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Le Mont-Saint-Michel - Histoire & Imaginaire PDF

129 Pages·1998·205.256 MB·French
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Le Mont-Saint-Michel Histoire ltnaginaire & éditions . . .,..., du patrimoine V Ouvrage publié avec le concours de l'Association Manche-Culture, du Conseil général du département de la Manche, du Conseil régional de Basse-Normandie, et en collaboration avec l'Office universitaire d'études normandes de Caen Nous tenons à remercier ici toutes les personnes qui, à divers titres, nous ont aimablement apporté leur collaboration efficace : M. Gérard Guillier; M. Thierry Garret, de l'agence Lablaude ; M. Jean-Pierre Hochet, administrateur du Mont-Saint-Michel; M. Pierre-André Lablaude, architecte en chef des Monuments historiques ; M. Jean-Luc Leservoisier, conservateur de la bibliothèque municipale d'Avranches; Mlle Claire Montémont, M. Patrice Roux et M. Philippe Unterreiner, de la Mission du Mont-Saint-Michel; M. Hervé Pelvillain, conservateur régional de ['Inventaire de Basse-Normandie; et tout particulièrement Monsieur Victor Convert, préfet de la Manche, sans l'aide de qui cet ouvrage n'aurait pu être réalisé. s Il © Caisse nationale des monuments historiques et des sites Éditions du patrimoine/ Anthèse, Paris, 1998 ISBN 2 85822 223 1 / 2 912 257 02 6 Tous droits réservés MAYLIS BAYLÉ, historienne de l'art, directeur de recherche au CNRS. PIERRE BOUET, maître de conférences de latin médiéval à l'université de Caen, directeur de l'Office universitaire d'études normandes de Caen. JEAN-PAUL BRIGHELLI, agrégé de lettres, historien de la littérature. HENRY DECAËNS, directeur des publications de l'université de Rouen, secrétaire général des Amis du Mont-Saint-Michel. MONIQUE DOSDAT, archiviste paléographe, conservateur en chef à la bibliothèque municipale de Caen. NICOLAS FAUCHERRE, maître de conférences à l'université de La Rochelle. CLAUDE LARSONNEUR, professeur de géologie, président de l'université de Caen. FRANÇOIS NEVEUX, professeur d'histoire médiévale à l'université de Caen. FRANÇOIS SAINT-JAMES, conférencier au Mont-Saint-Michel. Sommaire La vie intellectuelle 79 L'enseignement, du primaire à l'âge de la rhétorique. La passion de l'histoire et du droit. Philosophie et théologie. L'enseignement des sciences. 89 Le scriptorium et l'enluminure A,·ant l'an mil. Les réalisations de la première moitié du x1e siècle. La lettrine normande: le temps 11 La baie du Mont-Saint-Michel des chefs-d'œuvre. La lettrine historiée. Une période difficile: 1075-1154. Le temps de Robert de L'histoire de la baie. Les interventions humaines. Torigni : un moment d'exception. La copie ralentit, la bibliothèque continue. L'histoire L'architecture 21 Le premier millénaire 102 Les constructions préromanes et romanes L'insularité du Mont. Les premières communautés de moines chrétiens (ve-v1e siècle). Aubert. Le sanctuaire primitif. L'abbatiale de Maynard. Notre-Dame-sous-Terre. L'abbatiale romane. évêque d'Avranches par la volonté du pouvoir franc. La diffusion du culte de l'archange. 708 : le Les adjonctions du xne siècle. Les bâtiments romans. trois songes d'Aubert et la fondation du sanctuaire. Le Mont-Saint-Michel jusqu'en 966: de la réforme religieuse à la domination bretonne. 125 Les constructions gothiques La Merveille. Le bâtiment abbatial. La reconstruction gothique du chevet de l'abbatiale. 