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Les deux traités à Euloge d'Evagre le Pontique PDF

408 Pages·2014·2.6 MB·French
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Mention « Sciences des religions et systèmes de pensée » École doctorale de l’École Pratique des hautes Études Les deux traités à Euloge d’Evagre le Pontique Introduction, édition critique, traduction, commentaire et notes Par Charles-Antoine Fogielman Thèse de doctorat de Patristique Grecque Sous la direction de Mme Marie-Odile Boulnois, directrice d’études, et M. Paul Géhin, directeur d'études Soutenue le 17 janvier 2015 Devant un jury composé de : Marie-Odile Boulois, Directrice d'Etudes Paul Géhin, Directeur de Recherches Lorenzo Perrone, Professeur Bernard Meunier, Chargé de Recherches Jean-Daniel Dubois, Directeur d'Etudes Bernard Outtier, Directeur de Recherches Position de thèse Etatdesétudesévagriennes Evagre le Pontique (-), auteur longtemps méconnu, a sombré dans un relatif oubliàlasuiteduconciledeCon(cid:13)antinopleII,quicondamnasesécritspourorigénisme. Sa redécouverte s’inscrit dans le cadre de la renaissance des études patri(cid:13)iques dont les grandes figures au xxe siècle furent les cardinaux Henri de Lubac et Jean Daniélou. Les fondateurs de la colle(cid:12)ion des Sources Chrétiennes étaient particulièrement soucieux de revaloriser des auteurs dont l’Eglise, en vertu de condamnations datant de l’Antiquité, se privaitencored’exploiterlesrichesses,souventconsidérables.OnsaitlerôlequejouaLu- bac dans la réhabilitation d’Origène; celle d’Evagre, auteur naguère moins familier du grand public, mais dont la do(cid:12)rine en son temps ne provoqua pas moins de passions, e(cid:13) due d’abord aux travaux d’un autre Jésuite, le P. Irénée Hausherr, et à ceux de l’abbé Jo- seph Muyldermans. Le premier, grâce au témoignage des manuscrits syriaques et arabes, montra irréfutablement dans un livre de , repris et amplifié en , qu’Evagre était le véritable auteur d’un grand nombre de traités attribués jusque-là à Nil d’Ancyre sur la foi de la tradition manuscrite grecque. Le second décrivit et répertoria les traduc- tions syriaques et arméniennes de l’œuvre d’Evagre, après avoir montré l’intérêt de ces versions orientales pour l’analyse de la tradition manuscrite grecque. Ainsi, c’e(cid:13) en recueillant le témoignage des versions arménienne et surtout syriaque qu’Hausherr et Muyldermans ont pu re(cid:13)ituer un bon nombre de traités jusque là attri- bués à Nil d’Ancyre à leur auteur véritable, Evagre le Pontique. Il faut noter que leurs travaux avaient été préparés en amont par deux publications : en  de la version ar- Cf.enparticulierLubac,Henride,Hi(cid:13)oireetEsprit:L’Intelligencedel’Écritured’aprèsOrigène,Paris. Hausherr,I.,Letraitédel’oraisond’EvagrelePontique(RAM),Toulouse. Hausherr,I.,LeTraitédel’Oraisond’ÉvagrelePontique:Introdu(cid:12)ion,authenticité,tradu(cid:12)ionfrançaiseetcommentaire (RAMet),Toulouse. Cf.enparticulierMuyldermans,Joseph,"EvagrianadelaVaticane",Muséon,Louvain,etMuyldermans, Joseph,EvagrianaSyriaca:textesinéditsduBritishMuseumetdelaVaticane(BibliothèqueduMuséon),Louvain. Muyldermans,Joseph,Àtraverslatraditionmanuscrited’EvagrelePontique:Essaisurlesmanuscritsgrecsconservésà laBibliothèquenationaledeParis(BibliothèqueduMuséon),Louvain.  