Il a quitté l'Argentine après que la dictature a jeté sa femme, les mains liées, du haut d'un hélicoptère au fond de la mer. «A vécu pour moi, est morte pour offrir des yeux aux poissons», dit-il. Il a fui, s'est caché, a souffert, erré, s'est embarqué, a travaillé. Puis il est revenu chez lui, en Italie. Maintenant il est jardinier. Il sait qu'il est deux sortes de terre. «L'une a de l'eau en dessous, on y fait un trou et elle affleure. C'est une terre facile. L'autre dépend du ciel, elle est maigre, voleuse, capable de prendre de l'eau au vent et à la nuit.» Un jour, il rencontre Làila qui va avec des hommes pour de l'argent. Elle l'aime. Il sait qu' «une vie d'homme dure autant que celle de trois chevaux». Commence pour lui la deuxième. Elle sera brève... Dans ce roman dépouillé et clair comme arbres bleus en hiver, Erri de Luca l'auteur de Tu, moi, En haut, à gauche, Acide, arc-en-ciel, Une fois, un jour, écrit des gestes: la première violette frottée sur les paupières, la soupe de pommes de terre aux épices rouges, les souliers ôtés pour toucher le sol du monde... Raconte aussi des histoires. Des vraies et des fausses. Des fausses pour faire passer les vraies. Des vraies pour dire que sans arrêt il faut choisir entre partir et rester, tuer ou laisser vivre. Les phrases sont courtes, le sang bat dans l'artère. Les images sont vives, jaune, noir, terre de Sienne. Le temps étale, bien à plat sous la main de l'écrivain. Merveille.