Une nouvelle espèce du genre Paralomis White, 1856, des sources hydrothermales du Sud-ouest Pacifique (Crustacea, Decapoda, Lithodidae)

7 Pages·1997·2 MB·French

by  Enrique Macpherson

Une nouvelle espèce du genre
Paralomis White, 1856, des sources
hydrothermales du Sud-ouest Pacifique
(Crustacea, Decapoda, Lithodidae)
Michèle de SAINT LAURENT
Laboratoire de Zoologie (Arthropodes), Muséum national d'Histoire naturelle,
61 rue de Buffon, F-75231 Paris cedex 05 (France)
Enrique MACPHERSON
Centra de Estudios Avanzados (CSIC)
Cami de Santa Barbara s/n,
17300 Blanes, Girona (Espagne)
Saint Laurent M. de & Macpherson E. 1997. — Une nouvelle espèce du genre Paralomis
White, 1856, des sources hydrothermales du Sud-ouest Pacifique (Crustacea, Decapoda,
Lithodidae). Zoosystema 19 (4) : 721-727.
RÉSUMÉ
Paralomis hirtella est une espèce nouvelle de Décapode de la famille des
Lithodidae découverte lors de campagnes d’exploration des sites hydro¬
thermaux du Pacifique sud-occidental, en 1989 et 1995. Elle se distingue de
toutes les autres formes connues du même genre par une carapace à face dor¬
MOTS CLÉS
sources hydrothermales, sale inerme mais revêtue d’une pilosité répartie en faisceaux de soies dressées.
Pacifique sud occidental, La présence de Lithodidae dans l’environnement hydrothermal a souvent été
Lithodidae,
signalée et concerne surtout des Paralomis ; il s’agit ici de la troisième espèce
Paralomis.,
espèce nouvelle. du genre découverte grâce à l’exploration de ces milieux.
ABSTRACT
Several specimens of a new species of lithodid crab hâve been discovered in
the biological material collected by three expéditions on hydrothermal sites
in the south-western Pacific, in 1989 and 1995: the French campaign Biolau
in the Lau Basin, and the Franco-Japanese and Germano-French campaigns
in the North Fiji Basin. Paralomis hirtella n.sp., described herein, is distin-
guished from ail the others of the genus by the smooth dorsal surface of the
carapace, usually entirelv devoid of granules, tubercules or spines, but sparse-
KEYWORDS
hydrothermal vents, ly covered by tufts of erect setae. Members of the family Lithodidae, mainly
south western Pacific, of the genus Paralomis, hâve often been reported from hydrothermal envi-
Lithodidae,
ronments (Chevaldonné & Olu 1996) and P, hirtella is the third species of
Paralomis,
new species. the genus discovered in the exploration of hydrothermal sites.
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Saint Laurent M. de & Macpherson E.
INTRODUCTION pace sans le rostre (mesurée des sinus orbitaires
au bord postérieur), la seconde à sa plus grande
Plusieurs exemplaires d'une espèce encore non largeur, située vers le tiers postérieur de sa lon¬
décrite de crustacé décapode de la famille des gueur un peu en arrière du sillon cervical.
Lithodidae, appartenant au genre Paralomis
White, 1856, ont été capturés sur les sites hydro¬ Paralomis birteUa n.sp.
thermaux profonds des bassins de Lau et Nord- (Figs 1-4)
Fidjien, au cours de plusieurs expéditions menées
en 1989 et 1995 : les campagnes française Biolau Matériel, — Bassin de Lau. Expédition Biolau, ride
(Jollivet et al. 1989), franco-japonaise Starmer II de Valufa, site Hine Hina, 22°1.VS - 176°38’W,
(id. ; Desbruyères et al. 1994), et germano- 1750 m, 14-18.V.1989. — Stn BL 02, 2 2 $ovigères
44 X 45 et 44 X 44 mm (MNHN Pg 4662). — Stn
française Hyfiflux (Halbach et al. 1995 ;
BL 03, 1 S 50 x 54 mm (MNHN Pg 4659). — Stn
Auzende et al 1995). Ce matériel s’ajoute aux BL 08, 1 d 32 X 35 mm (holotype, MNHN
espèces déjà signalées dans des zones d'hydro¬ Pg 4658).
