Algérie 1945 -1954 des elections à la lutte armée

446 Pages·1984·13.02 MB·French

by  Jacques Jurquet

S!
8 mai 1945-Ier novembre 1954, une période clé, celle des
événements qui ont conduit le peuple algérien à déclencher une
V guerre de libération nationale. Les gouvernements français avaient
,cni pouvoir étouffer la volonté d’indépendance algérienne qui
J$ï%i:dj*itani/estée à la fin de la seconde guerre mondiale. Après le
*e Constantinois, ils ont tenté de perpétuer leur
'vtip&ïÿon en instituant à Alger, une assemblée algérienne
élections
■ ‘àjffWfcHaiionale : la guerre du peuple.
Oans ce volume. Jacques Jurquet I
étudie is processus parfois complexe:-,
lutte armée
caractéristique de cette période, celle j
des élections à la lutte armée,;
Révélations historiques, détails et
documents inédits, témoignages,
analyse des positions des uns et des
autres font de ce travail, un instrument
précieux pour comprendre les rapports
de l'époque entre Algériens, Européens
d'Algérie et Français.
Né en 1922, Jacques Jurquet a adhéré au
Parti communiste français pendant la
seconde guerre mondiale et y a exercé des
responsabilités jusqu'en 19S9. En
désaccord avec la ligne politique suivie
pendant la guerre d’Algérie, puis avec la
position du P.C.F. au moment du conflit
sino-soviétique, il est exclu en 1964.
Après 1968, outre ses activités, il devient
historien des rapports entre mouvement
nationaliste et communiste, en Algérie
comme en France.
L’auteur a pu bénéficier d’une riche
documentation, il a effectué plusieurs
séjours de recherche en Algérie et s’est
assuré de la collaboration de nombreuses
personnalités algériennes et françaises
ayant participé aux événéments.

Jacques Jurquet
LA REVOLUTION
NATIONALE
ALGERIENNE
ET
LE PARTI COMMUNISTE
FRANÇAIS
Tome 4
co-édité par s LE MONDE EN MARCHE
26, boulevard des Dames — 13002 Marseille
- el les EDITIONS DU CENTENAIRE
24, rue Philippe de Girard 75010 Paris — TéL [phone]

