Laurent Berger ` ALGEBRE 1 Laurent Berger UMPA, ENS de Lyon, UMR 5669 du CNRS, Universit´e de Lyon. E-mail : [email protected] Url : http://perso.ens-lyon.fr/laurent.berger/ ` ALGEBRE 1 Laurent Berger ` TABLE DES MATIERES 1. Groupes ...................................................................... 7 1.1. Sous-groupes et quotients .................................................. 7 1.2. Actions de groupes ........................................................ 8 1.3. Groupes sym´etriques ...................................................... 10 1.4. Groupes lin´eaires sur un corps fini .......................................... 11 2. Repr´esentations des groupes finis ........................................ 15 2.1. Repr´esentations, sous-repr´esentations et morphismes ...................... 15 2.2. Caract`eres et fonctions centrales .......................................... 17 2.3. D´ecomposition des repr´esentations ........................................ 19 2.4. Tables des caract`eres ...................................................... 20 3. Anneaux et modules ........................................................ 23 3.1. Modules .................................................................. 23 3.2. Id´eaux .................................................................... 25 3.3. Corps des fractions ........................................................ 26 3.4. Anneaux principaux et euclidiens .......................................... 26 3.5. Anneaux factoriels ........................................................ 27 3.6. Anneaux noeth´eriens ...................................................... 29 4. Polynoˆmes et corps finis .................................................... 31 4.1. Polynoˆmes et racines ...................................................... 31 4.2. Le th´eor`eme de Hilbert .................................................... 32 4.3. Polynoˆmes a` coefficients dans un anneau factoriel .......................... 33 4.4. Corps finis ................................................................ 34 5. Modules de type fini sur un anneau principal ............................ 37 5.1. Modules libres de type fini et matrices .................................... 37 5.2. Diviseurs ´el´ementaires pour un anneau principal ............................ 38 5.3. Modules de type fini sur un anneau principal .............................. 40 5.4. Groupes ab´eliens de type fini et r´eduction des endomorphismes ............ 42 6. Produits tensoriels .......................................................... 45 6.1. Produits tensoriels d’espaces vectoriels .................................... 45 6.2. Produits altern´es .......................................................... 46 6.3. Produits tensoriels de modules ............................................ 48 6 TABLE DES MATIE`RES A. Relations d’´equivalence .................................................... 51 B. L’axiome du choix .......................................................... 53 C. Le lemme du serpent ...................................................... 55 Index ............................................................................ 57 CHAPITRE 1 GROUPES Un groupe est un ensemble G muni d’une loi de composition associative not´ee · qui admet une unit´e, not´ee e ou 1, et tel que tout ´el´ement admet un inverse, not´e g−1. On dit que G est commutatif ou ab´elien si la loi est commutative. Dans ce cas on note parfois cette loi + et l’unit´e et l’inverse d’un ´el´ement g sont alors not´es 0 et −g. 1.1. Sous-groupes et quotients Une partie H de G est dite ˆetre un sous-groupe de G si h ∈ H implique h−1 ∈ H et si h ,h ∈ H implique h ·h ∈ H. Si P est une partie de G, alors on note (cid:104)P(cid:105) le sous-groupe 1 2 1 2 engendr´e par P, c’est l’ensemble des ´el´ements de G qui peuvent s’´ecrire comme produits d’´el´ements de P et de leurs inverses. On dit qu’un groupe G est cyclique s’il est engendr´e