thermalisme et confirme la présence relativement Bassin Nord-Fidjicn. Expédition Starmer II, site che¬
minée active « La Dame Blanche «, 16°59'S -
fréquente du genre dans la faune de ces milieux
173D55,4’W. 2000 m, 13.VII.1989. — Plongée 16,
particuliers (Hashimoto et al. 1995 ;
I d féminisé (?) 59 X 65 mm, parasité par un rhizo-
Chevaldonné & OIu 1996). céphale (MNHN Pg 4661).— Plongée 20, 1 tî 54 x
Le matériel examiné est déposé dans les collec¬ 57 mm, 1 d féminisé (?) 51 X 55 mm, parasité par un
tions du Muséum national d'Histoire naturelle, rhizocéphale. 1 9 immature 27 x 29 rrirn et I V ovi-
gère40 X 41 mm (MNHN Pg4660t.
Paris (MNHN) et au Musée Senckenberg de
Expédition Hyfiflux, R. V. <(cid:9632) Sonne », Croisière 99,
Francfort (SMF). Les dimensions indiquées se
16°59,65 S -173“54,73‘Ê, 2003 m. — Stn SO-115,
rapportent, la première à la longueur de la cara¬ 1 juv. 17 x 19 mm (SMF).
Fig. 1. — Paralomis hirtella n.sp., holotype S 32 x 35 mm (MNHN Pg 4658), animal entier, vue dorsale.
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Une nouvelle espèce du genre Paralomis
Types. — Le mâle de 32 x 35 mm, catalogué MNHN dent épineuse. Épine orbitaire externe de la lon¬
Pg 4658, en provenance de la station BL 03 de la gueur du rostre, ou légèrement plus courte r
campagne Biolau, est désigné comme holotype. Les
épine antérolatérale de même taille ; entre ces
autres spécimens mentionnés ici sont les paratypes.
deux épines, sur le bord frontal, une épine plus
ÉTYMOLOGIE. — Le nom spécifique, du latin hirrus, courte. Bords latéraux de la carapace pourvus de
hirsute, se référé à la pilosité particulière de l'espèce. quatre à cinq épines sur les régions hépatiques,
suivies de quatre à sept, un peu plus développées,
Description sur la partie antérieure des régions branchiales ;
Carapace (Figs 1, 2, 3A) un peu plus courte que cette série d’épines marginales se continue sur les
sa plus grande largeur, à contour très approxima¬ bords postérolatéraux par de faibles saillies cor¬
tivement hexagonal, à régions bien délimitées ; respondant à l’implantation de touffes de soies.
les régions cardiaque et branchiales très peu Ornementation épineuse ou granuleuse de la face
saillantes, s’opposant à une forte convexité de la dorsale de la carapace pratiquement inexistante :
région gastrique. Rostre (Fig. 4B, C) court, uni- tout au plus peut-on observer chez quelques spé¬
denté, surbaissé, atteignant juste ou dépassant de cimens de légères granulations dans la partie
peu l’extrémité antérieure des cornées ; il est antérieure des aires branchiales. Pilosité consti¬
dépourvu de saillie ou de dent ventrale ; dorsale- tuée par de» faisceaux épars de soies raides, dres¬
ment, une paire de saillies peu accentuées, mar¬ sées, ne cachant pas les téguments.
quées chacune par l’implantation d’une touffe de Plaques tergales abdominales (Fig. 3B, C) faible¬
soies, masquant la présence éventuelle d’une petite ment granuleuses, offrant des faisceaux de soies
érigées identiques à celles de la carapace.
Pédoncules oculaires courts, inermes, à cornée
peu développée. Prolongement antérolatéral du
deuxième article des pédoncules antennaîres
atteignant le bord antérieur de l’avant-dernier
article, orné dune spinule proximale.
Scaphocérite bidenté, épine mésiale atteignant à
peu près le milieu du dernier article, épine laté¬
rale plus courte, souvent munie d’une spinule
basale ; parfois un faible granule mésial.
Chélipèdes (Fig. 4D) relativement longs,
robustes, sexuellement dimorphiques, plus longs
et plus robustes chez les mâles les plus grands.