30 L'abbaye bénédictine à la période ducale (966-1204) L'installation des bénédictins (965-966). Les premiers abbés entre Bretagne et Normandie (966- 135 Le village 1024). Sous le contrôle des ducs de Normandie (1024-1085). Les années troublées (1085-1154). La genèse : à l'ombre de l'abbaye. Un habitat particulier. L'église Saint-Pierre. Le Mont au cœur des conflits de. pouvoir. Robert de Torigni : le plus grand abbé du Mont. 145 Les défenses 35 Le Mont à la fin du Moyen Âge (1204-1500) Un site militaire exceptionnel. Une historiographie animée. Les défenses du bourg et de l'abbaye Le xme siècle : de l'apogée architectural aux premières difficultés. Les débuts de la guerre de Cent au xme siècle : certitudes et hypothèses. Les travaux de Louis d'Estouteville (1425-1441). La mise Ans. Pierre Le Roy, un universitaire confronté au grand schisme (1386-1411). Le Mont face à la en place des tours pré-bastionnées (1479-1493). Les renforcements de Gabriel du Puy de Murinais Normandie anglaise (1417-1450). (1523-1524). 42 Le xvre siècle : la commende et le déclin de la vie monastique Le monument historique Des abbés absents et cupides. Le Mont dans la tourmente des guerres de Religion. 161 Édouard Corroyer, le premier architecte, 1872-1888. 45 Le sursaut créé par la réforme de Saint-Maur (1622-1790) 176 Victor Petitgrand, l'architecte de la flèche, 1888-1898. L'installation des mauristes. Une vocation retrouvée: l'étude. Une autonomie bien défendue. 180 L'œuvre magistrale de Paul Gout, 1898-1923. 188 Pierre Paquet, 1923-1929, et Bernard Haubold, 1929-1933: la mise en valeur du site. 51 Le Mont-Saint-Michel prison d'État 192 Ernest Herpe, le restaurateur des logis abbatiaux, 1933-1957. La Bastille des mers. Les derniers soubresauts du monachisme. La Révolution: fermeture de l'ab 192 Yves-Marie Froidevaux, 1957-1983 : la résurrection de Notre-Dame-sous-Terre. baye et dispersion du mobilier. Le Mont libre"· L'abbaye transformée en maison de force et de « 195 Pierre-André Lablaude, depuis 1983. correction. La prison politique. 59 Le rayonnement contemporain du Mont-Saint-Michel: « la Merveille retrouYée » Le Mont-Saint-Michel, bâti d'images et de mots La résurrection du centre de pèlerinage. Le culte de l'archange transféré au village. Taissance et développement du tourisme. 208 La légende dorée. Entre l'oubli et l'horreur. Résurrection. Points de vue partisans. Le Mont des architectes. Le rayonnement spirituel et intellectuel Annexes 72 La vie religieuse Les autels de l'abbatiale. Fêtes, offices liturgiques et processions. Saint Michel, archange uerrier. 232 :\"otes. Chronologie comparative. Les possessions du Mont-Saint-Michel à la fin du xne siècle. Les guide et peseur d'âmes. abbés, des origines à la Révolution. Relevés récents. Chronologie des travaux de restauration. Bibliographie sélective. Le projet de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel. Index 76 Les pèlerinages des principaux noms propres cités. Notices sur les photographies anciennes. Crédits photographiques. Séductions du surnaturel et appel intérieur. La foule des pèlerins : visiteurs illustres ou anonyme . 6 7 Double page précédente: Vue générale sud, avec, au premier plan, les moutons de pré-salé. La baie du Mont-Saint-Michel Ci-dessous: Le Mont-Saint-Michel vu de Tombelaine. TEL UN JOYAU dans son écrin, le Mont-Saint-Michel est 1 500 mètres. Une digue le sépare généralement des grands niché dans la partie orientale d'une baie qui s'étend sur espaces conquis et aménagés par l'homme : polders du Mont 400 kilomètres carrés environ entre les falaises massives Saint-Michel et marais de Dol classiquement subdivisés en de Champeaux au nord, la pointe du Grouin de Cancale au marais Blancs et marais Noirs. Ces derniers, situés dans les nord-ouest et les vastes surfaces poldérisées qui, au sud, zones les plus internes, se distinguent par un sol tourbeux s'adossent aux reliefs granitiques de Saint-Broladre. Deux par tandis que, plus près du rivage, les marais Blancs sont établis ties s'y distinguent: à l'est, une zone estuarienne où se jettent sur la tangue. Ce sédiment, particulier au golfe normand les trois rivières principales, la Sée, la Sélune et le Couesnon; breton, gris, lité, sabla-argileux, contient de 45 à 50 % de cal à l'ouest, une anse assez profonde, fond de baie compris entre caire correspondant à une fine mouture coquillière. Largement la