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Le mystère qui l’enveloppe, le côté merveilleux que l’on prête à ses doctrines, le renom fantastique qui s’attache à la mémoire de ses adeptes, tout cet ensemble à demi voilé de réalités et d’illusions, de vérités et de chimères, exerce encore sur certains esprits un singulier prestige. Aussi, depuis Aurélius Augurelle, qui composa en 1514, son poème latin Chrysopoïa, jusqu’à l’auteur de Faust, les pactes et les faiseurs de légendes n’ont-ils pas manqué d’aller puiser à cette source féconde ; l’imagination a régné sans partage dans ce curieux domaine dont les savants négligeaient l’exploration. L’alchimie est la partie la moins connue de l’histoire des sciences. L’obscurité des écrits hermétiques, l’opinion géné- ralement répandue que les recherches relatives à la pierre philosophale et à la transmutation des métaux ne sont qu’un assemblage d’absurdités et de folies, ont détourné de ce sujet l’attention des savants. On peut cependant écarter sans trop de peine les difficul- tés que le style obscur des alchimistes oppose à l’exa- men de leurs idées. Quant à l’opinion qui condamne tous leurs travaux comme insensés ou ridicules, sur beaucoup de points elle est fausse, sur presque tous elle est exagérée. L’alchimie fut-elle, d’ailleurs, le PRÉFACE plus insigne monument de la folie des hommes, son étude n’en serait point encore à négliger. Il est bon de suivre l’activité de la pensée jusque dans ses aber- rations les plus étranges. Détourner les yeux des éga- rements de l’humanité, ce n’est point l’honorer ou la servir ; rechercher, au contraire, en quels abîmes a pu tomber la raison, c’est ajouter à l’orgueil légitime que ses triomphes nous inspirent. Disons enfin que l’al- chimie est la mère de la chimie moderne ; les travaux des adeptes d’Hermès ont fourni la base de l’édifice actuel des sciences chimiques. Ces doctrines inté- ressent donc l’histoire des sciences autant que celle de la philosophie. L’ouvrage, ou plutôt l’essai que nous soumettons au jugement du public, a pour but d’attirer l’atten- tion sur cette période, aussi curieuse qu’ignorée, de la science des temps passés. Voici l’ordre qui a été suivi pour la distribution des matières. La première partie de ce livre est consacrée à un exposé sommaire des opinions et des doctrines pro- fessées par les philosophes hermétiques. On y trou- vera le tableau des travaux exécutés par les alchi- mistes pour la recherche de la pierre philosophale, et le résumé des principales découvertes chimiques qui leur sont dues. La seconde partie est une sorte d’étude historique où l’on essaye de fixer le rôle que l’alchimie a joué dans la société du moyen âge et de la renaissance, époque où elle exerça le plus d’empire sur les esprits. La troisième partie, intitulée Histoire des princi- pales transmutations métalliques, est un résumé des 5 PRÉFACE événements étranges qui ont entretenu si longtemps en Europe la croyance aux doctrines de la science transmutatoire. On a eu soin de donner de chacun de ces faits, si merveilleux en apparence, l’explication qui paraît aujourd’hui la plus probable. La dernière partie, l’Alchimie au dix-neuvième siècle, a pour but de montrer que les opinions alchimiques ne sont pas de nos jours complètement abandonnées, et de mettre en relief les motifs que quelques per- sonnes invoquent encore pour les justifier. Nous nous faisons un devoir de signaler les sources auxquelles nous avons eu recours pour cette suite d’études. Le savant ouvrage de M. Hermann Kopp, Geschichte der Chemie, publié en 1844, nous a fourni des documents précieux pour ce qui se rapporte à l’ex- position des travaux exécutés par les alchimistes dans la recherche de la pierre philosophale. Nous avons trouvé dans le livre, déjà ancien, de G. de Hoghe- lande, Historiæ aliquot transmutationis metallicæ, quelques récits intéressants de transmutations. Mais c’est principalement à l’ouvrage spécial sur l’histoire de l’alchimie, publié à Halle, en 1832, par Schmieder, professeur de philosophie à Cassel (Geschichte der Alchemie), que nous avons emprunté les renseigne- ments les plus utiles pour les faits de ce genre. Com- posé par un partisan déclaré des idées alchimiques, le livre du professeur de Cassel est riche en documents puisés aux meilleures sources bibliographiques, et, en faisant la part des prédilections de l’auteur, nous avons pu tirer un parti utile des faits dont il a rassem- blé les détails. 