Mérus et carpes bardés mésialement de longues
et fortes épines ; sur la face dorsale du mérus,
deux lignes parallèles de tubercules plus ou
moins épineux. Dorsalement et vcntralement les
mains sont inermes, avec parfois, cependant,
quelques faibles granulations dans leur région
mésiale ; le bord mésial porte deux à trois tuber¬
cules épineux assez développés
Première et deuxième paires de pattes ambula¬
toires (P2 et P3) un peu plus longues que les sui¬
vantes (P4). Longueur respective des articles des
P3 (Fig. 4E) à peu près dans les proportions sui¬
vantes: mérus, 10, carpe, 4, propode, 5, dactyle,
Fig. 2. — Paralomis hirtella n.sp. Holotype 6 32 x 35 mm
(MNHN Pg 4658), céphalothorax dorsal (la striation qui apparaît 5. Mérus avec le bord dorsal légèrement convexe,
sur ce cliché est un artefact , il s’agit en effet de l'ombre portée garni d une série de six à huit fortes dents épi¬
des soies raides et droites qui garnissent la face dorsale, due à
un éclairage latéral trop accentué). neuses ; bord ventral droit, armé de quatre à cinq
ZOOSYSTEMA • 1997 • 19(4) 723
Saint Laurent M. de & Macpherson E.
tubercules à pointe aiguë ; vers le tiers dorsal de dimension laisse présager un développement
la face latérale, une ligne de faibles granules. abrégé.
Carpe avec trois à quatre dents épineuses dor¬ Coloration paraissant uniformément blanc-
sales, et quelques granulations latérales. Propode crème (en alcool).
comprimé latéralement, les bords dorsal et ven¬
tral granuleux , dactyle légèrement arqué, bordé Variations
ventralement de soies spiniformes et terminé par Les variations observées concernent surtout
un ongle aigu, d'aspect corné. l'ornementation granuleuse épineuse de la cara¬
Pilosité des appendices composée de touffes de pace et des appendices thoraciques, et, dans une
soies raides, distribuées sur les bords dorsal et moindre mesure, la pilosité. La surface dorsale de
ventral et sur la face latérale des différents la carapace est dans la plupart des cas inerrne,
articles. maïs certains individus présentent une légère gra¬
Diamètre des œufs, environ 2,0 mm. Cette nulation dans la partie antérieure des aires bran-
FlG. 3. — Paralomis hirtella n.sp. A, B, holotype <î 32 x 35 mm (MNHN Pg 4658) ; C, 9 ovtgère 44 v 45 mm (MNHN Pg 4662) ; A,
carapace, vue dorsale ; B, abdomen du même spécimen ; C, abdomen, autre spécimen (pilosité non figurée). Échelles : 1 mm.
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Fig. 4. — Paralomis hinella
Pg 4660). A, région anlérieu
du chélipède droit, vue latért
SS
Saint Laurent M. de & Macpherson E.
chiales. Les exemplaires du bassin de Lau ont une P. diomedeae (Faxon, 1893) ; P. dofleini Balss,
ornementation plus accentuée, tous présentent 1911 ; P. lutïgae FJdtedge, 1976 ; P inca Haig,
une paire de dents épineuses à la base du rostre 1974 ; P. jamsteci Takeda et Flashimoto, 1990 ;
(Fig. 4B), qui manquent sur ceux du bassin P. odawari T. Sakai, 1980 : P. pacifiai T. Sakai,
nord-fidjien (Fig. 4C). Chez les deux mâles de 1978 : P. papillata (Benedict, 1895) ; P scagmnti
Biolau, en outre, les épines marginales sont plus F.ldredge, 1976 ; P tuberipes Macpherson, 1988 ;
nombreuses et plus développées, avec des spi- and P zealandica Dawsou et Yaldvvyn, 1971. La
nules supplémentaires sur la région frontale. carapace entièrement lisse, ou presque, dotée de
La pilosité est toujours éparse, la densité des fais¬ surcroît d’une pilosité très particulière, confère
ceaux de soies varie cependant légèrement suivant cependant un aspect inhabituel à l’espèce nou¬
les individus. Les soies sont relativement un peu velle, qui parait ne pouvoir être confondue avec
plus longues chez les exemplaires de petite taille. aucune autre du genre. Les espèces décrites ou
signalées du Pacifique sud-occidental, telles que
Remarques P. zealandica (Nouvelle Zélande, Dawson &
Parmi le matériel étudié figurent deux individus Yaldwyn 1971), P. seagranti (Kiribati,
d'assez grande taille, en provenance de la cam¬ Macpherson 1990) ou P. baigae (Nouvelle
