Alg`ebre I Cours pour 2`eme ann´ee de Bachelier en sciences math´ematiques Thomas Connor et Joost Vercruysse Ann´ee acad´emique 2012–2013 Version du 12 septembre 2012 2 Table des mati`eres Table des Mati`eres i 1 Groupes 1 1.1 Structures alg´ebriques primaires et exemples . . . . . . . . . . . . . 1 1.2 Constructions de groupes et propri´et´es g´en´erales . . . . . . . . . . . 6 1.3 Th´eor`emes d’isomorphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 1.4 Groupes commutatifs de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 1.4.1 Les groupes cycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 1.4.2 Le th´eor`eme fondamental des groupes ab´eliens finis . . . . . 22 1.4.3 Groupes ab´eliens de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 1.5 Actions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 1.5.1 Actions libres et transitives . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 1.5.2 Formule des classes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 1.6 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 2 Anneaux et Modules 43 2.1 Anneaux : d´efinitions et exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 2.2 Modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 2.3 Sous-anneaux et Id´eaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 2.4 Quotients et th´eor`emes d’isomorphismes . . . . . . . . . . . . . . . 56 2.5 Extension d’un anneau avec une racine . . . . . . . . . . . . . . . . 60 2.6 Id´eaux premiers et id´eaux maximaux . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 2.7 Quelques types d’anneaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 2.7.1 Anneaux euclidiens et anneaux principaux . . . . . . . . . . 72 2.7.2 Anneaux noeth´eriens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 2.7.3 Anneaux factoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 2.7.4 Le th´eor`eme de B´ezout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 2.8 Th´eor`eme des restes chinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 2.9 Les corps finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 2.9.1 Caract´eristique d’un anneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 2.9.2 Le petit th´eor`eme de Wedderburn . . . . . . . . . . . . . . . 84 2.9.3 Caract´erisation des corps finis . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 i ` ii TABLE DES MATIERES ´ 2.10 Etude d’un endomorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 2.11 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 A 93 A.1 L’aphabet Grec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 Pr´eface Ceci est le syllabus du cours “Alg`ebre I” pour la deuxi`eme ann´ee de Bachelier en sciences math´ematiques a` l’Universit´e Libre de Bruxelles. Comme toujours, ces notes donnent une base pour comprendre la th´eorie : il est n´ecessaire de travailler activement avec ces notes, plutoˆt que de simplement les ´etudier. D’autant plus qu’il est ´evident qu’il peut encore rester des fautes dans ces notes. Je suis tr`es reconnaissant `a Thomas Connor qui a r´evis´e les versions ant´erieures et corrig´e beaucoup de fautes (linguistiques). Le lecteur de ces notes peut toujours signaler des fautes a` [email protected]. Ces notes sont partiellement et librement bas´ees sur des notes de cours de Simone Gutt et Anne-Marie Simon, Eric Jespers, Jan Van Geel et Hendrik Van Maldeghem. Des r´ef´erences de base classiques sont aussi les livres suivants : [1] M. Artin, Algebra, Prentice Hall, London, 1991. (ISBN : 0-13-004763-5) [2] P.M. Cohn, Algebra, Vol. 1, John Wiley & Sons, London, 1974. (ISBN : 0-471- 16431-3) [3] N. Jacobson, Basic algebra I. Second edition, W. H. Freeman and Company, New York, 1985. (ISBN : 0-7167-1480-9) [4] S. Lang, Algebra. Revised third edition, Graduate Texts in Mathematics, 211. Springer-Verlag, New York, 2002. (ISBN : 0-387-95385-X) Joost Vercruysse iii ` iv TABLE DES MATIERES Chapitre 