UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN STRASBOURG III Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion Optimisation fiscale et abus de droit : l’exemple des entreprises dans la jurisprudence depuis 1994 Mémoire soutenu en vue de l’obtention du D.E.A. de DROIT DES AFFAIRES par Vincent BESANCON Sous la Direction de Monsieur le professeur P.MARCHESSOU Année universitaire 1999-2000 1 SOMMAIRE PREMIERE PARTIE : L’abus de droit comme instrument de lutte contre l’optimisation fiscale (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133).. 11 CHAPITRE 1 : Le maintien d’un champ d’application étendu (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133) 12 Section 1 : L(cid:146)extension confirmØe du champ d(cid:146)application de la procØdure (cid:133)(cid:133)..(cid:133) 12 Section 2 : Les conditions de mise en (cid:156)uvre de la procØdure (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133). 18 CHAPITRE 2 : Les garanties procédurales (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133).(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133) 24 Section 1 : Les garanties pendant le contr(cid:244)le (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)..(cid:133) 24 Section 2 : La garantie avant contr(cid:244)le : le rescrit fiscal (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)...(cid:133)(cid:133) 31 DEUXIEME PARTIE : Les limites de la procédure de répression des abus de droit (cid:133) 40 CHAPITRE 1 : les limites intrinsèques (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133) 41 Section 1 : Les limites liØes au champ d(cid:146)application de la procØdure (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133).(cid:133)(cid:133) 41 Section 2 : L(cid:146)abus de droit implicite (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)...(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133) 49 CHAPITRE 2 : Les limites Liées à la nécessité d’un but exclusivement fiscal (cid:133).(cid:133) 55 Section 1 : L(cid:146)application nuancØe de la notion de fraude (cid:224) la loi par la jurisprudence . 56 Section 2 : La portØe de cette Øvolution jurisprudentielle (cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)(cid:133)...(cid:133)(cid:133) 64 2 PRINCIPALES ABREVIATIONS Art. Article BDCF Bulletin des conclusions fiscales BGFE Bulletin de gestion fiscale des entreprises BF Bulletin fiscal Francis Lefebvre Bull. Joly Bulletin Joly CAA Cour administrative d(cid:146)appel CE Conseil d(cid:146)Etat Cf. Confer (se reporter (cid:224)) CGI Code gØnØral des imp(cid:244)ts Chron. Chronique Concl. Conclusions Com. Cour de cassation, chambre commerciale Comm. Commentaire D. Dalloz (recueil) Doc. Adm. Documentation administrative Dr. fisc. Droit fiscal Gaz. Pal. Gazette du Palais Instr. Instruction administrative IRPP Imp(cid:244)ts sur le revenu des personnes physiques IS Imp(cid:244)t sur les sociØtØs JCP Juris-Classeur PØriodique LPF Livre des procØdures fiscales Opt. Fin. Option finance Rep. Def. RØpertoire gØnØral du notariat DefrØnois 3 Rev. Adm. Revue administrative Rev. sociØtØs Revue des sociØtØs RF compt. Revue fran(cid:231)aise de comptabilitØ RJF Revue de jurisprudence fiscale RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial S Sirey TA Tribunal administratif TVA Taxe sur la valeur ajoutØe 4 INTRODUCTION A diverses Øtapes importantes de son existence, l(cid:146)entreprise doit effectuer des choix de gestion qui affectent son mode de fonctionnement, que ce soit au moment de sa crØation, du choix de ses moyens de financement, du dØveloppement de son activitØ, ou lors de sa disparition. A chaque fois, le coßt fiscal appara(cid:238)t comme un des critŁres de la dØcision. En effet, il n(cid:146)est, par exemple, pas indiffØrent que l(cid:146)entreprise soit exploitØe sous la forme individuelle ou sous la forme sociale. De mŒme, si