Promotion 2011 Année 2 Enseignement diversifié 1 MAT432 Analyse de Fourier, analyse spectrale et équations aux dérivées partielles Jean-Michel Bony, Yvan Martel Édition 2012 Introduction Ce cours a pour objectif de proposer une introduction à l’étude mathématique de certaines équations aux dérivées partielles en mettant en application les connaissances des élèves sur deux thèmes classiques de l’analyse : l’analyse hil- bertienne (notamment, la théorie spectrale des opérateurs bornés) et l’analyse de Fourier. Les concepts et techniques mathématiques utilisés dans ce cours inter- viennent de façon très importante dans d’autres disciplines, notamment en sciences physiques, mais ne représentent évidemment qu’une infime partie des mathématiques utilisées par les autres sciences. Ce polycopié reprend l’essentiel du texte de la version précédente du cours MAT432 de Jean-Michel Bony et Isabelle Gallagher, Analyse de Fourier et théorie spectrale. Toutefois, dans cette nouvelle version, certains chapitres ont été rajoutés et le plan a été modifié pour placer un accent plus important sur l’étude des équations aux dérivées partielles. Deux points majeurs de ce cours sont donc l’analyse de Fourier et l’étude des équations aux dérivées partielles. L’analyse de Fourier. —Lelecteurconnaîtdéjàbienlesséries de Fouriermais nous leur consacrons le Chapitre 3, notamment pour replacer leur étude dans le cadre naturel des fonctions périodiques de carré sommable sur une période et pour en donner des applications à quelques équations aux dérivées partielles linéaires. La transformation de Fourier, indissociable de la convolution, est étudiée au Chapitre 4, notamment dans le cadre des fonctions de carré sommable sur Rd.Unefonctionf àvaleurscomplexes,définiesurRd peutsousdeshypothèses assez générales, et en tout cas sans supposer aucune périodicité, se représenter sous la forme suivante Z f(x) = (2π)−d eix·ξfb(ξ)dξ, Rd 4 appelée formule d’inversion de Fourier, où la fonction fb, définie dans Rd, s’ap- pelle la transformée de Fourier de f et s’en déduit de manière analogue : Z fb(ξ) = e−ix·ξf(x)dx. Rd Lapremièredecesformulesexprimef commeunesuperposition,indexéeparξ, de fonctions particulièrement simples : les exponentielles imaginaires x → eix·ξ qui oscillent à la fréquence |ξ|, chacune d’elles étant affectée d’une amplitude (cid:12) (cid:12) (cid:12)fb(ξ)(cid:12), et d’une phase argfb(ξ). (cid:12) (cid:12) Cette représentation a créé une véritable révolution, que ce soit en mathé- matiques ou en physique, dans la manière de penser une fonction. La donnée de fb est exactement équivalente à celle de f — on dispose des formules ci- dessus pour déduire l’une de l’autre — mais l’information contenue dans f est analysée et recombinée de manière très différente pour former fb. Une grande (ou faible) valeur de f(x ) signifie que le phénomène physique décrit par f est 0 important (ou négligeable) en ce point. Une grande (ou faible) valeur de fb(ξ ) 0 signifie que la “fréquence” ξ contribue beaucoup (ou peu) pour reconstruire f. 0 Cette dualité entre analyse en amplitude et analyse en fréquence est d’une grande importance en physique comme en mathématiques. En mécanique quantique, les rôles joués par f et fbsont parfaitement symétriques. Dans l’ex- pression de lois physiques, ou dans les dispositifs expérimentaux, c’est tantôt f tantôt fbqui apparaît simplement. Pour une équation aux dérivées partielles linéaire à coefficients constants, la recherche de solutions du type x → eix·ξ est un calcul purement algébrique; rechercher d’autres solutions comme superpo- sition de celles-ci, c’est précisément rechercher fb, etc. Les équations aux dérivées partielles. — L’étude de ces équations constitue la partie la plus nouvelle de ce cours pour le lecteur. Nous avons choisi de traiter des équations aux dérivées partielles simples (la plupart sont linéaires) mais qui sont considérées comme universelles, c’est-à-dire qu’elles apparaissent dans de nombreux contextes différents en sciences physiques. On appelle équation aux dérivées partielles (EDP) une équation concernant une fonction inconnue u de plusieurs variables et impliquant plusieurs de ces dérivées partielles. Selon les cas, les variables indépendantes de la fonction inconnue u pourront être notées : – soit x = (x ,...,x ) ∈ Rd (ou un domaine de Rd), où d ≥ 1 est la 1 d dimension de l’espace; – soit (t,x), où t ∈ R représente le temps (ou parfois une variable d’espace qui doit être privilégiée) et x ∈ Rd (ou un domaine de Rd) est la variable d’espace. 