ménienne des œuvres d’Evagre par un Père Mekhitari(cid:13)e de Venise, Barsegh Sargisean; mais celui-ci ne faisait que poursuivre la tradition de mise en valeur du partimoine lit- téraire arménien initiée au xviie par le fondateur de son Ordre. D’autre part, en , un universitaire allemand, Wilhelm Frankenberg publiait à son tour un certain nombre d’oeuvres d’Evagre dans leur version syriaque. AucarrefourdelalittératuredesapophthegmesdesPèresduDésertetdelapluspure spéculation théologique, l’œuvre d’Evagre ainsi redécouverte suscita l’intérêt autant par son contenu que par les problèmes posés par sa tradition manuscrite. Il fut vite ques- tion, en effet, de savoir pourquoi les écrits de cet auteur avaient attiré les foudres de la censure au point d’aboutir à une damnatio memoriæ. Les travaux d’Antoine Guillaumont, particulièrement sa découverte et son édition d’une nouvelle version syriaque des Kepha- (cid:13) laia Gno ica, ont permis de mieux apprécier la théologie d’Evagre sur un point capital, à savoir sa relation à Origène. La condamnation d’Evagre au concile de Con(cid:13)antinople II e(cid:13) le sujet d’un débat his- toriographique assez ancien. La principale source qui nous rapporte cette condamnation sontlesViesdesmoinesdePale(cid:13)inedeCyrilledeScythopolis.Ornullepartdanslesa(cid:12)es du concile de Con(cid:13)antinople II il n’e(cid:13) que(cid:13)ion d’Evagre, ni même de la querelle origé- nienne, ce qui amena certains hi(cid:13)oriens à soupçonner de confusion le chroniqueur. Il a cependant été montré de façon convaincante que la condamnation de l’origénisme de  a eu lieu lors d’une pré-session du concile, dont le compte-rendu se trouve dans une lettredeJu(cid:13)iniencitéeintégralementparGeorgesleMoineauive livredesaChronique. En revanche, aucun doute n’exi(cid:13)e quant au synode réuni spécialement à Con(cid:13)antinople en  par Ju(cid:13)inien pour condamner les Origéni(cid:13)es. Le synode se borna à avaliser les  anathématismesquel’Empereuravaitlui-mêmepréparésdanssonlivrecontreOrigène. (cid:13) La découverte par Antoine Guillaumont de la version S des Kephalaia Gno ica ap- porta la preuve que ce sont bien les écrits d’Evagre qui avaient servi à la réda(cid:12)ion de ces anathématismes. Dans cette version S, contrairement à la version S jusque-là seule Sargisean, Barsegh, Srboy ho’rn Ewagri Pontacwoy varq ew matenagrowt’iwnq t’argmanealq i Yowne’ i Hay barbar’, Venise,. Frankenberg,Wilhelm,EvagriusPonticus,Berlin. Schwartz,Eduard,KyrillosvonSkythopolis(TU-),Leipzig,p.-). Cf.notammentHefele,C.J.etLeclerq,Henri,Hi(cid:13)oiredesConcilesd’aprèslesdocumentsoriginaux,Paris,t. vol.,p.-. Diekamp,Franz,Dieorigeni(cid:13)ischenStreitigkeitenimsech(cid:13)enJahrhundertunddasfünfteallgemeineConcil,Mün(cid:13)er ,etPrice,Richard,TheA(cid:12)softheCouncilofCon(cid:13)antinopleofwithrelatedtextsontheThreeChaptersControversy, Liverpool,p.-. GeorgesleMoine,Chronique,PG,-. JustinienIe,LiberadversusOrigenem,PG-,. Guillaumont, Antoine, "Evagre et les anathématismes antiorigéni(cid:13)es de ", Third International Conference of 2 connue, les passages à saveur origénienne n’avaient pas été censurés. Cette trouvaille a permis d’entrevoir un pan de la véritable do(cid:12)rine d’Evagre, et de mieux saisir le rôle de sa pensée dans les controverses origéniennes qui ont troublé les milieux mona(cid:13)iques de  à . A la suite de cette découverte fondatrice, l’entreprise d’édition de ses écrits dans la colle(cid:12)ion des Sources Chrétiennes initiée par les époux Antoine et Claire Guillaumont et relayée par Paul Géhin (sept volumes parus à ce jour), a fourni au