence du tribunal en raison de l’absence de différend entrant dans le champ d’application du traité – CPA, aff. n° 2012-5, sentence R non publique). N 3. Ch. LEBEN, « La responsabilité internationale de l’État sur le fondement des traités de promotion C et de protection des investissements », cet Annuaire, 2004, p. 714. 4. Voy. les statistiques publiées in CNUCED, Latest Developments in Investor-State Dispute Settle- . T ment, IIA Issues note n° 1 (2013), pp. 1-2 et s. Voy. aussi la présentation de l’activité du CIRDI en 2012 R par S. MANCIAUX, in JDI, 2013/2, pp. 505 et s. Les décisions arbitrales citées ci-après sont accessibles sur le site de la faculté de droit de l’Université de Victoria (Canada) « Investment Treaty Arbitration » [http:// A ita.law.uvic.ca] ou sur le site du CIRDI [icsid.worldbank.org]. P 5. Pour une présentation de la présente chronique, voy. cet Annuaire, 2008, pp. 467 et s. À 6. Les questions, autres que le droit applicable, relatives au droit du contentieux international sont traitées de manière incidente dans les développements et les notes infrapaginales relatifs aux trois thèmes S abordés. É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 660055 3311//0077//22001133 1100::0033::2288 S N O TI 606 ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL I D É S I. – ARBITRAGE TRANSNATIONAL R ET SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL N C A. Traités . T R 1. Interprétation des traités A P Dans presque toutes les affaires soumises aux tribunaux arbitraux compé- À tents en matière d’investissement se posent des problèmes d’interprétation des S conventions applicables (en premier lieu, le traité de protection des investisse- É ments invoqué ; le cas échéant, la convention de Washington sur le CIRDI 7 ; dans R certaines affaires, il peut même s’agir d’instruments extérieurs 8). I T En schématisant, deux options se présentent alors : ou bien le tribunal s’en - remet à la jurisprudence, voire, lorsqu’elle est divisée comme c’est souvent le cas S en matière de droit des investissements, au courant jurisprudentiel qu’il estime N le plus convaincant sur la question à interpréter, sans même faire semblant de O mener sa propre analyse 9 ; ou bien le tribunal procède lui-même à une opération I T d’interprétation – laquelle n’exclut pas, au reste, la prise en compte de décisions DI arbitrales préalables 10. L’alternative est manifeste dans la décision sur les objec- É tions à la compétence de l’affaire Pac Rim Cayman 11. Le tribunal était le premier S à être confronté à la clause de refus des avantages (« denial of benefi ts ») contenue R dans l’accord de libre-échange d’Amérique centrale (ALEAC/CAFTA) 12. Comme les N décisions arbitrales préalablement rendues sur des clauses de ce type concernaient C d’autres traités (notamment le traité sur la charte de l’énergie) à la rédaction, au contexte et aux effets différents, le tribunal les a écartées. Il a considéré qu’il . T devait ainsi « interpret the relevant text of CAFTA by itself, in accordance with the R relevant principles for treaty interpretation under international law as codifi ed in A the Vienna Convention on the Law of Treaties » (§ 4.5). P Pour les tribunaux qui prennent la peine de s’engager dans une opération d’inter- À prétation détaillée, la référence aux articles 31 et suivants de la convention de Vienne S sur le droit des traités de 1969 est en effet un passage obligé 13, au point que le sigle É R I T 7. Voy. par ex. CIRDI, Caratube International Oil Company LLP c. Kazakhstan, aff. n° ARB/08/12, - sentence du 5 juin 2012, §§ 329 et s. S 8. Voy. CIRDI, Electrabel SA c. Hongrie, aff. n° ARB/07/19, décision sur la compétence, le droit appli- N cable et la responsabilité du 30 novembre 2012, § 6.76 et s. et infra III. 9. CIRDI, Quiborax SA, Non Metallic Minerals SA et Allan Fosh Kaplùn c. Bolivie, aff. n° ARB/06/2, O décision sur la compétence, 27 septembre 2012, §§ 2110 et s. (défi nition de l’investissement au sens de la TI convention de Washington) ; CPA (CNUDCI), Ulysseas c. Équateur, sentence du 12 juin 2012, §§ 246 et s. I et CIRDI, Toto Costruzioni Generali SpA c. Liban, aff. n° ARB/07/12, sentence du 7 juin 2012, §§ 151 et s D (standard du traitement juste et équitable). É 10. Voy. à cet égard CIRDI, Burlington Resources Inc. c. Équateur, n° ARB/08/5, 14 décembre 2012, S décision sur la responsabilité, §§ 221 et s. Sur la place de la jurisprudence dans le contentieux transna- tional, voy. infra E. R 11. CIRDI, Pac Rim Cayman LLC c. El Salvador, aff. n° ARB/09/12, décision sur les objections à la N compétence, 1er juin 2012, §§ 4.3 et s. C 12. L’article 10.12.2 de l’ALEAC permet à un État partie de refuser les avantages du traité à l’investisseur d’un autre État partie « that is an enterprise of such other Party and to investments of that . T investor if the enterprise has no substantial business activities in the territory of any Party, other than the R denying Party and persons of a non-Party, or of the denying Party, own or control the enterprise ». Il s’agit d’éviter que des investisseurs créent des coquilles vides dont le seul objet est de fournir à l’investisseur A un traitement et une protection auxquelles il n’a normalement pas droit dès lors que son État de ratta- P chement n’est pas partie au traité. Voy. le comm. de A. DE NANTEUIL sous les sentences Pac Rim Cayman À et Libananco Holdings, in Cahiers de l’arbitrage, 1er octobre 2012, p. 893. 