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Les élites et la richesse au Haut Moyen Âge PDF

546 Pages·2010·8.223 MB·French, English
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LES ÉLITES ET LA RICHESSE AU HAUT MOYEN ÂGE sous la direction de Jean-Pierre Devroey, Laurent Feller et Régine Le Jan Collection Haut Moyen Âge dirigée par Régine Le Jan 10 LES ÉLITES ET LA RICHESSE AU HAUT MOYEN ÂGE sous la direction de Jean-Pierre Devroey, Laurent Feller et Régine Le Jan F Les textes recueillis dans cet ouvrage forment les actes de la rencontre de Bruxelles des 13, 14 et 15 mars 2008, organisée par l’Ecole française de Rome, l’Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne (UMR 8589, Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris) l’équipe THEMAM « Textes, histoire et monuments de l’Antiquité et du Moyen Age » de l’UMR 7041 ArScAn « Archéologie et sciences de l’Antiquité » (CNRS, Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne, Université de Paris-Ouest – Nanterre-La Défense, Ministère de la Culture) la Mission historique française en Allemagne et l’Université libre de Bruxelles Cette rencontre est la septième du programme de recherche « Les élites dans le haut Moyen Âge » [I] L’historiographie des élites du haut Moyen Âge, sous la direction de Régine Le Jan et Geneviève Bührer-Thierry, http://lamop.univ-paris1.fr/lamop/LAMOP/elites/index.html [II] Les élites au haut Moyen Âge. Crises et renouvellements, sous la direction de François Bougard, Laurent Feller et Régine Le Jan, Turnhout, Brepols, 2006 (Collection Haut Moyen Age, 1). [III] Les élites aux frontières. Mobilité et hiérarchie dans le cadre de la mission, sous la direction de Geneviève Bührer-Thierry et Thomas Lienhard, http://lamop.univ-paris1.fr/lamop/LAMOP/elites/Introfrontieres.pdf [IV] Les élites et leurs espaces. Mobilité, rayonnement, domination (du VIe au XIe siècle), sous la direction de Philippe Depreux, François Bougard et Régine Le Jan, Turnhout, Brepols, 2007 (Collection Haut Moyen Age, 5). [V] Hiérarchie et stratification sociale dans l’Occident médiéval (400-1100), sous la direction de François Bougard, Dominique Iogna-Prat et Régine Le Jan, Turnhout, Brepols, 2008 (Collection Haut Moyen Age, 6). [VI] La culture au haut Moyen Âge : une question d’élites ?, sous la direction de François Bougard, Régine Le Jan et Rosamond McKitterick, Turnhout, Brepols, 2009 (Collection Haut Moyen Age, 7). [VII] Les élites et la richesse au haut Moyen Âge, sous la direction de Jean-Pierre Devroey, Laurent Feller et Régine Le Jan, Turnhout, Brepols, 2010 (Collection Haut Moyen Age,11). Image tirée de Die Alamannen (Catalogue de l'exposition Stuttgart, Zürich, Augsbourg, 1997-1998), © Theiss, 1997. © 2010, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. ISBN 978-2-503-53585-2 D/2010/0095/131 LAURENT FELLER InTroduCTIon ForMes eT FonCTIons de La rIChesse des éLITes au hauT Moyen Âge Les élites sociales se définissent aussi par leur richesse1. Celle-ci contribue à établir la distance qui les sépare des autres groupes et est liée de très près à l’attribution des rangs comme à l’exer- cice du pouvoir. Elle est un élément déterminant du statut personnel ou collectif de ses membres. Par définition, les élites sociales ne tra- vaillent pas et leurs revenus, quelle qu’en soit leur source, sont d’abord là pour leur permettre de vivre dans le loisir afin de pouvoir se livrer aux activités qui, culturellement et socialement, les définissent, qu’il s’agisse de la guerre, de la prière ou du gouvernement. Ces activités leur donnent une identité et une fonction ; l’une et l’autre cependant sont compatibles avec des préoccupations