pagne Starnter II, parasites par une sacculine Calédonie et Samoa, Macpherson 1990), ont une
fixée à la face ventrale de l’abdomen. Tous deux carapace typiquement granuleuse-épiueuse. Chez
présentent les caractères sexuels secondaires du P. birsteini Macpherson, 1988, des eaux antarc¬
sexe femelle : présence de pléopodes (notamment tiques autour de file Scott, la carapace est fran¬
d’une paire sur le premier segment abdominal) et chement épineuse,
de pores sur les coxae des troisièmes péréiopodes. Des Lithodidae ont été signalés à plusieurs
De petite dimension, ces pores ne sont pas reprises au sein ou à proximité immédiate des
ouverts et l’on peut supposer qu’il s'agir en fait communautés hydrothermales profondes ou des
d’individus mâles féminisés sous l’action du para¬ suintements froids liés à des phénomènes
site. Nous n’avons pas décelé d’orifice sexuel d’hydrothermalisme, parmi lesquels des
mâle. Paralomis apparaissent les plus fréquents. Aucune
Le plus petit spécimen (15 X 19 mm) provient espèce cependant, dans un cas comme dans
de la campagne Hyfiflux ; il ne présente aucune l'autre, n’est sans doute strictement inféodée à
trace d’orifice sexuel, la morphologie de l’abdo¬ ces milieux bien que l’exploration des sites
men est de type tcmelle, mais sans aucune trace hydrothermaux ait révélé des espèces nouvelles :
de pléopodes. La région branchiale postérieure Paralomis jamsteci Takeda et Flashimoto, 1990,
droite de cet individu présente un renflement P arethusa Macpherson, 1994, er P. hlrxella n.sp.
caractéristique d’une infestation parasitaire, qui L’analyse récente de Chevaldonné &C Glu (1996)
pourrait être à i origine d une anomalie des résume les données et les hypothèses sur la distri¬
caractères sexuels secondaires. L’animal n’a pas bution des anomoures rencontrés dans cet envi¬
été disséqué, mais sa Cavité branchiale est appa¬ ronnement, nous n’y reviendrons donc pas. Mais
remment dépourvue de bopyre. il convient de souligner qu’aucune affinité parti¬
Le genre Para/omis inclut, au total, une cinquan¬ culière ne semble rapprocher les différentes
taine d’espèces, dont vingt-six appartiennent à la espèces rencontrées dans l'environnement hydro¬
faune indo-ouest pacifique (y compris la zone thermal ; si leur présence relativement fréquente
antarctique) (Davvson I 989 ; Macpherson 1990, est sans aucun doute à mettre en rapport avec la
1992) ; presque toutes sont des formes d’eau pro¬ richesse trophique des milieux concernés, elles
fonde. P. hirtelld, décrite ci-dessus semble appar¬ n'y onr développé aucune adaptation spéciale, au
tenir à un groupe d’espèces à carapace dépourvue moins sur le plan morphologique.
de vraies épines et dont l’ornementation consiste
en granules ou tubercules plus ou moins épineux,
de densité et de répartition variables : P aspem Remerciements
Faxon, 1893 ; P. cristata Takeda et Ohta, 1979 ; Nous remercions les responsables des campagnes
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Une nouvelle espèce du genre Paralomis
Biolau et Starmer qui ont bien voulu nous tion and food web. Marine Geology 116: 227-242.
confier l’étude de ce matériel, l’équipe du Eldredge L. C. 1976. — Two new species oflithodids
(Anomura, Paguridea, Lithodidae) crabs front
Cenrob (1FREMER), en particulier Michel
Guam. Micronesica 12: 309-315.
Segonzac, responsable du tri du matériel biolo¬ Halbach P., Auzende J.-M., Ttirkav M. and the
gique, ainsi que Michael Tiirkay, qui nous a Scientific Parry of the HYPIFLUX Cruise 1995. —
remis l’exemplaire du fl Sonne ». Une lecture cri¬ HYF1FLUX Cruise: Gerrnan-French Coopération
for the Study of Hydrothermalism and Related
tique du manuscrit a été assurée par Jacques
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Forest. Françoise Theureau a exécuté la majeure
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Soumis le 13 juin 1997 ;
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ZOOSYSTEMA • 1997 • 19 (4) 727