chapelle Sainte-Anne et Cancale. répartie dans la zone supérieure des grèves, la tangue fut jadis Située au fond du golfe normand-breton, dans l'angle formé intensément exploitée comme amendement sur les sols siliceux par la Bretagne et le Cotentin, la baie se caractérise par des de la région. Au siècle dernier, les extractions dépassaient marées d'une amplitude exceptionnelle, qui sont parmi les 500 000 mètres cubes par an dans les estuaires de la Sée, de la plus fortes au monde. Compte tenu de la pente très faible de Sélune et du Couesnon. Elles donnaient lieu, journellement, à l'estran 1, la mer se retire très loin, jusqu'à une quinzaine des files interminables de charrois sur les routes environnantes. de kilomètres en vives eaux, au large de Genêts. Ainsi de À la manière dont s'opposent les rivages de l'Ouest-Cotentin vastes étendues sableuses, parcourues de chenaux divagants, et ceux du nord de la Bretagne, la morphologie côtière diffère émergent-elles à marée basse, tandis qu'à pleine mer le flot à l'est et à l'ouest de la baie. À l'est, les puissantes falaises s'engage très profondément dans les estuaires en un mascaret 2 rocheuses du massif de Carolles, qui s'élèvent à 70 mètres bouillonnant. Au rythme incessant des marées, deux fois par environ, se prolongent vers le sud par un long cordon dunaire jour, la baie devient tantôt désert, tantôt océan, et le panorama tendu entre Saint-Jean-le-Thomas et le bec d'Andaine. À de la pointe de Champeaux - qui représente pour certains le l'ouest, dans la région de Cancale, la côte, plus découpée, pré plus beau kilomètre de France! - offre de ces images contras sente une succession de petites anses sableuses bordées de tées des vues inoubliables. falaises relativement basses, sculptées dans les gneiss et les Les pentes légèrement plus fortes de la partie occidentale micaschistes du massif de Saint-Malo. engendrent un rétrécissement de l'estran sur les marges infé La configuration actuelle de la baie ne représente qu'un rieures duquel sont implantés parcs à huîtres et bouchots à stade de sa lente évolution qui, depuis une dizaine de millé moules. La baie du Mont-Saint-Michel constitue l'une des prin naires, a vu se transformer un milieu continental en un milieu cipales régions françaises pour la production des moules. La marin avec accumulation d'un prisme sédimentaire appuyé aux renommée de l'huître de Cancale remonte au siècle dernier. reliefs de l'arrière-pays. Vers le haut des grèves, les sédiments deviennent de plus en plus fins et les vastes étendues dénudées se couvrent peu à peu de végétation. Il s'agit de plantes halophiles 3, parfaitement adap L'histoire de la baie tées au milieu salé, comme la salicorne, la soude, l'obione ou la spartine. Ces végétaux en peuplements clairsemés caractérisent Au cours du quaternaire, les changements climatiques et la haute slikke 4 tandis que, plus haut, sur le schorre ou herbu, les glaciations successives associées ont entraîné des variations le sol est recouvert d'un tapis continu de verdure fournissant une du niveau marin faisant alterner, pour certaines régions, pâture parfumée aux célèbres moutons des prés salés. des phases d'émersion et de submersion. Ainsi en est-il du Domaine de transition entre les milieux maritime et terrestre, domaine intéressé par la baie du Mont-Saint-Michel qui, lors de drainé par de multiples chenaux, le schorre s'étend sur une la dernière glaciation, il y a une vingtaine de millénaires, évo largeur variable, le plus souvent comprise entre 500 et luait dans un milieu entièrement continental. Régnait alors un 11 Le cadre morphologique Les principales interventions - Pointe de Massif de Carolles et géologique de la baie humaines dans la partie Le Bec d'Andaine • Genêts Champeaux • Champeaux du Mont-Saint-Michel•. orientale de la baie , Basse du Nid I La Piene He,pin *Schémas de l'auteur. du Mont-Saint-Michel*. He,pin cours variables de la Sélune Pointe du Grouin - - (. . 