public des textes sûrs, suscitant un intérêt pour cet auteur qui se mesure au nombre toujours croissant de publications ayant trait à Evagre. En effet, bien qu’une synthèse apparemment définitive surtouslesaspe(cid:12)sdelavieetdel’oeuvred’Evagreaitétépubliéedefaçonpo(cid:13)humepar Antoine Guillaumont, les études évagriennes n’ont fait que prendre un nouvel essor, bénéficiant désormais d’une vision d’ensemble dont les chercheurs a(cid:12)uels s’attachent à affinerlesdétails,ouàcritiquerlesprisesdeposition.L’approchedeGuillaumont,comme l’asoulignéPaulGéhindansunarticled’hommage,étaiteneffetmarquéeparuncertain nombre d’options, qui lui ont permis de cerner la pensée de l’auteur patri(cid:13)ique dans sa globalité. Tout d’abord, Guillaumont a cherché à recon(cid:13)ituer les aspe(cid:12)s de la pensée d’Evagre qui ont été voués à l’oubli après sa condamnation, et à comprendre comment ces as- pe(cid:12)s controversés s’articulaient avec le re(cid:13)e de sa do(cid:12)rine, celle qui e(cid:13) exposée dans les textes ascétiques, dont le contenu apparemment inoffensif leur a permis de survivre en langue grecque. Pour mener à bien cette inve(cid:13)igation, il ne s’e(cid:13) pas contenté des mé- thodes livresques de la Religionsgeschichtliche Schule du xixe siècle, mais a voulu intégrer à sa réflexion aussi bien le Sitz im Leben mona(cid:13)ique de l’auteur que son enseignement ésotérique, sachant que ses expériences ascétiques avaient nécessairement coloré ses spé- culations philosophiques. Les fouilles qu’Antoine Guillaumont a menées dans le désert égyptien lui ont ainsi permis de retrouver le site antique des ermitages des Kellia, où a vécu Evagre, dont les évocations de la vie érémitique retrouvaient ainsi un cadre concret et tangible. Les travaux a(cid:12)uels, notamment ceux d’Augu(cid:13)ine Casiday, s’inscrivent parfois en Patri(cid:13)icStudies(TU),Berlin,p.-. Cf.Bibliographie,p.. Guillaumont,Antoine,EvagrelePontique,unphilosopheaudésert,éd.Vrin,Paris. Géhin,Paul,"AntoineGuillaumont(-)etClaireGuillaumont(-)",Adamantius,Bologne, p.-. Daumas,F.,Guillaumont,A,etal.,KelliaI,Kom.Fouillesexécutéesenet,LeCaire(vol.) Casiday,Augu(cid:13)ine,Recon(cid:13)ru(cid:12)ingtheTheologyofEvagriusPonticus,Cambridge. 3 faux contre certaines conclusions de Guillaumont. En particulier, Casiday conte(cid:13)e que la pensée d’Evagre soit aussi assimilable à la do(cid:12)rine condamnée sous Ju(cid:13)inien que l’a penséGuillaumont,etappelledesesvœuxdesétudesquipartentdesœuvresévagriennes nouvellement éditées pour évaluer la pensée de l’auteur : Bythesametoken,itisnolongernecessaryforustobeginwiththesixth-centurycondem- nation – or even with the presupposition of Evagrius’ heresy – in evaluating his works or re- con(cid:13)ru(cid:12)inghissy(cid:13)em. Cette approche consi(cid:13)e donc dans une certaine mesure à faire ab(cid:13)ra(cid:12)ion de ce que l’on sait par ailleurs du monde dans lequel s’inscrivent les écrits d’Evagre, pour recons- tituer sa pensée en partant de la seule lettre des textes. Il nous faudra donc dans une certaine mesure prendre parti dans ce débat, en évaluant la cohérence de la théologie as- cétique des deux traités que nous étudions avec la do(cid:12)rine qui e(cid:13) attribuée à Evagre par ses adversaires antiorigéni(cid:13)es. Ces controverses prennent tout leur intérêt dans un contexte où l’importance du legs évagrien dans la spiritualité mona(cid:13)ique occidentale aussi bien qu’orientale e(cid:13) de