Aquitaine - Espagne siècle) (VIlle. XIIIe Textes réunis et présentés par Philippe Sénac POITIERS 2001 n f r,/ O..I...._J.)_ !-.. , , Philippe DEPREUX (Université de Tours) Les préceptes pour les Hispani de Charlemagne, Louis le Pieux et Charles le Chauve Le régime de l'aprision fut vraisemblablement l'un des principaux -mais pas le seul ' -modes d'oc- cupation du sol (ou de partage des terres) dans le cadre des"vigoureuses conquêtes agraires 2"liées à la reconquête franque en Septimanie et dans le Nord-Est de la péninsule ibérique. Il s'agit d'un phénomène qu'on observe à partir des années 780 et qui se prolonge dans les décennies suivantes, pour connaître un apogée dans les années 875-925 De fait, les actes de Louis le Pieux et de 3. Charles le Chauve, auxquels cette étude est consacrée, suggèrent un mouvement en cours (docu- ments 2,3 et 4) :tant dans le diplôme de 815(e.5) que dans celui de 816ou celui de 844(c.9),l'ar- rivée de nouveaux Hispani est en effet prévue. Il s'agit d'un phénomène bien connu S,sur lequel il 4 n'est cependant pas superflu de revenir à propos de questions d'ordre juridique en proposant une traduction de ceque l'on peut considérer comme lestextes normatifs fondamentaux de cemouve- 6 ment (actuellement jugé spontané 7), qu'on aurait tort de limiter aux confins méridionaux du regnum Franeorum :en Saxe, par exemple, la conquête franque eu des répercussions similaires, comme l'illustre l'histoire d'un certain Amalung relatée dans un diplôme du 1er décembre 811 1. Recueil desactesde CharlesIlle Chauve, roideFrance,tome 1,Paris 1943,n" 145,p.384: ils'agit d'une donation faite àunfidèle,àl'exception deceque lesHispani ont par aprision ou autrement preteridquod Hispani inaprisionesive alioquocumque modo ividem aberenoscuntur. 2. P.BONNASSIE"L,acroissance agricoleduhaut MoyenAge danslaGaule dumidietleNord-Est delapéninsule ibé- rique :chronologie, modalités, limites", La croissanceagricoledu haut Moyen Age. Chronologie, modalités, géographie, Auch,1990,pp.13-35,àlap.25. 3. 1.M.SALRACH",Défrichement et croissance agricole dans la Septimanie et le nord-est de la péninsule ibérique", ibidem, pp.133-151,àla p.146. 4. On se conformera icià l'usage, qui est de désigner du terme d'Hispani les nouveaux venus, par opposition aux (autres) populations gothiques, autochtones. 5. A.DUPONT",L'aprision et lerégime aprisionnaire dans leMidi de laFrance (findu VIII' début du X'siècle)", Le Moyen Age 71,1965, pp.179-213et 37?-399;1.M.SALRACH",Défrichement. ..",op.eit. 6. On trouvera également une traduction de l'acte de Charles le Chauve en date du 11juin 844:P.RICHÉ,G.TATE, Textesetdocuments d'histoire duMoyen Age, V"-X siècles,tome 2,Paris,1974,pp.355-358. 7. P.BONNASSIE"L,acroissance...",op. eit.,p.17. 20 PHILIPPE DEPREUX accordé à son fils,le comte Benit, par Charlemagne D'un point de vue spatial, cette étude sera 8. néanmoins limitée aux régions mentionnées dans l'adresse du premier diplôme de Louis le Pieux pour les Hispani. * Les documents nous permettant de connaître l'installation de ceux qu'on désigne parfois comme des soldats-paysans sont de diverses natures. Outre les actes de la pratique qui se multiplient au 9 cours du IX· siècle et permettent d'appréhender cette installation d'un point de vue économique et social.", parmi lesquels ilfaut compter le dossier exceptionnel constitué par lesactes relatifs à l'éta- blissement du fidèle Jean àFontjoncouse et àla dévolution de son héritage on a conservé letexte 11, de plusieurs diplômes de souverains carolingiens, de Charlemagne à Charles le Chauve. Dans sa thèse, E. Magnou-Nortier émit des doutes sur l'authenticité des actes de Louis le Pieux dont la 12, tradition manuscrite (unique et tardive) n'est pas sans poser de problème. Néanmoins, ses réserves sont loin de faire l'unanimité En effet, E."Magnou-Nortier croit reconnaître des contradictions 13. entre les divers diplômes dont le texte nous est parvenu, mais l'examen auquel nous allons nous livrer montre qu'elles sont mineures. D'un acte à l'autre, on observe moins une évolution qu'une précision d'un régime attesté dès l'époque wisigothique et adapté par les Carolingiens à un 14 contexte de frontière 15. En fondant l'analyse sur les actes de souverains, iln'est pas question de proposer autre chose qu'un regard institutionnel " (une fois de plus, on mettra d'avantage l'accent sur les aspects légaux du défrichement que sur ses aspects matériels 17). Encore faut-il s'entendre sur le point