5 Danslepremiercas,onaaffaireàuneéquation stationnaireetdansledeuxième cas à une équation d’évolution. Il est très rare que l’on cherche à obtenir toutes les solutions d’une équation — il y en a en général beaucoup trop — on cherche le plus souvent à obtenir une solution (si possible unique) satisfaisant à des conditions additionnelles. Lesétatsstationnairesdessystèmesphysiques,ouleurévolution,sontfréquem- ment régis par des équations aux dérivées partielles, mais la modélisation n’est complète que si on adjoint les autres conditions (initiales, à la frontière ...) auxquelles il sont soumis. Par exemple : (i) Pour des problèmes d’évolution, on cherche fréquemment à déterminer l’évolution du système connaissant son état à l’instant 0. La formulation ma- thématique correspondante est le problème de Cauchy : déterminer une solu- tion u(t,x) de l’équation aux dérivées partielles dont les valeurs u(0,x) sont imposées. (ii) Pour un problème stationnaire dans l’espace entier, on impose souvent soit des conditions à l’infini (on demandera ainsi que le potentiel électrosta- tique vérifie l’équation de Poisson et tende vers 0 à l’infini), soit la finitude de certaines normes (traduisant par exemple la finitude de l’énergie). (iii) Pour des problèmes stationnaires dans un domaine borné, on doit décrire le comportement physique du système à l’interface. Mathématiquement, cela conduira par exemple à imposer la valeur de la solution à la frontière, ou bien celle de sa dérivée normale (condition portant sur le flux). (iv) Pour un problème d’évolution dans un domaine borné, il faudra en gé- néral imposer à la fois des conditions à l’instant initial, et des conditions à la frontière. Détaillons maintenant le plan des Chapitres 1 à 7. Dans le Chapitre 1, nous abordons par des outils élémentaires l’équation de transport linéaire (la plus simple des EDP) ainsi que l’équation de Burgers, qui est la seule équation non linéaire étudiée dans ce cours. Le but de ce chapitre est surtout d’introduire quelques notions fondamentales liées aux EDP dans des cas simples où des calculs explicites sont possibles. Le Chapitre 2 est consacré aux équations de Laplace et Poisson, qui sont les EDP du second ordre les plus simples à écrire : ∆u = 0, −∆u = f . Un concept clé de ce chapitre est la notion de solution fondamentale. Le Chapitre 3, dédié aux séries de Fourier, contient aussi une application à l’équation de la chaleur linéaire périodique. 6 Le Chapitre4 est consacréà la transformation deFourieret à une introduc- tion aux espaces de Sobolev Hs qui sont bien adaptés à l’étude des solutions de certaines EDP. Au Chapitre 5, nous nous intéressons à des EDP du second ordre station- naires, par le biais de deux exemples types : à coefficients constants −∆u+u = f , à coefficients variables −∆u+u−c(x)u = f . La transformation de Fourier est bien adaptée à l’étude de phénomènes qui se produisent dans l’espace entier et qui sont invariants par translation : typique- ment, elle permet de résoudre la première équation. En revanche, pour une équation à coefficients variables, l’analyse de Fou- rier n’est plus directement utilisable. Dans une large mesure, c’est la théorie spectrale qui va prendre le relais. Pour les endomorphismes des espaces de dimension finie, la théorie spectrale est bien connue du lecteur : c’est essen- tiellement la recherche des valeurs propres et vecteurs propres. Comme cela a été vu pendant le cours de Tronc commun, en dimension infinie, certains aspects se généralisent tels quels, mais d’autres sont sensiblement modifiés. Un opérateur différentiel comme le Laplacien doit être pensé comme une ap- plication linéaire, qui à une fonction u fait correspondre ∆u. Il opère dans des espaces de fonctions qui sont de dimension infinie. La théorie spectrale de tels opérateurs différentiels est fondamentale dans l’étude des EDP linéaires ou non linéaires. Cependant, le Laplacien est un opérateur non borné et dans ce cours nous nous limitons essentiellement au cas des opérateurs bornés. Nous verrons dans la deuxième partie du Chapitre 5 comment réduire la résolution de l’équation −∆u+u−c(x)u = f à l’étude d’un problème spectral compact et à l’application de l’alternative de Fredholm présentée de façon abstraite dans l’Annexe A. Le Chapitre 6 illustre l’efficacité de la transformation de Fourier dans l’étude des équations d’évolution à coefficients constants sur Rd, notamment l’équation de la chaleur ∂ u−∆u = 0; t l’équation de Schrödinger i∂ u+∆u = 0; t l’équation des ondes ∂2u−∆u = 0. t Finalement,leChapitre7estdestinéàouvrird’autresperspectives,concer- nant des équations aux dérivées partielles posées sur des domaines bornés gé- néraux ou des équations d’évolution avec potentiel dont l’étude nécessite des 7 informations spectrales sur