très terre à terre liées à l’organisation de leurs patrimoines, l’état de leurs revenus, l’acquisi- tion d’objets, la dépense à faire pour se procurer les éléments de luxe disponibles et indispensables à établir et marquer son rang. Si la possession de biens donne une puissance de fait, la légitima- tion de celle-ci passe par leur exhibition et par certaines formes par- ticulières de consommation qui contribuent à renforcer l’estime que 1 Les autres éléments catégorisant les élites ont été abordés lors des rencontres précédentes : la richesse apparaît comme un des éléments essentiels, mais non le seul. De là la place occupée par la rencontre de Bruxelles, avant-dernière d’un cycle de sept. Le présent livre est en effet le fruit de la sixième rencontre du programme « Les élites au haut Moyen Âge ». Les précédentes portaient sur l’historiographie :1. L’historiographie des élites dans le haut Moyen Âge, http://lamop.univ-paris1.fr/lamop/LAMOP/elites/index.html ; les crises : 2. Les élites au Moyen Âge. Crises et renouvellements, F. Bougard, L. Feller et R. Le Jan éd., Turnhout, 2006 ; les frontiuères : 3. Les élites aux frontières. Mobilité et hiérarchie dans le cadre de la mission, sous ladirection de Geneviève Bührer-Thierry et Thomas Lienhard http://lamop.univ-paris1. fr/lamop/LAMOP/elites/Introfrontieres.pdf ; les espaces : 4. Les élites et leurs espaces. Mobi- lité, rayonnement, domination (du VIe au XIe siècle), P. Depreux, F. Bougard et R. Le Jan éd., Turnhout, 2007 les hiérarchies de F. Bougard, D. Iogna-Prat et R. Le Jan, Turnhout, 2008 (Collection Haut Moyen Age, 6) ; la culture : 5. La culture au haut Moyen Âge : une question d’élites ?, sous la direction de F. Bougard, R. Le Jan et R. McKitterick, Turnhout, 2009 (Col- lection Haut Moyen Age, 7). 5 laurent feller l’on porte aux élites et à conforter le prestige dont elles jouissent2. Cela implique l’existence de véritables politiques, que ce soit en matière d’acquisitions foncières ou de carrières individuelles et la conscience de ce qu’il est nécessaire d’agir d’une certaine manière en vue de fins, sans doute difficiles à formuler mais dont la réalité s’impose au groupe comme aux individus. Il faut agir d’une certaine manière, faire certaines choses dans le domaine de l’acquisition et de la gestion des richesses à la fois pour montrer son appartenance à l’élite et sa volonté d’y demeurer3. Le comportement à l’égard des biens matériels, qu’il s’agisse de la production, de l’échange ou de la consommation fait obligatoirement partie de ce qui définit les grou- pes de statut : cela s’applique aux élites sociales peut-être plus qu’à toute autre catégorie4. On a depuis longtemps cessé de considérer les élites du haut Moyen Âge comme des « surconsommateurs parasites », peu ou pas du tout préoccupés de la gestion de leurs biens, voire simplement dilapidateurs et gaspilleurs frénétiques5 : ce sont également des acteurs économiques dont les rationalités doivent être analysées. La consom- mation ostentatoire, le luxe, la compétition sont des éléments impor- tants dans la définition des comportements aristocratiques et consti- tuent l’objet de ce livre6. Je me propose, dans les pages qui suivent, 2 T. Veblen, Théorie de la classe de loisir, New York, 1899 (trad. fr. Paris, 1970), p. 26 ; F. Bougard et R. Le Jan, Quelle mobilité sociale au haut Moyen Âge ? dans La mobilità sociale nel medioevo : rappresentazioni, canali, protagonisti, metodi d’indagine (Actes du colloque tenu à Rome les 28-30 mai 2008), éd. S. Carocci, Rome, 2008, p. 41-68. 3 Sur l’agir et le faire, voir P. Veyne : P. Veyne, Le pain et le cirque. Sociologie d’un pluralisme politique, Paris, 1976, p. 36 sv. 4 M. Weber, Economie et société. 