Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Québec par l’entremise de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour nos activités d’édition. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fond du livre du Canada pour nos activités d’édition. PERRO ÉDITEUR Shawinigan (Québec) www.perroediteur.com Couverture : Frédéric Corneau Infographie : Vanessa Vallières Révision : Vanessa Vallières Dépôts légaux : 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISBN Epub : 978-2-923995-43-4 ISBN PDF : 978-2-924637-43-2 © Perro Éditeur, Bryan Perro, 2019 Tous droits réservés pour tous pays Imprimé au Canada BRYAN PERRO LE SANCTUAIRE DES BRAVES DEUXIÈME PARTIE I Lolya, Aylol et Hermine Depuis de longues semaines, les cris déchi- rants d’une jeune fille enfermée dans les caves faisaient trembler le château de Berrion. La pri- sonnière hurlait jour et nuit afin qu’on la libère. Agressive, vindicative et enragée, elle réclamait la tête d’Amos Daragon et la torture pour ses compagnons d’aventure. Insensible aux drogues soporifiques, aux menaces des gardes et aux ulti- matums lancés par le seigneur Junos, la captive continuait à hurler de sa voix stridente des insultes au monde entier. En plus d’être déran- geante, elle était parfois carrément vulgaire. Rien ne semblait pouvoir la faire taire. Cette jeune fille n’était nulle autre que Lolya qui, après avoir été capturée par Béorf dans la forêt des elfes noirs et ramenée à Berrion, agissait de façon incohérente et grotesque. Par trois fois, elle avait essayé de mordre Junos pour se nourrir de son sang et, non contente de cet affront, elle 5 avait tout démoli dans la salle du trône par frustration. Toujours en garde à vue, Lolya n’avait qu’une idée en tête : s’enfuir dans la ville pour terroriser les habitants. Exigeant qu’on la laisse libre, elle insultait son amie Médousa dès qu’elle le pouvait et se moquait de Béorf comme s’il était le dernier des imbéciles. Comme il était impos- sible de lui faire entendre raison, elle avait été condamnée par Junos à un court séjour de prison qui s’était rapidement muté en une détention définitive. Depuis, elle s’époumonait en hurle- ments. Lolya avait été visitée par les plus grands spécialistes des troubles mentaux du royaume. Chacun d’eux l’avait attentivement observée et leurs conclusions variaient toutes d’une sommité à l’autre. Pour l’un, c’était un cas classique de possession par un esprit vilain et pour un autre, il s’agissait simplement d’un déséquilibre dans les humeurs de la patiente. Il y eut des dizaines de diagnostics suggérant comme traitement une diète sans viande rouge, une saignée au niveau de la tête pour y faire sortir la pression ou une im- mersion dans des bains de glace afin de geler ses mauvaises préméditations. Quelqu’un proposa même de lui faire manger des charbons ardents afin de lui brûler définitivement la langue et la voix. Cela ne règlerait pas le problème mais, au moins, on ne l’entendrait plus crier. 6 Devant cette situation délicate, Amos, Béorf et Médousa ne savaient pas quoi faire. Plongés dans la construction du Sanctuaire des Braves, ils essayaient de la visiter, mais Lolya refusait à tout coup de les voir. Il faut dire qu’Amos ne se portait lui-même pas très bien. Depuis la mort de Sartigan et la perte de ses masques, il n’était plus le jeune héros d’autrefois. Son enthousiasme à plat, il se couchait tôt et ne se levait qu’après midi. Pensif, désordonné et souvent dans la lune, il était constamment fatigué et ne semblait pas être en mesure de récupérer ses forces. Amos gardait à l’intérieur de lui une immense tristesse pour ce qu’il appelait ses trois échecs : la perte de ses masques, la mort de son maître et l’état de Lolya. Lui qui aimait tant les plaisirs simples de la vie, il refusait maintenant d’aller à la pêche avec Béorf, d’aider le roi Junos à la cuisine du château ou de prendre le thé avec Frilla, sa mère bien-aimée. Amos faisait des cauchemars où il ressentait chaque fois le poids accablant de son inutilité. Sans comprendre pourquoi, il avait régulière- ment la gorge serrée, respirait difficilement, souffrait maux de ventre, mais surtout, il avait dans le creux de son âme un sentiment d’oppres- sion. Son attention et sa mémoire n’étaient plus ce qu’elles avaient été, il lui arrivait réguliè- rement de chercher ses mots et son sens de l’humour avait disparu. 7 Au quotidien, Amos avait plus l’allure d’un navire sombrant peu à peu dans la tempête qu’un jeune maître avec l’avenir devant lui. En fait, sans ses pouvoirs, Amos n’était ni plus ni moins qu’un jeune homme ordinaire, sans aucun intérêt parti- culier. Enfin, c’est ce qu’il se répétait chaque matin en ouvrant les yeux. Amos oubliait cepen- dant que, avant d’avoir son tout premier masque, il était déjà un garçon exceptionnel doté d’une intelligence hors du commun. Un matin, alors qu’il se sentait un peu mieux et qu’il avait envie de revoir sa copine, Amos marcha jusqu’au quartier des geôles afin de visiter Lolya. – Ouvrez la porte. ordonna Amos Daragon aux gardes de la prison. J’aimerais la voir… – Tout de suite, mon bon prince, mais faites bien attention ! l’avertit l’un d’eux. Même en- chaînée au mur de pierre, elle est forte et rapide. La dernière fois que je suis entré, elle a tenté de me mordre et m’a ensuite craché dessus. Je vous jure, Maître Amos, ce n’est pas de la tarte, cette petite ! – Oui, je la connais bien… C’est mon amie Lolya, répondit calmement Amos. Ne vous en faites pas. Je suis capable de me défendre. J’espère simplement qu’elle me reconnaîtra et que nous pourrons parler tous les deux. 8 – J’espère aussi pour vous ! fit le garde. Mais quand vous dites, euh… copine, c’est copine ou petite amie que vous voulez dire ? Amos hésita avant de répondre. Il savait bien que leur amitié avait évolué pour se transformer en un amour sincère, mais il lui apparut que tout cela était maintenant une histoire ancienne. Sans ses pouvoirs, Amos estimait qu’il ne valait plus rien aux yeux de Lolya et que, avec sa beauté, elle pourrait facilement se trouver un autre amou- reux plus intéressant que lui. Le prince de Berrion n’avait plus rien à offrir, sinon une vie rangée dans un château et quelques jolies robes. Rien de très intéressant pour une nécromancienne en mal d’aventures. – Non, mentit Amos. Il s’agit uniquement d’une amie… une bonne amie qui m’a accompa- gné dans plusieurs de mes quêtes. – Oui, c’est bien ce que je me disais aussi ! Je n’aurais pas aimé la voir sur le trône à côté de vous, celle-là. Une vraie démente ! Allez, bonne chance ! Je referme derrière vous… Si vous avez un problème, ne vous gênez pas. Mon compa- gnon et moi irons rapidement vous chercher. Nous sommes bien armés. – C’est gentil. J’apprécie. conclut Amos en pénétrant dans la prison. Dès qu’il fut entré, le porteur de masques sur- sauta devant le lamentable spectacle q u’offrait 9
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