d'histoire des institutions traité. P.Bonnassie a mis en garde contre l'étude de l'aprision d'après d'autres sources que les actes de la pratique. En effet, "si l'on s'en tient au texte des capitulaires carolingiens, on la définira comme une forme de bénéfice concédé à de hauts personnages, grands entrepreneurs de défrichements, en contrepartie d'un service de nature essentiellement militaire. Or ce sens ne se rencontre jamais dans les documents d'archives, où l'aprision n'apparaît comme rien d'autre que le 8. Die Urkunden Pippins,Karlmanns undKarlsdesGroßen,Hanovre, 1906(MGH Diplomata Karolinorum 1),n°213, pp.284-285. Ce diplôme est traduit par O.GUYOTJEANNINL,eMoyen Age (V"-XV'"siècle),tome 1desArchives del'Occident sous la direction de I FAVIER,Paris, 1992,p.186 et stes. 9. A.DUPONT,"L'aprision ...",op.cit.,p.202; M.ZIMMERMANN",Origines et formation d'un Etat catalan (801-1137)", HistoiredelaCatalogne,sous la direction de I NADALFARRERASet de P.WOLFF,Toulouse,1982, p.237 et stes, àla p.241. 10. P.BONNASSIEL,a Catalognedu milieu du X' à lafin du Xl' siècle.Croissanceetmutations d'une société,tome l, Toulouse, 1975; J.M. SALRACH",Défrichement. ..",op.eit. 11. A. DUPONT,"L'aprision ..•",op.cit.,p.183 et stes.; R.COLLINS,"Charles the Bald and Wifred the Hairy": Charles theBald. CourtandKingdom, Aldershot, 1990,pp. 169-188.On ne doit pas exclure l'hypothèse selon laquelle lecas de Jean serait particulier, en raison de l'importance du personnage (A.DUPONT,"L'aprision ...",op.cit.,p.187). 12. E. MAGNOU-NoRTIER,Lasociétélaïqueetl'Eglisedanslaprovince ecclésiastiquedeNarbonne [zone cispyrénéen- ne) delafin du VII! àlafin duxr siècle,Toulouse, 1974,p.112 (Jesoupçon porte sur l'acte de 815). 13. E. BOSHOF,Ludwig derFromme, Darmstadt, 1996,p.34n.77. 14. P. BONNASSIE",La croissance ...", op. cit.,p. 31 ;P. BONNASSIE,La Catalogne...,op. cit.,tome 1, pp. 208-209 ; I-M. SALRACH",Défrichement...", op.eit.,p.136; M.RaUCHE,L'Aquitaine desWisigothsauxArabes, 418-781. Naissance d'une région,Paris, 1979,p.234. 15. IM. SALRACH",Défrichement ...",op.cit.,p.137. 16. Cf.CWICKHAM,"Problems of comparing rural societies in early medieval, Western Europe", Transactionsof the Royal HistoriealSociety,6' série, 2,1992, pp. 221-246, àla p.226. 17. IM. SALRACH",Défrichement ...",op.eit.,p.135. LES PRÉCEPTES POUR LES HISPANI 21 droit du premier occupant: celui de posséder une terre en toute propriété, lorsqu'on l'a défrichée et exploitée de manière ininterrompue pendant trente ans" Par conséquent, c'est plutôt à porter 18. un regard sur les rois francs que nous conduit l'étude des diplômes en faveur des Hispani : à examiner les moyens mis en oeuvre pour associer ces derniers à la vie politique et institutionnelle du regnum Franeorum. La législation Longtemps, lespréceptes de Charlemagne, de Louis le Pieux et de Charles le Chauve en faveur des Hispani furent tenus pour des capitulaires pour H. Mordek, ils'agit en réalité d'actes à la char- 19 ; nière entre les capitulaires et les diplômes La nature de ces documents a fait l'objet de discus- 20. sionschez lesmédiévistes, portant sur leur teneur juridique, leur forme et leur tradition manuscrite: d'aucuns leur dénient la qualité de capitulaires il est vrai qu'à certains égards, ils s'apparentent 21 ; aux diplômes ou plus exactement aux privilèges mais nos connaissances sont en réalité limitées 22 23, quant aux "caractères que revêtaient les actes majeurs des souverains carolingiens" au nombre desquels comptent les constitutiones en faveur des Hispani -puisque tel est le terme utilisé pour 24 lesdésigner dans lesactes de Louis lePieux. On a qualifié lediplôme de 815de "premier document de structure" et de "diplôme organique" de fait, on peut considérer qu'une constitutio est une 25 - generalis auctoritas 26. Ilconvient d'emblée de mettre àpart l'acte du 2avril812 (document 1),qui s'avère être un mande- ment Cette différence de nature trouve sarépercussion dans lemode de diffusion des actes; mais 27. en la matière, il convient de distinguer entre le diplôme de Charlemagne et celui de Charles le Chauve (document 4),où iln'est pas fait mention de mesures particulières prises à cet égard: sile mode de diffusion de l'acte de Charles le Chauve (pourtant similaire à la Constitution de 815) 18. P.BONNASSIE,"La croissance ...",op.cit.,p. 15et stes. 19. CapitulariaregumFrancorum, tome I,Hanovre, 1883 (MGH), n° 76, p. 169 ;n° 132, pp. 261-263; n° 133, pp. 263- 264 ;Capitulariaregum Francorum,tome 2,Hanovre,1890 (MGH), n° 256, pp. 258-260. 