Amener les élèves de cycle 3 à écrire dans d’autres disciplines que le français, notamment en histoire, géographie et en sciences. Le bilan du dernier projet d’école a permis de montrer qu’un accent devait être mis sur la maîtrise de langue écrite et la gestion de la diversité des élèves. Forte de ce constat, l’équipe enseignante a décidé de développer sur des pratiques de classe qui permettraient aux élèves d’écrire régulièrement et ce dans toutes les disciplines. Rappelons que les IO nous invitent à inclure dans toute séance, à côté des composantes « lire, dire » une composante « écrire » afin d’y construire avec les élèves du début du cycle 3, une compétence bien spécifique : « pouvoir écrire de manière autonome un texte d’au moins cinq lignes (narratif ou explicatif) répondant à des consignes claires, en gérant correctement les problèmes de syntaxe et de lexique. » 1 Cette compétence fera l’objet d’activités transversales à mettre en place pour l’entrée en 6ème et s’appuiera sur l’ensemble des disciplines enseignées à l’école. Par conséquent, comme le préconisent les programmes de 2002, les élèves pourront alors s’exercer à « rédiger, à partir d’une liste ordonnée d’information, un texte à dominante narrative, explicative, descriptive ou injonctive, seul ou à plusieurs, dans le cadre d’un projet d’écriture relevant de l’un des grands domaines disciplinaires du cycle 3, à partir des outils élaborés par la classe2. » Les élèves écrivent peu et ont du mal à écrire faute de pratique : ils ne sont généralement pas suffisamment sollicités Pour changer cela, il faut les faire écrire souvent, de manière variée, dans des contextes favorables, même des écrits courts, en multipliant les occasions d’une expérience positive de l’écriture pour accompagner tous les formes de travail. Il s’agit de les amener à « penser le stylo à la main »3 et de modifier leur rapport à l’écrit. Ainsi les élèves font l’expérience de l’écriture en tant que moyen de communication ou de mémorisation mais aussi en tant qu’outil psychique qui permet un travail intellectuel spécifique. Ecrire, c’est s’orienter vers un destinataire absent et mieux expliciter, ce qui impose de hiérarchiser, condenser ou développer sa pensée4. Au cycle 3, les élèves devraient être amenés à écrire au moins une heure par jour. A côté des activités de production d’écrits en littérature ou de copie de leçons consignées dans le cahier ou classeur personnel de l’élève, il existe d’autres 1 Documents d’accompagnements des programmes (2002), lire et écrire au cycle 3, Scérén, CNDP. 2 Documents d’accompagnements des programmes (2002), lire et écrire au cycle 3, Scérén, CNDP. 3 Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton, « Aider les élèves de ZEP à développer des pratiques d’écriture proprement « scolaires » », XYZep n°10. 4 Dominique Bucheton, et Jean Charles Chabanne, « Valoriser des états intermédiaires de la pensée et de la création ». http://www.bienlire.education.fr/02-atelier/fiche.asp?theme=1100&id=130. 1/18 Mise en ligne (12/10/2007) travaux d’écriture qui permettent aux élèves d’apprendre et de structurer progressivement ce qu’ils ont retenu d’une séance disciplinaire. Ce sont ces écrits pour penser que nous avons cherchés à développer au quotidien dans divers champs disciplinaires, au sein de notre école. 1. Un exemple en histoire/géographie : (cid:120) La démarche Durant les séances d’histoire et de géographie, les élèves sont invités5s individuellement à prendre des notes sur tout ce qui a donné lieu à un travail de recherche à partir des documents, des cartes ou des tableaux. Ces notes peuvent prendre la forme, d’un mot, d’un dessin, d’un schéma, d’une date …, toutes ces traces représentant des formes d’écrits. Je me sers également du tableau pour structurer mes séances et y inscrire les mots clés importants (dates, événements, groupes et personnages historiques). 