Antonio GRAMSCI TEXTES Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: [email protected] Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Antonio Gramsci, Textes (1917-1934) 2 Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de : Antonio GRAMSCI (1917-1934) TEXTES. Une édition électronique réalisée à partir du livre d’Antonio Gramsci, Textes. Édition réalisée par André Tosel. Une traduction de Jean Bramon, Gilbert Moget, Armand Monjo, François Ricci et André Tosel. Paris : Éditions sociales, 1983, 388 pages. Introduction et choix des textes par André Tosel. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les citations : Times 10 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 24 septembre 2001 à Chicoutimi, Québec. Un document expurgé de certaines parties le 16 octobre 2001 à cause des droits d’auteurs qui protègent ces parties Antonio Gramsci, Textes (1917-1934) 3 Table des matières Introduction par André TOSEL (Partie supprimée à cause des droits d’auteur) Première partie : avant la captivité, Gramsci militant et dirigeant communiste, 1917-1926 I. Gramsci, militant du Parti socialiste italien 1. La révolution contre « le Capital » II Gramsci, fondateur et animateur de l'Ordine nuovo (1919-1920) 1. L'instrument de travail 2. Pour un renouveau du Parti socialiste 3. Deux révolutions III. Gramsci, fondateur et dirigeant du Parti communiste d'Italie (1921-1926) 1. La situation italienne et les tâches du PCI 2. Lettre au Comité central du PCUS sur la situation dans le parti bolchévik 3. Quelques thèmes sur la question méridionale Deuxième partie : les Cahiers de la prison - L'élaboration de la philosophie de la praxis - La réforme intellectuelle et morale Avertissement I. La philosophie de la praxis contre l'historicisme idéaliste. L'anti-Croce (Cahier 10) 1. La discussion scientifique 2. Lien entre philosophie, religion, idéologie (au sens crocien) 3. Le philosophe 4. Religion, philosophie, politique 5. Un pas en arrière par rapport à Hegel 6. Croce et la critique de l'économie politique Antonio Gramsci, Textes (1917-1934) 4 7. Progrès et devenir 8. Qu'est-ce que l'homme ? II. La philosophie de la praxis face à la réduction mécaniste du matérialisme historique. L'anti-Boukharine (Cahier 11) 1. Introduction à l'étude de la philosophie. Quelques points de référence préliminaires 2. Notes critiques sur une tentative de manuel populaire de sociologie historique. L'anti-Boukharine - Le concept de science - La « réalité du monde extérieur » - Jugement sur les philosophies passées - Questions générales - structure et mouvement historique - les intellectuels - science et système - la dialectique - Réduction de la philosophie de la praxis à une sociologie - Concept d' « orthodoxie » - La « matière » 3. Science et idéologie. Les techniques de pensée. Les langages - La science et les idéologies « scientifiques » - Traductibilité des langages scientifiques et philosophiques 4. Problèmes pour l'étude de la philosophie de la praxis - Régularité et nécessité - Philosophie spéculative - Philosophie « créative » - Questions de méthode - Comment poser le problème - Historicité de la philosophie de la praxis - Les parties constitutives de la philosophie de la praxis - Philosophie-politique-économie - Le terme de « catharsis » - Passage du savoir au comprendre, au sentir et vice versa, du sentir au comprendre, au savoir - Philosophie de la praxis et réforme intellectuelle et morale Antonio Gramsci, Textes (1917-1934) 5 Troisième partie : les Cahiers de la prison - La construction de l'hégémonie - Politique-Culture-Économie I. La question des intellectuels, l'hégémonie, la politique (cahier 12) 1. La formation des intellectuels 2. Position différente des intellectuels de type urbain et de type rural II. Notes sur Machiavel, sur la politique et sur le Prince moderne (cahiers 13, 14, 15) 1. Notes rapides sur la politique de Machiavel 2. Prévision et perspective 3. Analyses des situations. Rapports de forces 4. Quelques aspects théoriques et pratiques de l' « économisme » 5. Internationalisme et politique nationale 6. L’État 7. Le parti politique 8. Fonction progressive ou régressive d'un parti 9. Centralisme organique, centralisme démocratique, discipline 10. Lutte politique et guerre militaire 11. Passage de la guerre de mouvement (et par attaque frontale) à la guerre de position dans le domaine politique 12. Le concept de révolution passive 13. Éléments de politique III. L'organisation de la culture 1. L'école, appareil d'hégémonie. L'organisation de l'école et de l'université (cahier 12) - Problème de la nouvelle fonction que pourront remplir les universités et les académies 2. Concept de « national-populaire » (cahier 21) 3. Critères de critique littéraire (cahier 15) 4. La langue et la grammaire (cahier 29) - Combien peut-il y avoir de formes de grammaire ? Antonio Gramsci, Textes (1917-1934) 6 - Foyers d'irradiation des innovations linguistiques dans la tradition et d'un conformisme linguistique national dans les grandes masses nationales 5. Le défi des changements structurels : américanisme et fordisme (cahier 22) - Américanisme et fordisme - Sexualité, « animalité » et industrialisme - Rationalisation de la production et du travail - Les hauts salaires Annexes Chronologie (Partie supprimée à cause des droits d’auteur) Bibliographie (Partie supprimée à cause des droits d’auteur) Index des matières (Partie supprimée à cause des droits d’auteur) Index des noms cités (Partie supprimée à cause des droits d’auteur) Antonio Gramsci, Textes (1917-1934) 7 INTRODUCTION Gramsci ou la philosophie de la praxis comme marxisme de la crise organique du capitalisme André TOSEL (Partie supprimée à cause des droits d’auteur) Antonio Gramsci, Textes (1917-1934) 8 PREMIÈRE PARTIE AVANT LA CAPTIVITÉ GRAMSCI MILITANT ET DIRIGEANT COMMUNISTE 1917-1926 Retour à la table des matières Antonio Gramsci, Textes (1917-1934) 9 Première partie I. Gramsci, militant du Parti socialiste italien 1. La révolution contre « le Capital » Retour à la table des matières La révolution des bolchéviks s'est définitivement greffée à la révolution générale du peuple russe. Les maximalistes qui avaient été, jusqu'à il y a deux mois, le ferment indispensable pour que les événements ne stagnent pas, pour que la marche vers le futur ne s'arrête pas en donnant lieu à une forme définitive d'ordre - qui aurait été un ordre bourgeois - se sont emparés du pouvoir, ont établi leur dictature et sont en train d'élaborer les formes socialistes dans lesquelles la révolution devra finalement pren- dre place pour continuer à se développer harmonieusement, sans de trop grands heurts, en partant des grandes conquêtes désormais réalisées. La révolution des bolchéviks est plus constituée d'idéologies que de faits (c'est pourquoi au fond peu nous importe d'en savoir plus que ce que nous savons). Elle est la révolution contre Le Capital de Karl Marx. Le Capital était, en Russie, le livre des bourgeois plus que des prolétaires. C'était la démonstration critique qu'il y avait en Russie une nécessité fatale à ce que se formât une bourgeoisie, à ce que s'inaugurât Antonio Gramsci, Textes (1917-1934) 10 une civilisation de type occidental, avant que le prolétariat pût seulement penser à sa revanche, à ses revendications de classe, à sa révolution. Les faits ont dépassé les idéologies. Les faits ont fait éclater les schémas critiques à l'intérieur desquels l'histoire de la Russie aurait dû se dérouler, selon les canons du matérialisme histo- rique. Les bolchéviks renient Karl Marx, ils affirment, en s'appuyant sur le témoigna- ge de l'action développée, des conquêtes réalisées, que les canons du matérialisme historique ne sont pas aussi inflexibles qu'on aurait pu le penser et qu'on l'a effecti- vement pensé. Et pourtant, il y a aussi une fatalité dans ces événements et si les bolchéviks renient certaines affirmations du Capital, ils ne sont pas « marxistes », voilà tout, il n'ont pas compilé dans les oeuvres du maître une doctrine extérieure faite d'affirma- tions dogmatiques et indiscutables. Ils vivent la pensée marxiste, celle qui ne meurt jamais, qui est le prolongement de la pensée idéaliste italienne et allemande et qui, chez Marx, avait été contaminée par des incrustations positivistes et naturalistes. Et cette pensée pose toujours comme principal facteur de l'histoire, non pas les faits économiques bruts, mais l'homme, mais la société des hommes qui se rassemblent entre eux, se comprennent entre eux, développent à travers ces contacts (civilisation) une volonté sociale, collective, et comprennent les faits économiques, les jugent, les adaptent à leur volonté, jusqu'à ce que celle-ci devienne le moteur de l'économie, formatrice de la réalité objective, qui vit, se meurt et acquiert des caractères de matiè- re tellurique en ébullition, qui peut être canalisée là où il plait à la volonté, comme il plaît à la volonté. Marx a prévu le prévisible. Il ne pouvait prévoir la guerre européenne, ou mieux, il ne pouvait prévoir que cette guerre aurait la durée et les effets qu'elle a eus. Il ne pouvait prévoir que cette guerre, en trois années de souffrances indicibles, de misères indicibles, susciterait en Russie la volonté populaire collective qu'elle a suscitée. Une volonté de cette sorte a normalement besoin, pour se former, d'un long processus d'infiltrations capillaires, d'une grande série d'expériences de classe. Les hommes sont lents, ils ont besoin de s'organiser, d'abord extérieurement, dans des corporations,. dans des ligues, puis intimement, dans la pensée, dans la volonté... par une continuité et une multiplicité incessantes des stimuli extérieurs. Voilà pourquoi normalement les canons de critique historique du marxisme saisissent la réalité, la prennent au filet et la rendent évidente et distincte. Normalement, c'est à travers la lutte des classes toujours plus intensifiée, que les deux classes du monde capitaliste créent l'histoire. Le prolétariat sent sa misère actuelle, est continuellement en état de malaise et fait pression sur la bourgeoisie pour améliorer ses propres conditions. Il lutte, oblige la bourgeoisie à améliorer la technique de la production, à rendre la production plus utile pour que soit possible la satisfaction de ses besoins les plus urgents. C'est une course haletante vers le meilleur, qui accélère le rythme de la production, qui produit un continuel accroissement des biens qui serviront à la collectivité. Et dans cette course beaucoup tombent et rendent plus urgentes les aspirations de ceux qui restent, et la masse est toujours en sursaut, et de chaos populaire, devient toujours plus ordre