20. H. MORDEK, Bibliotheca capitularium regum Franeorum manuscripta. Oberlieferung und Traditions- zusammenhang der fränkischen Herrschererlasse, Munich, 1995 (MGH, Hilfsmittel 15), p. 28 : "im Übergangsbereich zwischen Kapitularien und Urkunden angesiedelt". 21. P. C!.ASSEN,"Karl der Große und die Thronfolge im Frankenreich", Ausgewählte Aufsätze von Peter Classen, Sigmaringen, 1983 (Vorträge und Forschungen 28), pp. 205-229, àla p.217 n. 61. w. 22. A. ECKHARDT, "Die Capitularia missorum specialia von 802", Deutsches Archiv 12,1956, pp. 498-516, aux p.508 et stes. 23. P.JOHANEK,"Probleme einer zukünftigen Edition der Urkunden Ludwigs des Frommen", Charlemagne's Heir. New Perspectiveson theReign of Louis thePious (814-840),Oxford, 1990, pp. 409-424. 24. R.-H. BAUTIER,"La chancellerie et les actes royaux dans les royaumes carolingiens", Bibliothèque del'Ecole des Chartes142,1984, pp. 5-80. 25. A.DUPONT,"L'aprision ...",op.cit.,p.193. 26. Cette équivalence apparaît par exemple dans un précepte de Clotaire I"(et non de Clotaire II,cf.O.GUILLOT,"La justice dans le royaume franc à l'époque mérovingienne", La giustizia nell'alto medioevo [secoli V-VIII], tome 2,Spolète 1995,pp. 653-731, aux p.673 et stes.) :MGH Capitularia1,n° 8,p.18. L'édit de Paris de 614 est également présenté comme une constitutio (ibid.,n° 9,p.20). 27. F. L. GANSHOF,Recherehes sur les capitulaires, Paris, 1958, p. 46 ; M. MERSIOWSKY,"Regierungspraxis und Schriftlichkeit im Karolingerreich :Das Fallbeispiel der Mandate und Briefe", Schriftkultur und Reichsverwaltung unter den Karolingern,Opladen, 1996, pp. 109-166. 22 PHILIPPE DEPREUX diffère de ceux de Louis le Pieux c'est que - bien qu'il s'agisse d'un privilège concernant une 28, communauté -ilne viseque lesHispani d'un seul comté alors que plusieurs délégations de hauts 29, personnages originaires de diverspagi de Septimanie et de la Marche d'Espagne s'étaient rendues, à Saint-Sernin, auprès du roi pendant le siège de Toulouse En revanche, les actes de Louis le JO. Pieux ont une portée plus large, ce qui nécessite une diffusion plus grande. En effet, dans les diplômes de Louis le Pieux (documents 2 et 3),ilest prévu que ces actes bénéfi- cieraient d'une publicité particulière. Ce n'est qu'en certaines occasions,et quand l'affaire lui tenait particulièrement à cœur, que l'empereur précisait le nombre de copies et les conditions d'archi- vage de tel diplôme (par exemple, concernant le statut des moines de Saint-Denis ou de tel 31 32) capitulaire (qu'on pense à l'Admonitio ad omnes regni ordines Il est prévu que la Constitution 33). de 815 (c.7) serait conservée en trois exemplaires dans chaque cité habitée par des Hispani :un exemplaire pour l'évêque, un pour le comte, et un pour les Hispani -ce qui suppose une organisa- tion communautaire de leur part; en outre, un exemplaire serait "déposé aux archives de notre palais" pour être consulté en cas de différend (on a l'exemple d'un tellitige, vraisemblablement à cette époque concernant l'aprisionnaire Jean, dont les biens étaient contestés par le comte 34, Adhémar 35). La diffusion de la Constitution de 816est un peu différente, puisqu'il est prévu qu'on en garderait un exemplaire en sept lieux (à Narbonne, Carcassonne, en Roussillon, à Ampurias, Barcelone, Gérone, Béziers), sans qu'il soit précisé qui en aurait la garde; néanmoins, comme en 815,un exemplaire en serait conservé au palais et les Hispani qui le souhaitaient pourraient en obtenir une copie d'après les exemplaires conservés dans les cités. L'accueil des hommes Certains Hispani eurent maille à partir avec les comtes dans le comitatus desquels ils étaient établis nous aurons à revenir sur la question de la propriété au cœur de cette affaire. Les noms 36_ 28. F.Lor, L.HALPHENL.e règne de Charles le Chauve (840-877).1" partie. Paris, 1909.p.107note 3.ne le pensent pas: les dispositions prises par Louis le Pieux pour ladiffusion de laConstitution de 815"ont été àcoup sûr tacitement reprises en 844.ce qui nous explique que l'édit de Charles nous soit parvenu par l'entremise des archives de l'église de Barcelone". Sil'on admet que ladiffusion estsimilaire.ilfaut reconnaître qu'on arestreint laportée territoriale du docu- ment dans uncaset pas dans l'autre. cequine laissepas d'étonner, 29. A.DUPONT".L'aprision .v.",op. cit.•p.207.affirme de manière gratuite que laportée du diplôme de 844dépasse- rait lecadre ducomté deBarcelone. F.Lor, L.HALPHENL.e règne de Charles leChauve ...