mieux en mieux perçue. La dette à l’égard d’Evagre de Jean Cassien en particulier, auteur pa- tri(cid:13)ique de premier ordre, quoiqu’elle fût déjà connue de longue date, a fait l’objet de plusieurs études récentes. D’autres auteurs plus mineurs ont fait l’objet d’un regain d’intérêt de la part de chercheurs, précisément à cause de l’influence d’Evagre sur leurs œuvres. A la charnière entre l’université et le monde mona(cid:13)ique, Columba Stewart, re(cid:12)eurduStBenedi(cid:12)’sCollegeauxEtats-Unis,apubliénombred’étudessurlapo(cid:13)érité d’Evagre. Plusieurs auteurs mona(cid:13)iques, de leur côté, ont en effet cherché à rendre compte de l’intérêt dela spiritualité d’Evagreauprès dugrand public. Dèsles années, uneper- sonnalité aussi éminente que Thomas Merton le cite dans ses ouvrages. Cependant, le nomqu’Evagreévoquedésormaisdansl’espritdebeaucoupe(cid:13)celuiduP.GabrielBunge, unancienmoinedel’abbayedeChevetogne,dontlarencontreavecEvagreamodelél’iti- néraire personnel. Le P. Bunge, qui a fait d’Evagre sa spécialité, et publié à son sujet une Casiday,Augu(cid:13)ine,EvagriusPonticus(eéd.),NewYork,p..Demême,iln’e(cid:13)plusnécessairedecommencer parlescondamnationsdusixièmesiècle–oumêmeparuneprésuppositiond’hérésieausujetd’Evagre–lorsquenousévaluons sesœuvresouquenousrecon(cid:13)ruisonssonsy(cid:13)ème. NotammentCasiday,Augu(cid:13)ine,TraditionandtheologyinStJohnCassian,Oxford;Stewart,Columba,"John Cassian’sSchemaofEightPrincipalFaultsandhisDebttoOrigenandEvagrius",JeanCassienentrel’Orientetl’Occident, édd.Cri(cid:13)ianBadilitaetAttilaJakab,Paris,p.-. Géhin, Paul, "La dette d’Isaac de Ninive envers Evagre le Pontique", Isaac de Ninive (Connaissance des Pères de l’Eglise),Paris,p.. NotammentEvagriusPonticusandtheEa(cid:13)ernMona(cid:13)icTraditionontheIntelle(cid:12)andthePassions,Faith,Rationa- lityandthePassions,éd.SarahCoakley,Cambridge,p.-. Merton,Thomas,Thewisdomofthedesert,NewYork. 4 trentaine de titres, fut conduit par ses le(cid:12)ures à quitter son abbaye pour vivre en ermite dans une montagne suisse, puis à quitter le catholicisme pour embrasser l’orthodoxie. Ce sont en grande partie ses publications qui ont permis de rendre à nouveau populaire la notion évagrienne d’acédie. D’autresauteurs,commeJohnBambergerouJeremyDriscoll,ontégalementpubliédes tradu(cid:12)ionsetcommentairesd’œuvresd’Evagre.EnFrance,l’intérêtpourcetauteure(cid:13) partagé, par exemple, par l’a(cid:12)uel abbé de Saint-Wandrille, Jean-Charles Nault, qui lui a consacré sa thèse de do(cid:12)orat. Laprésenteédition L’édition des deux traités que nous présentons ici, le traité à Euloge et les Vices opposés aux Vertus, s’inscrit donc dans une dynamique très a(cid:12)uelle. Néanmoins, elle pose aussi desproblèmesspécifiques,etcedavantagequepourd’autresécritsd’Evagre.L’éditionde Mignenousfournituneversiondecetexte,maiscelle-ci,fondéesurununiquemanuscrit (Y), e(cid:13) sensiblement plus courte que la recension d’autres branches de la tradition. Des éditionsdevulgarisationenlanguesmodernes,dontlenombrepermetdemesurerl’in- térêt que ce texte suscite, et qui sont la base de quantité d’études secondaires, ont toutes été élaborées à partir de ce texte défe(cid:12)ueux de la Patrologie Grecque. Une tradu(cid:12)ion ré- cente des œuvres d’Evagre par Robert Sinkewicz propose pour le traité à Euloge le texte d’un manuscrit comportant une recension longue. Cependant, l’examen approfondi de la tradition manuscrite montre que