des opérateurs non bornés dont la théorie est seule- ment esquissée à la fin de l’Appendice A.6. Il faut savoir que l’étude des équations aux dérivées partielles et de leurs applications est un sujet très vaste et complexe qui occupe un grand nombre de mathématiciens professionnels dans le monde. Dans le cadre de ce cours, on peut regretter les limitations suivantes. D’une part, il n’est pas possible faute de temps d’enseigner aux élèves la théorie des distributions qui est pourtant d’unegrandeutilitédansl’étudedesEDP.Lelecteurintéressépourraconsulter lapartieducoursMAT431deFrançoisGolse[GO]consacréeàcettethéorie(ou [SC1], [SC2], [H-L]). D’autre part, étant limité par une gamme assez réduite de techniques mathématiques, ce cours n’aborde pas les EDP non linéaires (exceptée l’équation de Burgers au Chapitre 1). Finalement, nous ne donnons pas de façon systématique de dérivation de ces EDP à partir des lois de la physique (voir par exemple les chapitres consacrés aux EDP dans le polycopié [GO] ou [SC2]). Une partie du cours de deuxième année MAP431, Analyse Numérique et Optimisation, organisé par le département de mathématiques appliquées, a pour but d’enseigner quelques autres facettes de l’analyse mathématique d’EDP ainsi que des techniques de résolution numérique. LelecteurpourraaussiconsulterlecontenudescoursdeMaster1del’École Polytechnique relatifs à l’étude de plusieurs aspects de la théorie des équations aux dérivées partielles : MAT554 : Analyse non linéaire, MAT561 : Équation de Schrödinger non linéaire : des condensats de Bose Ein- stein aux supersolides, MAT567 : Transport et diffusion. Il nous reste à décrire le contenu des trois Appendices. Dans l’Appendice A, nous rappelons les bases de l’analyse hilbertienne, de l’analyse des opérateurs bornés et des opérateurs compacts sur les espaces de Hilbert. L’Appendice B consacré aux compléments d’intégration, est un rappel des principaux résultats relatifs à l’intégrale de Lebesgue vus en Tronc Commun de première année. Les Appendices A et B contiennent donc des prérequis d’analyse indispen- sables et leur connaissance est exigée à l’issue du cours. La théorie des fonctions d’une variable complexe est une très belle théorie mathématique, dont les interventions en physique sont nombreuses et variées. 8 CettethéorieaétéexposéeencoursdeTroncCommundepremièreannée,aussi avons-nous choisi d’en rappeller uniquement quelques aspects dans l’Appen- dice C, notamment le théorème des résidus qui est un outil de calcul important en analyse de Fourier. Notations Notations pour les variables (i) R? = {x ∈ R | x > 0}; + (ii) e désigne le j–ème vecteur de la base canonique de Rd; j (iii) Un élement x de Rd est noté x = (x ,...,x ); 1 d (iv) Pour a, b ∈ Rd, le produit scalaire de a et b est noté d X a·b = a b , j j j=1 √ (cid:16) (cid:17)1 et |a| = a·a = Pd a2 2 désigne la norme de a; j=1 j (v) Si Ω désigne un ouvert de Rd, sa frontière est notée ∂Ω; (vi) LabouleouvertedeRd decentrexetderayonr > 0estnotéeB (x,r) = Rd {y ∈ Rd | |y −x| < r} ou plus simplement B(x,r); (vii) ρ(d) est le volume de la boule unité de Rd; dρ(d) est la surface de la sphère unité ∂B (0,1) de Rd. Rd Notations pour les fonctions (i) Pour une fonction u : Rd → R ou C, on note u(x) = u(x ,...,x ). 1 d (ii) Lorsqu’une variable supplémentaire joue un rôle particulier (dans ce cours, généralement, la variable temps t), on considère des fonctions u : R×Rd → R ou C, et on note u(t,x) = u(t,x ,...,x ). 1 d (iii) Le produit de convolution de deux fonctions u, v : Rd → R ou C est noté Z (u?v)(y) = u(x−y)v(y)dy. Rd (iv) La transformée de Fourier de f est notée fbou F(f) et désigne Z fb(ξ) = e−ix·ξf(x)dx. Rd 10 Avec cette normalisation, F(f?g) = fbg, F(f g) = (2π)−dfb?g. b b Voir aussi le formulaire Section 4.4. (v) Unesous-suite(ousuiteextraite)d’unesuite(u )pourraêtrenotée(u ) n n k ou (u ), où ϕ : N → N est strictement croissante. ϕ(n) Notations pour les dérivées (i) Pour une fonction u : Rd → R ou C, la dérivée partielle de u par rapport à la variable x au point x est (pourvu que cette limite existe) j ∂u u(x+he )−u(x) j (x) = lim ; ∂xj h→0 h Les notations équivalentes suivantes pourront être utilisées ∂u = ∂ u = u ; ∂x xj xj j (ii) De même, ∂2u = ∂ ∂ u = u . ∂x ∂x xj xk xj,xk j k (iii) Le gradient d’une fonction à valeurs scalaires u : Rd → R ou C est noté ∇u = (∂ u,...,∂ u) ; x1 xd (iv) Le Laplacien de u : Rd → R ou C est noté d ∆u = X∂2 u ; xj j=1 (v) Notation multi-indice : un vecteur α = (α ,...,α ) de Nd est appelé un 1 d multi-indice, d’ordre |α| = Pd α . j=1 j On note alors ∂|α|u ∂αu = = ∂α1...∂αdu . ∂xα1...∂xαd x1 xd 1 d
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