par un seul ´el´ement x. Si x ∈ G, alors l’ordre de x est le cardinal du groupe (cid:104)x(cid:105) qui est un sous-groupe de G. Si G est un groupe fini, l’ordre de G est le cardinal de G. Si H est un sous-groupe de G, alors on d´efinit une relation d’´equivalence sur G par x ∼ y si et seulement si x−1y ∈ H, c’est-`a-dire si et seulement si xH = yH. Les classes d’´equivalence de ∼ sont alors de la forme xH avec x ∈ G et l’ensemble G est la r´eunion disjointe de telles classes d’´equivalence. On dit que H est un sous-groupe d’indice fini si le nombre de classes d’´equivalence est fini, et on note alors (G : H) ce nombre. Par exemple, si G est un groupe fini, alors tout sous-groupe H est n´ecessairement d’indice fini et on a : card(G) = (G : H)card(H). En particulier, card(H) divise card(G), c’est le th´eor`eme de Lagrange. Notons G/H l’ensemble des classes d’´equivalence de G pour la relation ∼. On dit que le sous-groupe H est distingu´e dans G si pour tout y ∈ G, on a yH = Hy, ce qui revient a` yHy−1 = H. Dans ce cas, on a xHyH = xyH et le produit de deux classes est encore une classe. Cela nous permet de munir l’ensemble G/H d’une structure de groupe par 8 CHAPITRE 1. GROUPES xH ·yH = xyH. L’application naturelle G → G/H est alors un morphisme de groupes surjectif dont le noyau est H. Notons que si f : G → K est un morphisme de groupes, alors ker(f) est toujours un sous-groupe distingu´e de G. Proposition 1.1.1. — Si Q est un groupe et si π : G → Q est un morphisme de groupes surjectif dont le noyau est H, alors Q (cid:39) G/H. D´emonstration. — Si π : G → Q est un morphisme comme ci-dessus, alors on d´efinit une application r : Q → G/H par r(q) = g ou` g ∈ G est tel que π(g) = q. Deux choix possibles d’un tel g v´erifient g(cid:48) = gh et donc g ∈ G/H est bien d´efini. Si q ,q ∈ Q, et 1 2 π(g ) = q et π(g ) = q , alors π(g g ) = q q et donc r est un morphisme de groupes. 1 1 2 2 1 2 1 2 Enfin, r est surjectif car g = r(π(g)) et r est injectif car r(q) = 1 si et seulement si q = π(g) avec g ∈ H = ker(π). En particulier, si f : G → K est un morphisme de groupes, alors im(f) (cid:39) G/ker(f) et donc si G est fini, alors card(G) = card(ker(f))·card(im(f)). 1.2. Actions de groupes On dit qu’un groupe G agit sur un ensemble X si l’on a une application G×X → X not´ee · telle que e·x = x et a·(b·x) = (ab)·x, ce qui revient `a se donner un morphisme de groupes G → Bij(X). Les actions de groupes sont au cœur des math´ematiques, et mˆeme les plus simples sont tr`es utiles. Si x ∈ X, on note Stab(x) ou G l’ensemble des g ∈ G tels que g · x = x, c’est un x sous-groupe de G appel´e le stabilisateur de x. Par ailleurs, l’orbite de x est l’ensemble G·x = {g·x, g ∈ G}. L’application g (cid:55)→ g·x est alors une bijection entre G/Stab(x) et G·x. En particulier, G·x est fini si et seulement si Stab(x) est un sous-groupe d’indice fini de G et alors (G : Stab(x)) = card(G·x). L’ensemble X est r´eunion disjointe des orbites de ses ´el´ements, X = ∪ G·x et donc i∈I i si X est fini, alors : (cid:88) card(X) = (G : Stab(x )). i i∈I On dit que deux ´el´ements x et y sont conjugu´es s’ils sont dans la mˆeme orbite. Dans ce cas, il existe g ∈ G tel que y = g·x et alors Stab(y) = gStab(x)g−1. L’action de G sur X est dite transitive si deux ´el´ements sont toujours conjugu´es, c’est-`a-dire s’il n’y a qu’une seule orbite. L’action est dite fid`ele si le morphisme G → Bij(X) est injectif. Par exemple, un groupe G agit sur lui-mˆeme par translation par g · h = gh et cette action est fid`ele et transitive. Si G est fini de cardinal n, alors Bij(G) (cid:39) S (le groupe n 1.2. ACTIONS DE GROUPES 9 sym´etrique) et le morphisme G → S est injectif. On en d´eduit le th´eor`eme ci-dessous, n duˆ a` Cayley. Th´eor`eme 1.2.1. — Si G est un groupe fini d’ordre n, alors G s’identifie `a un sous- groupe de S . n Si σ ∈ S est une permutation et si K est un corps, alors la matrice de permutation n Mat(σ) (d´efinie par Mat(σ) = 1 pour tout i et les