l(cid:146)entreprise veut procØder (cid:224) des investissements, elle peut utiliser ses fonds propres ou emprunter. Son choix ne sera pas neutre fiscalement puisque si l(cid:146)entreprise emprunte, les intØrŒts qu(cid:146)elle versera au prŒteur constitueront des charges d(cid:146)exploitation dØductibles du bØnØfice imposable, alors que l(cid:146)utilisation de fonds propres n(cid:146)aurait entra(cid:238)nØ aucune dØduction supplØmentaire. Or l(cid:146)imp(cid:244)t est une charge financiŁre comme une autre. Le r(cid:244)le du gestionnaire d(cid:146)une entreprise est d(cid:146)abord de prØvoir cette charge, mais ce n(cid:146)est pas suffisant, il devra, autant que possible, chercher (cid:224) la rØduire. Cette recherche est mŒme indispensable pour le conseil de 5 l(cid:146)entreprise qui est susceptible d(cid:146)engager sa responsabilitØ dans l(cid:146)hypothŁse oø il n(cid:146)aurait pas pris en compte les incidences fiscales des solutions qu(cid:146)il propose (cid:224) ses clients 1. La fiscalitØ devient ainsi une technique de gestion en liaison avec la gestion juridique, financiŁre, commerciale (cid:133)La gestion fiscale est devenue un art et une science, presque une industrie. Le langage utilisØ est rØvØlateur. Autrefois, les juristes parlaient modestement de la libertØ de choix de la voie fiscale la moins imposØe. Les gestionnaires utilisent aujourd(cid:146)hui un vocabulaire plus agressif : ils parlent de gestion fiscale, de stratØgie fiscale, de tax- planning, ou plus gØnØralement d(cid:146)optimisation fiscale. Il convient de distinguer l(cid:146)optimisation fiscale de la fraude fiscale. Les deux notions, qui sont parfois confondues, relŁvent en fait de rØalitØs diffØrentes. Le dØlit de fraude fiscale est dØfini (cid:224) l(cid:146)article 1741 du CGI qui punit : « quiconque s(cid:146)est frauduleusement soustrait ou a tentØ de se soustraire frauduleusement (cid:224) l(cid:146)Øtablissement ou au paiement partiel » de l(cid:146)imp(cid:244)t. Ainsi dØfinit, la notion de fraude est simple (cid:224) circonscrire. Il y a fraude lorsqu(cid:146)un contribuable, de fa(cid:231)on dØlibØrØe, viole les prescriptions de la loi fiscale. La fraude est la volontØ de se soustraire (cid:224) l(cid:146)imp(cid:244)t normalement dß en recourant (cid:224) des procØdØs illØgaux. Elle est donc dØterminØe par trois ØlØments cumulatifs : l(cid:146)irrØgularitØ de l(cid:146)opØration et la mauvaise foi du contribuable, dans le but de rØaliser une Øconomie d(cid:146)imp(cid:244)t. L(cid:146)optimisation fiscale, par dØfinition, est la recherche, autant que possible, d(cid:146)une Øconomie d(cid:146)imp(cid:244)t. Les contribuables, dans cette hypothŁse, respectent scrupuleusement les impØratifs de la loi fiscale ; en cela, ils se distinguent des fraudeurs. L(cid:146)optimisation fiscale (certains auteurs parlent d(cid:146)habiletØ fiscale 2), peut Œtre dØfinie comme l(cid:146)emploi de procØdØs lØgaux, dans le but de minimiser la charge fiscale que le contribuable aurait normalement supportØe. La distinction entre la fraude fiscale et l(cid:146)optimisation fiscale peut donc s(cid:146)effectuer selon un critŁre de lØgalitØ. Comme nous l(cid:146)avons soulignØ, le droit fiscal influe directement sur les choix des gestionnaires en raison de ses rØpercussions. Le principe en matiŁre de choix intØressant la gestion de l(cid:146)entreprise, et en particulier en matiŁre de choix fiscaux, c(cid:146)est la libertØ. Ce principe de la libertØ de gestion, ou de la non- immixtion de l(cid:146)Administration dans la gestion de l(cid:146)entreprise, est un principe de base 1 Dans ce sens : Paris, 16 avril 1996, Bull. Joly 1996, p. 826, note A. COURET. 2 M. COZIAN, Les grands principes de la fiscalitØ des entreprises, Litec, 4Łme Ød., p. 20. 