• op. cit..•p.107.passent cette res- triction soussilence. 30. Surcephénomène. cf.F.LOT.L.HALPHENL.e règne de Charles le Chauve ..•• op. cit.•pp.l00-l06. 31. H.FICHTENAU"A. rchive der Karolingerzeit", Mitteilungen des ôsterreichischen Staatsarchiv .25.1972. pp.15-24. 32. J.-F.BÖHMERE..MÜHLBACHERRe.gesta imperii, tome 1.n°905.Hildesheim 1966.Surcette réforme. cf.J.SEMMLER. "Saint-Denis: von der bischöflichen Coemeterialbasilika zur königlichen Benediktinerabtei", La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650à850.éd.H.Atsma, tome I,Sigmaringen.1989, pp.75-123,auxp.107 etstes. I 33. MGH Capit. 1.n° ISO,p.307.Sur cedocument. cf.O.GUILLOT".Une ordinatio méconnue. Le capitulaire de 823- 825", Charlemagne's Heir. New Perspectives on the Reign of Louis the Pious (814-840),éd.P.Godman, R.Collins,Oxford, 1990.pp.455-486. 34. Ph.DEPREUXP.rosopographie de l'entourage de Louis lePieux (781-840),Sigmaringen, 1997.pp.401-403. 35. Ph.DEPREUXP,rosopographie ...,op. cit., p.87etstes. 36. Le diplôme de Charlemagne est adressé "aux comtes Bera, Gauscelinus, Gisclafredus, Odilo, Ermengarius, Ademaris, Laibulfus etErlinus". Onconsidère généralement qu'ils'agit desresponsables descomtés mentionnés dans l'ac- tede 816:Narbonne, Carcassonne, Roussillon,Ampurias, Barcelone, Gérone, Béziers.Béra estréellement attesté comme comte de Barcelone et Ermengaire comme comte d'Ampurias ;on suppose que Gauscelin (Gauselme) était comte de \ Roussillon,que Gisclafred était comtedeCarcassonne etqu'Odilon était comte deGérone. L'aprisionnaire Jean eut maille ! àpartir avecAdémar et Leibulf concernant ledomaine deFontjoncouse (dans lecomté deNarbonne). Surcesidentifica- tions, cf. L. AUZIAS,L'Aquitaine carolingienne (778-987), tome l, Toulouse, 1937, p. 71 et stes. ; Ph. DEPREUX, Prosopographie ...,op. cit. LES PRÉCEPTES POUR LES HISPANI 23 cités dans l'acte de 812 nous permettent de supposer un groupe assez hétérogène composé de 37 chrétiens d'origines diverses (Atila, Soliman, Gascon, Lombard, Théodald) et dont peut-être l'un 38 d'entre-eux garda le souvenir d'une vie en rupture de ban (Rebelle). Ces Hispani avaient fui la domination de l'émirat d'al-Andalus pour se réfugier sous la tutelle franque, c'est-à-dire sous une tutelle chrétienne. Ceci n'est pas sans influer sur l'accueil que les souverains francs leur réservèrent et, partant, sans trouver d'écho dans les actes. Le diplôme de Charles le Chauve en faveur des Hispani du comté de Barcelone est pourvu d'un préambule unique qui présente l'intérêt de 39, prouver que les Carolingiens considéraient que l'Eglise et la société formaient un tout, puisque le roi est réputé agir en faveur de l'Eglise alors que le bénéficiaire n'est pas un établissement ecclé- siastique, mais les Hispani (c'est-à-dire des réfugiés chrétiens, certes, mais pour l'essentiellaïques). Par leur action, les Hispani travaillaient à la victoire de la foi,comme cela est affirmé un peu plus loin dans l'exposé des motifs.En les prenant sous sa protection, Charles le Chauve introduisait un nouveau paramètre, celui de la solidarité entre croyants (c. 1 & 9). Il s'agit de considérations qui n'apparaissent pas dans les Constitutions de Louis le Pieux, où l'on trouve pourtant le modèle de l'évocation très négative des Sarrasins reprise dans l'acte de Charles; ilest vraisemblable que cette mention reflète le sentiment de certains membres de l'entourage de Louis le Pieux (qui avait mené plusieurs campagnes en Espagne 40), tell'ermite Datus dont la mère fut martyrisée sous ses yeux 41. C'est suite à la plainte des Hispani que Charlemagne transmit à Louis le Pieux l'ordre de statuer sur laplace des Hispani aprisionnaires dans lasociété et sur leurs droits: l'acte de 812nous apprend en effet que l'archevêque d'Arles, Jean devait exposer cette affaire point par point à Louis le 42, Pieux, àcharge pour ce dernier de rencontrer les Hispani pour définir la manière dont ilsdevaient vivre Ils'agit donc d'une norme moins imposée que négociée, cequi permet de comprendre pour- 43. quoi, dans l'acte de 816, il est fait référence à la Constitution de 815 comme à un accord Par 44. conséquent, Charlemagne ne se référait pas à un statut qu'il aurait lui même défini, alors qu'il faisait allusion àla vestitura accordée aux Hispani par lui-même. Ilsemble donc que la Constitution de 815,où on peut également lire une certaine critique de l'action des responsables politiques (il est question de "cette partie d'Espagne qui fut laissée à l'abandon par nos marquis"), s'avère en réalité le premier texte législatif carolingien en la matière. C'est en tout cas le premier document conservé. Ramon d'Abadal avait proposé une reconstitution de deux capitulaires de Charlemagne en se fondant sur les documents ultérieurs pour en établir le texte supposé Outre que ce procédé 45. 