5 à 10 minutes avant la fin d’une séance de 45 minutes, je demande aux élèves d’écrire sur une feuille, ce qu’ils ont retenu de la séance en se servant de leurs notes et des annotations du tableau. (Voir exemples de prises de notes documents 1 et 2) La consigne écrite au tableau est la suivante : « Qu’as- tu appris durant la séance (histoire ou géographie) ? Je vise alors plusieurs objectifs langagiers et linguistiques : - Leur capacité à utiliser l’écrit pour élaborer une pensée et non seulement pour restituer. - Leur capacité à mettre en mots ce qu’ils ont appris et compris à l’issue de la séance. Ce qui se combine sur le plan de la langue avec la capacité à construire des phrases cohérentes permettant à la personne qui les lira de les comprendre. - leur capacité à réutiliser un vocabulaire spécifique dans un contexte précis. - Leur capacité à hiérarchiser leur pensée de manière à ne retenir de la séance que l’essentiel. Les copies (document 3) sont ramassées et analysées. Je corrige essentiellement les fautes d’orthographe, indique les erreurs notionnelles, sans les corriger réellement. L’analyse de ces écrits me permet de me rendre compte de ce qui a été compris par mes élèves, des points, notions, concepts sur lesquels je dois revenir lors de la séance suivante. J’infléchis le travail en fonction des indices que j’ai prélevés dans ces écrits. Les copies sont ensuite redonnées aux élèves qui doivent alors se servir des annotations, des remarques pour améliorer, voir même préciser davantage leur pensée. Il s’agit d’un véritable travail d’entraînement à la production d’écrits 5 Pour les élèves en difficultés, la prise de notes peut se faire en binôme hétérogène ou homogène. 2/18 Mise en ligne (12/10/2007) puisque toutes sortes d’aides sont permises (l’aide de l’enseignante, d’un pair, dictionnaire, cartes, graphiques, livres documentaires …) Ce travail de reformulation peut se faire individuellement ou en binôme. Il s’agit de mettre en forme un écrit intermédiaire qui permettra lors de la phase ou de la séance suivante de procéder à l’élaboration de la synthèse collective sous la forme de la dictée à l’adulte. (document 4) Cette dernière contient tout le savoir institutionnalisé par l’ensemble de la classe et donnera lieu au savoir à apprendre. Elle est recopiée par chacun des élèves sur une feuille de classeur indépendante6 pour qu’elle ne se mélange pas avec l’ensemble des écrits qui a donné lieu à la conception de cette synthèse finale. Les écrits intermédiaires sont ensuite rangés dans une pochette en plastique (type blister) sous une rubrique « travaux de recherche » à côté d’autres documents relatifs à l’unité d’apprentissage travaillée. La trace écrite institutionnalisée est placée en face de la pochette « travaux de recherche ». C’est cette trace écrite devra être apprise par l’ensemble des élèves. (cid:120) Mise en œuvre de la prise de notes au cycle 3 : La prise de notes n’est pas du tout une activité aisée pour les élèves. Il s’agit d’un usage de l’écriture difficile car très éloigné de leurs habitudes et de leurs représentations, surtout s’ils n’y sont pas habitués et si par ailleurs on ne leur a pas expliqué en quoi cela consiste (documents 5, 6 et 7). Lors des premières séances d’histoire ou de géographie, à l’issu de chaque travail de recherche ou d’analyse de documents, je m’arrêtais et demandais systématiquement aux élèves de m’indiquer ce qui était important de retenir. Je notais au tableau leurs réponses : une première structuration de leurs réponses était alors faite sous la forme de phrases courtes. Je leur expliquais par la suite que ces informations inscrites au tableau pouvaient faire l’objet de notes et voir même d’aide pour la construction d’une synthèse et qu’à l’avenir, quand je leur demanderais de prendre des notes dans différentes matières, celles-ci devraient ressembler aux annotations du tableau. Je me suis très vite aperçue que le travail d’écriture que je leur demandais d’effectuer seul ou en binôme en fin de séance, ne se réduisait qu’à recopier ce qui était écrit au tableau. Cette activité ne permettait donc pas d’atteindre les objectifs que je m’étais assigné. Certes, on retrouvait dans leurs copies des phrases plutôt bien construites (pour ceux qui maîtrisaient parfaitement l’art de la copie) mais ces phrases n’étaient pas le reflet de leur propre travail. J’ai donc décidé pour les séances suivantes de n’inscrire au tableau que les mots, dates et personnages clés des séances du jour, sans les inclure dans des phrases 6 Il est possible d’utiliser une feuille de classeur de couleur pour la distinguer des feuilles de classeur utilisées pour la prise de notes. 