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Ana Loubia. Ethnographie des homosexualités masculines à Casablanca. PDF

226 Pages·2018·1.447 MB·French
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« Ana Loubia » Ethnographie des homosexualités masculines à Casablanca Comité éditorial de la collection Sociétés et politique en Méditerranée Aïssa Kadri, Delphine Perrin, Hocine Zeghbib Éditions du Croquant 20 route d’Héricy 77870 VULAINES SUR SEINE www.editionsducroquant.org [email protected] Diffusion-distribution : CDE-SODIS © Éditions du Croquant, avril 2018 ISBN : 9782365121576 Marien Gouyon « Ana Loubia » Ethnographie des homosexualités masculines à Casablanca Collection Sociétés et politique en Méditerranée éditions du croquant Remerciements Ce travail est avant le tout le fruit de rencontres au Maroc, à Casablanca. Merci à ces jeunes hommes qui m’ont offert leur confiance, leur temps, leurs espoirs et leurs craintes. Merci à eux, ils ont été, en l’espace de trois ans, une source de questionnement et de remises en question. Plus que cela, ils ont participé à mon bien-être et à mes déséquilibres dans la ville de Casablanca, ils m’ont aidé à me construire une existence dans cette ville sinueuse. Je dédie ce livre à Mourad qui n’est plus là pour me donner son avis. Ce travail lui doit beaucoup. Je remercie également sa mère, Hasna, pour le temps passé à comprendre l’homosexualité de son fils. Ce travail est également le résultat de discussions enrichis- santes avec Chadia Arab, Nasima Moujoud, Magdalena Brand, Salima Amari, Julie Abbou, Sophie Gallinot, Perrine Lachenal. Je remercie les Éditions du Croquant et tout particulière- ment Aïssa Kadri sans qui mon travail n’aurait pas été édité. Enfin, je suis reconnaissant à Marie-Noëlle pour son temps, ses relec- tures et son soutien. 7 Préface Aïssa Kadri Informés sur la longue tradition d’accueil d’homosexuels et de lesbiennes, par une célèbre confrérie au Maroc, celle de Sidi Ali Ben Hamdouche proche de Meknès, nombre d’Occiden- taux, assurés qu’en pays d’Islam, l’homosexualité est le stigmate ultime, le plus infamant, ne peuvent croire à ce fait de tolérance et d’ouverture vers des catégories sociales, que beaucoup d’entre eux ont encore du mal à accepter dans leurs propres pays. C’est qu’en Occident et plus particulièrement en France dans les années 1970 « comme dans l’orientalisme sexuel des époques précédentes », note Todd Shepard dans Mâle Décolonisation1, le lien entre Arabes et homosexualités « allait de soi » […] les explications de ce lien poursuit-il, pouvaient varier, mais ils reposaient presque toujours sur des attributs jugés inhérents aux Arabes – de la perversion à l’ouverture d’esprit, de l’absence de culpabilité aux appétits incon- trôlables – plutôt que sur des questions de contexte historique ». Nombre de ces analyses renvoient ces caractéristiques à l’ata- visme de sociétés qui seraient hors de l’histoire, et « l’invention de l’homosexualité, s’affirme comme la figure de la modernité », comme le passage obligé du discours démocratique. Essentia- lisme, dénoncé comme ethnocentrisme occidental qui envisage « l’appréhension du monde selon ses propres normes, soit par conséquent sous la forme d’une “libération” et d’un “progrès”, et un pas vers l’universalisation » selon Joseph Massad s’inscrivant dans les pas d’Edward Said dans sa critique de l’orientalisme. Si en effet les États post-indépendances, et le royaume du Maroc en premier lieu, ont inscrit l’homosexualité comme délit, puni de peines d’emprisonnement et d’amendes, les rapports à la sexualité dans les pays d’islam ont été historiquement divers 1. Todd Shepard, Mâle décolonisation. L’« homme arabe» et la France, de l’indépen- dance algérienne à la révolution iranienne, Paris, Payot, coll. Bibliothèque histo- rique Payot, 2017. 8 ana loubia et variés, chantés ou refoulés, acceptés dans le sous-entendu et contraints socialement, réprimés dans l’espace public ou stigma- tisés et punis. Dans les pays du Maghreb où l’islam confrérique populaire reste prégnant, en dépit d’un ré-aggiornamento reli- gieux à fondement salafiste et takfiriste conjugué à une répres- sion d’État, la vie sociale des sociétés profondes manifeste tout de même une certaine continuité historique, dans les rapports sociaux et les représentations qui configurent les pratiques sexuelles. En dépit d’un revivalisme du conservatisme porté par les nouveau gardiens du temple dont les États indépendants ont été des vecteurs principaux qui a tendance à modifier le regard comme les pratiques, cette continuité historique faite de compro- mis et d’acceptation tacite dans la vie quotidienne, définissant un modus vivendi dans le vivre ensemble, reste encore prégnante. À cet égard on peut observer en effet, jusqu’à aujourd’hui dans les espaces publics des pays du Maghreb, des hommes qui déam- bulent en se tenant par la main, se font des caresses, voire s’em- brassent sans que cela choque autrement les passants. Le fond anthropologique maghrébin est riche de situations, de faits, de pratiques, de narrations où les rapports d’homophilie (comme attirance équivoque, ambiguë vers les personnes de même sexe) relèvent de sociabilités largement acceptées historiquement. Dans les sociétés maghrébines, nombre d’anthropologues et d’histo- riens témoignent de socialisations liés aux pratiques initiatiques et/ou éducatives orientées vers l’homosexualité. Les poésies issues autant du patrimoine oriental ( Abu Nuwas, Khayam) que celui populaire du Maghreb ( Si