37. Sur les disparités sociales chez les Hispani, cf.A. BARBERa,"La integraci6n social de los "hispani" dei Pirineo oriental alreino carolingio", MélangesoffertsàRené Crozet,tome 1,Poitiers,1966,pp.67-75. 38. On compte deux prêtres parmi cesHispani :Martin et Salomon. Plusieurs membres de ladélégation portent des noms typiquement chrétiens (Jean, Etienne, Christian, Maur, Pascal) et des noms dont la connotation religieuse est très forte (Homodei, Esperandei). 39. F.HAusMANNA, . GAWLIK, Arengenverzeichnis zu den Königs- und Kaiserurkunden von den Merowingern bis Heinrich VI.,Munich, 1987(MGH Hilfsmittel9), n"2700,p.454. 40. Cf.Astronome, Vita Hludowici imperatoris, Hanovre, 1995(MGH Scriptores rerum Germanicarum, 64), c.13, p.314 à c,18,p.334.A propos du témoignage de l'Astronome concernant les campagnes d'Espagne, cf.Ph. DEPREUX, "Poètes ethistoriens au temps del'empereur Louis lePieux", Le Moyen Age, 99,1993, p.319et stes. 41. ERMOLDLENOIR,Poème surLouis lePieux,Paris,1964,v.242-293,pp.22-26. 42. Ph.DEPREux,Prosopographie...,op.cit.,p.274etstes. 43. A.DUPONT",L'aprision ...",op.cit.,p.191, emploie l'expression "régulariser lestatut des Espagnols". 44. En dernier lieu,cf.A.J.KOSTO",The convenientia inthe early rniddle ages", Medieval Studies,60,1998, pp.I-54. 45. R.d'ABADALIdeVINYALSC,atalunya carolingia,tome 2:Eis diplomes carolingisa Catalunya,vol.2,Barcelone, 1952,pp.399-416. 24 PHILIPPE DEPREUX conduit à certaines simplifications (on voit par exemple 1. Salrach, dans son excellente étude proposée en 1988à Flaran, affirmer que "vers 780,Charlemagne donne sa protection aux Hispani réfugiés en Septimanie et les autorise à défricher" en se référant explicitement à ce texte tout en passant sous silence son caractère hypothétique 46),une telle reconstitution me semble àlafoisdiffi- cilement acceptable et dangereuse d'un point de vue scientifique. En se fondant sur le préambule de l'acte de Charles le Chauve (document 4) où ilest dit,d'une part, que le roi recueille lesHispani sous la protection de l'immunité à l'imitation de l'auctoritas de Charlemagne et de Louis le Pieux et, d'autre part, que ces droits accordés "par eux" (c'est-à-dire Charlemagne et Louis) avaient été sanctionnés par des diplômes impériaux, R. d'Abadal pense qu'il est "évident" que Charles le Chauve reprend le texte de capitulaires promulgués vers 780et vers 801 Contre cette analyse, on 47. peut arguer, tout d'abord qu'il est troublant que Louis lePieux ne seréfère àaucune norme prééta- blie,mais surtout que les références aux documents antérieurs sont vagues.Ainsi, par son diplôme de 844en faveur des Hispani du comté de Barcelone, Charles le Chauve entendait "leur conférer avec clémence la communauté de résidence et l'aide opportune à leurs besoins". En cela, le roi pensait simplement confirmer les mesures antérieures, mais cette volonté n'est, précisément, pas explicitement exprimée dans l'acte de Louis lePieux (document 2).En revanche, Charles le Chauve introduisit également un privilège nouveau (ou pour le moins, explicitement énoncé pour la première fois) :celui d'aménager leurs biens comme ilsle souhaitaient (c.8) -ils'agit en réalité de la reprise d'un élément du droit wisigothique En fait, par le diplôme de 844,Charles régularisait 48. un système ayant fait ses preuves 49. Comme le note M. Mersiowsky, le cas des préceptes en faveur des Hispani permet l'observation d'une escalade dans les diverses formes que peuvent revêtir les ordres écrits so.Cette évolution, qui touche la forme, ne concernerait-elle pas également le fond? Il s'agit en effet d'une escalade qui mène à la concession de privilèges considérables attisant l'envie des comtes or, elle tire son 51 ; origine de conflits de diverses natures: des conflits de propriété, mais aussi des conflits d'autorité. Le statut de la terre Les Hispani s'opposèrent à deux catégories de personnes: aux comtes et à leurs auxiliaires, dont ils subissaient les oppressions, et aux pagenses, comme l'atteste le diplôme de Charlemagne de 812 (document 1)où ilest question, en un passage maladroitement rédigé depagenses témoignant en 52, faveur les uns des autres pour revendiquer la propriété de biens du fisc sur lesquels les Hispani avaient été installés par l'investiture du souverain (de fait, l'aprisionnaire Jean fut en mesure de 46. 