6 parfaitement Øtabli par la doctrine. Il est affirmØ depuis longtemps par la jurisprudence 1 et est acceptØ, en principe, par l(cid:146)Administration. La libertØ de ces choix est d(cid:146)autant moins discutable dans son principe qu(cid:146)elle est organisØe dans certains cas par le lØgislateur lui-mŒme. De nombreuses options sont ouvertes aux entreprises : option pour la TVA dans certains cas, option pour l(cid:146)imp(cid:244)t sur le revenu ou pour l(cid:146)imp(cid:244)t sur les sociØtØs dans d(cid:146)autres, option pour le rØgime de l(cid:146)intØgration fiscale (si les conditions de son application sont rØunies) ... Toutefois, si ce principe de libre gestion de l(cid:146)entreprise appara(cid:238)t incontestable, son application concrŁte est plus dØlicate. L(cid:146)Administration fiscale et la jurisprudence ont ØtØ amenØes (cid:224) en fixer les limites dans le but de prØserver la matiŁre imposable. L(cid:146)Administration, en effet, dispose parfois du droit de critiquer un acte de gestion , soit sur le fondement de la thØorie de l(cid:146)acte anormal de gestion , soit sur celui de l(cid:146)abus de droit. Avec la thØorie de l(cid:146)acte anormal de gestion, dont le domaine d(cid:146)application est limitØ (cid:224) l(cid:146)imposition du bØnØfice, il s(cid:146)agit de vØrifier que les dØcisions de l(cid:146)entreprise ayant une rØpercussion fiscale ont bien ØtØ prises dans l(cid:146)intØrŒt de celle-ci. . L(cid:146)acte anormal de gestion est un acte contraire (cid:224) l(cid:146)intØrŒt de l(cid:146)entreprise, qui est passØ dans l(cid:146)intØrŒt personnel des dirigeants ou des personnes ØtrangŁres (cid:224) l(cid:146)entreprise. Ce droit reconnu (cid:224) l(cid:146)Administration para(cid:238)t exorbitant. Il trouve son fondement dans la notion mŒme d(cid:146)entreprise dont l(cid:146)objet est l(cid:146)exercice d(cid:146)une activitØ Øconomique productrice de revenus. DŁs lors, tous les actes de gestion d(cid:146)une entreprise doivent Œtre engagØs dans l(cid:146)intØrŒt de cette entreprise. L(cid:146)abus de droit, quant (cid:224) lui, constitue la seconde « arme » dont dispose l(cid:146)Administration pour s(cid:146)immiscer dans la gestion de l(cid:146)entreprise. L(cid:146)entreprise est libre de sa gestion, mais cette libertØ ne peut Œtre utilisØe pour frauder la loi. L(cid:146)abus de droit n(cid:146)est pas une notion purement fiscale, il existe aussi en matiŁre de droit privØ. En droit civil fran(cid:231)ais, l(cid:146)abus de droit est une crØation jurisprudentielle qui permet, soit de remØdier au dommage que l(cid:146)exercice d(cid:146)un droit provoque, soit de sauvegarder la cohØrence de l(cid:146)ordre juridique. En droit fiscal Øgalement, l(cid:146)abus de droit est l(cid:146)(cid:156)uvre de la jurisprudence. 1 CE, 7 juillet 1958, n(cid:176)35977, Dr fisc. 1958, n(cid:176)44, comm. 938. ; Voir Øgalement, B. PLAGNET, La non- immixtion de l(cid:146)Administration fiscale dans la gestion des entreprises, BF 11/99, p. 687. 7 Mais contrairement au droit civil, il a re(cid:231)u la consØcration lØgislative. En effet, selon l(cid:146)article L.64 du LPF : « Ne peuvent Œtre opposØs (cid:224) l(cid:146)administration des imp(cid:244)ts les actes qui dissimulent la portØe vØritable d(cid:146)un contrat ou d(cid:146)une convention (cid:224) l(cid:146)aide de clauses : a. Qui donnent ouverture (cid:224) des droits d(cid:146)enregistrements ou (cid:224) une taxe de publicitØ fonciŁre moins ØlevØs ; b. Ou qui dØguisent soit une rØalisation, soit un transfert de bØnØfices ou de revenus ; c. Ou qui permettent d(cid:146)Øviter, en totalitØ ou en partie, le paiement de taxe sur le chiffre d(cid:146)affaires correspondant aux opØrations effectuØes en exØcution d(cid:146)un contrat ou d(cid:146)une convention. » Dans ces hypothŁses, l(cid:146)Administration peut restituer (cid:224) un acte juridique effectuØ par un contribuable sa vØritable nature, apprØhender la nature rØelle