nombre des leçons supplémentaires fournies par cette éditionrécentes’avèrentêtredesinterpolations.Aussilebesoind’uneéditioncritiquedu texte du Traité à Euoge se faisait-il toujours sentir. Quant au second traité que nous édi- tons, les Vices opposés aux vertus, c’e(cid:13) un texte tronqué à la fin que propose l’édition de Migne, et aucune édition contemporaine, en l’occurrence, n’avait encore remédié à cete lacune. Nous nous sommes efforcé d’effe(cid:12)uer cette édition selon les méthodes initiées par les époux Guillaumont, avec une attention particulière d’une part aux données codico- Cf.enparticulierBunge,Gabriel,Akedia:diegei(cid:13)licheLehredesEvagriosPontikosvomÜberdruss,Würzburg. NotammentBamberger,John,ThePraktikosandChaptersonPrayer,Piscataway,(NewJersey),pourlepremier, etDriscoll,Jeremy,EvagriusPonticus:AdMonachos,Manwah(NewJersey),pourlesecond. Nault,Jean-Charles,LasaveurdeDieu:l’acédiedansledynamismedel’agir,éd.duCerf,Paris, Congourdeau,Marie-Hélène,Jourdan-Gueyer,Marie-AngeetGoudet,Marieodile,Delaprièreàlaperfe(cid:12)ion:Au moine euloge(Les Pèresdans la Foi ), Paris; Nieścior, Leon etBielawski, Krysztof,Ewagriusz zPontu : Pisma ascetyczne,vol.,Cracovie,p.-. Sinkewicz,RobertE.,EvagriusofPontus:TheGreekAsceticCorpus,Oxford. 5 logiques, et d’autre part aux versions orientales. Claire Guillaumont, dans son édition du Pratique, a été pionnière dans son approche désormais classique consi(cid:13)ant à mo- biliser pour son classement de la tradition non seulement la méthode philologique des fautescommunes,maisaussil’ensembledesdonnéesfourniesparla(cid:13)ru(cid:12)uredesmanus- crits. Dans la lignée de Claire Guillaumont et de P. Géhin, nous avons notamment étudié avec attention les ensembles de textes où s’insère notre traité dans chaque manuscrit : on con(cid:13)atequ’uncertainnombredecorpusauxcontoursfigésseretrouventàl’identiquede copie à copie. Parailleurs,nousavonsproposédansnotreintrodu(cid:12)ioncritiqueuneprésentationdes versions orientales syriaques, arménienne, arabe, éthiopienne et géorgienne, pour mettre en lumière les particularités de chaque version et leurs relations entre elles. Ce sont par- ticulièrement la version syriaque S et la version arménienne qui présentent un intérêt pourétablirleclassementdesmanuscritsd’Eulogeetfaireletrientredesleçonsd’origine absentes chez Migne et qui ont été re(cid:13)ituées, et les interpolations de différents copi(cid:13)es grecs. Pour ce qui e(cid:13) des Vices opposés aux Vertus, ces versions orientales sont plus pré- cieuses encore : seule la confrontation avec le texte syriaque permet en effet de retrouver la finale authentique du traité parmi les différentes variantes proposées par la tradition manuscrite grecque. En outre, nous joignons à cette étude une editio princeps de la version éthiopienne d’Euloge, ainsi que de la version syriaque des Vices, ce qui permettra de disposer de ces textes au côté des versions arménienne, arabe et géorgienne de ces deux traités, qui ont déjà été éditées et publiées. Quant aux trois versions syriaques d’Euloge, encore inédites, nous nous sommes limités à l’édition d’un extrait, à but illu(cid:13)ratif; en effet, malgré l’in- térêt que présenterait notamment l’édition de la version S, ce travail de grande ampleur demanderait un temps considérable. L’étude approfondie des versions orientales a néan- moins permis de trancher un certain nombre de problèmes de tradu(cid:12)ion. Les traduc- teurs anciens, en effet, quoiqu’inférieurs aux modernes pour la rigueur, les surpassent souventparleurcompréhensiondestextes,quin’étaientpaspoureuxunmondeétranger où même une patiente étude laisse parfois des zones d’ombre, mais une tradition vivante dont ils étaient parfaitement familiers. Uneattentionparticulièreaétéportéeàlamiseenévidencedupland’Euloge.Nousin- troduisons une chapitration différente de celle de l’édition de Suarès (reprise par Migne), Guillaumont,AntoineetClaire,Traitépratique,ou,lemoine,(SourcesChrétiennes-),Paris. 