1.M.SALRACH",Défrichement ...",op.cit.,p.143. Cet auteur n'est pas leseul àprocéder ainsi: déjà A.DUPONT, "L'aprision ...", op. cit.,p. 183,s'était appuyé sur cet essai de reconstitution. Quant à A. R. LEWIS,The development of Southern Frenchand CatalanSociety, 718-1050,Austin, 1965,ilparlait de"Charlemagne's original edict"de 780(p.70)et utilisait avecprudence lareconstitution du second capitulaire (p.73). 47. R.d'ABADALE,Isdiplomes...,op.cit.,vol.2,p.400et stes. 48. A.DUPONT", L'aprision... ",op.cit.,p.209et stes. 49. Ibid., p.211. 50. M.MERSIOWSK"YR,egierungspraxis ...",op.cit.,p.142. 51. R.COLLINSW, ifred...,op.cit.,p.187. 52. Un membre de phrase en stylesubjectif estincorporé au texte en styleobjectif: "certains pagenses ...s'emparent de notrevestitura, dont nousfûmes investisdurant trenteansetplus, alors qu'eux-mêmes, par notre don, l'arrachèrent au désert en vertu de l'autorisation accordée". Le passage en italique provient certainement du mémoire présenté par les Hispani,transcrit par lenotaire au lieu d'être adapté aunouveau texte. LES PRÉCEPTES POUR LES HISPANI 25 produire un acte de Charlemagne lorsqu'il se recommanda à Louis le Pieux 53). Il s'agissait donc d'un conflit de propriété, que Charlemagne ordonna de régler en imposant la restitution des biens dont les Hispani avaient été privés injustement en dépit du délai de trente ans écoulé depuis leur installation ce qui suppose de multiples procédures d'enquête. 54, Dans l'acte de 844 en faveur des Hispani du comté de Barcelone (c.7), Charles le Chauve intro- duisit un élément nouveau, qui tend à souligner que les terres entrées dans le patrimoine d'un Hispanus grâce àl'aprision l'étaient sous un régime proche de celui de lapleine propriété (A. Lewis parle de "quasi-proprietorship" 55), puisque toutes les prérogatives de la propriété y étaient atta- chées Quelques semaines auparavant, le roi avait accordé un droit similaire à des Hispani du 56. comté de Béziers (cet acte ne se fond pas dans le moule des Constitutions de Louis le Pieux car 57 ilne s'agit pas d'un diplôme de portée générale, mais d'un privilège en faveur d'Hispani nouvelle- ment arrivés). L'autorisation royale de s'installer était nécessaire puisque ces terres, abandonnées, relevaient du domaine public. C'est ce que le diplôme de Charles le Chauve du 19mai 844montre très clairement, puisqu'il y est dit tout à la fois que les Hispani du comté de Béziers, qui présentè- rent la requête, se trouvaient sur des terres dont le roi avait la propriété et que les bénéficiaires 58 jouissaient de la possession des terres qu'ils tenaient non pas par droit de propriété, mais "comme par droit de propriété" (il est probable que les deux catégories de personnes mentionnées dans 59 ce diplôme correspondent à celles qu'on distingue dans les Constitutions de Louis le Pieux et sur lesquelles nous reviendrons). La question du statut de la terre est essentielle, et on adit àcepropos tout et son contraire. Ainsi, on a pu affirmer que l'aprision était un type de propriété, notamment en raison de son caractère héréditaire 6(\ ou bien refuser de lui reconnaître cette qualité, tout en insistant sur cette transmission héréditaire On a aussi dit que l'aprision n'était pas un bénéfice 61. 62 alors qu'on a précisément voulu décrypter la législation carolingienne comme une "tentative d'as- similation de l'aprision au bénéfice" -mais une tentative qui aurait "totalement échoué" Dès lors, 63. quelle analyse proposer? 53. R.d'.ABADALE.isdiplomes.... op.cit.•p.321. 54. On peut remarquer que ce délai trentenaire n'est pas évoqué dans les Constitutions de Louis le Pieux et les diplômes de Charles leChauve de 844pour lesHispani descomtés de Béziers et de Barcelone. 55. A.R.LEWIS.Thedevelopment.... op. cit.•p.64. 56. On trouve une énumération de droits similaire dans les Formulae Andecavenses. n? 37.Formulae, Hanovre. 188211886(MGH Formulae). p.16:hoc addiepresenteperpetualiter ordine tradimus adpossedendum, ethoc estabendi, tenendi seucommutandi; posteris tui,velubi tuadecrederitvolomtas, derelinquendi. Cet acte de donation est daté d'envi- ron 579par W.BERGMANN"V. erlorene Urkunden des Merowingerreichs nach den Formulae Andecavenses". Francia. 9. 1981.pp.3-56.àlap.42(n°46). 