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Anthropologie du carnaval PDF

255 Pages·2007·14.22 MB·French
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Michel Agier · Anth ropologie du carnaval La ville, la fête et l'Afrique à Bahia collection eupalinos série culture, histoire et société Michel Agier Anthropologie du carnaval La ville, la fête et l'Afrique à Bahia / Éditions Parenthèses IRD En couverture : D'aprèsunephotographiedeMiltonGuran(1997). Remerciements: Lesenquêtesayantpermisderassemblerlesdonnéesdecetouvrageontété réaliséesdanslecadredel'UniversitéfédéraledeBahia,aveclesoutiende l'InstitutdeRecherchepourleDéveloppement(IRD,anciennementOrstom, France), du Centre pour le développement de la recherche scientifique (CNPq,Brésil),etdelaFordFoundation. Lesdonnéesontétérecueilliesentre1990et1996.Àl'observationdessitua¬ tions d'interactions, des fêtes,etdu carnaval proprement dit,s'ajoutèrent desentretiens approfondisavecune soixantaine de membresdel'associa¬ tionculturelleetcarnavalesqueHéAiyê membresdudirectoire,anima¬ teursetadhérents.Uncourtquestionnaireaétéappliquéausiègedecette association, auprès de 1465 membres venus faire leur inscription pour le carnavalde1992.JeremercielesmembresdudirectoireduIleAiyê,enpar¬ ticulier Antonio Carlos dos Santos Vovô et Jônatas Conceiçâo,pour leur contributionàl'élaborationetaubondéroulementdel'enquête,ainsique Paulo Lima pour l'organisation de l'enquête quantitative et l'accès aux archives,et Mâe Hilda pourla gentillesse de m'avoirlaissé circuler libre¬ mentdanslesiègedel'associationquiétait(aussi)samaisonetsonterreiro decandomblé.Uncompte-rendudesenquêtesaétéremisauxresponsables del'associationenaoût1993(liéAiyê,AinvençâodoMundoNegro,Salvador, 1993,162p.ms.). Je tiens àremercier,pourleurslecturesetleurscommentairesdeversions partiellesouprovisoiresduprésentouvrage,etpourleursencouragements, GeniceAraujo-Agier,MarcAuge,MariaRosârioCarvalho,JônatasConcei¬ çâodaSilva,AntonioSergioGuimaràes,Marie-JoséJolivet,Jean-PierreOli¬ vierdeSardan,JoâoJoséReisetKadyaTall. Remerciements particuliers à Milton Guran, photographe et professeur d'anthropologie visuelle à Rio de Janeiro, pour son reportage en noir et blanc du carnaval de Bahia de 1997 et à Gerson Lourenço, photographe bahianaisetmembredugroupecarnavalesque IleAiyê,pourlesportraits encouleurdesongroupe. CoéditionÉditionsParenthèses/InstitutdeRecherchepourleDéveloppement(IRD). COPYRIGHT©2000,ÉDITIONSPARENTHÈSES,72,COURSJULIEN,13006MARSEILLE ISBN2-86364-615-X(PARENTHÈSES)/ISBN2-7O99-I415-8(IRD). PourAntonin etMariana «Eusouumpedaçod'Africa Jogadonochâodomundo» (EduardodeOliveira,Banzo,1964). «Estoumeguardando paraquandoocarnavalchegar» (FranciscoBuarquedeHolanda,Quando0 carnavalchegar,1972) Les Africains à Bahia Introduction < Chaque mercredi des cendres,carnaval meurt,mais carnaval ne meurtjamais.Toujours différent,il est chaque année réinventé.Toujours le même,ilestencoredanslefondpareilàceluidupassé:lieudefolie,d'ivresse,de parade,decréationartistique,fabriqued'identités.Lesgrandesvilles ducarnaval ontdepuis longtemps fait de ce rite un phénomène social,politique et économi¬ queautantqueculturel.Venise,Rio,Bâle,NewOrléans,Barranquilla,NottingHill, Bahia :àquelbesoinrépondentles carnavals ? Quelles bonnes raisons ontles ci¬ tadins,toutesclassesetcouleursapparemmentconfondues,del'entreteniret,plus encore,de l'aimer ? N'est-il qu'un rêve de bonheur qui s'achève le mercredi des cendresalors quelatristesse,elle,n'apas defin,commeditlabellechanson mé¬ lancolique de Tom Jobim et Vinicius de Moraes (Felicidade) ? Est-il la catharsis nécessaire et éphémère de quelques heures troubles dans une année sans brio ? Ouest-ilplutôt,comme le suggère en un mot l'expérience bahianaise,une scène créant un « double » de la ville,tout aussi réel que la vie de tous lesjours mais plus permissifet ouvert qu'elle aux révoltes et aux mouvements sociaux rituali¬ sés ? Tantde choses peuventsepasseretseréglerdanslemonde du carnaval ! À Bahia comme ailleurs ? étudier le carnaval,ce n'est pas passer à côté des véritables problèmes sociaux,c'est au contraire prendre une institution-clé pour parlerdelasociétédanssonensemble,àl'imagedelasorcelleriedanslessociétés ouest-africaines,ou delakula (cycle dedons etcontre-dons) danslasociété tro- briandaisedu