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Alexandre Dumas, sa vie, son temps, son œuvre PDF

222 Pages·2011·0.81 MB·French
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ALEXANDRE DUMAS, SA VIE, SON TEMPS, SON ŒUVRE (1885) MES ÉTUDES ET MES SOUVENIRS Alexandre Dumas sa vie, son temps, son œuvre par H. Blaze de Bury LES JOYEUX ROGER 2008 Cette édition a été réalisée à partir de celle de Calmann Lévy, éditeur ancienne maison Michel Lévy frères, Paris, 3, rue Auber, 3, 1885 ISBN : 978-2-923523-51-4 Éditions Le Joyeux Roger Montréal [email protected] AVANT-PROPOS Il pleut des recueils d’anecdotes sur Dumas ; et pourquoi serait-ce autrement avec un sujet aussi fertile et propre au ren- dement que celui-là ? Dumas, d’ailleurs, s’est chargé de nous fournir lui-même la recette d’écrire sur Dumas. Être anecdotique et parler de soi dans des mémoires, rien de plus naturel. Ce qu’on a pu lui reprocher, c’est de faire partout ce qu’il a fait dans ses Mémoires et de ne pousser ni plus haut ni plus loin que son personnage. Le titre d’Études que nous mettons en tête de ce livre a surtout pour intention de prémunir contre une déconvenue les lecteurs de menus détails biographiques. Nous avons cru qu’en dépit de ses incartades étourdissantes, on pouvait prendre Dumas très au sérieux et qu’il y avait autre chose à savoir de lui que la manière dont il éternuait. Maintenant, en matière d’affinités intellectuelles, chacun procède comme il l’entend. On a, dans son siècle et souvent même dans les siècles qui ont précédé le nôtre, son quart d’heure de prédilection ; vous rencontrez tous les jours, sur le boulevard et dans le monde, des hommes de 89, de 93 et de 1815. Château en Espagne ou taupinière, on s’arrange à sa fantai- sie, chacun selon le paysage qu’il préfère et quand il n’y a pas de paysage, on s’en fait un de sa bibliothèque. Nous connaissons des gens qui ne se plaisent qu’à la société des Encyclopédistes : Voltaire et Diderot sont leurs dieux ; d’autres, qui ne sauraient avoir une idée ni écrire une ligne sans en demander la permission à Quintilien. Notre foyer de lumière et d’attraction, à nous, serait la période qui commence à Châteaubriand et Lamartine et se termine par Victor Hugo en passant par Vigny, Musset et Dumas. « Romantique ! » eh bien, après ? Cur non ? comme disait ce bon et grand Dumas que nous prenons pour nous guider à travers cette époque et la voir revivre ! 6 ALEXANDRE DUMAS, SA VIE, SON TEMPS, SON ŒUVRE Il semblera peut-être que le pilote indiqué serait plutôt ici Victor Hugo, maître et seigneur de la circonstance ; mais Hugo, s’il a plus de génie, est moins familier, moins populaire ; sans sa politi- que, les masses ne le connaîtraient pas, tandis que Dumas, franc du collier, populaire par le seul effort de sa dramaturgie et de ses talents, vibrant à l’intérêt commun du romantisme, battant la plai- ne et les buissons, nous paraissait un plus allègre compagnon de chasse et, par la variété de ses sujets, répondait mieux à certaine visée qui serait volontiers la nôtre : penser d’original en faisant de la critique. Paris, janvier 1885. I La vingtième année. – Le cinquième étage de la place Louvois. – La mère de Dumas fils. L’erreur est trop souvent de considérer l’esthétique comme une science ayant ses lois invariables et de ne pas en modifier les conditions, chacun de nous selon sa manière de voir et de sentir ; nous lui demandons la raison de choses qui sont dans l’œuvre elle-même où nous n’avons qu’à puiser diversement à notre soif. Lessing disait : « Le vrai goût est l’universel, » autrement dit le goût qui sait se répandre sur les beautés de toute sorte et n’exiger de chacune que ce qu’elle peut donner. Un ensemble d’opinions, d’émotions, d’impressions