13. L’hommage rendu est parfois expéditif, voy. par ex. CIRDI, SGS Société générale de surveillance S SA c. Paraguay, aff. n° ARB/07/29, sentence du 10 février 2012 , § 90, note 82 ; CIRDI, Marion Unglaube É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 660066 3311//0077//22001133 1100::0033::2288 S N O TI ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL 607 I D É S « VCLT » (pour « Vienna Convention on the law of treaties ») a acquis droit de cité dans R de nombreuses décisions arbitrales 14. Si l’État défendeur ou l’État de nationalité de N l’investisseur n’y est pas partie – et même parfois s’il l’est 15 –, la valeur coutumière C des techniques interprétatives consacrées dans ces articles est alors rappelée par le tribunal 16. Les décisions arbitrales rendues au cours de l’année 2012 montrent tout . T particulièrement que la référence aux articles 31 et suivants intervient dans une R optique de légitimation du choix interprétatif (1). Pour autant, les arbitres n’hésitent A pas à dépasser le « consensus » 17 de la convention de Vienne en recourant à des P principes d’interprétation qui n’y sont pas offi ciellement répertoriées (2). À S a) La légitimation par la convention de Vienne É R Les parties adverses à un arbitrage s’appuient fréquemment sur les techniques I T interprétatives de la convention de 1969 pour proposer au tribunal l’interprétation - du traité applicable qui correspond le mieux à leurs intérêts. Pour une question S donnée, c’est donc un choix entre deux constructions interprétatives qui est proposé N au tribunal, lequel est lui-même susceptible de forger sa propre interprétation de la O norme. La référence au « guide de l’interprétation » de la convention de Vienne lui TI permet de s’appuyer sur une méthode « homologuée ». Elle tend aussi à présenter I l’interprétation comme une activité objective. Au plus le tribunal « colle » au déroulé D É des articles 31 et suivants de la convention de Vienne, au plus son interprétation paraîtra dégagée des scories subjectives. S R La démarche concerne des questions ponctuelles, par exemple l’interprétation N de la préposition « of » dans la clause de règlement des différends relatifs à « an C investment of [a UK company] » selon l’article 8 du traité Royaume-Uni/Tanzanie 18. Sur ce point, le tribunal de l’affaire Standard Chartered Bank a très consciencieuse- . T ment suivi la méthodologie de la convention de Vienne : tout d’abord en procédant R à une interprétation grammaticale du mot, envisagée dans le contexte du traité, où A est par ailleurs employé le terme « by » 19 ; ensuite en envisageant l’interprétation P de la préposition au regard de l’objet et du but du traité, exprimés notamment À dans son préambule 20. Le tribunal a ensuite recours aux moyens c omplémentaires S É R c. Costa Rica, aff. n° ARB/08/1, sentence du 16 mai 2012, § 31. Pour une étude générale de la question, voy. I F. LATTY, « Les techniques interprétatives du CIRDI », RGDIP, 2011/2, pp. 459-480. T 14. Voy. par ex. CPA (CNUDCI), ICS Inspection and Control Services Limited (United Kingdom) - c. Argentine, aff. n° 2010-9, sentence sur la compétence du 10 février 2012, § 67 (et la table des sigles) ; S CIRDI, Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corp. c. Canada, aff. n° ARB(AF)/07/4, décision sur N la responsabilité et sur les principes relatifs au quantum, 22 mai 2012, § 174. 15. Trib. ad hoc CNUDCI, Jan Oostergetel et Theodora Laurentius c. Slovaquie, sentence du 23 avril O 2012 , § 140 ; CIRDI, Quiborax SA, Non Metallic Minerals SA et Allan Fosh Kaplùn c. Bolivie, aff. TI n° ARB/06/2, décision sur la compétence, 27 septembre 2012, § 47 ; CIRDI, Daimler Financial Services I AG c. Argentine, n° ARB/05/1, sentence du 22 août 2012, § 169. D 16. CIRDI, Kılıç İnşaat İthalat İhracat Sanayi ve Ticaret Anonim Şirketi c. Turkménistan, aff. É n° ARB/10/1, décision sur l’article VII.2 du traité bilatéral d’investissement Turquie-Turkménistan, 7 mai S 2012, § 6.3 (application des règles coutumières de la convention de Vienne à la Turquie qui n’y est pas partie). R 17. J.-M. SOREL, « Article 31 » in O. CORTEN/ P. KLEIN (dir.), Les conventions de Vienne sur le droit N des traités. Commentaire article par article, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 1291. C 18. Voy. aussi l’interprétation du terme « obligation » dans la clause de respect des engagements du TBI Équateur/États-Unis, in CIRDI, Burlington Resources Inc. c. Équateur, n° ARB/08/5, 14 décembre . T 2012, décision sur la responsabilité, §§ 211 et s. R 19. CIRDI, Standard Chartered Bank c. Tanzanie, n° ARB/10/12, sentence du 2 novembre 2012, §§ 214 et s. A 20. Id., §§ 226 et s. Se référant au préambule du traité Pays-Bas/Slovaquie pour insister sur l’impor- P tance du traitement juste et équitable, voy. Trib. ad hoc CNUDCI, Jan Oostergetel et Theodora Lauren- À tius c. Slovaquie, sentence du 23 avril 2012, § 230. Estimant, inversement, que les objectifs fi xés dans le préambule sont sans effet sur la compétence du tribunal, voy. CIRDI, Iberdrola Energía SA c. Guatemala, S n° ARB/09/5, sentence du 17 août 2012, § 307. É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 660077 3311//0077//22001133 1100::0033::2288 S N O TI 608 ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL I D É S d’interprétation conformément à l’article 32 de la convention de Vienne, non pas R pour confi rmer sa déduction première selon laquelle la préposition « of » requiert N « an active relation between the investor and the investment » et non une simple C possession passive d’actions 21, moins encore parce que son interprétation selon l’article 31 aurait « conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou dérai- . T sonnable », mais plutôt dans la mesure où elle « laisse[rait] le sens ambigu ou R obscur » 22. Comme les arguments des parties étaient fondés sur des traités entre A des États distincts, contenant des dispositions différentes de celle du traité appli- P cable, et sur des sentences arbitrales interprétant ces instruments étrangers, le À tribunal a jugé que ces modes complémentaires d’interprétation manquaient en S l’espèce de pertinence et a maintenu sa déduction initiale 23. É Un arbitre dissident désireux de convaincre que la majorité du tribunal a R donné un sens erroné à une disposition conventionnelle trouvera également dans I T les techniques interprétatives de la convention de Vienne un support lui permettant - de développer une argumentation alternative 24. Mais la démarche est surtout celle S qui anime des tribunaux arbitraux confrontés à des questions controversées du droit N des investissement (comme la défi nition même de l’investissement 25, ou la portée O des clauses de la nation la plus favorisée 26), auxquelles ils veulent apporter des I T réponses d’autorité. Concernant le traitement de la nation la plus favorisée invo- DI quée par les requérants des affaires ICS et Daimler pour bénéfi cier d’une stipula- É tion sur le règlement des différends contenue dans un autre traité d’investissement, il n’est pas anodin que les deux tribunaux présidés par P.-M. Dupuy aient repris S R « à zéro » la question de l’interprétation de la clause, quand certaines formations N arbitrales concentrent leur analyse sur la jurisprudence existante 27. Appliquant C méticuleusement les techniques de la convention de Vienne, ils ont conclu à l’issue d’un raisonnement plaqué sur ses articles 31 et 32 que la clause de la nation la plus . T favorisée ne pouvait produire les effets escomptés par les entreprises. L’application R ostentatoire des techniques de la convention de Vienne n’a pas pour seule fonction A d’expliquer la solution apportée au cas d’espèce : elle est destinée à montrer la P rigoureuse justesse du raisonnement interprétatif, avec la volonté décelable de À marquer l’évolution de la jurisprudence en la matière. S Cela étant, loin d’être une science dure, la mise en œuvre de techniques inter- É prétatives n’échappe pas elle-même à l’interprétation des arbitres. Par exemple, au R sujet du « sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la I T - S N 21. Sentence Standard Chartered Bank, § 230. 22. Id., § 235. Jugeant inutile de recourir aux techniques de l’article 32, voy. CIRDI, Mobil Investments O Canada Inc. et Murphy Oil Corp. c. Canada, aff. n° ARB(AF)/07/4, décision sur la responsabilité et sur les TI principes relatifs au quantum, 22 mai 2012, §§ 229 et s. I 23. Sentence Standard Chartered Bank, § 256. Concernant la mise en œuvre de l’article 33 de la D convention de Vienne (Interprétation de traités authentifi és en deux ou plusieurs langues), voy. CIRDI, É Kılıç İnşaat İthalat İhracat Sanayi ve Ticaret Anonim Şirketi c. Turkménistan, aff. n° ARB/10/1, décision S sur l’article VII.2 du traité bilatéral d’investissement Turquie-Turkménistan, 7 mai 2012, §§ 7.1 et s. Sur la différence entre deux versions linguistiques, voy. aussi CIRDI, ConocoPhillips Company et al. c. Venezuela, R aff. n° ARB/07/30, décision sur la demande de récusation de l’arbitre Yves Fortier, 27 février 2012, § 54. N 24. Voy. par ex. op. diss. Ph. Sands dans l’affaire Mobil Investments, §§ 30 et s. (« In my view, the C Majority’s approach is not consistent with the requirements applicable to the interpretation of treaties »). 25. Voy. CIRDI, Caratube International Oil Company LLP c. Kazakhstan, aff. n° ARB/08/12, sentence . T du 5 juin 2012, §§ 344 et s. R 26. CPA (CNUDCI), ICS Inspection and Control Services Limited (United Kingdom) c. Argentine, aff. n° 2010-9, sentence sur la compétence du 10 février 2012, § 283 et s. ; CIRDI, Daimler Financial Services A AG c. Argentine, aff. n° ARB/05/1, sentence du 22 août 2012, §§ 205 et s. P 27. CIRDI, Teinver SA, Transportes de Cercanías SA and Autobuses Urbanos del Sur SA c. Argentine, À n° ARB/09/1, décision sur la compétence, 21 décembre 2012, §§ 167 et s. Les arbitres s’appuient sur l’étude de la CNUCED intitulée « Traitement de la nation la plus favorisée » (Collection de la CNUCED consacrée S aux problèmes relatifs aux accords internationaux d’investissement II), 2010. É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 660088 3311//0077//22001133 1100::0033::2288 S N O TI ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL 609 I D É S lumière de son objet et de son but » (art. 31 de la convention de Vienne), le tribunal R de l’affaire Daimler a estimé que l’interprétation ne devait pas résulter d’une N analyse en trois temps distincts (1er temps : sens ordinaire ; 2e temps : contexte ; C 3e temps : objet et but du traité) – alors même que de nombreuses décisions arbi- trales retiennent cette séquence 28. Pour le tribunal « the Vienna convention posits . T these as interrelated elements of a holistic approach to treaty interpretation rather R than as a set of discrete and sequential steps » 29. La part d’interprétation dans A l’application des techniques interprétatives se manifeste encore lorsque l’accent P est mis sur le « contexte interne » plutôt que sur le sens littéral des termes, ou sur À le « contexte externe » plutôt que sur l’objectif du traité. Le tribunal de l’affaire S ICS a par exemple insisté sur la prise en compte des principes et règles du droit É international applicables aux relations entre les États parties au traité d’inves- R tissement (contexte externe), « particularly those of a systemic nature such as, TI for example, the rules regarding the State’s consent to jurisdiction » 30. L’exemple - fourni par le tribunal en l’occurrence n’a rien de fortuit puisque les règles sur le S consentement de l’État à la juridiction vont précisément conduire les arbitres N à retenir une interprétation stricte de la clause de la nation la plus favorisée O examinée 31. Or, l’accent mis sur une autre technique d’interprétation (par exemple TI le contexte relatif à la protection juridique des investisseurs 32) aurait pu aboutir I à un résultat inverse. Face à des normes fl oues, privilégier une technique, c’est D privilégier une interprétation. L’interprétation est donc moins un savoir qu’un É art aux milles nuances 33, dont les techniques sont révélées par touches dans les S décisions arbitrales. R N C b) Le dépassement de la convention de Vienne . T Une série de principes à vocation interprétative tirés plus ou moins directement R des règles générales de la convention de Vienne émerge de la livraison 2012 des A décisions arbitrales en matière d’investissement. P i) Dans l’affaire ICS, le tribunal s’est référé à un « principe de contempora- À néité » pour interpréter le sens du terme « traitement » dans le cadre du traitement S de la nation la plus favorisée. En application du principe, le sens et l’étendue du É terme litigieux devaient être déterminés au sens qui avait cours à l’époque des R négociations entre les États parties 34. Dans ce cadre, les travaux de la Commission TI du droit international des Nations Unies sur la clause de la nation la plus favorisée - aboutis en 1978 ainsi que la jurisprudence de la Cour internationale de Justice S devaient être pris en considération « not only as legal authorities on the proper N O TI 28. Voy. par ex. CIRDI, Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corp. c. Canada, aff. I n° ARB(AF)/07/4, décision sur la responsabilité et sur les principes relatifs au quantum, 22 mai 2012, D §§ 216 et s. É 29. CIRDI, Daimler Financial Services AG c. Argentine, n° ARB/05/1, sentence du 22 août 2012, § 254. S 30. CPA (CNUDCI), ICS Inspection and Control Services Limited (United Kingdom) c. Argentine, aff. n° 2010-9, sentence sur la compétence du 10 février 2012, § 279. Voy. aussi sentence Daimler, §§ 172 et R s. ; CIRDI, Antoine Goetz e.a. et SA Affi nage des métaux c. Burundi, aff. n° ARB/01/2, sentence du 21 juin N 2012, § 137 où le tribunal envisage l’existence d’un consentement à sa compétence comme une question C d’ordre public. Adde CIRDI, Brandes Investment Partners, LP c. Venezuela, aff. n° ARB/08/3, sentence du 14 mai 2012, §§ 107 et s. (clarté du consentement). . T 31. Voy. infra E. R 32. Ex. : CIRDI, Emilio Agustin Maffezini c. Espagne, aff. n° ARB/97/7, décision sur la compétence, 25 janvier 2000, § 55. A 33. Cf. Projet d’articles de la Commission sur le droit des traités, commentaire du projet des articles 27 P et 28, in Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa dix-huitième session, A/6309/ À Rev.1, Ann. CDI, 1966, vol. II, p. 238, § 4. 34. Sentence ICS Inspection, § 189. Voy. aussi sentence Daimler, § 263. Contra voy. CIRDI, Wintershall S c. Argentine, aff. n° ARB/04/14, sentence du 8 décembre 2008, § 129. É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 660099 3311//0077//22001133 1100::0033::2288 S N O TI 610 ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL I D É S interpretation of MFN clauses, but also as precedent that informed subsequent treaty R drafting » 35. Au titre du principe de contemporanéité, les directives de la Banque N mondiale de 1992, instrument de soft law légèrement postérieur à la conclusion du C traité, ont également été prises en compte 36. . ii) En revanche, le tribunal de l’affaire ICS a estimé que pas plus la convention T de Vienne que le droit coutumier n’autorisaient la mise en œuvre d’un principe R d’interprétation restrictive – en l’occurrence pour l’interprétation des clauses de la A nation la plus favorisée 37. La précision est digne d’intérêt tant l’adage volontariste P selon lequel « les limitations à la souveraineté ne