de l(cid:146)acte et en tirer les consØquences fiscales qui s(cid:146)imposent. Comme l(cid:146)a observØ M. COZIAN, « la rØpression de l(cid:146)abus de droit se traduit par une dØqualification (celle de la portØe apparente de l(cid:146)acte) suivie d(cid:146)une requalification (celle de la portØe rØelle de cet acte) » 1. Ce double mouvement de « dØqualification-requalification » illustre la possibilitØ offerte (cid:224) l(cid:146)Administration de remettre en cause, contrairement (cid:224) la thØorie de l(cid:146)acte anormal de gestion, la nature juridique d(cid:146)un acte rØalisØ par l(cid:146)entreprise. On peut Øgalement les opposer sur un autre point : l(cid:146)acte anormal de gestion, conclu en contravention avec l(cid:146)intØrŒt social, appauvrit indßment l(cid:146)entreprise et enrichit corrØlativement un tiers. A l(cid:146)inverse, l(cid:146)abus de droit enrichit fiscalement l(cid:146)entreprise puisqu(cid:146)il se traduit par une Øconomie d(cid:146)imp(cid:244)t ; il est alors difficile de considØrer qu(cid:146)il est contraire (cid:224) l(cid:146)intØrŒt social. L(cid:146)abus de droit n(cid:146)est pas une notion propre au droit fran(cid:231)ais, mais il n(cid:146)est toutefois pas rØprimØ dans l(cid:146)ensemble des pays industrialisØs. Selon un rapport de l(cid:146)OCDE sur l(cid:146)Øvasion et la fraude fiscale internationale, parmi les grands pays europØens, seuls la France, l(cid:146)Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse disposent d(cid:146)une clause lØgislative gØnØrale de rØpression des abus de droit. En revanche, dans les pays de Common law, il n(cid:146)existe pas, dans la plupart des cas, de rŁgles gØnØrales de rØpression des abus de droit, mais des dispositions 1 M. COZIAN, L(cid:146)amØnagement de la procØdure de l(cid:146)abus de droit , in L(cid:146)amØlioration des rapports entre l(cid:146)Administration fiscale et les contribuables , Colloque de la sociØtØ fran(cid:231)aise de droit fiscal du 15-16 septembre 1988, PUF, 1989, p. 157. 8 spØcifiques pour certaines catØgories d(cid:146)imp(cid:244)ts ou certaines situations. Pour eux, comme le soutenait naguŁre PLANIOL 1, il ne saurait y avoir abus l(cid:224) oø on ne fait qu(cid:146)user d(cid:146)un droit. A partir d(cid:146)une interprØtation littØrale de l(cid:146)article 1649 quinquies B du CGI (dØsormais art. L.64 du LPF), la jurisprudence traditionnelle exigeait la preuve de l(cid:146)existence d(cid:146)une simulation : l(cid:146)acte litigieux devait dissimuler la portØe vØritable d(cid:146)un contrat ou d(cid:146)une convention, en entra(cid:238)nant un moindre coßt fiscal. L(cid:146)abus de droit, dØfinit ainsi de maniŁre stricte par la loi, n(cid:146)Øtait pas d(cid:146)un grand recours pour lutter contre l(cid:146)optimisation fiscale. Mais la jurisprudence fiscale est allØe au-del(cid:224). MŒme s(cid:146)il n(cid:146)y a pas simulation, un acte peut Œtre ØcartØ au nom de l(cid:146)abus de droit si sa motivation est exclusivement fiscale. Avec cette conception extensive de la notion d(cid:146)abus de droit, l(cid:146)Administration dispose d(cid:146)un moyen plus efficace de lutte contre l(cid:146)optimisation fiscale. Cette extension jurisprudentielle de l(cid:146)abus de droit engendre inØvitablement une grande insØcuritØ juridique pour les contribuables qui verront ainsi remis en cause, a posteriori, les actes juridiques qu(cid:146)ils ont passØs. Cette Øvolution a obscurci davantage la frontiŁre (cid:224) ne pas franchir. Pour savoir si leurs montages relŁvent de l(cid:146)abus de droit, les entreprises doivent alors s(cid:146)appuyer sur la jurisprudence qui est souvent riche d(cid:146)enseignements. Celle-ci constitue, en effet, le seul moyen (cid:224) leur disposition pour leur permettre d(cid:146)apprØcier les limites (cid:224) ne pas dØpasser. Le risque pour les contribuables