57. Recueil desactesde CharlesIlle Chauve, roideFrance.tome 1.Paris,1943.n°40.p.110:Sedsietiamexipsisali- quisabsquefiliisetnepotibus mortuusfuerit, volumus atqueper hancnostram auctoritatemconcedimus quod eaedemresad proximiores suosparentes revertanturlicentiamque intersevendendi etconcambiandi plenissime habeant. 58. Actes de Charles leChauve.op.cit.•tome 1.n°40.p.109:quidam Hispani incomintatu Biterrensiconsistentesac innostraeproprietatispraediiscommanentes. 59. Actes de CharlesleChauve.op.cit.•tome 1.n°40.p.109 :qualiterIldericusetPetrusseuErmenisilus etquamplures eorum propinqui etprogenitores eorum confugerint in villasquae dicuntur Aspirianus etAlbinianus eteasjuste tenerentet quasiproprietariojurepossiderent. 60. A.DUPONT",L'aprision ...",op.cit.,p.182. 61. W. KIENASTD,iefränkische Vasallitätvon den Hausmeiern bis zu Ludwig dem Kind und Karl dem Einfältigen. FrancfortlMain, 1990,p.146 note 465. 62. A.DUPONT",L'aprision ...".op.cit.,p.377. 63. P.BONNASSIEL.a Catalogne....op.cit..•tome 1.p.208.PourA.R.LEWIS,Thedevelopment.... op.cit.,l'aprision res- semble àunbénéfice (p.79) et s'en distingue simplement par l'exercice des droits de propriété (p.72). 26 PHILIPPE DEPREUX La question de la propriété n'est pas éloignée de celle de la protection si on considère que le statut accordé aux personnes par le souverain n'était pas étranger à celui de la terre concédée et que la notion de tuitio et celle, voisine, d'immunité tirent leur origine des droits de propriété exercés par le roi en l'occurrence, sur les biens cédés aux Hispani. Nous reviendrons ultérieurement sur la 64 - question de la tuitio royale et de l'immunité; d'abord, voyons ce qu'il en est de la propriété. Il est vraisemblable que la clef de l'énigme se trouve dans la distinction entre propriété et possession. A cet égard, il faut s'intéresser à deux actes de Charles le Chauve pour le fils de l'aprisionnaire Jean. Le 5juin 844, à Saint-Sernin de Toulouse, le roi confirma à son vassal Teodfred la possession du domaine de Fontjoncouse, déjà tenu en aprision par son père et son oncle Or, le 7 octobre 849, 65. Charles donna au même fidèle le domaine de Fontjoncouse, présenté comme quelque res juris nostri Dans le premier de ces actes, il est dit que Teodfred présenta au roi un diplôme de 66. Charlemagne par conséquent, le délai trentenaire était depuis longtemps écoulé, qui mettait 67 ; normalement l'aprisionnaire à l'abri de toute contestation. Cela n'empêcha pas le souverain de garder des droits sur cette terre, puisque ce n'est qu'en 849 qu'il transféra ses droits de propriété à son fidèle, qui pouvait désormais faire du domaine ce qu'il voulait jure proprietario. Cet acte illustre parfaitement la tendance à la transformation de l'aprision en alleu au cours du IX' siècle, mise en évidence par A. Lewis mais il s'avère surtout la preuve qu'une terre tenue par aprision demeu- 68, rait la propriété du roi, à moins qu'il ne s'en dessaisît expressément. On comprend par conséquent mieux que le roi prît sous sa protection des personnes jouissant de la possession de terres lui appar- tenant. Les rapports hiérarchiques Dans la Constitution de 815 (c.4), ilest dit que les personnes établies sur les terres d'aprisionnaires n'avaient aucun droit sur elle à leur départ; ce point est repris dans l'acte de Charles le Chauve (c. 5), à ceci près que le roi insiste sur les liens de domination - il s'agit désormais non plus simple- ment de partir (comme c'est le cas dans la Constitution de Louis le Pieux), mais de choisir un autre seigneur Les Hispani jouissaient certes d'une liberté tendant à montrer que le passage sous le 69. senioratus d'un puissant ne peut pas être assimilé à une entrée en vasselage pourtant évoquée dans le même acte (c. 10) comme dans la Constitution de 815 (c.6) -dans les deux cas, seule l'entrée dans la vassalité du comte est prévue. Néanmoins, Charles le Chauve semble avoir tenu cette relation de dépendance à l'égard d'un seigneur (il est essentiellement question de représentants du roi: le comte, le vicomte, le viguier ou quelque autre homme) comme allant de soi. Il n'est pas impossible que Louis le Pieux ne fût pas d'un avis différent. Mais quelle était la nature de cette relation de dépendance ? Au premier abord, on pourrait croire que l'empereur évoque la vassalité lorsque, dans l'exposé des motifs de la Constitution de 816, il fait mention des plus anciens parmi "ceux qui venaient d'Espagne" en disant qu'ils "se recommandèrent aux comtes ou à nos vassaux, ou encore aux 64. Cf.F.L.CHEYETIE,"The royal safeguard in medieval France", Studia Gratiana 15,1972, pp. 631-652, à la p.636. 