se présument pas » a marqué les À esprits 38. Pour autant, la mise en œuvre d’autres méthodes, notamment l’interpré- S tation « systémique » peut aboutir à l’interprétation in fi ne restrictive de la norme É conventionnelle 39. R iii) Le principe d’effet utile trouve régulièrement grâce aux yeux des tribunaux I T arbitraux 40. Ainsi, pour le tribunal de l’affaire Urbaser, l’interprétation fondée - sur l’objet du traité ou de l’une de ses dispositions doit être conciliée avec « the S equally important principle of effectiveness (or principle of effet utile) » expliqué N de la sorte : « Any treaty rule is to be interpreted in respect of its purpose as a rule O with an effective meaning rather than as a rule having no meaning and effect » 41. I T Le principe est lié, selon les arbitres, à l’article 31 de la convention de Vienne qui DI requiert que l’interprétation se fasse de bonne foi 42. É iv) Le tribunal de l’affaire ICS a exprimé une certaine méfi ance à l’égard de S l’interprétation téléologique mise en œuvre par les arbitres majoritaires de l’affaire R Abaclat 43 dont l’interprétation contra legem de la clause de règlement des diffé- N rends du traité applicable avait été guidée par le souci de ne pas laisser sans recours C la masse des investisseurs spoliés 44. Loin d’encourager la fabrication prétorienne . d’exceptions au texte conventionnel applicable, le tribunal a estimé que les consi- T dérations politiques (« policy matters ») ne devaient guider l’interprétation des R arbitres que dans le cadre balisé de l’article 31 de la convention de Vienne, ou encore A « in order to provide context in the reasoning of a decision, as well as to provide P some insight for future drafting exercises » 45. Le tribunal ajoute qu’en présence À d’un résultat interprétatif « manifestement absurde ou déraisonnable », il revient S aux arbitres non pas de façonner une interprétation à partir de considérations É politiques aussi désirables soient-elles, mais de recourir aux moyens complémen- R taires d’interprétation fournis par l’article 32 de la convention de Vienne 46. Il en I T va du respect du principe pacta sunt servanda et de l’état de droit 47. Bien que se - référant à plusieurs reprises à la sentence ICS, les arbitres de l’affaire Urbaser ont S assumé une conception plus extensive de l’interprétation. Ainsi ont-ils estimé que N O TI 35. Sentence ICS Inspection, § 291. I 36. Sentence ICS Inspection, §§ 294-295 (Directives de la Banque mondiale de 1992 sur le traitement D de l’investissement direct étranger). É 37. Id., § 282. S 38. J.-M. SOREL, « Article 31 » op. cit. note 17, p. 1331. 39. Sentence ICS Inspection, § 282. R 40. En 2012, voy. les affaires Daimler (§§ 263 et s.), ICS Inspection (§§ 316-317). Voy. aussi CIRDI, N Electrabel SA c. Hongrie, n° ARB/07/19, 30 novembre 2012, décision sur la compétence, le droit applicable C et la responsabilité, § 7.83. 41. CIRDI, Urbaser SA and Consorcio de Aguas Bilbao Bizkaia, Bilbao Biskaia Ur Partzuergoa c. . T Argentine, n° ARB/07/26, décision sur la compétence, 19 décembre 2012, § 52 (voy. aussi § 135). R 42. Id., § 52. 43. Voy. cette chronique in cet Annuaire, 2011, pp. 568 et s. A 44. Sentence ICS Inspection, § 264. P 45. Id., § 265. Voy. aussi le § 277 de la sentence. À 46. Id., § 267. 47. Id., § 268. Voy. aussi CIRDI, Daimler Financial Services AG c. Argentine, n° ARB/05/1, sentence S du 22 août 2012, §§ 165 et s. É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 661100 3311//0077//22001133 1100::0033::2288 S N O TI ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL 611 I D É S l’interprétation du traité bilatéral d’investissement à la lumière de son objet et de R son but devait se faire en rapport avec la convention de Washington sur le CIRDI, N qualifi é de « convention mère » pour la plupart des TBI, dont l’objectif de promotion C des investissements devait être mis en perspective avec la nécessité d’équilibrer les intérêts des investisseurs et ceux des États hôtes 48. Le contexte externe du . T traité à interpréter permet ainsi au tribunal de faire jouer des « policy matters » 49. R v) L’interprétation évolutive, absente de la convention de Vienne, a également A fait l’objet de développements dans la sentence Daimler, au sujet de l’expression P « traitement sur son territoire » contenue dans la clause de la nation la plus favo- À risée du traité Argentine/Allemagne. Pour les arbitres majoritaires, une interpré- S tation évolutive est permise « in the face of convincing evidence, refl ected by state É practice, doctrinal analysis and international case law, that a coherent and generally R accepted new meaning of the phrase has since been accepted by states, and in parti- I T cular Argentina and Germany » 50. En l’espèce, le tribunal a relevé qu’en l’absence - de consensus, avant tout des États, sur la question, le fait que certains tribunaux S arbitraux aient retenu une interprétation évolutive de l’expression ne suffi sait pas N à lui donner un sens nouveau 51. La place de la jurisprudence dans l’interprétation O d’un traité est d’ailleurs également minorée par le tribunal de l’affaire Caratube : I T ni élément de la « règle générale d’interprétation » de l’article 31, ni « mode