1857 1923 Cancal.e RCaadnBCec oaadrnleebc iè dreess \ Bec d'Anda\i ne Genêt•s . Vains AJv rancShéees Alluvions modernes ealevn a Cn1ot8 u5de8és,r nivoant ion Tombelaine PGorionutien d duu Su_d Massif de Saint-Léona~ Le~ Saint-Pair Granites Mont-Saint-Michel Sélune Saint-Malo parcs à '-- . huitres Banc des Hermel/es Grouin ~~ Tombelaine dtt Sud Gué de !'Épine Schorre herbu Roche '--, ' Sélune Tarin Mont-Saint-Michel digue insubmersible bouchots \ Ostréiculture ( 1878-1879) • )' • Courtils ou mytiliculture Courtils . polders . Sainte-Anne • Huisnes-sur-Mer Bancs coquilliers . ~-g • Ardevon Le Vivier-sur-Mer Roz-sur-Couesnon -~ • marais .§~~ Saint-Broladre 6 • Huisnes-sur-Mer i • Ardevon SMaairnati-sG oulban Marais Noirs <:,1. h~ Mont-Dol SMaainssti-fB dreo ladre • Moidrey • Beauvoir • Pontorson • Roz-sur- Saint-Broladre Couesnon Coupe schématique du prisme sédimentaire holocène adossé • Moidrey Marais de Dol Marais Noirs Marais Blancs "" aux collines de l'arrière-pays*. Zone Zone climat froid, de type périglaciaire, et la mer se tenait loin, à La consolidation du cordon littoral protégeant les marais de s ' "·;lOe:! intertidale infralittorale une centaine de mètres sous son niveau actuel ; la mer de la Dol est entreprise dès le x1e siècle par un duc de Bretagne. en m C:,l . Manche n'existait pas. Ultérieurement, une digue d'une trentaine de kilomètres est +20 g"' :I digue N Avec le réchauffement climatique, vers 15 000 BP (Be/ore construite, puis on s'attache au dénoiement 6 des marais situés hautes mers de vives eaux .._ _____. .:= Present 5), les glaces polaires commencent à fondre, le niveau au-dessous du niveau des plus hautes mers : un réseau de +10 marin s'élève. Peu à peu, le golfe normand-breton se dessine, canaux de drainage est mis en place et des exutoires amé basses mers de vives eaux NW enserrant les îles Anglo-Normandes. nagés. Une partie importante des travaux est exécutée de 1850 0 Au début de l'holocène (10 000 BP), la transgression marine à 1950. Les résultats en sont remarquables, qui ont assuré la s'accentue et la baie du Mont-Saint-Michel se forme. Vers mise en valeur de l'ensemble des marais Noirs. -10 =-1'" 7 000 BP, le niveau - 10 mètres est atteint et la mer parvient au Aux abords du Mont-Saint-Michel, les dernières enclôtures pied des collines de l'arrière-pays. Des sédiments marins se sont effectuées dès le xvme siècle, mais les ouvrages ne résis -20 déposent, principalement dans les parties les plus internes tent pas aux tempêtes en raison des divagations importantes ' tourbes : sédiments graveleux 'tangue, sablons, : sables graveleux 1 graviers et cailloutis de la baie dont s'amorce le comblement. Après 7 000 BP, la des rivières. Les terrains enclos sont progressivement détruits fiuviatiles sables fins coquilliers ligne de rivage évolue sous l'influence des progrès de la sédi entre 1815 et 1857. Ci-dessous : mentation et des oscillations du niveau marin dont l'élévation En 1856, la Compagnie Mosselmann, devenue par la suite Vue aérienne des polders. moyenne se poursuit plus lentement. Il en résulte une alter Compagnie des polders de l'Ouest, obtient la concession des nance de reculs et d'avancées du trait de côte - sou~ent ren terrains compris entre, d'une part, la terre ferme et, d'autre forcé en cordon - en arrière duquel se développent marais et part, une ligne reliant la chapelle Sainte-Anne, le Mont-Saint tourbières. Grâce à de nombreux sondages, les étapes de cette Michel et Roche-Torin. Jusqu'à cette époque, le Couesnon diva évolution ont été précisément reconstituées. Elles ont conduit guait libremant entre la digue des marais de Dol et le à la mise en place d'un prisme sédimentaire pouvant atteindre Mont-Saint-Michel. Il aurait même longuement coulé à l'est du une vingtaine de mètres d'épaisseur où alternent sédiments Mont, avant 1735, ce qui