Pacifique. Depuislafinduxixesiècle,Bahiaestunedesgrandesvillesde carnavaldumonde.Dansles années quatre-vingtlafêtefutredynamiséegrâceà cequ'onaappelésa«réafricanisation».Enunevingtained'années (1975-1995),le carnavalde Bahia apris de telles dimensions qu'on apule dire plus grand,plus vrai,plus populaire que celui de Rio de Janeiro. En 1993,lesjournauxnationaux brésiliens annoncèrent même que Bahia avait gagné contre Rio la « guerre des carnavals » et le maire de la ville déclara que « ceux qui avaient misé sur Yaxé avaienteuraison» ! Ques'était-ilpassé? Une nuit de carnaval,le 8 février 1975,une centaine dejeunes gens,tous exclusivement noirs et habillés à l'africaine,défilèrent bruyamment danslesruesdeBahiaen fête.Ilsétaientdéguisés etmoqueurs,cequiestpermis par le carnaval. Mais leurs moqueries s'adressaient aux blancs qui les regar¬ daient '.« Blanc,situsavaislavaleurdunoir,tuprendraisunbaindegoudron», chantaient-ils,eux-mêmesunpeueffrayésparleurspropos,ences tempsdedic¬ taturemilitaire.Habitantsd'ungrandquartiernoiretmétisdelaville,Liberdade, ils avaient formé quelques mois plus tôt un petit « bloc2 » qu'ils appelèrent en yoruba Ile Aiyê,le « monde noir ». Dans la grande Avenue mouvementée des défilésducarnaval,labandefuthuéeparcertains,applaudiepard'autres.Lemer¬ credidescendres,leprincipaljournallocalfitsonhabituelbilandefindefête.Le verdict pour le Ile Aiyê fut sans appel : « Bloc du racisme », « spectacle laid ». Pourtant,lejury du carnaval décerna auxjeunes gens une inexplicable et très contestée « mentionhonorable».Ilsdécidèrentdoncdecontinuer. UnpeuplusdevingtansontpasséetleIleAiyêestaujourd'hui reconnu par tous comme le premier et le plus traditionnel d'une nombreuseli¬ gnéed'associationscarnavalesquesafro-brésiliennes.Ancêtredela«AxéMusic» etdunouveaucarnavaldeBahia,legroupe estsponsorisépardesgrandes entre¬ prises privées d'envergure nationale,son ensemble de percussions compte 140 membres,son calendrier de fêtes est dense et il ne sortjamais au carnaval avec moins de 2000 participants. En outre,une quarantaine d'ensembles afro-brési¬ liens se présentent régulièrement au carnaval, rassemblant en tout 25000 membres environ.Parmi eux,le groupe Olodum et son ensemble depercussions remportèrentaveclerythmedusamba-reggaeunsuccèsnationaletinternational, entrantdanslamouvancedela«WorldMusic »,suiviquelques annéesplus tard par laTimbalada de Carlinhos Brown.Parallèlement,des groupes noirs culturels et politiques se sont développés et organisés dans des réseaux,des comités et autres mouvements se réclamant d'une idéologie apparemment plus différencia- liste qu'intégrationniste. Un mouvement culturel noir s'est ainsi formé en une vingtained'années,àpartirducarnaval;ilconnaîtuncertain succès médiatique etunevéritable influence auprès desjeunes noirs etmétis delaville. C'est l'histoire de cette invention qui a fait la trame de l'en¬ quêtequej'aimenéeàBahiaentre1990et1996 etdontjefaislerécitdanscetou¬ vrage.Au-delàdesesparticularitéslocales,l'expérience concerne detrèsprèsles processus identitaires et culturels contemporains. Sa contribution originale au débattientàlarelation étroitequ'elleétablitentrecarnavaletmouvementsocial, autrementditentrecultureetpolitique.Plusgénéralement,elleconcernelaplace du ritueldanslamodernitédes grandesvilles,le rituelétantentendu icicomme un cadre pour l'expression et la transformation des identités et du rapport aux autres3. En effet,Bahia etle Brésil sont des sociétés très hiérarchisées,segmen¬ tées et excluantes ; de plus,parmi tous les préjugés envigueur,ceux qui se fon¬ dentsurdesreprésentationsracistessontnombreuxetprégnants.Àcetitre,lecas 1 Certainsmotsutilisésdansladescriptionphénotypique(noir,blanc,jaune,métis,mulâtre,etc.),elle- mêmesubjectiveetapproximative,sontcompris,autermed'uneracialisationidéologique,commedes catégories«raciales»pourlesquelleslesubstantif(rendu,àl'écrit,parlamajuscule)renvoieculturelle- mentàl'idéed'uneidentitéquiserait«naturelle»et,donc,allantdesoi.L'adhésionconsensuelleàcette écriturediscrètementracialiséefournitunlangagecommunauxattitudesracistes,contre-racistes,voire anti-racistes.Danscetteenquête,oùles«races»socialementconstruitessontdansl'objet,maisquise veutelle-mêmea-raciale,il nous asembléutiledemarquerunedistancesansconcessionavectoute penséeraciale,quelquesoitsonbord.Celanécessite,parexemple,derompreavecl'usageanciendu substantifidentitairequifaitmettreunemajusculeà« Blanc»et« Noir» (maisnon à«métis»ou «mulâtre»).Nousavonsdoncenlevédenotretextetoutemajusculeauxtermes«raciaux».Ellesontété laissées, cependant,lorsqu'elles apparaissent dans le matériau d'enquête lui-même (textes écrits de chansons,poèmes,affiches,articlesdejournaux,etc.),cequipermetd'endébanaliserl'usageetainside mieuxenpointerlesens. 