complé- DI mentaire » au sens de l’article 32, les décisions arbitrales préalables ne sont prises É en considération que dans la mesure où le tribunal a jugé qu’elles étaient suscep- tibles de jeter une lumière utile sur l’affaire 52. S R vi) Dans l’affaire Electrabel, la Hongrie soutenait qu’un principe d’interpréta- N tion harmonieuse des traités découlait de l’article 32 de la convention de Vienne, C qui prévoit le recours à des moyens complémentaires d’interprétation lorsque l’in- . terprétation d’un traité « conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou T déraisonnable » 53. Présenterait un tel caractère une interprétation du traité sur la R charte de l’énergie ayant pour effet de placer la Hongrie en situation d’infraction A par rapport au droit de l’Union européenne 54. Tout en notant le caractère souhai- P table de l’objectif, le tribunal a estimé qu’un « general principle of international law À compelling the harmonious interpretation of different treaties » n’existait pas. Eu S égard à l’implication particulière de l’UE et de ses États membres dans le traité É sur la charte de l’énergie, le tribunal a néanmoins jugé que « the ECT should be R interpreted, if possible, in harmony with EU law » 55 – en l’espèce, le tribunal n’a TI pas relevé d’incohérences entre les deux traités 56. À défaut d’un principe général - d’interprétation harmonieuse, la solution laisse imaginer qu’un tel principe existe S lorsque l’interprétation concerne des conventions « en réseau ». Au niveau de l’OMC, N O TI 48. CIRDI, Urbaser SA and Consorcio de Aguas Bilbao Bizkaia, Bilbao Biskaia Ur Partzuergoa c. I Argentine, n° ARB/07/26, décision sur la compétence, 19 décembre 2012, § 53. D 49. Voy. aussi CIRDI, Quiborax SA, Non Metallic Minerals SA et Allan Fosh Kaplùn c. Bolivie, aff. É n° ARB/06/2, décision sur la compétence, 27 septembre 2012, § 264 où le tribunal se prononce, au vu des S objectifs du TBI applicable et « within the limits set by the applicable treaty interprétation rules », en faveur d’une interprétation équilibrée qui prenne en compte le besoin de protection des investissements étrangers R et les responsabilités de l’État dans des domaines autres. N 50. CIRDI, Daimler Financial Services AG c. Argentine, n° ARB/05/1, sentence du 22 août 2012, § 267. C 51. Id., §§ 267-268. Contra voy. l’opinion dissidente de Ch. N. Bower. 52. CIRDI, Caratube International Oil Company LLP c. Kazakhstan, aff. n° ARB/08/12, sentence du . T 5 juin 2012, §§231-235. Sur le rôle de la jurisprudence, voy. infra E. R 53. CIRDI, Electrabel SA c. Hongrie, n° ARB/07/19, 30 novembre 2012, décision sur la compétence, le droit applicable et la responsabilité, §§ 4.82. La Commission européenne, dans son mémoire d’amicus A curiae, estimait pour sa part que le principe reposait sur les principes coutumiers d’interprétation codifi és P à l’article 31 (§ 4.144). À 54. Id., § 4.83. 55. Id., §§ 4.130 et s. S 56. Id., §§ 4.146 et s. Voy. infra III. É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 661111 3311//0077//22001133 1100::0033::2288 S N O TI 612 ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL I D É S il peut être déduit de la tendance du « juge » à minimiser les éventuelles contra- R riétés entre accords commerciaux 57. En droit des investissements, il pourrait être N invoqué au sujet des rapports entre les traités d’investissement et la convention de C Washington sur le CIRDI 58, par exemple en ce qui concerne le point controversé de la défi nition de l’investissement. . T vi) Enfi n l’arbitre dissident de l’affaire Mobil Investments a semblé déduire R un « principe d’extrapolation » de l’arrêt de la Cour internationale de Justice dans A l’affaire de l’Application de l’Accord Intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-Répu- P blique yougoslave de Macédoine c. Grèce) 59. La majorité du tribunal arbitral ayant À refusé d’examiner les conséquences éventuelles que son interprétation d’une mesure S prise par le Canada aurait dans d’autres cas de fi gure 60, Ph. Sands a considéré à É l’inverse que « [t]here is ample international authority to support the principle that R it is indeed appropriate and useful to consider the ‘result’ of a particular interpreta- I T tion for the implementation of an international agreement more generally, including - before the International Court of Justice » 61. S La prolifération de principes non explicitement reconnus par les articles 31 et N suivants de la convention de Vienne montre que les techniques d’interprétation O qu’elle fournit ne sont pas de nature à brider l’imagination des interprètes que sont I T les tribunaux arbitraux, sollicités en ce sens par les conseils des parties. Il n’y a là I D rien de propre au droit des investissements. De manière générale, la pratique de É l’interprétation « fait fi » des « silences et lacunes » du traité des traités « pour inté- S grer certains [principes] comme s’ils se trouvaient mentionnés dans l’article 31 » 62. R Les affaires citées en portent témoignage. N C 2. Autres aspects du droit des traités . T i) Non rétroactivité. Le principe de non rétroactivité des traités est rappelé R occasionnellement par les tribunaux arbitraux, de manière plus ou moins exten- A