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Allocution de circonstance par le récipiendaire. Cérémonie de collation du grade de « docteur honoris causa » au professeur Théophile Obenga PDF

67 Pages·2017·18.26 MB·French
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Allocution de circonstance Théophile Obenga a g n par le récipiendaire be O e hil op Allocution de circonstance é h T L’université de Lubumbashi (RDC) a reconnu solennellement le 14 par le récipiendaire octobre 2016 l’importance du travail pédagogique et scientifique du professeur Obenga à l’occasion d’une cérémonie de collation du grade de « docteur honoris causa ». Lors de cette cérémonie fut prononcé par le récipiendaire un discours de circonstance relatant l’itinéraire Cérémonie de collation intellectuel, la formation et les acquis scientifiques de recherche à la suite de travaux fondateurs de Cheikh Anta Diop. du grade de « docteur honoris causa » Le parcours universitaire du professeur Obenga constitue un exemple lumineux de courage et de persévérance pour la jeunesse africaine. au professeur Théophile Obenga Théophile Obenga est professeur titulaire des Universités (CAMES) e et est spécialiste de plusieurs disciplines : philosophie, histoire ancienne, air d égyptologie et linguistique historique. Il a enseigné dans plusieurs universités en pi prestigieuses d’Afrique (Abidjan, Libreville, Kinshasa, Lubumbashi, etc.) et éci e r aux États-Unis. Actuellement, il travaille à la présidence de la République ar l p du Congo (Congo-Brazzaville) dans le cadre d’un projet de création d’une e c n université moderne. nsta o c cir e d n o uti c o All ISBN : 978-2-343-12138-3 e 12 Allocution de circonstance par le récipiendaire © L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris www.harmattan.com ISBN : 978-2-343-12138-3 EAN : 9782343121383 Théophile OBENGA Allocution de circonstance par le récipiendaire Cérémonie de collation du grade de « docteur honoris causa » au professeur Théophile Obenga LUBUMBASHI (RDC) – le 14 octobre 2016. Allocution du récipiendaire Excellence Monseigneur TSHIBANGU, Président du Conseil d’Administration des Universités de la République démocratique du Congo, Monsieur Etienne BUSHA-BU-KUETE BUDIK, Conseiller chargé de la coopération et des services spécialisés, Représentant du Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, Monsieur le Professeur Gilbert KISHIBA FITULA, Recteur de l’Université d’Etat de Lubumbashi, Messieurs les Doyens, Mesdames, Messieurs, chers collègues, chères étudiantes, chers étudiants, chers amis, distingués invités, en cette circonstance exceptionnelle, mon discours comprendra trois grandes parties :  les Prolégomènes qui présentent le contexte particulier de l’événement ;  ensuite l’essentiel qui a trait à ma formation intellectuelle, à mon apprentissage de l’érudition, et à mes travaux scientifiques en sémiologie africaine, en linguistique historique et en histoire de la philosophie africaine ;  la troisième et dernière partie, avant la conclusion, concerne ma carrière professionnelle, les revues scientifiques que nous avons créées, enfin l’Ecole égyptologique africaine, venue au jour grâce aux travaux inauguraux de Cheikh Anta Diop, qui a découvert, pour nous Africains modernes, nos lointaines racines historiques et culturelles dans la Vallée égypto-nubienne du Nil. 5 Prolégomènes Il n’y a pas, admet-on, d’intelligence humaine sans mémoire. En effet, la mémoire – cet effort de communiquer le souvenir – constitue le fond et la liaison des temps historiques, leur substance. Ce rappel d’une dimension fondamentale de la condition humaine me conduit à commencer mon allocution par une anecdote dont le poids, on le verra dans un instant, n’est pourtant pas anodin. En ce temps-là, grâces soient rendues à la mémoire, il me revient avec précision qu’un étroit cercle d’amis, suffisamment clos, sinon secret, qualifiait le Recteur Magnifique de Ipse Tshibangu. Bien entendu, à l’insu total de l’intéressé. Je confesse illico presto que j’admirais cette expression Ipse Tshibangu, replacée dans le contexte de l’époque. Le latin est utile. Quand il dit Ipse Caesar, il entend mettre en mouvement et la présence et l’autorité de César. Le pronom ipse, ipsa, ipsum, est un pronom - adjectif démonstratif (et non possessif), composé du pronom is, ea, id, "ce, cet, celui-ci", et ip-se, ipse, signifie strictement : "même". Ipse Caesar, "César même", c’est-à-dire "César lui-même", "César en personne". Tel est le renseignement formel du latin. Remarquons, en