explique le dicton populaire: "Un marins (sables et tangues) et dépôts tourbeux. jour Couesnon par sa folie mit le Mont en Normandie 7." Pour Ces derniers se sont principalement formés autour de se garder des dégâts occasionnés par les évolutions capri 5 500 BP (Tl), 3 700 BP (T2) et 2 300 BP (T3). Ils sont évi cieuses du Couesnon et pour faire progresser la poldérisation, demment plus épais dans la partie interne des marais de Dol il fallait canaliser cette rivière, ce qui est fait en 1858. La navi où leur tassement a entraîné la mise en dépression des marais gation devient alors possible sur le Couesnon, assurant pour Noirs par rapport à la frange côtière (marais Blancs) envahie quelques décades le développement portuaire de Pontorson. une dernière fois par la mer peu avant notre ère. De même, au sud-est, pour empêcher les rivières Sée et Sélune réunies de divaguer vers le sud, la Compagnie Mosselmann entreprend en 1859 la construction de la digue Les interventions humaines submersible de Roche-Torin. Cet ouvrage ne fut jamais achevé en raison des difficultés considérables rencontrées à cause de À la suite d'une évolution naturelle de plusieurs millénaires, l'instabilité des fonds. l'homme est intervenu maintes fois dans la baie, depuis le Malgré ce demi-échec, des travaux de détournement des Moyen Âge, pour en façonner les contours d'aujourd'hui. rivières sont accomplis de 1879 à 1884 pour améliorer la 12 13 La cour de !'Avancée. Photographie de Bazin et Markowitch, in Bazin, 1933, pl. LIX. Page de droite: Le Mont vu de l'ouest. stabilité des terrains au sud-est de la baie. La Guintre est De nombreuses études ont été réalisées depuis 1970 pour canalisée vers Roche-Torin et les ruisseaux d'Ardevon dirigés rechercher des solutions de sauvegarde sachant que l'ensa vers le Couesnon. blement de la zone estuarienne est inéluctable dans une baie Enfin, une digue insubmersible reliant le Mont à la terre qui se comble depuis huit mille ans. Diverses solutions tech ferme est construite en 1878-1879. niques ont été avancées s'appuyant sur les effets de chasse, L'ensemble de ces opérations accompagnées d'endiguements la destruction des digues qui réduisent l'énergie des rivières, successifs jusqu'en 1934 a permis la conquête de 2 800 hectares la coupure de la digue-route aboutissant au Mont. La digue de polders. Plus récemment, entre 1966 et 1969, un barrage fut de Roche-Torin a été supprimée en 1984, mais les modestes édifié sur le Couesnon, au lieu-dit de la Caserne, à 2 kilomètres effets érosifs ne se sont fait sentir qu'à plusieurs kilomètres au sud du Mont, en vue de soustraire à l'action de la mer du Mont. 125 hectares de terrains situés dans l'anse de Moidrey. Les incertitudes et manques de crédits ont contrarié les Par ailleurs, poursuivant ses objectifs économiques, l'homme autres propositions. Toutefois, une nouvelle impulsion est ne s'est pas arrêté à la ligne de rivage. Depuis une quarantaine née ces dernières années avec, semble-t-il, la ferme volonté d'années, il a introduit et développé l'ostréiculture et la mytili d'aboutir. Des simulations sont en cours sur modèle réduit, culture dans la partie ouest de la baie. La production ostréicole à Grenoble, afin de définir précisément les actions à mettre annuelle est de l'ordre de 1 500 tonnes pour 325 hectares en œuvre concernant notamment la coupure partielle de la de parcs à huîtres découvrants, tandis que les 240 kilomètres digue-route et le réaménagement du barrage de la Caserne. de lignes de bouchots fournissent environ 10 000 tonnes de Cependant, jour après jour, les sédiments s'accumulent aux moules par an. abords du Mont, et c'est dans un vaste marais maritime sillonné Ainsi l'homme a-t-il progressivement amendé, conquis et de chenaux plus ou moins larges que s'inscrit l'avenir naturel aménagé les espaces naturels, sauvages, les transformant en du site. Souhaitons que les aménagements