servant de règle à notre jugement, je ne pense pas qu’il y ait une autre esthétique applicable à Dumas. Abordons-le donc, non point comme à l’Académie, mais familiè- rement, à sa façon, en honnêtes gens qui passent devant sa statue et profitent de l’occasion pour « lui donner le bonjour. » Connaissez-vous une lettre de Balzac qui débute ainsi : « En France, nous sommes gais et spirituels et nous aimons ; nous sommes gais et spirituels et nous mourons ; nous sommes gais et spirituels et nous créons ; nous sommes gais et spirituels et nous faisons de grandes choses ; nous haïssons l’ennui et n’en avons pas moins de sens ; nous allons à tout gaiement, spirituellement, le rire sur les lèvres. On nous tient pour un peuple frivole... On se trompe. » À lire ces lignes du grand romancier, on pense tout de suite à Dumas, quoiqu’il y ait aussi d’autres manières d’être pour notre pays et qu’à la rigueur on puisse se demander lequel est le plus français, de Rabelais ou de Pascal, de Rancé ou de Lauzun ? Question qui, d’ailleurs, reste hors de notre sujet. Un mouvement intellectuel ne peut être saisi, peint avec force, que par celui-là qui le possède à fond et pourrait y avoir pris part. 8 ALEXANDRE DUMAS, SA VIE, SON TEMPS, SON ŒUVRE Pour toucher à l’histoire du romantisme, il faut être soi-même un poète et un critique, ayant, sinon vécu à cette époque, du moins capable de s’y reporter par de secrets élancements d’affinité. Autrement, l’écrivain court risque de ne pas être dans son œuvre, au plein des événements et des choses ; il reste dehors, car c’est par les côtés, par les détails, que le sujet lui vient, non d’ensemble et de façon concrète. Les grands combats religieux, philosophiques, littéraires ne sauraient vivre et revivre que par la plume de quelqu’un qui les a ou qui les aurait soutenus. L’Étude que j’entreprends ici aurait donc cela de bon, qu’en nous montrant l’homme et l’artiste elle nous montrerait aussi la période et les idées dont il fut le représentant privilégié. Dire que Dumas a totalisé en sa personne le mouvement romantique de 1830 serait trop ; mais il en fut l’élément sympathique et l’influ- ence prédominante. D’autres, Victor Hugo, Vigny, Musset, eurent la gloire, à mon sens, bien autrement précieuse, de l’art des vers ; il eut pour lui les apothéoses de la scène ; d’un théâtre de cabinet comme était le nôtre, il fit un théâtre vivant, ouvert à tous ; en quoi ses plagiats eux-mêmes méritent de lui être par- donnés, car il est de cette classe d’auteurs qui, une fois morts, tournent à la légende et deviennent des types. I J’ignore s’il est vrai qu’au sortir d’une lecture de Mario Delor- me, Émile Deschamps, ou quelque fanatique de sa bande, se soit écrié, devant une affiche annonçant le spectacle du soir : — Les malheureux ! Et ils vont jouer Britannicus ! Mais ce que je sais à n’en pouvoir douter, c’est que le roman- tisme, débarrassé de tant de sottises individuelles dont on l’a chargé et surchargé, aura beaucoup servi, au contraire, à ramener les esprits à la juste appréciation des chefs-d’œuvre de notre XVIIe siècle. La critique moderne, née de ce mouvement, a relevé, res- tauré mille beautés disparues sous la crasse des imitations ALEXANDRE DUMAS, SA VIE, SON TEMPS, SON ŒUVRE 9 successives, et si nous admirons aujourd’hui Polyeucte et Cinna, Andromaque et Bérénice, l’École des femmes et Tartufe, dans la plénitude d’un sentiment libre et réfléchi, nous devons ce bienfait au romantisme, qui, en nous ramenant aux sources de l’antique et en nous familiarisant avec les littératures étrangères, en nous forçant à comparer, a substitué la réflexion et le jugement à la leçon apprise. Où donc a-t-on vu que Dumas, Hugo, Vigny, aient jamais insulté