sive ; les discussions à son sujet demeurent limitées, dès lors que les parties n’en P contestent pas l’existence, à plus forte raison lorsque le traité applicable en reprend À textuellement la teneur 63. S ii) Traités prévoyant des droits pour les tiers. Dans le cadre de l’interprétation É de la clause de règlement des différends entre État et investisseur de l’autre partie R I contenue dans le traité d’investissement entre le Royaume-Uni et l’Argentine, T le tribunal de l’affaire ICS a insisté sur le fait que dans le contentieux transna- - tional, l’investisseur requérant est un tiers par rapport aux deux États parties au S traité – différence notable par rapport au contentieux interétatique fondé sur une N clause conventionnelle réunissant le consentement des deux États. En prenant O appui sur l’article 36, § 2, de la convention de Vienne qui prévoit que l’État tiers I T auquel un droit est reconnu « est tenu de respecter, pour l’exercice de ce droit, les I D É S R 57. Voy. J. BURDA, « Les fonctions de la démarche interprétative dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », RQDI, 2008, vol. 21.2, pp. 13 et s. N 58. Voy. CIRDI, Urbaser SA and Consorcio de Aguas Bilbao Bizkaia, Bilbao Biskaia Ur Partzuergoa C c. Argentine, n° ARB/07/26, décision sur la compétence, 19 décembre 2012, § 53, où la convention de Washington est qualifi ée de « convention mère ». . T 59. Arrêt du 5 décembre 2011, § 36. R 60. CIRDI, Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corp. c. Canada, aff. n° ARB(AF)/07/4, décision sur la responsabilité et sur les principes relatifs au quantum, 22 mai 2012, § 342. A 61. Op. diss. jointe à la décision Mobil Investments, § 38. P 62. J.-M. SOREL, « Article 31 » op. cit. note 17, p. 1326. À 63. Voy. CIRDI, Pac Rim Cayman LLC c. El Salvador, aff. n° ARB/09/12, décision sur les objections à la compétence, 1er juin 2012, § 2.103 ; CIRDI, Toto Costruzioni Generali SpA c. Liban, aff. n° ARB/07/12, S sentence du 7 juin 2012, § 58. É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 661122 3311//0077//22001133 1100::0033::2288 S N O TI ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL 613 I D É S conditions prévues dans le traité ou établies conformément à ses dispositions », le R tribunal a déduit que l’investisseur ne pouvait moduler les termes de la clause de N règlement des différends, même s’il estimait que certaines conditions procédurales C étaient vaines : « the investment treaty presents a ‘take it or leave it’ situation » 64. Le rapporteur spécial de la CDI H. Waldock avait envisagé que le projet d’articles . T à l’origine de la convention de Vienne inclue une disposition sur l’application des R traités aux tiers personnes privées. Faute de consensus au sein de la Commission, A la proposition avait été retirée 65. Il est intéressant de constater que l’article 36, § 2, P de la convention de Vienne étendu aux tiers non étatiques permet d’une certaine À manière au tribunal de faire revivre la proposition qui prévoyait que S É « [l]orsqu’un traité crée des obligations ou des droits qui doivent être remplis ou R exercés par des personnes physiques, des personnes morales ou des groupements I de personnes physiques, ces obligations ou ces droits sont applicables aux personnes T physiques, personnes morales ou groupements en question, […] - S N « b) Par le truchement des procédures et organes internationaux institués à cet effet, O le cas échéant, par le traité en question ou par tous autres traités ou instruments I en vigueur ». T DI iii) Réserves. Le tribunal de l’affaire Mobil Investments a mis en évidence les É enjeux considérables qui entourent l’article 1108 de l’ALENA sur les réserves susceptibles d’être émises par les États parties en matière d’investissement 66. S R Conformément à l’article 1128 du traité, les États-Unis d’Amérique et le Mexique, N tiers au différend, avaient d’ailleurs présenté au tribunal des conclusions sur l’inter- C prétation de la disposition 67. Parmi les problèmes soulevés, se posait la question de l’interprétation des réserves (actes unilatéraux), que les parties comme le tribunal . T ont spontanément résolue en appliquant les règles d’interprétation des traités de R la convention de Vienne. Pour le tribunal, A P « the reservations are an integral part of the NAFTA. The task of ascertaining À the meaning of a reservation, like the task of interpreting any other treaty text, involves understanding the intention of the NAFTA Parties, and it is to be achieved S É by following the customary rules of interpretation of public international law, as R refl ected in Articles 31 and 32 of the VCLT » 68. I T L’application aux réserves des règles d’interprétation des traités n’a rien - d’inédit 69. La CDI, dans les commentaires du Guide de la pratique des réserves S aux traités, a toutefois estimé que N O « si ces règles fournissent des indications utiles, elles ne peuvent pas être transpo- I sées purement et simplement aux réserves et déclarations interprétatives du fait de T I leur nature particulière : on ne peut appliquer sans précaution à des instruments D unilatéraux les règles applicables à des instruments conventionnels » 70. É S R 64. CPA (CNUDCI), ICS Inspection and Control Services Limited (United Kingdom) c. Argentine, aff. N n° 2010-9, sentence sur la compétence du 10 février 2012, §§ 270 et s. C 65. Voy. Ann. CDI, 1964, II, pp. 45 et 184. 