passant, que la préposition causa, construite ici avec le génitif (honoris), signifie strictement : "dans l’intérêt de", "en vue de" ; la préposition ergo (à ne pas confondre avec la conjonction conclusive logique ergo, "donc", comme igitur) est un archaïque synonyme de causa, chez Tite-Live par exemple : honoris ergo (Histoire de Rome, I, 18, 6). Exactement comme honoris causa. Les prépositions causa, ergo (et aussi gratia) se placent presque toujours après leur complément : on dit honoris causa, jamais "causa honoris". Tel est le charme du latin. Quand nous disions, en trouvant notre bonheur, Ipse Tshibangu, nous avions en esprit la présence et l’autorité du Recteur Magnifique. Présence et autorité qui sont à l’origine de l’émergence de l’élite intellectuelle et scientifique du pays : une élite nombreuse et 7 compétente. Des capitales de l’esprit sur l’ensemble du territoire national, on le doit également à la présence et à l’autorité du Recteur Magnifique, Ipse, lui-même, en personne. Le problème soulevé par cette anecdote est vrai, d’une vérité vérifiable, puisque les destins modernes de la République démocratique du Congo, dans leur globalité, ont eu toutes les chances d’épanouissement grâce à la présence et à l’autorité du Recteur Magnifique en personne. Vous devinez alors ma fierté de recevoir des mains victorieuses de Monseigneur Tshibangu, en personne, les attributs et décors d’apparat de ma toute nouvelle dignité professorale, selon votre souveraine décision, Monsieur le Recteur, de me conférer le grade élogieux de "Docteur Honoris Causa" de l’Université d’Etat de Lubumbashi, ce 14 octobre 2016. Je me hâte, mains nues, tout ému, de vous dire merci, qualifié aussitôt de "sincère" et de "grand", heureux de le faire, et non moins satisfait que vous, au cours de cette reconnaissance des œuvres de l’esprit. Ce merci, voudrais-je souligner, n’est pas un remerciement éphémère de cérémonie ; c’est au contraire un remerciement venu d’une longue amitié, dû à votre clairvoyante faveur. En retour, dans une profonde humilité, je vous demande merci, au sens primitif du terme. Je mesure bien, rassurez-vous, que c’est un immense privilège de prendre la parole devant cette assemblée, parée de traditions, si votre sollicitude ne me secourait, tant est que ma réflexion, en ce moment, aboutit invinciblement aux rivages de Cheikh Anta Diop, pour dire que nous sommes toujours fidèles à ses combats et à sa vision d’une Afrique moins fragile, moins désunie, plus solidaire. Cheikh Anta Diop posait la Renaissance africaine comme un Absolu dans l’Universel. Quel riche instant, d’une rare densité, de revoir ces lieux, les mêmes, où Cheikh Anta Diop fit l’une de ses plus triomphales conférences, dans cette même Alma mater de Lubumbashi, sitôt née, tôt âgée, bientôt ancestrale, au fil des générations ; et moi-même, j’y fus accueilli comme professeur visiteur, hier ; aujourd’hui, je reviens, membre élu du corps académique, pour la construction de l’humanité. Etions-nous perdus dans une forêt mystérieuse, sans aiguille aimantée, parmi les énigmes d’origine ? Quel Sphinx pouvait nous livrer la pureté de la Gnose primordiale ? 8 Mais un temps vient où la surprise se nomme "merveille". Alors on construit son identité, avantageusement. C’est-à-dire après l’apprentissage de l’érudition, la vertu du métier remplit de liesse une élite. La lumière de tout inonder : l’art, les lettres, la pensée, la science, la politique aussi, le monde, les méthodes, le désir de précision même dans l’indéterminé. Le vide disparaît devant "la plénitude du vide". Mesdames, Messieurs, Chers amis, Un bel aphorisme de Chateaubriand (1768-1848) qui efface pour ainsi dire le trouble intérieur laisse entendre que « Chaque homme porte en lui un monde composé de tout ce qu’il a vu, et aimé ». Qu’ai-je vu ? Qu’ai-je aimé ? Qu’ai-je fait ? pourrait-on ajouter. Parfois on a l’impression que la flamme est éteinte, que la nacelle tangue et chancelle, que la pêche est ingrate, même si le filet a été jeté au large (in alto) ; parfois on a l’impression que le moindre élément se dérobe dans une obscurité sans fond. Parfois la sensation du rien se fait envahissante, pourtant on a vu, on a aimé, on a fait, si petitement. Du coup le désarroi, jamais éloigné, toujours dans les proximités, surgit soudain, cornu comme le Malin Génie, prompt à annihiler ce qui reste d’espoir. L’enseignement supérieur, la formation technique de haut niveau et la recherche scientifique sont des activités humaines les plus complexes à organiser