6 PRÉFACE Contrairement aux règles de la logique, qui veulent que l’on déduise les conclusions après les prémisses, contrairement à celles de l’algèbre, qui prescrivent de procéder du connu à l’inconnu, nous allons poser ici la conclusion générale qui découle du travail que l’on va lire, et énoncer dans toute sa netteté la pensée qui le domine. La conclusion générale de ce livre, la voici : L’état présent de la chimie empêche de considé- rer comme impossible le fait de la transmutation des métaux ; il résulte des données scientifiques récemment acquises et de l’esprit actuel de la chimie, que la trans- formation d’un métal en un autre pourrait s’exécuter. Mais, d’un autre côté, l’histoire nous montre que jusqu’à ce jour personne n’a réalisé le phénomène de la transmu- tation métallique. Ainsi la transmutation d’un métal en or est pos- sible, mais on n’est pas en droit d’affirmer qu’elle ait jamais été réalisée. Telle est notre pensée nette et précise sur ce sujet tant débattu. Nous accueillerions avec satisfaction l’annonce de la découverte positive de la transmutation des métaux, mais voici le motif qui nous ferait accepter cette découverte avec joie. À l’expérimentateur heu- reux qui aurait réussi à transformer en or un métal étranger, nous adresserions cette prière, d’appliquer tout aussitôt son secret ou sa méthode à composer artificiellement du fer, ce dernier métal étant pour la société actuelle d’une tout autre importance, d’une tout autre utilité que l’or même. Pour les développe- ments de l’agriculture et de l’industrie, pour l’accom- 7 PRÉFACE plissement du travail public, en un mot pour le bon- heur des sociétés, le roi des métaux c’est le fer, et non pas l’or. 8 EXPOSÉ DES DOCTRINES ET DES TRAVAUX DES ALCHIMISTES L’objet de l’alchimie, c’est, comme personne ne l’ignore, la transmutation des métaux ; changer les métaux vils en métaux nobles, faire de l’or ou de l’argent par des moyens artificiels, tel fut le but de cette singulière science, qui ne compte pas moins de quinze siècles de durée. Le principe de la transmutation métallique a proba- blement trouvé sa source dans l’observation des pre- miers phénomènes de la chimie. Dès que l’expérience eut fait connaître quelles modifications, quelles trans- formations surprenantes provoque l’action mutuelle des corps mis en présence, l’espoir de faire de l’or dut s’emparer de l’esprit des hommes. En voyant les alté- rations nombreuses que les métaux éprouvent sous l’influence des traitements les plus simples, on crut pouvoir produire dans leur nature intime une modi- fication plus profonde, former de toutes pièces des métaux précieux, et imiter ainsi les plus rares produc- tions de la nature. Au début de la science, un tel pro- blème n’avait rien au fond que d’assez légitime ; mais, dans une question semblable, l’entraînement des passions humaines suscitait un élément trop opposé aux dispositions philosophiques. La production arti- ficielle de l’or, qui n’aurait dû offrir à la chimie nais- sante qu’un problème secondaire et passager, devint 9 EXPOSÉ DES DOCTRINES ET DES TRAVAUX DES ALCHIMISTES le but de tous ses travaux, et pendant douze siècles l’absorba en entier. Ce n’est que vers le milieu du sei- zième siècle, que quelques savants, découragés de tant d’efforts inutiles, commencèrent d’élever les pre- mières barrières entre l’alchimie, ou l’art des faiseurs d’or, et la chimie considérée comme science indépen- dante et affranchie de tout but particulier. À quelle époque et chez quelle nation faut-il pla- cer la naissance de l’alchimie ? Pour donner de leur science une imposante idée, les adeptes ont voulu reporter son origine aux premiers âges du monde. Olerus Borrichius, dans son ouvrage latin sur l’Ori- gine et les progrès de la chimie1, fait remonter cette science aux temps bibliques : il place son berceau dans les ateliers de Tubalcaïn, le forgeron de l’Écriture. Cependant, le commun des alchimistes se conten- tait d’attribuer cette découverte à Hermès Trismé- giste, c’est-à-dire trois fois grand, qui régna chez les anciens Égyptiens, et que ce peuple révérait comme l’inventeur de tous les arts utiles, et avait, à ce titre, élevé au rang des dieux. On comprend sans peine que les premiers partisans de l’alchimie aient tenu à honneur d’ennoblir leur science en identifiant ses débuts avec ceux de l’hu- manité et lui accordent l’antique Égypte pour patrie. Mais ce qui a lieu de surprendre, c’est qu’un écrivain moderne d’un grand mérite ait adopté une telle opi- nion et lui ait fourni le poids de son autorité et de ses lumières. Dans son Histoire de la chimie, M. le docteur Hoefer s’est efforcé de démontrer que les recherches 1 De orta et progressu chemiæ. 10
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