autres coefficients sont nuls) σ(i),i appartient a` GL (K) et Mat(στ) = Mat(σ)Mat(τ) ce qui fait que S est de mani`ere n n naturelle un sous-groupe de GL (K). Le th´eor`eme 1.2.1 implique alors le r´esultat ci- n dessous, valable quel que soit K, et que nous utiliserons plus loin avec K = F . p Th´eor`eme 1.2.2. — Si G est un groupe fini de cardinal n et si K est un corps, alors G s’identifie `a un sous-groupe de GL (K). n Le groupe G agit aussi sur lui-mˆeme par g(cid:63)h = ghg−1 : c’est l’action par conjugaison. Si x ∈ G, alors le sous-groupe Stab(x) est aussi not´e Z(x), c’est l’ensemble des g ∈ G tels que gx = xg, le centralisateur de x. Cette notion se g´en´eralise a` une partie quelconque P de G, on pose Z(P) = {g ∈ G, gx = xg pour tout x ∈ P}. En particulier, si P = G, on trouve le centre Z(G) de G; c’est le noyau de l’application G → Bij(G) donn´ee par l’action par conjugaison. Si x ∈ G, alors l’orbite de x sous l’action par conjugaison est appel´ee la classe de conjugaison de x. Si G est un groupe fini, alors la (cid:80) formule card(X) = (G : Stab(x )) nous donne dans ce cas l’´equation aux classes : i∈I i (cid:88) card(G) = (G : Z(x)), x∈C ou` C est un ensemble de repr´esentants des classes de conjugaison de G. Si p est un nombre premier, on dit qu’un groupe G est un p-groupe si son cardinal est une puissance de p. Proposition 1.2.3. — Si G est un p-groupe qui agit sur un ensemble fini E, alors : card(E) = card(EG) mod p. D´emonstration. — On a x ∈ EG si et seulement si Stab(x) = G et la formule card(E) = (cid:80) (G : Stab(x )) implique alors que : i∈I i (cid:88) card(E)−card(EG) = (G : Stab(x )) = 0 mod p, i i∈I Stab(xi)(cid:54)=G chaque indice (G : Stab(x )) ´etant divisible par p s’il est non trivial. i Corollaire 1.2.4. — Si G est un p-groupe, alors Z(G) (cid:54)= {e}. 10 CHAPITRE 1. GROUPES D´emonstration. — Remarquons que x ∈ Z(G) si et seulement si Z(x) = G. Si G agit sur lui-mˆeme par conjugaison, alors l’ensemble des x tels que Stab(x) = Z(x) = G est non vide (puisque x = e convient) et la proposition 1.2.3 montre qu’il est de cardinal divisible par p et contient donc un x (cid:54)= e. Corollaire 1.2.5. — Si G est un p-groupe qui agit par des applications lin´eaires sur un F -espace vectoriel E de dimension finie, alors EG (cid:54)= {0}. p D´emonstration. — Comme G agit par des applications lin´eaires, on a 0 ∈ EG et la proposition 1.2.3 implique que p divise card(EG) et le cardinal de EG est donc ≥ p. Corollaire 1.2.6. — Si G est un groupe fini et si p est un nombre premier qui divise card(G), alors il existe un ´el´ement dans G d’ordre p. D´emonstration. — On fait agir le groupe Z/pZ sur l’ensemble : E = {(g ,...,g ) ∈ Gp, g ···g = e}, 0 p−1 0 p−1 par a · (g ,...,g ) = (g ,g ,...), les indices ´etant pris modulo p. Remarquons que 0 p−1 a a+1 EZ/pZ = {(g,...,g)} ou` gp = 1 et contient donc au moins (e,...,e). La proposition 1.2.3 implique que p divise card(EZ/pZ) et donc qu’il existe g ∈ G d’ordre p. 1.3. Groupes sym´etriques Si n ≥ 1, alors rappelons que l’on note S le groupe des permutations de l’ensemble n {1,...,n}. C’est un groupe fini de cardinal n! qui agit de mani`ere fid`ele et transitive sur {1,...,n}. Un cycle de longueur r ≥ 2 est une permutation de la forme : i (cid:55)→ i (cid:55)→ ... (cid:55)→ i (cid:55)→ i 1 2 r 1 avec {i ...,i } ⊂ {1,...,n}. Un tel cycle est not´e [i i ...i ]. Un cycle de longueur 2 1 r 1 2 r s’appelle une transposition. On dit que deux cycles [i i ...i ] et [j i ...j ] sont disjoints 1 2 r 1 2 s si{i ...,i }∩{j ...,j } = ∅.Tout´el´ementdeS estalorsunproduitdecyclesdisjoints. 1 r 1 s n Comme [i i ...i ] = [i i ][i i ]···[i i ] (attention au fait que quand on applique στ, 1 2 r 1 2 2 3 r−1 r on fait d’abord la permutation τ et ensuite la permutation σ), on voit que tout cycle est produit de transpositions et donc que les transpositions engendrent S . n La signature ε(σ) d’une permutation σ ∈ S est d´efinie par : n (cid:89) σ(j)−σ(i) ε(σ) = ∈ {±1}. j −i i<j