6 ennousfondantsurlasyntaxe.Apartlecasdessériesdesentences,nousfaisonsdébuter un nouveau chapitre lorsqu’une nouvelle phrase commence sans être reliée à la précé- dente par γὰρ, οὖν, etc. La pertinence de cette chapitration e(cid:13) confirmée par la fréquence avec laquelle elle coïncide avec les limites des séle(cid:12)ions qu’effe(cid:12)uent différents manus-   crits (notamment Iviron , Vatopedi , etc.). Ce découpage respe(cid:12)ueux de la logique du texte permet peut-être de mieux saisir le cara(cid:12)ère tantôt lié et discursif, tantôt sen- tencieux et lapidaire du traité. Le repérage des citations et allusions bibliques contenues dans le texte, par ailleurs, a été poursuivi (un quart environ de celles que nous signalons avaient échappé à l’attention de M. Sinkewicz). (cid:12) (cid:12) L’introdu iondo rinale Outre l’intérêt de leur tradition manuscrite, c’e(cid:13) la place quelque peu particulière qu’occupent ces deux traités au sein de l’œuvre d’Evagre qui a retenu notre attention. Ces deux textes, adressés à un même de(cid:13)inataire du nom d’Euloge, se di(cid:13)inguent du re(cid:13)e des écrits de l’auteur à la fois par le (cid:13)yle, beaucoup plus recherché que d’ordinaire, etparcertainspointsdedo(cid:12)rine(surlesquelsnousreviendrons).Ceslégèresdivergences, permettent de mieux comprendre l’évolution naturelle de la manière de l’auteur, et l’éla- boration progressive de son sy(cid:13)ème do(cid:12)rinal. Nous avons donc voulu, en présentant ce texte,exposeraussilado(cid:12)rineascétiqued’Evagretellequ’ellesedéploiedansEuloge:les conseils pratiques prodigués au novice découlent en effet de façon parfaitement articulée du sy(cid:13)ème théologique et philosophique qui sous-tend sa réflexion. Ainsi, par exemple, dans les deux présents traités, il se montre particulièrement soucieux d’articuler la doc- trine de la li(cid:13)e des vices, qui lui e(cid:13) propre, avec une idée fort prégnante à son époque, celle de la tripartition platonicienne de l’âme. Le point le plus cara(cid:12)éri(cid:13)ique du sy(cid:13)ème d’Evagre, et en quelque sorte la clef de voûte de son œuvre, e(cid:13) en effet la do(cid:12)rine de la li(cid:13)e des vices, qui atteint une forme particulièrement aboutie dans ces deux traités. Elle revêt une telle importance, que nous avons cru bon d’y revenir de façon approfondie dans l’introdu(cid:12)ion au traité des Vices opposés aux vertus. Ce court texte, qui prend l’aspe(cid:12) d’un catalogue de locutions synony- miques souvent obscures, e(cid:13) en effet très déroutant sans une compréhension détaillée de cette do(cid:12)rine de la li(cid:13)e des vices si chère à Evagre, et des motivations qui le poussent à y revenir encore et encore dans ses écrits, que ce soit dans le Pratique, dans les Huit es- pritsdemalice,danslesPensées,etc.Cettedo(cid:12)rinee(cid:13)d’autantplusimportantequ’ellee(cid:13) 7 l’originedes"septpéchéscapitaux"quinoussontfamiliersenOccident.Nousavonsdonc voulu non seulement présenter les sources et la cohérence interne de la li(cid:13)e d’Evagre, mais aussi tracer assez longuement sa po(cid:13)érité dans les Eglises d’Orient et d’Occident. En effet, les manuels et les catéchismes, ainsi que les di(cid:12)ionnaires de théologie, à l’ar- ticletraitantdesvicescapitaux,donnenttousdésormaisEvagrepourauteurdecetteli(cid:13)e. Ils citent parfois les grands jalons dans la transmission de cette notion que sont Jean Cas- sien, Grégoire le Grand et Thomas d’Aquin; cependant, le détail de l’évolution de la doc- trine e(cid:13) souvent sommaire. Par exemple, voici dans son intégralité le traitement qu’en fait Tanquerey : Laluttecontrelesseptpéchéscapitauxatoujourstenuunegrandeplacedanslaspiritualité chrétienne.CassienentraiteaulongdanssesConférencesetsesIn(cid:13)itutions;ilendi(cid:13)inguehuit aulieudesept,parcequ’ilmetàpartl’orgueiletlavainegloire.S.GrégoireleGranddi(cid:13)ingue nettementlesseptpéchéscapitauxqu’ilfaittousdécoulerdel’orgueil.S.Thomaslesrattache aussiàl’orgueil,etmontrecommentonpeutlesclasserphilosophiquement,entenantcompte desfinsspécialesverslesquellesl’hommeseporte. Lesrecherchesquiscrutentdansledétaillesmultiplesvisagesqu’aprésentéscetteli(cid:13)e sonta(cid:12)uellementasseznombreuses,maiss’attachentrarementàpréciserlesmotifsthéo- logiques sous-jacents à ces évolutions, et plus rarement encore à comparer la différence de traitement qui a été faite de ce legs d’Evagre entre Orient et Occident. Les études sur les péchés capitaux au Moyen-Age central en Occident sont assez bien représentées; on peut citer les travaux de Richard G. Newhauser sur les traités de mo- rale de l’époque schola(cid:13)ique et sur la présence de cet enseignement dans la culture populaire médiévale. Cette do(cid:12)rine e(cid:13) aussi très étudiée pour sa représentation dans l’iconographie; y ont été consacrés de nombreux articles et quelques synthèses. Enfin, lesétudesdedétailconcernantteloutelviceenparticuliersontnombreuses;ilfautciter par exemple les travaux de Siegfried Wenzel et de Mireille Vincent-Cassy. Cependant, ces études, malgré leur abondance, sont toutes assez ciblées sur la même époque et la même zone géographique, comme on peut s’en convaincre à la le(cid:12)ure des trois principales synthèses qui se donnent pour tâche de retracer l’hi(cid:13)oire de cette doc- trine depuis ses origines évagriennes jusqu’au catéchisme du Concile de Trente. La pre- Tanquerey,Adolphe,Précisdethéologieascétiqueetmy(cid:13)ique(eéd.),Paris,p.-. Notamment Newhauser, Richard G., The Treatise on Vices and Virtues in Latin and the Vernacular (Typologie des sourcesdumoyenâgeoccidental),Turnhout. Newhauser,RichardG.,IntheGardenofEvil:TheVicesandCultureintheMiddleAges(PapersinMediaevalStudies ),Toronto,.Cetouvragefournitunebonnebibliographiesurtouteslesque(cid:13)ionsenrapportaveclesvicesetles vertusenOccidentauMoyen-Agecentral EnparticulierO’Reilly,Jennifer,StudiesintheIconographyoftheVirtuesandVicesintheMiddleAges,NewYorket Londres. Wenzel,Siegfried,TheSinofSloth:AcediainMedievalThoughtandLiterature,ChapelHill(CarolineduNord). Vincent-Cassy,Mireille,"L’envieauMoyenÂge",Annales.Économies,Sociétés,Civilisations.(),p.-. 8

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Le repérage des citations et allusions bibliques contenues dans le texte, par ailleurs, . ture occidentale : il s'agit de l'étude de Morton Bloomfield .
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