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Antiquité et postmodernité: les intertextes gréco-latins dans les arts à récit depuis les années ... PDF

713 Pages·2012·4.9 MB·French
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Preview Antiquité et postmodernité: les intertextes gréco-latins dans les arts à récit depuis les années ...

1 A Charlotte, pour tout, et notamment pour ses relectures, ses corrections, son soutien au jour le jour. Je remercie infiniment Jacques Dürrenmatt de m’avoir suivi si généreusement dans l’aventure de cette thèse. Pour leur aide, leurs idées, leurs travaux, nos conversations, merci vivement à Tristan Garcia et Hélier Cisterne. Pour leur énergie, leur enthousiasme, et pour avoir été là pour moi au bon moment, un grand merci à Mathilde Baron, Malika Bastin-Hammou, Fatima Bendjebbour, Sabine Biedma, Mathilde Bonazzi, Mme le Professeur Corinne Bonnet, Mathieu Bonzom, Ramon Boras, Aurélien Borot, Thibaut Casagrande, Mme le Professeur Nathalie Dauvois, Arnaud Despax, Camille Fabre, Dyana Frot, Agnès Gayraud, M. le Professeur Simon Goldhill, Marianne Grange-Leloir, M. le Professeur Jean Khalfa, Raphaël Macario, Mme le Professeur Fanny Nepote, Nicolas Presl, Katell Quillévéré, Thomas Raynaud, Anne-Sophie Robin, M. le Professeur François Ripoll, Clément Sigalas, Pierre Soubias, Ketty Turpault, Thomas Stuck, Mme le Professeur Valérie Visa-Ondarçuhu, Maud Yvinec, et aux étudiants que j’ai eus en cours, ainsi qu’à ma famille. 2 Introduction La maison postmoderne Nous pourrions commencer avec une maison, l’idée d’une maison. Ce serait la maison postmoderne. Nous ne savons pas encore grand chose dessus, comment elle est, si elle a une raison d’être, si même elle existe réellement. Nous savons juste que nous voulons lui poser une question, la question de l’Antiquité. Nous voulons savoir ce qu’il pourrait y avoir d’antique dans cette maison, ce qu’elle aurait copié ou non de la maison antique. Nous n’y sommes pas encore entré, mais nous avons déjà quelques idées sur la question. Nous nous disons à part nous que c’est une maison qui ne doit plus avoir grand chose d’antique. La modernité, la maison moderne ? Voilà une maison qui doit être pleine d’Antiquité, du sol au plafond. Antiquité, modernité... Anciens et Modernes... Voilà des mots qui vont ensemble, l’un après l’autre ou l’un contre l’autre, marchant main dans la main ou luttant pieds à pieds. Qu’ils soient deux mots adverses est évident, mais l’un peut aussi s’inverser en l’autre. La Renaissance, c’est le début de l’époque moderne, dit-on, qui est aussi le début d’un retour aux Anciens. Pétrarque, l’un des premiers Modernes, le précurseur de la Renaissance, est en même temps le premier Ancien, le partisan d’un retour à l’antique contre ceux qu’il appelle les « Modernes » scolastiques1. Mais la postmodernité, la maison postmoderne, si tant est qu’elle existe ? Elle ne s’appelle peut-être pas ainsi pour rien, le nom seul le dit : la maison postmoderne, ce serait une maison d’après les modernes, et donc une maison toute nouvelle, où la modernité ne se réfléchit plus au miroir des Anciens, mais ne regarde qu’elle-même et son futur. La postmodernité, a priori, entendue pour le moment comme cette période débutant à « la fin des années 50, qui pour l’Europe marque la fin de sa reconstruction »2, ce serait la modernité après la bataille, la modernité définitivement victorieuse de son autre : l’Antiquité, les Anciens, les Classiques, la tradition, l’imitation, etc. L’Antiquité, comme empire de tous les classicismes ou comme 1 Voir FUMAROLI, 2001, p. 7-8. 2 LYOTARD, 1979, p. 11. 3 province de toutes les modernités, voilà un territoire que la postmodernité semble bien avoir repoussé aux confins du sien. Ainsi, tandis que nous nous mettons en route vers la maison postmoderne, nous avons un mauvais pressentiment : il se pourrait bien qu’elle n’ait vraiment plus rien d’antique. D’autant que nous revenons de l’école, et, là déjà, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient... La chute de l’empire antique Si la postmodernité est une maison, l’Antiquité, à l’école, fut longtemps comme un empire. En fait, comme le montre Françoise Waquet dans Le Latin ou l’empire d’un signe3, la chute de l’« empire du latin » ne date que de la postmodernité : « Jusqu’aux années 60 de notre siècle […], le monde scolaire a été étroitement associé au latin quand il ne s’est pas confondu avec lui »4. Jusqu’aux temps de la Révolution française, le latin « restait – et de loin – la principale matière ». Les écoliers de France n’apprenaient pas la grammaire, la littérature ou la philosophie françaises, mais latines. Les choses commencent à changer avec la Révolution, mais la Révolution n’est qu’une parenthèse : le latin est restauré sur son trône au XIXe siècle. En 1902, une filière moderne apparaît, sans entamer l’inégalité patente avec la grande sœur classique. L’agrégation de lettres modernes est instaurée en 1959, mais le règne du latin ne prendra véritablement fin qu’en 1968, quand Edgar Faure le fait passer en simple option au baccalauréat, hors des nouveaux « trois langages » du tronc commun : la langue maternelle, les mathématiques modernes et une langue vivante. Or, cette histoire française est un peu l’histoire de tous les pays occidentaux, avec plus ou moins d’avance ou de retard selon les cas, et elle vaut pour le grec autant que pour le latin5. Deux choses peuvent étonner : la dureté de la chute, certes, mais aussi qu’elle ait été si longue à venir, que l’empire ait duré si longtemps. Jean Piaget, qui n’était pas pour une éducation au rabais, se plaignait pourtant en 1971 que les filières scientifiques soient délaissées par les « meilleurs » au profit du faux prestige de la filière classique : « les parents continuent, par exemple, de penser que la connaissance du latin constitue un « Sésame ouvre-toi » bien plus efficace que n’importe quelle autre initiation »…6 3 WACQUET, 1998. 4 WAQUET, 1998, p. 17. 5 Voir WAQUET, 1998, p. 17-44 ; STRAY, 2007. 6 PIAGET, 1988, p. 18. 4 S’il en est ainsi pour l’école, pourquoi n’en serait-il pas de même pour la maison des arts postmodernes ? L’Antiquité n’a-t-elle pas aussi fini d’étendre son empire sur les arts ? Après l’école, nous n’avions pas envie de rentrer tout de suite à la maison. Nous sommes allés au cinéma. Ils passaient La Chute de l’Empire romain d’Anthony Mann, un film de 1963. Ce fut le dernier péplum de l’âge d’or, et un échec au box office, entraînant la faillite d’un des nababs de l’industrie hollywoodienne, Samuel Bronston. Il faudrait attendre trente-cinq ans pour revoir un de ces films de genre à costumes antiques. La Chute de l’Empire romain portait bien son nom. Au moment donc où la postmodernité naissait, le péplum mourait. Désappointé, nous nous sommes reporté sur le théâtre. L’Antiquité semblait y être à l’honneur. La programmation nous donnait le choix entre La Machine infernale de Jean Cocteau, Medea de Hans Henny Jahnn, Les Mouches de Jean-Paul Sartre, Antigone de Bertold Brecht. Mais ce ne sont pas des adaptations modernes que nous voulions. Nous voulions quelque chose de postmoderne. Alors, on nous a indiqué un théâtre où ils mettaient en scène Agamemnon d’Eschyle, ou bien était-ce Œdipe roi de Sophocle, ou Médée d’Euripide ? Quoi qu’il en soit, ces mises en scène étaient réputées postmodernes. C’était déjà quelque chose, mais n’était-il pas possible d’avoir non pas une nouvelle mise en scène d’un auteur ancien, une réinterprétation, mais une recréation, une réécriture, par un auteur postmoderne ? De toutes façons, il était maintenant trop tard. Il fallait rentrer à la maison, sans trop savoir ce que nous allions y trouver en fait d’Antiquité, et si même nous allions y trouver quelque chose. Greek revival Nous arrivons un peu désespérés, les yeux baissés, que nous levons sans trop y croire. Et que voyons-nous en guise de porte d’entrée ? Une grande arche antique ! Une arche un peu kitsch, recouverte d’éclairages au néon, mais une arche quand même ! Enthousiasmés, nous sautons de joie et nous cognons la tête dessus. Plus de peur que de mal : l’arche était en carton pâte. On aurait pu faire mieux, comme arche, mais c’était tout de même rassurant : au seuil de la maison postmoderne, nous trouvons déjà de l’Antiquité. Cette arche, c’est l’arche de l’architecture. S’il est un art, en effet, où l’Antiquité a fait retour avec la postmodernité, c’est bien l’architecture. A voir les œuvres des architectes postmodernes, nous pouvons dores-et-déjà nous dire que l’Antiquité a une place dans la postmodernité. Or, s’il est un art pour lequel, même en France, qui affectionne peu le mot, on accepte de parler d’esthétique postmoderne, de postmodernisme, c’est aussi l’architecture. 