1. Les catégories de la sociologie, Tübingen, 1956 [Trad. fr. 1971, éd. de 1995], t. 1, p. 396-397. 5 Parangon de cette indifférence totale à la dépense (au XIIIe siècle, il est vrai, mais cette représentation a tendance à être atemporelle), Iacopo da Sant’Andrea qui, un jour, pour se distraire, lors d’un trajet entre la terre ferme et le Rialto se serait diverti en jetant des pièces d’or pour faire des ronds dans l’eau. On est là dans le domaine de la légende et de la tradition folklorique, la même qui veut que ce personnage ait, pour se réchauffer après une partie de chasse hivernale, fait brûler la maison de l’un de ses tenanciers auquel il aurait ensuite offert des terres pour une valeur bien supérieure à celle de la maison. Cf. G. Rippe, Padoue et son contado (Xe-XIIIe siècle), Rome, 2003 (BEFAR, n°317), p. 594-595 et n. 43. 6 G. Duby, Guerriers et paysans. VIIIe-XIIe siècle. Premier essor de l’économie européenne, Paris, 1973 a sans doute beaucoup fait pour promouvoir cette image pratique mais incomplète de l’éthos aristocratique. Contra, Pierre Toubert a de fait considéré les seigneurs latiaux comme des leaders économiques, calculant rationnellement mais ayant du mal à évaluer convenable- ment les risques: P. Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine, du IXème au XIIème siècle, Rome, 1973 BEFAR, 221 ; Pierre Bonnassie postule également la rationalité des comportements seigneuriaux, jusques et y compris le recours à la guerre et à la violence contre les classes sociales subordonnées : P. Bonnassie, La Catalogne du milieu 6 introduction. formes et fonctions de la richesse des elites de présenter brièvement quelque problèmes liés à la richesse des éli- tes ainsi qu’à leur attitude à l’égard des biens matériels qui la compo- sent. La fortune des élites Il faut distinguer deux niveaux d’analyse et séparer les biens des patrimoines afin d’essayer d’atteindre l’ensemble des objets de pro- priété dont l’accumulation et l’agrégation à un ensemble cohérent constituent la richesse d’un individu ou d’une famille7. Les biens d’un individu ou d’une famille peuvent en effet être classés par catégories et rangés dans des typologies souvent bien cer- nées : biens meubles et biens immeubles, biens de production et biens de prestige ; biens de consommation courante et biens de consomma- tion ostentatoire ; biens précieux et biens sacrés constituent des objets séparés, matériellement imaginables, descriptibles et souvent quanti- fiables. Concrètement, il s’agit de terres, de chevaux, de bétail, d’es- claves ou d’objets précieux comme les pièces d’orfèvrerie, les bijoux, les vêtements. Le statut de certains de ces objets est d’ailleurs souvent ambigu, puisqu’ils peuvent être à la fois dotés d’une utilité pratique, être le symbole d’une fonction et, en même temps, avoir un prix. La notion de patrimoine est différente : elle est compréhensive et extensive. Un patrimoine est un ensemble contenant des quantités et des proportions de biens de différente nature, par exemple des mai- sons, des églises, des terres, du bétail et qui constituent un tout orga- nique. Les patrimoines se constituent et circulent d’une manière dif- férente de celle des biens. Leur constitution dépend pour beaucoup de la transmission entre générations et renvoie à des notions abstrai- tes comme, par exemple, l’unité de la famille qui peut se cristalliser autour de la possession de certains biens. Biens et patrimoines font partie de la richesse : détenir des biens qui font patrimoine en quan- tité importante, cela revient à être riche. du Xe à la fin du XIe siècle. Croissance et mutations d’une société, Toulouse, 1975-1976. La question a été reprise et approfondie récemment par J.