1 Groupes Introduction 1.1 Structures alg´ebriques primaires, morphismes et exemples D´efinition 1.1. Soit G un ensemble. On dit qu’il existe une loi de composition sur G, encore appel´ee loi interne ou simplement loi ou composition, s’il existe une application ∗ : G×G → G. L’image du couple (x,y) ∈ G×G par cette application est d´esign´ee par x∗y et est appel´ee la compos´ee de x et y. Un ensemble muni d’une loi de composition est appel´e un magma. ´ Etant donn´e un magma G, on consid`ere les axiomes suivants. (i) La loi ∗ est associative si tous les ´el´ements x,y,z ∈ G satisfont la condition suivante : x∗(y ∗z) = (x∗y)∗z. (ii) On dit que G poss`ede un ´el´ement neutre e ∈ G si pour tous les ´el´ements x ∈ G on a : x∗e = e∗x = x. (iii) Pour tous les´el´ements x,y ∈ G, il existe un´el´ement unique a tel que x∗a = y et un ´el´ement unique b tel que b∗x = y. (iv) La loi ∗ est commutative si tous les ´el´ements x,y ∈ G satisfont la condition suivante : x∗y = y ∗x. D´efinitions 1.2. (1) Si G est un magma satisfaisant l’axiome (i), on dit G est un semi-groupe. 1 2 CHAPITRE 1. GROUPES (2) Si G est un magma satisfaisant les axiomes (i) et (ii), on dit G est un mono¨ıde. (3) Si G est un magma satisfaisant l’axiome (iii), on dit G est un quasigroupe. (4) Si G est un magma satisfaisant les axiomes (ii) et (iii), on dit G est une boucle (loop en anglais). (5) Si G satisfait de plus l’axiome (v), on dit que G est un magma, semi-groupe, monoide,... commutatif (ou ab´elien) respectivement. Remarque 1.3 (Notation). En fonction de la situation, on d´enote la structure alg´ebrique seulement par l’ensemble, ou accompagn´ee de sa loi de composition et de son ´el´ement neutre, i.e. par G, (G,∗) ou (G,∗,e). S’il n’y a pas de risque de confusion, on omet d’´ecrire la composition ∗. Dans ce cas, on d´enote x ∗ y simplement par xy (notation multiplicative). Parfois on peut aussi utiliser une notation “additive”, surtout si la structure est commutative. On peut alors ´ecrire x∗y = x+y = y +x. La th´eorie des semi-groupes et la th´eorie des mono¨ıdes sont peu diff´erentes, comme l’explique le r´esultat suivant. Lemme 1.4. Soit (S,∗) un semi-groupe. Alors, il existe un mono¨ıde (M,•,e) tel que S = M \{e} et pour tous les ´el´ements x,y ∈ M, x•y = x∗y. D´emonstration. On introduit un nouveau symbole e ∈/ M et on d´efinit M = S ∪ {e}. Alors, on introduit une loi • sur M donn´ee par x•y = x∗y x•e = x e•x = x pour tous les ´el´ements x,y ∈ S. Remarque 1.5. Soit (M,∗,e) un mono¨ıde. Si x ∈ M est un ´el´ement tel qu’il existe un ´el´ement x−1 satisfaisant x∗x−1 = e = x−1∗x, on dit que x est inversible et x−1 est l’inverse de x. L’inverse d’un ´el´ement est toujours unique. Un involution est un ´el´ement u ∈ G tel que u−1 = u. Un quasi-groupe (G,∗) satisfait les lois de simplifications, c’est `a dire, pour tous a,b,c,d ∈ G si a∗c = a∗d, alors c = d, si c∗b = d∗b, alors c = d. En effet, en utilisant la premi`ere partie de l’axiome (iii) pour le couple (a,ac), on sait qu’il existe une solution unique dans G pour l’´equation a∗x = a∗c. Puisque x = c et x = d sont tous deux solution, on obtient que c = d. Et de la mˆeme fac¸on on arrive `a la loi de simplification `a droite. Un mono¨ıde M ne satisfait pas les lois de simplification en g´en´eral. Cependant, si un´el´ement a poss`ede un inverse a−1, on peut simplifier les´equations a∗c = a∗d et c∗a = d∗b. ´ 1.1. STRUCTURES ALGEBRIQUES PRIMAIRES ET EXEMPLES 3 Th´eor`eme 1.6. Soit (G,∗) un magma. Les propri´et´es suivantes sont ´equivalentes. (i) G est un quasi-groupe associatif; (ii) G est une boucle associative; (iii) G est un mono¨ıde tel que chaque ´el´ement est inversible. Si l’une des propri´et´es est satisfaite, on dit que G est un groupe. D´emonstration. (i) ⇒ (ii). Soient x,y ∈ G arbitraires. Alors, l’axiome (iii) ap- pliqu´e aux couples (x,x) et (y,y) implique qu’il existe des ´el´ements (uniques) eR x et eL tels que x∗eR = x et eL∗y = y. Alors, x∗eR∗y = x∗y = x∗eL∗y. A cause y x y x y des lois de simplifications on d´eduit que eR = eL. Comme x et y ´etaient arbitraires, x y on peut conclure qu’il existe un ´el´ement unique e ∈ G tel que x ∗ e = x = e ∗ x pour tout x ∈ G, c’est-`a-dire que e est un ´el´ement neutre. (ii) ⇒ (iii). D´enotons e l’´el´ement neutre de G. Pour chaque x ∈ G, l’axiome (iii) appliqu´e au couple (x,e) implique que x est inversible. (iii) ⇒ (i). Si x est inversible et y ∈ G, alors a = x−1∗y et b = y∗x−1 sont les solutions demand´ees dans l’axiome (iii). Remarque 1.7 (D´efinition classique d’un groupe). Du th´eor`eme pr´ec´edent, on d´eduitqu’ungroupeGestunensemble,munid’uneloidecomposition∗ : G×G → G, satisfaisant – (x∗y)∗z = x∗(y ∗z), ∀x,y,z ∈ G; – il existe un ´el´ement e ∈ G tel que x∗e = e∗x = x,∀x ∈ G; – ∀ x ∈ G, ∃ x−1 ∈ G : x∗x−1 = e = x−1 ∗x. Remarquons aussi que chaque groupe satisfait les lois de simplifications. ´ Chaque mono¨ıde est aussi un semi-groupe et un magma. Etant donn´e un mono¨ıde G, si on veut consid´erer seulement sa structure de semi-groupe, on parle alors du semi-groupe sous-jacent de G. Bien suˆr, il y a beaucoup de relations entre les diff´erentes structures. D´efinitions 1.8. Consid´erons deux magmas (E,∗) et (E(cid:48),•). Un (homo-) mor- phisme de magmas de E dans E(cid:48) est une application f : E → M, telle que pour tous les ´el´ements x,y ∈ E, l’´equation suivante est satisfaite dans E(cid:48) : f(x∗y) = f(x)•f(y). Soient (S,∗) et (S(cid:48),•) deux semi-groupes. Un (homo-) morphisme de semi-groupes de S dans S(cid:48) est un morphisme de magmas entre leurs magmas sous-jacents. E´tant donn´es deux mono¨ıdes (M,∗,e) et (M(cid:48),•,e(cid:48)), un (homo-) morphisme de 4 CHAPITRE 1. GROUPES mono¨ıdes de M dans M(cid:48) est un morphisme de magmas f entre leurs magmas sous- jacents tel que f(e) = e(cid:48). Un monomorphisme est un homomorphisme injectif. Un ´epimorphisme est un homomorphisme surjectif. Un isomorphisme est un homomorphisme bijectif. Un homomorphisme de X dans X est appel´e un endomorphisme. Un isomorphisme de X dans X est appel´e un automorphisme. L’ensemble de tous les homomorphismes entre deux magmas, semi-groupes, etc. est d´enot´e par Hom(E,E(cid:48)). On´ecrit Hom (E,E(cid:48)) si on veut sp´ecifier qu’il magma s’agit de morphismes de magmas. L’ensemble de tous les endomorphismes (respec- tivementlesautomorphismes)deX dansX estd´enot´eparEnd(X)(respectivement Aut(X)). Proposition 1.9. Soit (M,∗,e) un mono¨ıde et (G,•,e(cid:48)) un groupe. Un morphisme de magmas f : M → G est aussi un morphisme de mono¨ıdes, c’est-`a-dire f(e) = e(cid:48). D´emonstration. Pour chaque x ∈ M, on peut calculer f(x)•f(e) = f(x∗e) = f(x) = f(x)•e(cid:48). Puisque G satisfait les lois de simplifications, on d´eduit que f(e) = e(cid:48). D´efinition 1.10. Pour deux groupes (G,∗,e) et (G(cid:48),•,e(cid:48)), un (homo-) morphisme de groupes de G dans G(cid:48) est un morphisme de magmas entre les magmas sous- jacents. Graˆce a` la proposition pr´ec´edente, un morphisme de groupes est aussi un mor- phismedemono¨ıdes(sous-jacents).Deplus,f(x−1) = f(x)−1 pourtousles´el´ements x ∈ G. Exemples 1.11. (1) D´enotons l’ensemble de toutes les applications de R dans R parApp(R,R).Alors,App(R,R)estunmagmanon-commutatif,non-associatif et sans ´el´ement neutre si on consid`ere le composition suivante. Pour tous les ´el´ements f,g ∈ App(R,R) on obtient un nouvel ´el´ement f ∗ g ∈ App(R,R) donn´e par la formule (f ∗g)(x) = f(g(x))+f(x)g(x), pour tout x ∈ R. (2) Soient X un ensemble et (E,∗) un magma. Alors App(X,E) est un magma muni de la loi de convolution suivante (f ∗g)(x) = f(x)∗g(x), ∀f,g ∈ App(X,E), ∀x ∈ X. Si E est un semi-groupe, alors App(X,E) est aussi un semi-groupe. Si E est en outre un mono¨ıde avec ´el´ement neutre e, App(X,E) est de nouveau un mono¨ıde avec ´el´ement neutre f : X → E, d´efini comme f (x) = e pour tout e e x ∈ X.
Description: