é t u d e s s les e Le financement d u de l’économie française t é s e l Les pouvoirs publics peuvent-ils encore, dans un monde Le financement globalisé, peser sur l’activité et le financement de l’économie ? C’est à cette question cruciale que cet ouvrage tente de répondre. Par la politique budgétaire, qui s’inscrit aujourd’hui dans le cadre fixé de l’économie par l’Union européenne, l’État entend favoriser l’activité, tout en sollicitant de nombreux relais, tant au niveau européen et national que régional. De son côté, la Banque centrale européenne s’est résolue à faire évoluer sa stratégie en stimulant une croissance économique largement déprimée. française Les puissances publiques ont également su cibler leurs actions vers cer- taines priorités comme l’innovation, qui joue un rôle clé dans le soutien à la croissance. Enfin, le financement de l’économie ne serait rien sans les ressources provenant du « reste du monde » : l’accueil des « fonds n souverains » constitue, en cela, un sujet essentiel. auri Quel rôle pour M M. n m Yveems bJréeg douu rLeal beosrta mtoaiîrtere d d’aen caolynsfeé reetn dcee rse ecnh eérccohneo emni eé cào l’nUonmivieer estit fién daen Bceo ridnetearunxa,t ionales urel et les acteurs publics ? (Larefi) et Non-Resident Fellow à l’OCP Policy Center (Rabat). o g Max Maurin est docteur en sciences économiques et agrégé de sciences économiques é J et sociales. Y. n e Les « Études de La Documentation française » s i Une collection de référence sur le monde contemporain et ses évolutions : institutions, vie politique, a questions sociales, secteurs économiques, relations internationales. Des ouvrages pour tout lecteur ç n en quête d’analyses approfondies et objectives. a r f e i Yves Jégourel m o n Max Maurin o c é ’ l e d t n e m e Diffusion c Direction de l’information n légale et administrative a n La documentation Française i Tél. : 01 40 15 70 10 Prix : 14,80 € f www.ladocumentationfrancaise.fr e L Imprimé en France 3:DANNNB=^ZYUYU: 4 0 Directeur de la publication : 4 Bertrand Munch 5 DF 08119-5404 o dF N ISSN 1763-6191 Le financement de l’économie française Quel rôle pour les acteurs publics ? CHEZ LE MÊME ÉDITEUR/DIFFUSEUR « Comprendre le déficit de financement des PME » Michel Dietsch et Xavier Mahieux, Problèmes économiques, n° 3101, décembre 2014 « Bilan de l’économie française 2014 » Problèmes économiques, n° 3096, octobre 2014 La situation et les perspectives des finances publiques Cour des comptes, 2014 « France, changer de modèle ? » Problèmes économiques, n° 3091, juin 2014 Parlons banque en 30 questions Jézabel Couppey-Soubeyran et Christophe Nijdam, coll. « Doc’en poche-Entrez dans l’actu », 2014 Les conséquences de Solvabilité II sur le financement des entreprises Conseil économique, social et environnemental, 2014 Le financement de l’économie dans le nouveau contexte réglementaire Jézabel Couppey-Soubeyran, Olivier Garnier et Jean-Paul Pollin, Conseil d’analyse économique (CAE), 2013 À quoi sert la Banque centrale européenne ? Edwin Le Héron, coll. « Réflexe Europe-Débats », 2013 « La finance mise au pas ? » Cahiers français, n° 375, juillet-août 2013 Réformer le système monétaire international Agnès Bénassy-Quéré, Emmanuel Farhi et alii, Conseil d’analyse économique (CAE), 2013 Le financement public de la recherche, un enjeu national Cour des comptes, rapport public thématique, juin 2013 L’âge d’or des déficits. 40 ans de politique budgétaire française Pierre-François Gouiffès, coll. « Les Études », 2013 « Comprendre les politiques économiques » Problèmes économiques, hors-série n° 4, septembre 2013 Le financement des PME et des entrepreneurs 2012. Tableau de bord de l’OCDE Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2013 L’État et le financement de l’économie Cour des comptes, rapport public thématique, juillet 2012 Les Assises nationales du financement du long terme Caisse des dépôts et consignations (CDC), 2012 DES MÊMES AUTEURS « Acteurs publics et capital-investissement. Une analyse critique » Yves Jégourel, Revue française de gestion, vol. 40, n° 241, 2014 « La responsabilité sociale et environnementale en finance : réalité, performance et stratégie des fonds d’investissement éthiques » Yves Jégourel avec Jean-François Verdié, La Revue du financier, n° 193, janvier 2012 Les produits financiers dérivés Yves Jégourel, La Découverte, 2010 « La crise des subprimes : une approche en termes de capacité et besoin de financement » Max Maurin, Économie appliquée, n° 2, 2011 « J. M. Keynes, le libre-échange et le protectionnisme » Max Maurin, L’Actualité économique. Revue d’analyse économique, vol. 86, n° 1, 2010 Le financement de l’économie française Quel rôle pour les acteurs publics ? Yves Jégourel Maître de conférences en économie à l’Université de Bordeaux, membre du Laboratoire d’analyse et de recherche en économie et finance internationales (Larefi), Non-resident Fellow, OCP Policy Center (Rabat) Max Maurin Docteur en sciences économiques, agrégé de sciences économiques et sociales La Documentation française Département de l’édition dirigé par Julien Winock Collection dirigée par Pierre-Alain Greciano Conception graphique : Service de création graphique du département de l’édition Illustration de couverture : © guru3d – Fotolia © Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2015 ISSN 1763-6191 ISBN 978-2-11-009995-2 Les opinions exprimées dans cette étude n’engagent que leurs auteurs. « Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et consti- tue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Il est rappelé également que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre. » ❮ 5 S ommaire INTRODUCTION .................................................................. 7 1. Les caractéristiques du financement de l’économie française........... 15 Financement et croissance : les termes du débat ...................................... 15 Une économie marquée par l’omniprésence des banques................................ 20 Les marchés financiers, éléments clés du financement des acteurs privés et publics .......... 24 Le rôle des marchés financiers : entre transfert des risques et financement .............. 25 La spéculation : une question complexe .......................................... 29 Marchés financiers et croissance ............................................... 30 Crise financière et réglementation : de nouvelles bases pour le financement bancaire......... 31 Les prémisses d’une réglementation bancaire internationale.......................... 31 De Bâle II à Bâle III........................................................... 33 Réglementations prudentielles et financement de l’économie ......................... 34 Quel rôle pour l’acteur public ?..................................................... 37 2. Politique budgétaire et dispositifs institutionnels : les instruments du soutien public au financement de l’économie ............................ 39 La politique budgétaire dans le contexte de l’Union européenne .......................... 41 Les fondements théoriques de la politique budgétaire............................... 42 Le contrôle des politiques budgétaires par l’Union européenne........................ 44 Les mesures de soutien de l’État au financement de l’économie .......................... 47 Les mesures de soutien direct.................................................. 49 Les mesures de soutien indirect ................................................ 56 Les relais publics de l’État pour assurer le financement de l’économie ..................... 60 L’action de la Banque européenne d’investissement et de la Banque publique d’investissement en direction du financement de l’économie.......................... 61 Le rôle des Régions dans la dynamisation des territoires............................. 65 3. L’influence de la politique monétaire de la BCE sur l’économie française...................................................... 69 Stabilité des prix, stabilité financière et croissance économique, nouveaux objectifs de la politique monétaire européenne ............................... 70 L’objectif prioritaire de stabilité des prix.......................................... 70 Les nouveaux enjeux de soutien à la croissance et de stabilité financière................ 73 Les outils monétaires traditionnels du refinancement de l’économie....................... 85 Les politiques monétaires non conventionnelles....................................... 88 6 ❯ LE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE 4. Le financement de l’innovation, pivot des politiques de soutien à la croissance économique.................................................. 95 L’innovation en France : un état des lieux ............................................ 100 Le poids de l’histoire ......................................................... 100 L’innovation aujourd’hui....................................................... 106 Les politiques publiques en faveur de l’innovation ..................................... 110 Les politiques d’incitation fiscale................................................ 112 Les partenariats public-privé et les pôles de compétitivité............................ 116 Le renforcement des capacités financières des entreprises innovantes.................. 120 Le drainage de l’épargne collective vers les entreprises innovantes .................... 124 5. Économie française, pays émergents et fonds souverains : les enjeux d’une nouvelle donne financière.................................. 127 Fonds souverains et financement des pays d’accueil : une ambiguïté à nuancer .............. 130 Une stratégie de diversification financière ou des velléités politiques ?.................. 131 Une source de financement clé pour les économies d’accueil ......................... 133 Comment accueillir les capitaux étrangers ? .......................................... 136 Les principes de Santiago ..................................................... 137 Les secteurs stratégiques et le principe de réciprocité en question..................... 139 Finance islamique et économie française : contraintes et opportunités.................. 141 Vers l’affirmation d’un capitalisme d’État ? ........................................... 143 CONCLUSION.................................................................... 147 Bibliographie sommaire .......................................................... 149 Liste des principaux sigles utilisés.................................................. 153 Liste des tableaux, figures et encadrés .............................................. 155 ❮ 7 INTRODUCTION I ntroduction La France de l’Ancien Régime se caractérise par un développement limité de son système financier au regard de ses grands voisins européens. Les expériences malheureuses du système de Law en 1720 et la crise des Assi- gnats sous la Révolution française1 entretiennent un fort sentiment de méfiance à l’égard de la monnaie fiduciaire et des banques. Il existe néan- moins une organisation bancaire qui repose sur le modèle de la Haute banque et qui assure le financement du commerce (notamment des grands produits bruts et fabriqués comme le blé, le tabac ou les cotonnades) et l’activité de prêt aux États. Lors de la première Révolution industrielle, au début du XIXe siècle, malgré l’accroissement des besoins de financement des entreprises, ces dernières continuent de s’autofinancer largement et le recours au financement externe reste limité. C’est sous le Second Empire que se réalise une véritable révolution ban- caire avec l’émergence de grandes banques d’affaires, comme la Banque des Pays-Bas, créée en 1864, ou la Banque de Paris, fondée en 1869, et de grandes banques de dépôts, comme le Crédit lyonnais (1863) ou la Société générale (1864). Ce développement du système bancaire permet d’accompagner le besoin de financement devenu colossal de certaines entreprises engagées dans des activités d’ampleur considérable, au premier rang desquelles figure celle des chemins de fer. La naissance du capitalisme industriel rend ainsi inadaptées les pratiques d’autofinancement des entre- prises, conduisant alors au développement des sociétés de capitaux et à une rapide extension des marchés de capitaux. Dans ce contexte, en 1914, la capitalisation des titres côtés à la bourse de Paris en fait la deuxième place financière dans le monde après Londres. Durant l’entre-deux-guerres, la crise de 1929 affecte le système financier français, compliquant ainsi le financement de l’économie. L’État français prend alors conscience de la nécessité de maîtriser la sphère financière, rendue pour partie responsable de l’ampleur de la crise. C’est alors que, pendant les Trente glorieuses, le contrôle de l’État sur le sys- tème financier s’affirme. Les nationalisations bancaires de 1945 permettent à la puissance publique d’encadrer l’activité de crédit pour la mettre au ser- vice des objectifs fixés par la planification. Le financement des entreprises, 1. Jérôme Buridant, Arcangelo Figliuzzi et alii, Histoire des faits économiques, coll. « Introduction à l’économie », Bréal, Rosny-sous-Bois, 2007. 8 ❯ LE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE très largement bancaire, laisse une place étroite aux marchés de capitaux. À la fin des années 1960, la France entreprend la réforme de son système bancaire et financier afin d’introduire davantage de régulation marchande et de concurrence dans son fonctionnement, avant que les années 1980 ne marquent l’avènement d’un vaste mouvement de libéralisation des sys- tèmes bancaires et financiers dans le cadre de la globalisation financière. Après plusieurs décennies de libéralisation économique et financière qui ont vu un retrait progressif de l’action étatique au sein de la sphère éco- nomique, la crise financière de 2007 a eu le mérite de démontrer toute l’importance des leviers publics pour maintenir un monde bancaire en détresse2 et, ce faisant, pour « soutenir la demande » dans un contexte économique largement déprimé. La crise de la dette européenne a, en revanche, mis en lumière le fait que la mise en œuvre de telles actions pouvait se révéler complexe, tant au regard de la politique budgétaire que de la politique monétaire, et mener certaines nations au bord du précipice financier. Favoriser le retour de la croissance économique n’est de toute évidence pas chose aisée et impose que les diffé- rentes composantes du produit intérieur brut que sont la consommation, l’investissement, les dépenses publiques et le solde extérieur