est d(cid:146)autant plus important que les sanctions encourues sont lourdes. En effet, l(cid:146)amende infligØe en cas d(cid:146)abus de droit est l(cid:146)une des plus fortes (cid:224) ce jour : lorsque l(cid:146)abus de droit est Øtabli, l(cid:146)article 1729 du CGI prØvoit une pØnalitØ au taux de 80 % 2. Cette amende se double d(cid:146)un intØrŒt de retard de 0,75 % par mois de retard. Il convient de souligner que les parties (cid:224) l(cid:146)acte sont solidairement responsables du paiement de l(cid:146)amende et des intØrŒts3. La procØdure de l(cid:146)abus de droit repose sur le droit de requalification reconnu (cid:224) l(cid:146)Administration. Ce droit se prØsente comme une exception au principe fondamental selon lequel les situations juridiques bØnØficient d(cid:146)une prØsomption de sincØritØ et sont en 1 M. PLANIOL, Etudes sur la responsabilitØ civile, Rev. Crit., 1095, 277 et 1906, 80. 2 L(cid:146)amende Øtait initialement Øgale (cid:224) 200% du supplØment d(cid:146)imp(cid:244)t. 3 Art. 1729 du CGI aux termes duquel : « En cas d(cid:146)abus de droit, l(cid:146)intØrŒt de retard et la majoration sont (cid:224) la charge de toutes les parties (cid:224) l(cid:146)acte ou (cid:224) la convention qui sont solidairement tenues (cid:224) leur paiement ». 9 consØquences opposables au fisc. Faisant figure d(cid:146)exception, le droit pour l(cid:146)Administration d(cid:146)Øcarter la situation juridique servant de base (cid:224) l(cid:146)imposition est entourØ de nombreuses garanties , tant avant et pendant le contr(cid:244)le fiscal, qu(cid:146)aprŁs son dØclenchement. La sØcuritØ juridique des contribuables est (cid:224) ce prix. Si la procØdure de rØpression des abus de droit appara(cid:238)t comme un moyen efficace pour l(cid:146)Administration dans sa lutte contre l(cid:146)optimisation fiscale, elle conna(cid:238)t d(cid:146)importantes limites, tant lØgales que jurisprudentielles, qui rendent son utilisation de plus en plus dØlicate. IntrinsŁquement, la procØdure ne semble viser que certains imp(cid:244)ts ; quel est alors le sort des imp(cid:244)ts non visØs par le texte ? L(cid:146)administration est-elle en droit de mettre en (cid:156)uvre la procØdure des abus de droit lorsqu(cid:146)un contribuable a appliquØ une doctrine administrative ? L(cid:146)existence de garanties particuliŁres entra(cid:238)ne Øgalement une interrogation supplØmentaire : le juge doit-il, selon une formule dØsormais cØlŁbre, « replacer le dØbat dans le cadre de l(cid:146)abus de droit, quand l(cid:146)administration en fait sans le savoir, ou tout en le sachant, sans le dire » ?. Toutes ces questions, auxquelles la jurisprudence a rØcemment apportØ des ØlØments de rØponse, sont d(cid:146)une grande importance pour apprØcier l(cid:146)efficacitØ de la procØdure. Les opØrations de restructuration de sociØtØs constituent un domaine privilØgiØ, pour les entreprises, dans la mise en (cid:156)uvre de leurs techniques d(cid:146)optimisation fiscale. Ces opØrations sont des opØrations (cid:224) risque, particuliŁrement au regard de l(cid:146)abus de droit. Il est intØressant de remarquer que l(cid:146)Øtude de la jurisprudence en la matiŁre laisse appara(cid:238)tre des exigences croissantes de la part des juges dans l(cid:146)application du critŁre relatif au but exclusivement fiscal du montage litigieux. Par consØquent, afin d(cid:146)Øtudier dans quelle mesure la procØdure de rØpression des abus de droit permet d(cid:146)apprØhender les techniques d(cid:146)optimisation fiscale, nous montrerons, dans un premier temps, que si cette procØdure peut effectivement constituer, pour l(cid:146)Administration fiscale, un instrument de lutte contre l(cid:146)optimisation fiscale (premiŁre partie), elle n(cid:146)est toutefois pas sans limites (deuxième partie). 10
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