futurs favorisent milieux construits et productifs. Ces interventions ont favorisé le jeu des marées près du Mont et préservent l'esthétique de la sédimentation et, aujourd'hui, les apports annuels s'évaluent ce magnifique monument qui appartient avec sa baie au patri à un million de mètres cubes. Les dépôts sont particulièrement moine mondial de !'Unesco. importants dans la partie estuarienne, notamment aux abords du Mont-Saint-Michel menacé de perdre son insularité. CLAUDE LARSONNEUR 14 L'histoire Les armes de l'abbaye, à l'entrée de l'église abbatiale, associant, sous la couronne ducale de Normandie, les trois fleurs de lys, emblème de la royauté, aux dix coques, insignes des pélerins. Page de gauche: Vue générale du Mont Saint-Michel, lithographie de Bichebois d'après un dessin de Chapuy, Paris, imprimerie Lemercier. Paris, Médiathèque du patrimoine. L'histoire Le cloître. Lithographie de relais au télégraphe Chappe; d'Eugène Ciceri, d'après un à gauche, la galerie orientale du dessin de Charles Séchan cloître était surélevée d'une ( 1842), extraite des Voyages construction disgracieuse avec pittoresques et romantiques dans lucarne: les Loges, ces cachots /'ancienne France, par Taylor et aménagés par l'administration Les pèlerins qui vont au Mont Nodier, 18 78. Le toit de la tour pénitentiaire, qui se Demandent tous, et droit en ont, de l'église était surmonté d'une prolongeaient sur la galerie Comment l'église fut fondée plate-forme servant depuis 1796 septentrionale. Premièrement et instaurée A INSI S'EXPRIMAIT, au x11e siècle, Guillaume de Saint Pair, moine de l'abbaye qui écrivit Le Roman du Mont Saint-Michel pour satisfaire la curiosité des pèlerins. Aujourd'hui, nous sommes toujours aussi avides de connaître cette longue histoire qui commence en 708, lorsque saint Aubert, évêque d'Avranches, fait élever sur le Mont un sanctuaire en l'honneur de !'Archange. Saint Michel a une double mission : non seulement il terrasse le dragon, symbole du mal qu'il foule de ses pieds, mais il pèse aussi les âmes lors du Jugement dernier et les emmène au Paradis si la pesée est favorable. Les pèlerins prirent donc la route du Mont pour venir prier ce précieux intercesseur entre les hommes et Dieu. Pour les accueillir dans de bonnes conditions, saint Aubert confie le sanctuaire à des clercs que remplacent, en 965-966, des moines bénédictins. Comme tous les grands monastères médiévaux, le Mont est très vite considéré comme une image de la Jérusalem céleste; il symbolise donc le paradis auquel tout homme aspire. La voie est cependant semée d'embûches; la baie qui entoure le Mont est en effet très dangereuse. On risque d '.Y perdre la vie en s'enlisant ou en se noyant: elle est le refuge du dragon qu'il faut vaincre pour atteindre le Mont et être sauvé. De temps à autre, des miracles merveilleux permettent de rani mer la foi de ceux qui doutent. Des pèlerins de toutes conditions vont ainsi fréquenter le Mont sans interruption durant le Moyen Âge. Les plus célèbres sont les rois de France qui, de Louis VII à Charles IX, sont presque tous venus prier saint Michel. Qui plus est, le Mont devient, avec la guerre de Cent Ans, un lieu de résistance nationale car l'archange est désor mais le saint patron de la France. Par la suite, son rôle décline et l'abbaye sera même transformée en prison sordide avant de connaître, depuis le siècle dernier, une nouvelle résurrection. L 'amvre intellectuelle et artistique des moines nous est heureusement parvenue: les manuscrits sont conservés à Avranches; les bâtiments construits par les moines ont, pour l'essentiel, résisté aux remous de l'histoire; ils consti tuent un empilement architectural sans égal; d'où, peut être, la singulière fascination que le Mont exerce depuis les origines sur tout un chacun, qu'il soit pèlerin, poète ou simple promeneur. .. 18 19

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