Mohand, les Isefras) célèbrent les pratiques bachiques, érotiques, et homosexuelles. C’est cette continuité de sociabilités et de pratiques que la recherche de Marien Gouyon retrouve dans le détail ethnogra- phique de ses enquêtes de terrain au plus près des populations et des groupes. C’est dans les lieux et espaces urbains de la ville en recomposition que cette continuité se donne à voir. L’auteur a choisi la métropole casablancaise pour montrer la labilité des constructions identitaires homosexuelles, comment celles-ci se configurent, comment elles s’adaptent aux espaces de la ville dans la « stigmatisation » des milieux populaires et l’émergence Préface 9 de nouvelles formes d’identités de classe moyenne en affirmation, influencées par les transformations dans les représentations et les pratiques des rapports sociaux de sexe en Occident. L’auteur s’attache alors à analyser comment est appropriée la Toile par les individus et les groupes en recherche d’identifi- cations, comment les réseaux sociaux sont mobilisés, dans ces logiques d’affirmation. Il montre comment dans le même temps que s’affirme l’individu, qui joue avec, autant les règles sociales que celles propres aux réseaux sociaux, se construit une commu- nauté des références d’identifications communes. Il va cependant au-delà de la saisie de cet espace public virtuel, comme espace social d’expression des homosexualités au Maroc, il en décrit les transformations vers un espace de résis- tances et d’affirmation politique. Focalisant sur deux associations l’une axée sur la recherche de droits (KifKif) ; la seconde davan- tage informelle et socialisatrice (le forum de Toufiq, GayMaroc) Il se propose d’analyser les rapports de pouvoir à l’œuvre dans la prise en charge des homosexualités en présence sur le terrain. À partir d’une riche enquête d’observation participante, il restitue dans le détail ethnographique les modalités de la mobi- lisation qui témoignent de la difficulté de conjuguer affirmation identitaire et combat politique. L’interpénétration de la reven- dication homosexuelle et celle de la revendication politique procède d’une impasse, d’un enfermement identitaire observe- t-il et requestionne ainsi sur la définition du militantisme et des mouvements sociaux dans le contexte. Il en donne une illustration à travers l’observation de pratiques nouvelles comme celles qui se mettent en place sur le site Toufiq qui s’est transformé à plusieurs reprises, pratiques manifestant un travail de socialisation par le bas, prenant en compte les intérêts réels du monde homosexuel. Pointant une « fragmentation identitaire » du mouvement homo- sexuel, il appelle à repenser de nouvelles formes d’action « pour envisager les résistances à l’œuvre dans les constructions identi- taires des homosexualités en présence ». L’auteur alors s’engage à travers des entretiens approfondis réitérés et de l’observation participante à montrer à partir de cas précis comment se construisent et s’affirment certaines identités homosexuelles. Il le fait à partir de parcours-types, d’itinéraires 10 ana loubia appréhendés comme la construction de « scripts sexuels » envisa- geant la sexualité comme un apprentissage social et/ou culturel. Prenant en compte le caractère dynamique et réflexif des processus identitaires, il ouvre une réflexion sur la circulation des références identitaires et montre comment l’accès aux références identitaires majoritaires est façonné par d’autres frontières plus contraignantes comme celles de classes sociales, de religion ou encore de violence, C’est, relève-t-il, à travers ce processus que se réinterprète ou se revendique une histoire. En référence à d’autres travaux qu’il a entamés sur l’émigration, l’auteur montre que le départ lié à l’homosexualité est à mettre en rapport avec une rupture biographique dans l’expérience sociale de l’individu. « L’objet du départ, écrit-il, n’est pas l’homosexualité en tant que telle, mais une impossibilité physique ou mentale de vivre cette sexualité à titre personnel ». Il pointe à cet égard les ambiguïtés des interférences des ONG et celle plus largement de l’internatio- nalisation des luttes locales homosexuelles. Introduisant la dimension des effets d’une plus grande circulation des hommes et des idées dans le contexte d’une mondialisation «  inégale », à dominante, dans une perspective comparatiste, l’ouvrage ouvre sur des questions tout à fait stimu- lantes mettant en avant l’opposition entre ce qui serait une « épis- témologie sexuelle occidentale » qui s’impose de manière hégé- monique (par la colonisation et l’impérialisme culturel) et une « épistémologie sexuelle arabe » spécifique, qui en subit les effets et réinterroge le langage et les représentations en cours dans la société profonde. « La sexualité étant un processus social », il ne s’agit plus ici de l’autonomiser, mais de la référer aux rela- tions sociales et pratiques sociales contextualisées. Ainsi l’auteur discute-t-il les mots du langage quotidien de désignation, d’éti- quetage ou de présentation de soi, en usage au Maroc à propos de la construction identitaire homosexuelle, et ceci par compara- tisme, à l’épreuve des mots équivalents ou analogiques en usage en Occident. Prenant au mot les catégories locales, il montre comment la désignation de l’homosexuel s’inscrit dans une historicité des représentations de la masculinité et de la féminité dans la société marocaine. Ainsi en est-il du terme zamel dont l’équivalent pour-

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