65. Actes de Charles le Chauve, op. cit., tome 1,n° 43,p.120 et stes. 66. Actes de Charles le Chauve, op. cit., tome 1,n° 118,p.314 et stes. 67. C'est-à-dire le diplôme de mars 795 (MGH Diplomata Karo/inorum 1,n° 179,p.241 et stes.). 68. LEWIS, The development ...,op. cit.,p. 159. 69. On peut rapprocher cela de la liberté qu'autorisait le régime de la behetria ;à ce propos, cf. C.-E. DUFOURCQ, J.GAUTIER-DALCHÉ,Histoire économique etsociale de l'Espagne chrétienne au Moyen Age, Paris, 1976, p.33 et stes. LES PRÉCEPTES POUR LES HISPANI 27 vassaux des comtes et reçurent des lieux déserts pour les habiter et les cultiver". L'ambiguïté est toutefois levée, dans le dispositif du même acte, à propos de "ceux qui vinrent plus tard" et qui "se recommandèrent aux comtes, ànos vassaux ou à leurs semblables": en effet, ils"reçurent d'eux des terres pour les habiter, ilsles reçurent aux termes d'un accord et à telle condition qu'ils les possè- dent à l'avenir et les transmettent à leur descendance". Ces terres ne sont donc aucunement assi- milées àdes bénéfices vassaliques s'entend Néanmoins, nous savons que des personnes ayant 70 - 71. "fui latyrannie des païens" avaient pu recevoir du souverain des terres tenuesjure beneficiario mais transmissibles aux héritiers "tant qu'ils seraient fidèles" (ilest ànoter que les bénéficiaires sont ici explicitement désignés comme desfideles, mais pas comme des vassaux) 72. Par conséquent, il ne faut pas reconnaître dans l'expression se commendare une allusion à ce qui est en passe de devenir l'hommage vassalique mais simplement lefait de seplacer sous laprotec- 73, tion des comtes, de leurs vassaux ou des vassaux royaux - sous ce que Charles le Chauve appelle leur senioratus. D'ailleurs, dans un acte de Louis le Pieux en faveur d'un Juif du nom d'Abraham, on apprend que c'est suite à sa commendatio que l'empereur le prit sub sermone tuitionis De 74. même, en 822,c'est dans les mains de Louis le Pieux que le comte Rampon recommanda l'abbé de Banyoles, Mercoral, avant que l'empereur ne prît sous sa protection les biens de l'abbaye (consti- tués notamment d'aprisions) et ne leur accordât l'immunité Il est possible que cette cérémonie 75. des mains s'avérât la forme normale d'entrée sous la protection du souverain Cela ne signifiait 76. pas que lerecommandé fût pour autant levassal du roi.Néanmoins, dans certains cas,ill'était expli- citement -telWimar,venu auprès de Louis le Pieux pour accomplir les devoirs auxquels l'obligeait sa fidélité et àqui l'empereur fit don, ainsi qu'à son frère Radon, de ce que leur père avait arraché au désert 77. D'après la Constitution de Louis le Pieux de 815(c.5),l'autorisation de s'installer en tant qu'apri- sionnaire pouvait également être accordée par le comte (le procès de 834nous montre le comte 78 70. E. LESNE."Les diverses acceptions du terme "beneficium" du VIII' au XI' siècle", Revue historique dedroitfran- çaisetétranger.3,1924. p.5-56. 71. F.L. GANSHOF,Qu'est-ceque laféodalité ?,Paris, 1982, pp. 81-85. 72. Actes de Charles le Chauve. op.eit.,tome 1.n? 34.p.92 et stes. 73. J.LE GOFF."Les gestes symboliques dans la vie sociale. Les gestes de la vassalité". Simboli esimbologia nell'alto medievo, tome 2,Spolète, 1976.pp.679-779; Ph. DEPREUX,"Tassilon III et leroi des Francs -examen d'une vassalité contro- versée", Revue Historique, 293,1995, pp. 23-73. 74. Formulae imperiales,n" 52,p.325. 75. R. d·ABADAL.Eisdiplomes...,op.cit.,vol.L pp. 45-46. 76. Cf. F. L.GANSHOF,"L'étranger dans la monarchie franque", L'étranger, tome 2. Bruxelles. 1958 (Recueils de la SociétéJeanBodin, 10), pp. 5-36, àla p.29. 77. R. d·ABADAL.Eis diplomes...• op. eit.•vol. 2. pp. 318-319. Pour ce qui est de l'aprisionnaire Jean. KIENAST. Vasallität. ..,op.cit.,p.152.rappelle qu'on ne peut pas dire si ce personnage était le vassal du roi (bien que. pour l'auteur, cela soit plus que vraisemblable). 78. On en aune illustration dans le diplôme de Louis le Pieux pour l'abbé Mercoral et les moines de Banyoles, où il est question des biens quae tam ipsiexeremo traxeruntvelexadprisionem acceperuntquam etdedonatione comitis velde quolibet legaliadtractupraesenti temporejuste etrationabiliterpossidere videntur (R.d'ABADAL, Eis diplomes...,op. cit., vol.L, Barcelone, 1926-1950, pp. 45-46).
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