3/18 Mise en ligne (12/10/2007) parfaitement construites et structurées. Il m’arrivait parfois également d’y mélanger des informations anecdotiques pour voir si les élèves les jugeraient importantes pour leurs apprentissages. L’exercice consistant à demander aux élèves d’écrire en quelques lignes (cinq lignes maximum) ce qu’ils ont retenu de la séance d’histoire ou de géographie permet à l’enseignant de se rendre compte des obstacles rencontrés par les élèves, et notamment de leur difficulté à hiérarchiser les informations et à généraliser : beaucoup s’arrêtent aux anecdotes (voir ce qu’ont retenu Nejma et Ibtissem sur les migrations barbares en histoire. (Documents 1 et 2)). Ces anecdotes leur parlent et sont beaucoup plus appréhendables … Pour surmonter ce problème, il est possible d’encadrer la question de départ « Qu’as-tu appris durant la séance » par deux ou trois autres petites questions. Puis d’indiquer aux élèves que le contenu de leurs écrits devra donner une réponse à ces questions. (cid:120) Bilan Outre l’intérêt de ces démarches pour que les élèves s’approprient l’écriture comme outil de pensée et se mobilisent parce qu’ils sont personnellement sollicités, elles modifient aussi la façon dont l’enseignant organise les apprentissages. Il est plus attentif aux réactions et aux difficultés des élèves, il est dans le réajustement pour tenir compte de celles-ci au fur et à mesure de l’avancée du cours. En multipliant les dispositifs qui amènent les élèves à écrire quotidiennement, l’enseignant ne vise pas un travail spécifique autour des différents types de texte - ce travail s’effectuera de façon plus systématique au collège - mais désire les confronter à un véritable travail intellectuel du développement de la pensée et du discours. Armelle Hounkanrin, IMF 2. Un exemple en sciences (cid:120) La démarche Le travail d’écriture en sciences s’effectue d’une manière différente. Lors des séances de sciences menées avec la classe de CM1, les moments d’écriture visent deux objectifs principaux, l’un, directement lié aux apprentissages scientifiques puisqu’ils interviennent comme un moyen de structurer la pensée de l’élève par la démarche scientifique ; l’autre, plus transversal si l’on considère l’ensemble des compétences requises pour parvenir à de tels écrits. A travers ces objectifs on peut faire découvrir aux élèves deux fonctions de l’écriture en sciences : - Dans un premier temps, amener l'élève à adopter une attitude de scientifique dans une situation de recherche, de réflexion, écrire pour 4/18 Mise en ligne (12/10/2007) lui. - Dans un second temps, lui permettre de mettre en mots sa démarche expérimentale afin de pouvoir la transmettre, écrire pour communiquer aux autres. (cid:120) Objectif 1 : C’est l'objet de la toute première séquence de l’année scolaire qui porte sur «l'air». L’objectif d’apprentissage à long terme de cette séquence, au-delà des apprentissages scientifiques spécifiques sur l’air, est de construire avec les élèves un outil pouvant servir de trame à toute démarche expérimentale, il s’agit de tout ce qui concerne «l’expérimental». Séance 1 : l'enseignante pose une question : «Comment récupérer l'air qui est dans le sac? » La démarche est d’abord collective, les élèves émettent des hypothèses qui sont notées par l’enseignante. Séance 2 : en groupes, les élèves vont maintenant devoir écrire. Leur travail consiste d’abord à faire un choix : quelle hypothèse retenir? Puis, ils doivent proposer une expérience permettant de vérifier cette hypothèse. Un lien est donc établi d’emblée entre l’action (réalisation de l’expérience) et l’écriture (abstraction, difficulté d’organisation de la pensée). Des contraintes d’écriture guident les élèves : il faut faire un schéma légendé accompagné d’un texte explicatif qui relate de manière chronologique chaque étape de l’expérience. Séance 3 : mise en commun orale et collective. C'est le moment propice aux remarques et aux questions ; chaque groupe vient exposer oralement son travail. La trace écrite sert de support pour ceux qui s’expriment (pour ne rien oublier et pour suivre la chronologie des étapes de la réflexion et de l’expérience) et également pour ceux qui écoutent puisqu’ils peuvent vérifier la cohérence entre l’exposé oral et le compte rendu écrit. Les élèves observateurs sont invités à prendre des notes et à faire des remarques ou poser des questions seulement à l’issue de l’exposé de leurs camarades. Ces remarques et questions sont notées par l’enseignante afin de préciser les contraintes d’écriture lors de nouvelles productions, elles viennent aussi alimenter un débat collectif. Ainsi les élèves prennent conscience des lacunes de leur travail d'écriture ; ils se rendent compte aussi de l'importance de l'écrit comme «mémoire» du travail réalisé, ils perçoivent le décalage entre l'action réalisée et ce qui en est relaté, il y a des manques, on a du mal à comprendre. À l’issue de cette séance, les élèves sont confrontés à la rigueur nécessaire pour écrire un compte rendu d’expérience. Un problème se pose à eux. 5/18 Mise en ligne (12/10/2007) C’est le moment pour l’enseignante d’introduire