nos monuments ? Ils sont venus simplement balayer les alentours, nettoyer la place ; en un mot, réagir non pas contre Corneille et Racine, mais contre les rejetons abâtardis de leur dynastie : les Arnault, les Lemercier, les Étienne, les Jouy, les Viennet, tout un monde à ce point lamentable, qu’un fâcheux comme Ancelot, arrivant avec son Louis IX, y faisait miracle. Plus tard, après la bataille, et quand les situations respectives furent décidément constituées, Casimir Delavigne disait : — C’est mauvais, ce que fait ce diable de Dumas, mais cela empêche de trouver bon ce que je fais. À l’heure où nous sommes, la traînée de poudre n’a pas encore pris feu. La phalange existe déjà pourtant et s’organise, mais seu- lement sur le terrain de la poésie lyrique. On prélude avec les Odes et Ballades, en attendant de livrer au théâtre le grand com- bat. Dumas ne fit jamais partie du cénacle, où régnait surtout un sentiment raffiné du vers et de la strophe, qui n’était point dans sa nature. Humble expéditionnaire dans la maison de M. Le duc d’Orléans, il travaillait à l’écart et la nuit, alors que les loisirs de son emploi le lui permettaient. Un groupe sculptural de mademoi- selle de Fauveau, exposé au Salon de 1827, avait fixé son atten- tion sur l’aventure de Christine de Suède, et, se laissant aller où le portait son instinct du théâtre, il écrivait un drame, un grand drame en vers, prologue, épilogue et cinq actes : Stockholm, Fontainebleau et Rome ! « Je possédais alors cet effroyable aplomb qui accompagne 10 ALEXANDRE DUMAS, SA VIE, SON TEMPS, SON ŒUVRE toujours l’inexpérience et la suprême satisfaction de soi-même ; il m’a fallu bien des succès pour me guérir de mon amour-pro- pre. » Que savait-il de l’histoire ? Rien encore ; il ignorait aussi l’art de rimer ; n’importe, la confiance en soi tenait lieu de tout. L’époque était aux grandes escalades, au titanisme ; un change- ment de titre à une pièce, un simple raccord, cela s’appelait « une genèse nouvelle ! » Dumas, en proie à tous les démons de la jeunesse, je me reprends, de sa jeunesse, habitait en ce temps-là place Louvois, au cinquième étage d’une maison où lui et celle qui devint la mère de l’auteur de la Dame aux Camélias et du Demi-Monde s’étaient rencontrés. II Il n’avait que vingt ans ; sa voisine dirigeait un atelier de linge- rie avec deux ou trois ouvrières. Bientôt la vie fut en commun, et, tandis que, au dehors, belles dames et courtisanes guettaient l’heue du succès pour enlever leur poète, Jenny l’ouvrière, active, courageuse et forte, éclairait de sa bonne humeur le ménage du pauvre employé. — Je me rappelle encore mes insomnies d’enfance, me disait naguère Dumas fils, un soir que nous repassions ensemble les chers souvenirs d’autrefois. – Je revois mon père écrivant à la lueur d’une petite lampe sur une table auprès de ma mère. Je me souviens qu’une nuit je ne dormais pas, je pleurais, je criais ; ma mère me prit sur ses genoux pour me rendormir. Je continuais à brailler ; mon père travaillait toujours, mais les cris le gênaient et l’impatientaient, si bien qu’il finit par me prendre d’une main et m’envoyer à toute volée sur le lit. Je me vois encore en l’air. Cris de ma mère, – scène ! Je rebraille, et mon père s’en va dans sa chambre. Le lendemain, il vint tout penaud dîner avec ma mère, et, pour se faire pardonner... il apportait un melon ! » Le prologue du Fils naturel ainsi que les premiers chapitres de l’Affaire Clémenceau sont faits avec les souvenirs de cet inté-

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MES ÉTUDES ET MES SOUVENIRS. Alexandre Dumas sa vie, son temps, son œuvre par H. Blaze de Bury. LES JOYEUX ROGER. 2008
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