66. CIRDI, Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corp. c. Canada, aff. n° ARB(AF)/07/4, . T décision sur la responsabilité et sur les principes relatifs au quantum, 22 mai 2012, §§ 247 et s. R 67. Voy. infra III. 68. Décision Mobil Investments, § 254. A 69. Voy. Cour interaméricaine des droits de l’homme, avis consultatif du 8 septembre 1983, OC-3/83, P Restrictions à la peine de mort (art. 4, 2) et 4, 4) de la Convention interaméricaine des droits de l’homme), À § 62, p. 84, cité in Rapport de la CDI, 63e Session, A/66/10/Add.1, Supplément n° 10, p. 84, note 197. 70. Commentaire sous la directive 1.3.1, in Rapport de la CDI, 63e Session, A/66/10/Add.1, Supplément S n° 10, p. 84, § 5 (it. dans le texte). É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 661133 3311//0077//22001133 1100::0033::2288 S N O TI 614 ARBITRAGE TRANSNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL I D É S Pour cette raison, la CDI a adopté une directive 4.2.6 spécifi quement consacrée R à l’interprétation des réserves, laquelle dispose : N C « Une réserve doit être interprétée de bonne foi, en tenant compte de l’intention de son auteur telle qu’elle est refl étée en priorité par le texte de la réserve, ainsi que de l’objet . T et du but du traité et des circonstances dans lesquelles la réserve a été formulée ». R À vrai dire, la méthode dégagée par le tribunal de l’affaire Mobil Investments A qui insiste sur l’intention des États réservataires tout en renvoyant aux règles P classiques d’interprétation de la convention de Vienne ne diverge pas de l’approche À retenue par la CDI, même si le tribunal n’en avait visiblement pas connaissance. S É R B. Coutume I T i) La question des rapports entre les traités et la coutume est l’une des plus - S classiques du droit international, qui n’échappe pas au champ de l’arbitrage trans- N national en raison du pullulement des traités de protection des investissements. O De lege ferenda, la répétition de clauses conventionnelles pourrait faire naître de I nouvelles normes coutumières 71, ce malgré l’éconduite sur ce point de la Guinée T I par la Cour internationale de Justice dans l’affaire Diallo 72. Une réponse compa- D rable a été fournie par le tribunal de l’affaire Mobil Investments, où les parties É se disputaient bien la question de savoir si le standard coutumier de traitement S minimum des étrangers incluait à l’instar du standard conventionnel la protection R des attentes légitimes des investisseurs 73. En l’occurrence, le tribunal a jugé que N le traitement prévu à l’article 1105 de l’ALENA renvoyait au standard coutumier, C lequel interdit les comportements arbitraires ou manifestement injustes ou discri- . minatoires sans pour autant imposer à l’État de maintenir un environnement T juridique et d’affaires stable pour les investissements 74. Si certains tribunaux R A estiment sans plus de précision qu’« avec le temps » le « niveau minimal coutumier P a dû évoluer et se perfectionner » 75, le tribunal de l’affaire Mobil Investments a pour sa part considéré que À « [i]t is not the function of an arbitral tribunal established under NAFTA to legislate a S É new standard which is not refl ected in the existing rules of customary international law. The R Tribunal has not been provided with any material to support the conclusion that the rules of I customary international law require a legal and business environment to be maintained or T set in concrete » 76. - S De lege lata, les arbitres sont surtout confrontés à la question de l’« absorp- N tion » 77 des normes coutumières de protection des étrangers par le droit conven- O tionnel des investissements. La question de l’identité de contenu matériel des I T I D É 71. Voy. O. DANIC, L’émergence d’un droit international des investissements. Contribution des traités S bilatéraux d’investissement et de la jurisprudence du CIRDI, thèse (dir. : A. Pellet), Paris Ouest Nanterre R La Défense, 2012, pp. 525 et s. Concernant le consentement à l’arbitrage, voy. M. AUDIT/ M. FORTEAU, Investment Arbitration without BIT : Toward a Foreign Investment Customary Based Arbitration ? », N Journal of International Arbitration, 2012, n° 5, pp. 581-604. C 72. CIJ, Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée contre République démocratique du Congo), exceptions préliminaires, arrêt du 24 mai 2007, CIJ Rec. 2007, p. 615, § 90. . T 73. CIRDI, Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corp. c. Canada, aff. n° ARB(AF)/07/4, R décision sur la responsabilité et sur les principes relatifs au quantum, 22 mai 2012, § 136. 74. Id. Cf. l’approche différente in CIRDI, Marion Unglaube c. Costa Rica, aff. n° ARB/08/1, sentence A du 16 mai 2012, §§ 247-248. P 75. Décision SAUR International, § 494. À 76. Décision Mobil Investment. § 153. 77. Cf. D. CARREAU/ P. JUILLARD, Droit international économique, 5e édition, Précis Dalloz, Paris, S Dalloz, 2012, p. 440, n° 1171. É R I T LLiivvrree 22..iinnddbb 661144 3311//0077//22001133 1100::0033::2288
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