5 Depuis les années soixante, une architecture postmoderniste s’est donc constituée, qui a voulu en finir avec ce qu’on appelle le style international, le style du modernisme en architecture, de ces gratte-ciel qui déchirent l’horizon néoclassique, notamment à travers l’usage révolutionnaire du verre, de l’acier et du béton. Les architectes modernistes refusaient en partie l’héritage du passé – les postmodernistes refuseront ce refus et favoriseront l’éclectisme, reprenant des formes classiques, antiques, en les accolant à toutes les autres formes de l’histoire architecturale, style international inclus. Le modernisme regardait autour de lui, notamment l’architecture industrielle, plutôt que derrière lui – le postmodernisme se retournera lui vers le passé, et le modèle des Anciens. Mais ce retour relatif aux Anciens est lui aussi passé par un regard alentour. Dans Learning from Las Vegas, bréviaire du postmodernisme architectural, paru en 1972, Denise Scott Brown et Robert Venturi prenaient ainsi pour modèle de leur propre projet le Strip de Las Vegas, cette longue avenue qui traverse la ville de part en part. Le Strip illustrait une nouvelle manière de faire de l’architecture, une manière qui en revenait aux Anciens par delà le modernisme. Sur le Strip, cohabitent en effet deux sortes de bâtiments : certains, dans le sillage de la modernité, ont une forme qui signale leur fonction, tel ce restaurant en forme de gros canard jaune, le Long Island Duckling, mais la plupart sont d’un type que les auteurs appellent le « hangar décoré », où la devanture se détache spatialement de la structure du bâtiment lui- même7. Cette nouvelle architecture du hangar décoré a sa raison d’être. Le conducteur roulant sur le Strip dans sa voiture n’a pas le temps d’apprécier les subtilités d’une belle architecture moderniste. Les bâtiments sont à l’écart et de forme fonctionnelle. Ce qui importe, ce sont les panneaux qui les signalent : ce sont eux qui apportent l’information, attirent le regard dans la nuit avec leurs lumières au néon et leurs proportions triomphales – qui peuvent même prendre la forme d’arcs de triomphe... Sur le modèle du Strip, les architectes postmodernes se proposent ainsi de décoller la forme du sens, se réclamant d’un Vitruve, notamment, pour qui l’ornement, l’agrément est l’un des trois piliers autonomes de l’architecture, à côté de la solidité et de la commodité8. Les auteurs de Learning from Las Vegas n’hésiteront pas à comparer cette nouvelle architecture du « hangar décoré » qu’ils appellent de leurs vœux, à celle du Forum ou de la Via Appia. 7 Voir SCOTT BROWN et VENTURI, 1978, p. 97. 8 Voir VITRUVE, De l’architecture, I, 3. 6 Le Forum, comme le Strip, était un paysage de symboles avec des couches de significations évidentes dans l’emplacement des routes et des bâtiments, de bâtiments qui portent l’image de bâtiments antérieurs et de la sculpture empilée sur le tout. Du côté formel, le forum était un gâchis ; du côté symbolique c’était un mélange riche. […] La série d’arcs de triomphe à Rome est le prototype du panneau publicitaire (mutatis mutandis pour l’échelle, la vitesse et le contenu)9. En passant par l’arche antique, nous pensions entrer dans la maison postmoderne, mais l’arche ne faisait que signifier, signaler de loin la maison. L’Antiquité n’est plus une belle forme qui charpenterait la maison, mais un poteau indicateur, un panneau publicitaire faisant ironiquement signe vers ce qu’elle a de périmé. Et à bien y réfléchir, nous nous rappelons maintenant certaines constructions de notre ville postmoderne imaginaire qui font un peu cet effet-là. Puisque nous sommes entrés par l’arche, mais que nous nous retrouvons dehors, allons jeter un coup d’œil sur quelques-uns de ces bâtiments10. 