et à bien conduire. Or, tout a tenu, tout a fonctionné et tout a réussi grâce à votre foi en l’intelligence humaine et, peut-être davantage, grâce à votre méthode : la méthode Tshibangu qui est un art de dialogue, de protection des libertés et franchises universitaires ; une méthode d’éthique, de sauvegarde de l’essentiel, tout l’essentiel, sans compromis compromettant. S’il y a eu quelque chose, c’est qu’il y a eu quelqu’un. S’il y a eu quelqu’un, c’est qu’il y a eu un avenir. Pendant plus d’un demi-siècle, toujours au-devant et à l’avant des péripéties, figure de proue, pilote avisé, pédagogue du modèle rare des Pères de l’Eglise : tel a été et tel est le Recteur Magnifique, Ipse. 9 Je n’évite pas une banalité en rappelant que la chrétienté occidentale est née dans la pédagogie des Pères de l’Eglise, tous talentueux maîtres en éducation, à l’instar de Clément d’Alexandrie, auteur d’un traité intitulé précisément le Pédagogue dont le but, dit-il, est de « tirer au clair ce qui est le propre de l’homme », pour en faire ensuite un bon chrétien. Son grec alexandrin honore encore la beauté classique : Vous êtes toujours là, Recteur Magnifique. Vos propres travaux universitaires en théologie sur Melchior Cano (1509-1560) sont d’une pénétration indépassable. On se garderait de confondre le théologien Cano avec Alonso Cano (1601-1667), le peintre des Sept joies de la Vierge. Le somptueux hommage qui vous a été rendu est, à lui seul, l’incarnation des Lumières africaines dans l’humanité contemporaine. Il s’agit de l’ouvrage édité par Léonard Santedi Kimputu et Modeste Malu Nyimi, Epistémologie et théologie. Les enjeux du dialogue foi- science- éthique pour l’avenir de l’humanité (Kinshasa, 2006). Mesdames, Messieurs, Chers amis, Les premières moissons du campus universitaire de Lubumbashi, de mon temps et de ma génération, montrent une intelligentsia critique et inventive qui fait honneur au Congo, à l’Afrique et au monde :  Mme Clémentine Faïk-Nzuji Madiya, révélatrice des richesses inouïes des oralités africaines, notamment de la valeur esthétique du Kasala, chant héroïque luba, en 1974 ;  Yves Vincent Mudimbe, poète dès 1971 avec Déchirures, essayiste avec Autour de la Nation en 1972, romancier avec Entre les eaux en 1973. La réputation internationale du professeur Mudimbe s’est définitivement établie avec ses deux ouvrages en anglais : The Invention of Africa (1988), et The Idea of Africa (1994) ; 10  Georges Ngal a Mpong dont le travail novateur sur l’œuvre difficile d’Aimé Césaire a triomphalement ouvert la voie aux études approfondies sur les écrivains de la Négritude ;  Isidore Ndaywel è Nziem, constructeur héroïque de la conscience historique nationale, en dépassant l’ethno-histoire tribale ou régionale, pour embrasser l’histoire synthétique, à l’échelle de toute la nation ; le sentiment patriotique, le sentiment d’un peuple conscient de son unité et de sa solidarité, sont des constructions historiques ; la synthèse historique du Professeur Ndaywel est un succès conceptuel de très haute classe ;  André Rudolphe Ilunga Kabongo, esprit distingué, et tout le campus avait besoin de lui, de ses savoirs politiques, juridiques, sociologiques, économiques. Chaque fois qu’il me remettait l’un de ses écrits, il commentait en donnant de la voix, et c’était toujours de bonne fortune. En relevant « Sa propre ignorance et celle de beaucoup d’autres » comme Pétrarque (1304-1374) au Moyen Age, le professeur Kabongo préparait en fait l’humanisme africain naissant : je viens seulement maintenant de le comprendre.  Georges Nzongola Ntalaja, politologue de tout premier plan ; le professeur est devenu un fonctionnaire international de la Modernité. Son Introduction à la science politique, publiée ici même à Lubumbashi, date de 1972.  Gérard Buakasa Tulu Kia Mpansu, sociologue et philosophe, l’un des premiers universitaires africains à explorer avec extrême dextérité les arcanes psychiques de l’homme africain : « l’impensé » de la pensée africaine. Le professeur Buakasa pose lumineusement qu’il n’y a guère d’obstacle inné qui empêcherait les Africains de maîtriser les techniques modernes, pourvu que le sérieux et la constance prévalent.  Jean Jeki Kinyongo, philosophe et théologien, professeur ordinaire, doyen honoraire, embrassant l’ensemble de la vie intellectuelle, inaugura, avec un enchantement toujours renouvelé, dans les années 1973-1974, l’enseignement de la philosophie africaine, ici même au campus de Lubumbashi. 11

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