l’outil qui sera la base de toute démarche expérimentale menée par la suite, le protocole expérimental : 1. question de départ 2. hypothèses 3. expérience : schéma légendé, texte expliquant le déroulement chronologique 4. observations 5. conclusion (cid:120) Objectif 2 : Il s’agit d’utiliser le protocole comme outil servant de trame dans toute démarche scientifique, chaque fois qu'une question est posée. Systématiquement, les élèves sont amenés à mettre en mots leurs hypothèses, leur réflexion, leurs actions, leurs conclusions. Ces écrits sont toujours réalisés en groupes, avec des variantes : tantôt les hypothèses et la conclusion sont rédigées par le groupe, tantôt elles le sont collectivement, après observation. Les difficultés sont généralement liées au rapport entre la réflexion, l’action et la mise en mots. Le passage d’une modalité de travail centrée sur la gestion matérielle de l’expérience à un mode de travail écrit distancé a souvent pour conséquence de déstabiliser les élèves : ils ont du mal à mobiliser leur réflexion sur les observations et il faut parfois les recentrer sur la question scientifique. Ce travail est au début très éprouvant pour eux, il a fallu privilégier, dans un premier temps, un aspect précis de la démarche. Le choix a porté sur le compte rendu du déroulement de l’expérience, qui est la partie la plus longue. Les élèves ont eu du mal au départ à tenir compte de la question initiale pour guider leur travail d’écriture. En effet, ils sont très impliqués dans la réalisation active des expériences et se laissent submerger par leurs découvertes, par l’action. Même les observations manquent parfois de précision. Mais un ajustement en cours d’écriture a permis de les recentrer sur l’objet du travail et de prendre de la distance par rapport à l’action. L’enseignante est passée dans chaque groupe à chaque étape du travail et a mené avec les élèves un questionnement ayant pour but de rappeler l’objet de l’activité (c’est un écrit scientifique, il s’agit de rendre compte de toutes vos actions et vos observations, il faut être très précis, quelle est la question que l’on se pose ? Y répondez-vous ? Qu’avez-vous observé ? Les étapes sont-elles bien chronologiquement rapportés ?). Cette aide a permis aux élèves de ne pas sortir du contexte scientifique, de se souvenir du protocole pour guider l’écriture de leur comte rendu et de ne pas oublier des étapes. (2 exemples de production d’élèves : documents 8 et 9) Pour ce qui est de la conclusion, même si une phrase était toujours demandée, elle n’a répondu pas aux attentes que l’on peut avoir concernant un écrit scientifique. 6/18 Mise en ligne (12/10/2007) Cela vient sans doute du fait que les élèves ont du mal à admettre que leur hypothèse puisse être erronée ; ils s’appuient encore souvent sur leurs représentations et leur savoir initial. Cela les empêche parfois de prendre conscience du décalage entre leur proposition d’expérience, ce qu’ils écrivent et observent. C’est par la confrontation de leur propre travail avec celui de leurs camarades et grâce aux remarques des autres que les élèves vont peu à peu affiner leur réflexion scientifique et améliorer leurs productions écrites. La phase orale joue un rôle essentiel dans cette prise de conscience puisqu’elle permet aux élèves d’évaluer leur production. (cid:120) L’évaluation Elle se fait de manière individuelle, à partir d’une situation similaire à celles auxquelles les élèves ont été confrontés en classe. 3. Pour conclure Les acquis d’un tel travail ne sont observables que sur la durée. Au fil de l’année, les élèves ont accepté d’écrire de plus en plus facilement, ils ont acquis généralement une autonomie de réflexion, même si le passage à l’écrit reste encore difficile pour certains. Ils ont développé une capacité à mieux lire et analyser les écrits des autres, prenant conscience de la rigueur nécessaire pour transmettre à d’autres, par écrit. Ce détour par les écrits des autres leur a permis de mieux structurer leur pensée, de prendre du recul par rapport à leurs propres écrits et de chercher à mieux les construire. Par ailleurs, on a pu observer des effets positifs sur les écrits produits dans les autres disciplines qui étaient dans l’ensemble mieux élaborés. Isabelle Mars, Professeur des écoles Octobre 2007 7/18 Mise en ligne (12/10/2007) AAnnnneexxeess 8/18 Mise en ligne (12/10/2007) DDooccuummeenntt 11 RReettoouurr 9/18 Mise en ligne (12/10/2007) DDooccuummeenntt 22 RReettoouurr 10/18 Mise en ligne (12/10/2007)
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