1. Quartier Antigone, Ricardo Bofill, Montpellier, 197811. En 1978, Ricardo Bofill construit le quartier Antigone à Montpellier. Le nom déjà n’est pas innocent. Colonnes, frontons, arches reproduisent le modèle antique. On parlera au sujet de Bofill de « néoclassicisme ». L’hôtel de région du quartier est exemplaire à cet égard. C’est un bâtiment aux allures d’arc de triomphe, mais en verre… Devant, sur la place, une copie de la Victoire de Samothrace… On pense à la Victoire qu’Yves Klein, en 1962, avait peinte en bleu IKB. Le bleu, pour Bofill, ce serait le verre de l’arc, juste derrière la Victoire : du moderne collé sur de l’antique. Le premier mot qui nous vienne en voyant ces colonnes, ces frontons, ces arches, ces statues, est celui de pastiche. Le pastiche architectural a une longue histoire. Par exemple, au moment de Versailles, beaucoup de cours européennes y allèrent de leur réplique du château. Mais ce pastiche en son sens large d’imitation d’un style n’est pas vraiment le pastiche postmoderne. Quand l’Europe pastiche Versailles, elle ne pastiche pas un style périmé, mais elle imite le style dominant du temps, quand bien même ce serait un style lui-même imité de l’antique. Le postmodernisme, au contraire, pastiche du déjà passé, du dépassé, du périmé, ce que le philosophe Frederic Jameson appelle des dead styles, des « styles morts »12. Quand Bofill 9 SCOTT BROWN et VENTURI, 1978, p. 125. 10 Voir LEVIN, 2007. 11 Pour les illustrations, nous renvoyons à l’addendum qui accompagne le volume. 12 JAMESON, 1998. 7 parsème de colonnes antiques le quartier Antigone, ce n’est plus de l’imitation, c’est réellement du pastiche, en tant qu’imitation d’un style mort, et reconnu comme tel. Le pastiche n’est cependant pas non plus exactement de la parodie : on n’exagère ni ne simplifie le style que l’on pastiche, on l’imite proprement, mais on l’imite en tant que dépassé. Quand on parodie un style, on en grossit les traits, c’est la caricature en dessin. La fin est souvent satirique. La fin du pastiche serait plutôt ironique : on ne sait plus très bien si l’on rend un hommage, ou si l’on critique. On entend toujours deux voix dans un tel pastiche sans que l’une ne l’emporte sur l’autre : la voix de l’artisan classique qui imite scrupuleusement un modèle, la voix du critique moderne qui sait qu’il ne devrait pas le faire, qui sait qu’il vit à la fin du XXe siècle, que le style international est passé par là, et qu’il n’est plus temps, normalement, d’imiter un modèle antique. Fredric Jameson parlera ainsi de blank parody, « parodie blanche », pour le pastiche postmoderne : un style est imité, mais en l’absence de toute voix d’auteur au- dessus qui permette de parler de parodie stricto sensu13 – si voix d’auteur il y a, elle n’est pas au- dessus ou en dessous, elle est à côté. 2. Piazza d’Italia, Charles Willard Moore, New Orleans, 1978. En 1978, encore, Charles Willard Moore propose à New Orleans une Piazza d’Italia qui aux échos renaissants et baroques ajoute des éléments de l’agora grecque et du forum romain. Le kitsch est à l’honneur. Des chapiteaux ioniques en acier sont éclairés par des néons… On reconnaît la pratique du collage, entre une forme antique et une matière phare du style international, l’acier, entre une forme noble et le trivial éclairage au néon. On pouvait faire le même constat pour l’arc de triomphe en verre du quartier Antigone. Certes, l’esthétique du collage est a priori moderne plutôt que spécifiquement postmoderne, mais le collage moderne tendait le plus souvent à retrouver une unité perdue, une consonance, tandis que chez les postmodernes, le collage est plutôt dissonant : c’est un collage qui ne colle pas. Dans les romans modernistes de la ville, par exemple, dans Ulysses, Berlin Alexanderplatz, Manhattan transfer, Le Paysan de Paris, on collait beaucoup de choses à chaque coin de page, affiches et autres – mais c’est qu’il y en avait à chaque coin de rue. En organisant ces collages, on rendait un cosmos de substitution au chaos apparent de la ville. Au lieu d’organiser dans l’œuvre le désordre du monde, le postmodernisme ne fera bien souvent que le dédoubler, en inscrivant son espace dans la dimension du temps, de l’Histoire. Dans Politics of postmodernism, Linda Hutcheon dit : 13 JAMESON, 1998. 8

Description:
cette maison, ce qu'elle aurait copié ou non de la maison antique. Mais la postmodernité, la maison postmoderne, si tant est qu'elle existe ? .. et injustement laissés aux femmes : broderie, décoration, arts de la table, .. Barth, dans White noise de Don DeLillo, dans A Frolic of his own de Wi
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