soient financées et ce, de façon équilibrée. Tout système économique se doit ainsi d’assurer la confrontation entre les agents en besoin de financement et ceux en capa- cité de financement. En effet, si un agent économique n’a pas la capacité d’autofinancement suffisante pour assurer son besoin de consommation ou d’investissement, il devra faire appel à d’autres agents, nationaux ou internationaux, ayant une épargne nette positive. En France, ce sont les ménages et les sociétés financières qui assurent en partie le financement des sociétés non financières et des administrations publiques, mais leur épargne nette respective demeure insuffisante pour satisfaire la totalité de leur besoin : le financement extérieur, par des investisseurs étrangers, est donc nécessaire. Le cas français n’est pas isolé et l’on observe, à l’échelle internationale, un clivage entre nombre d’économies des pays industrialisés qui dégagent, à l’instar des États-Unis ou du Royaume-Uni, un besoin de financement et celles des pays émergents, tels que la Chine, dont l’épargne nette permet d’assurer l’équilibre financier mondial. Une approche dyna- mique met de plus en exergue des divergences de trajectoire entre nations sur ces dernières années : la dette extérieure nette de la France est ainsi passée, selon les données d’Eurostat, de 22 % du PIB en 2008 à plus de 2. « Au niveau mondial, […], les pertes de valeur liées aux estimations de dépréciations des actifs pourraient atteindre près de 4 000 milliards de dollars, dont les deux tiers concerne- raient des banques » (Mathieu Plane et Georges Pujals, « Les banques dans la crise », Revue de l’OFCE, n° 110, juillet 2009, p. 179-220 [p. 182], citant un rapport du FMI). Pour le cas français, voir Cour des comptes, « Le plan de soutien aux banques : un bilan financier encore provisoire, un encadrement des rémunérations à compléter », in Rapport public annuel 2013, février 2013, p. 155-190. ❮ 9 INTRODUCTION 32 % en 2013, tandis que l’Allemagne, dont la dette était de 0,9 % du PIB en 2008, est devenue créditrice nette à hauteur de 12 %. La question du financement d’une économie n’est jamais simple et ne peut se réduire à une analyse comparative du niveau d’épargne nette des agents économiques qui la composent. La problématique du mode et de la structure de financement est, en effet, essentielle. En réalité, deux modes de financement coexistent. Le premier consiste à ouvrir le capital social d’une entreprise à des inves- tisseurs extérieurs en émettant des titres de propriété représentatifs de ce capital, le plus souvent des actions. Il pourra alors s’agir d’une privatisa- tion d’une entreprise préalablement publique, ou d’une entreprise privée cherchant à s’introduire en bourse ou, étant déjà cotée sur un marché, à augmenter son capital, et donc son financement. Le recours aux marchés boursiers est un moyen privilégié pour ce type de financement, mais ceci n’est pas automatique : le capital-investissement ou private equity, repré- sentant l’ensemble des financements par actions non cotées en bourse, connaît, depuis le milieu des années 1970 dans les pays anglo-saxons, un essor considérable. Il fait notamment l’objet de toutes les attentions de la part des pouvoirs publics, car il est un facteur clé du financement des entreprises innovantes. Le second mode de financement impose le recours à l’endettement, qu’il s’agisse d’émissions de titres de créances sur les marchés financiers ou de financement bancaire. À la différence des actions, il nécessite un rembourse- ment à l’échéance de l’emprunt ainsi contracté. Si la globalisation financière a incontestablement favorisé le phénomène de désintermédiation bancaire, au profit d’un financement direct sur les marchés financiers, le rôle des banques dans le financement de l’économie demeure essentiel, notamment en France. Les échéances des prêts bancaires ou financiers ainsi contractés peuvent, au sein d’une même économie, varier considérablement, tradui- sant l’objectif du financement demandé : du court terme (inférieur à un an) pour les titres de créances négociables ou les crédits dits de trésorerie, au long terme (jusqu’à cent ans) pour le financement des investissements. La dette négociable française était, à titre d’exemple, composée à 87,5 % de titres de moyen et long termes, contre 12,5 % pour les titres à court terme au 31 août 2014. L’histoire récente des crises financières démontre, en outre, que la nature des créanciers, privés ou publics, nationaux ou internationaux, d’une nation n’est pas sans incidence. Au deuxième tri- mestre 2014, 64,2 % de la dette négociable française était financée par des non-résidents, tandis que la dette publique japonaise était détenue à plus de 90 % par des résidents. La question du coût du financement, en partie représentatif du risque de l’emprunteur, mais également de l’aver-