2 Bloco : groupe carnavalesque organisé.Les termes luso-brésiliens et afro-brésiliens sont traduits dansleglossaire,p.237. 3 Certaines questions théoriques etméthodologiques posées parl'étudedu ritecarnavalesquesont traitéesdanslapostface,pp.225-236. étudié estbien tristementbanal.Moins banale est l'existence d'une scène dispo¬ nible pour les rituels,renouvelée chaque année,cinqjours durant : le carnaval. Personnen'estmaîtredel'ensembledujeuetilseraitnaïfdecroirequelecarna¬ valestl'ivressedespauvres.Sonsuccèstientaufaitquec'estl'ensembledelaso¬ ciété qui profite, chaque année, de cette possibilité de mise en scène : dénonciations du racisme,recherche des origines,présentation collective d'iden¬ tités,exaltation desparticularismes culturels.Le carnavaldevientalorsle théâtre desespropresclassements,scandésàBahiapartroistemps:lecarnavaldumatin (avec ses dérisions),de l'après-midi (ses métaphores) et de la nuit (avec ses in¬ ventions).Ilpermetunelecture « endouble» deshiérarchiessocio-raciales dela vieordinaireenmêmetempsqu'unelectureimmédiatedesesproprescréations. En un sens,pour reprendre les termes d'une ambivalence décrite par Michel de Certeau à propos de la culture populaire en général4, il contient à la fois un « espace polémologique » (celui qui se charge de la critique sociale) et un « espace utopique » (celui qui crée un autre possible « par définition miracu¬ leux»).Lamiseaujourdecettedoublecompétencedumondecarnavalesqueen¬ richit donc,je crois,la compréhension générale des rapports entre culture et politique. À parir de l'ethnographie du changement dans un contexte moderne,nous pourrons aborder un paradoxe qui,lui aussi,intéresse deprèsles débats en cours dans de nombreuses sociétés : celui dulien ambiguentrele mé¬ tissage et l'ethnicité politique. D'une part, il est important de comprendre comment,aujourd'hui,dans un univers social marqué par le métissage racial et culturel,peutnaîtreunmouvementidentitaire excluant,refermantapparemment les frontières raciales (mais sont-elles aussiouvertes qu'elles n'yparaissent?,de- vra-t-on s'interroger en retour).D'autre part,l'africanité mise en scène dans les rituelsetdanslarhétoriqueidentitairedunouveaucarnavaldeBahiacorrespond àcetypedemouvementquel'onqualifieparfois de « retouràl'ethnie».Or,sous cetteapparencedereplietdefermeture,c'esttoutuntravaild'inventionculturelle que l'on peut observer,ses références étant tout autant africaines etbahianaises quebrésiliennes et « globales ».C'est d'ailleurs parles réseaux urbains etplané¬ tairesdecommunication(messagesaudio-visuels,diffusiondesmodesmusicales, chorégraphiquesetvestimentaires,tourismeculturel,etc.) quedesimagesd'Afri¬ que reviennent et raniment sélectivement une vague mémoire de ce continent plusoumoinsrefouléedepuisquatre,cinqoudixgénérationsdansleslignéesfa¬ milialesdes noirsbrésiliens de Bahia.Il faut donc démystifierl'absoluidentitaire dont se réclament eux-mêmes les acteurs sociaux et rituels lorsqu'ils parlent de culture etd'origine.Etcelaaussinousprojettebienau-delàduseulcarnavalbré¬ silien.Ennousintéressantàlamiseenscènedesidentités,icietailleurs,nousdé¬ couvronslesprocédésmétis,lesassemblages,lesbricolagesetlesfusionsquisont àl'uvre danslacultureetquinousinforment,àleurtour,surl'étonnanteouver¬ ture dumondeprésent. Certeau,Michelde,L'inventionduquotidien[1980],Paris,Gallimard,1990. 10 Rêve de bonheur qui s'achèvele mercredi des cendres alors que la tristesse,elle, n'a pasdefin ;catharsis dequelques heurestroublesdans uneannéesansbrio... 11 ... Lecarnaval est aussi une scènecréant un double de laville, tout aussi réelqu'elle, mais plus permissif et ouvert aux révoltes et aux rites.

Description:
blanc du carnaval de Bahia de 1997 et à Gerson Lourenço, photographe une collection d'esprit antiraciste dont Alfred Métraux avait établi le
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