-P. Devroey : J.-P. Devroey, Puissants et misérables. Système social et monde paysan dans l’Europe des Francs (VIe-IXe siècles), Bruxelles, 2006 Académie royale de Belgique ainsi que par C. Wickham : C. Wickham, Framing the Early Middle Ages. Europe and the Mediterranean (400-800), Oxford, 2005 7 Sur la notion de richesse et ses antonymes, voir C. Gide, Principes d’économie politique, Paris, 1931 [éd. 2000. Préfacé et annoté par Yves Breton], p. 102 sv. : « Tout objet de propriété fait potentiellement partie des richesses, qu’il satisfasse directement un besoin de son pro- priétaire ou qu’il puisse satisfaire le besoin d’un autre » … 7 laurent feller Il existe des hiérarchies de différente nature à l’intérieur de l’élite : la richesse fait partie des éléments permettant de classer les individus à l’intérieur du groupe et de leur donner une place particulière, par- fois en contradiction avec les fonctions exercées ou avec les valeurs affichées par ses membres qui ne placent pas nécessairement la richesse en première place, même si tout le monde sait bien qu’elle est pour quelque chose dans l’acquisition d’un rang. Pour un auteur comme Liutprand de Crémone, il est troublant, voire choquant, de constater que le duc de Toscane, Adalbert, est plus riche que le roi d’Italie Louis de Provence8, parce que dans ce cas, la hiérarchie poli- tique est contrariée par celle de la richesse, au risque de créer des confusions, voire d’engendrer des troubles politiques. La relation entre richesse et pouvoir ou entre richesse et puissance est une évidence. Si l’on ne peut être puissant sans en même temps détenir une fortune, celle-ci, quoique donnant divers avantages, ne fournit pas automatiquement un accès au pouvoir. Elle procure du prestige, elle donne les moyens de la domination sociale, de son exten- sion, de sa reproduction, elle ne fournit pas en revanche de pouvoir en soi légitime. La richesse d’Adalbert est telle que sa fidélité au roi peut devenir problématique, parce qu’il n’a rien à attendre d’un sou- verain pauvre mais politiquement fort. Mais à aucun moment, elle ne devient le soutien matériel d’une revendication à la royauté à laquelle Adalbert n’a tout simplement pas droit du fait de sa naissance. Avant de donner un droit légitime au pouvoir, la richesse doit d’abord subir un processus de conversion qui la transforme et rende son détenteur apte à l’exercice du pouvoir9. Il n’y a pas d’équivalence immédiate et absolue entre les deux éléments, même s’ils se recou- vrent en grande partie l’un l’autre. Bon nombre des attitudes des élites relèvent de cette pratique de la conversion de la richesse en droit légitime à commander et à dominer, ce qui est l’une des fins inlassablement poursuivies par les agents10. La recherche de l’accu- 8 Liutprand de Crémone, Antapodosis, P. Chiesa (éd.), Turnhout, 1998 (CCCM 156), II, 39, p. 51 ; l’auteur prête ces paroles au roi Louis: Hic rex potius quam marchio poterat appellari ; nullo quippe mihi inferior, nisi nomine solummodo, est. Cité par F. Bougard et R. Le Jan dans Quelle mobilité sociale... 9 C’est le thème central de Property and Power in Early Middle Ages, W. Davies et P. Fouracre éd., Cambridge, 1995 Voir en particulier l’introduction de T. Reuter et C. Wickham, p. 1-16 et la conclusion de W. Davies et P. Fouracre, p. 245-271. 10 T. Reuter, Property transactions and social relations between rulers, bishops and nobles in early eleventh-century Saxony : the evidence of the Vita Meinwerci, dans Property and power, cit. n.9, p. 165-199. 8

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