CHAPITRE I
ULTIME CAMOUFLAGE
DU COLONIALISME FRANÇAIS
LTJNION FRANÇAISE
j
j
i
VÉRITÉ EN DEÇA DE LA MÉDITERRANÉE
>• mensonge au dela
■Au début des années 70, nous avons dénoncé le caractère
unilatéral et tendancieux de l’histoire de l’Algérie écrite par
certains historiens français (1). Au début des années 80 du
XX® siècle, notre remarque conserve malheureusement sa légi­
timité et reste d’une portée renouvelée. De ce côté-ci de la Mé­
diterranée, l’entreprise de falsification de l’histoire persévère.
Les ouvrages abondent où s’exprime la nostalgie de l’époque
coloniale, assortie de souvenirs et justifications à sens unique.
Les titres sont évocateurs et tentent, à différents degrés, de
perpétuer l’imposture colonialiste -.«Histoire de l'Algérie fran­
çaise», (PHistoire de la France en Algérie», rL'histoire des
Français en Algérie», etc. (2)
Mais au cours de la dernière décennie, à ces pages nostalgi­
ques du passé colonial sont venues s'ajouter celles de dirigeants
politiques assez entêtés pour vouloir à tout prix justifier les
erreurs et violations de principes indélébiles imputables à leur
parti politique. Les communistes de notre pays auraient pour­
tant amélioré l’image que se font d’eux les peuples jadis colo­
nisés par l'impérialisme français, s’ils avaient eu, tout simple­
ment, le courage et l’honnêteté de pratiquer les autocritiques
rendue» inévitables par le déroulement et les enseignements de
l’histoire. Mais il faut croire qu’existe pour eux dans ce domai­
ne un délai de prescription qui dépasse en durée, et de loin, la
prescription trentenaire opposée à la publication de documents
extraits des archives des administrations publiques. Leurs écrits,
articles, livres récents continuent â abuser la bonne foi de lec­
teurs non avertis, notamment parmi la jeunesse. I is accréditent
l’idée que le Parti communiste français s’est fait de tout temps
le champion de l'anticolonialisme; et qu’en particulier il a ac­
cordé un soutien très important et décisif aux luttes du peuple
algérien pour son indépendance nationale. . :, * -■■■■*: :-v-
Remplaçons les montagnes par la mer dans le vieux prover­
be * Vérités en deçà des Pyrénées, mensonge au-delà», nous
comprendrons que les affirmations du Parti communiste fran­
çais ne trompent personne en Algérie : <r Vérités en deçà de la
Méditerranée, mensonge au-delà ». Car les historiens, chercheurs
et journalistes algériens n'ont pas du tout l’intention de.s’en
laisser conter.
Traitant d’un ouvrage publié par les Editions sociales sous la
plume d’André Moine, communiste français longtemps membre
du secrétariat du Comité central du Parti communiste algérien,
Ei Moudjahid des 23-24 décembre 1979 le stigmatisait à juste
raison en ces termes : <r... le respect de la vérité historique nous
oblige à exprimer la surprise, voire quelquefois la stupéfaction
que nous avons ressentie à la lecture de certaines affirmations...
Entre autres, c ‘est en écarquillant les yeux que nous avons lu que
le Part! communiste aurait été un "ferment" de l’idée nationale
en Algérie, un "éveilleur de la conscience nationale”..., que la.
direction du part! a joué "un rôle d’initiateur lors des grandes
manifestations populaires de décembre 1960", et nous en pas­
sons d'autres, et des meilleures. La génération des militants de
la guerre de libération nationale appréciera en connaissance de
cause... C’est le souci de rejeter la déformation historique qui
nous anime. Et c'est une déformation historique que de faire
accroire... que le FLN et le PC ont mené, ensemble sur un pied
d’égalité, la guerre de libération nationale. La période est trop
récente et les témoins encore trop nombreux pour qu'une telle
thèse puisse être accréditée. Il convient... d'éviter... qu’elle
puisse recueillir du crédit auprès des jeunes générations. »
En vérité, entre hier et aujourd’hui existe une différence de
taille. La colonisation entravait délibérément tout effort du
peuple algérien pour écrire son histoire. Mais au cours des vingt
dernières années, dans son indépendance retrouvée, ce dernier
a définitivement reconquis et maîtrisé l'écriture de son passé.
En Algérie, chercheurs et historiens multiplient les confé­
rences, les débats, les publications. D’ores et déjà, on peut op­
poser aux mystifications que nous dénonçons du côté français,
certains travaux ayant une valeur objective proche de la vérité
scientifique. La Société nationale d'édition et de diffusion
(SNED) a publié à Alger, en deux volumes, l’analyse de la vie
politique musulmane algérienne entre 1919 et 1951 présentée
par Mahfoud Kaddache sous le titre <rHistoire du nationalisme
algérien —Question nationale et politique musulmane -1919-
1951» (3). Une édition en cinq volumes de * L’histoire généra­
le de l'Algérie», due à une équipe de chercheurs du Centre na­
tional d’études historiques (CNËH), est annoncée.
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En France même, des contributions personnelles précieu­
ses ont également vu le jour, sous les plumes d’anciens diri­
geants nationalistes algériens, tels Ahmed Mahsas ou Mohamed
Harbi. (4)
Les progrès considérables ainsi constatés ne portent nulle
atteinte, au contraire, au principe qui a déterminé nos propres
travaux. Nous avons souligné à plusieurs reprises notre inten­
tion de ne jamais substituer nos efforts à ceux des auteurs al­
gériens, seuls qualifiés pour assurer la réappropriation légitime
de son histoire au profit de leur propre peuple. L'aurions nous
voulu d’ailleurs, nous n'aurions eu ni les moyens, ni la qualifi­
cation nationale nécessaires pour mener à bien cette tâche. Sa
réalisation découle de la souveraineté, de la liberté et du psy­
chisme d’un peuple vainqueur du colonialisme français en comp­
tant essentiellement sur ses seules forces.
Le choix de notre sujet s’autorise par conséquent du seul
fait qu’il concerne avant tout les responsabilités historiques
d’une force politique française, que nous connaissons bien
pour l’avoir servie avec sincérité et candeur pendant plus de
vingt ans. En ce sens nous nous attachons à traiter d’une
question spécifique et nous avançons une thèse fondée sur
notre adhésion et notre fidélité aux principes du socialisme
scientifique. Ce n’est donc ni l’histoire de l’Algérie, ni même
l’histoire du Parti communiste algérien que nous entendons
analyser, mais singulièrement l’histoire du Parti communiste
français dans ses rapports avec la Révolution nationale algé­
rienne.
UNE SITUATION INTERNATIONALE NOUVELLE
La fin de la seconde guerre mondiale marque, le 8 mai
1945 en Europe, le 10 août suivant en Asie, le passage d’une
situation internationale ancienne à une situation internatio-
nalè nouvelle.
Préparé par la Conférence de Yalta réunie du 4 au 11 fé­
vrier précédents, un nouveau partage d’influences assure la
stabilisation temporaire dé la paix (5). Les trois pays parti­
cipants, l’URSS, les Etats-Unis d’Amérique et la Grande-
Bretagne se considèrent comme les forces principales, sinon
exclusives, de la victoire sur les impérialismes fascistes aile-'
mand, italien et japonais. Aussi s’octroient-ils ensemble une
mission historique : «La présente Conférence, tenue en Cri­
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