CLAUSEWITZ II Herbert ROSINSKI LA STRUCTURE DE LA STRATÉGIE MILITAIRE Raymond ARON RÉPONSE AU PROFESSEUR HEPP VERS UN NOUVEAU CYCLE CLAUSEWITZIEN CLAUSEWITZ ET L‟ÉQUILIBRE DE L‟OFFENSIVE ET DE LA DÉFENSIVE LA RÉFLEXION DE CLAUSEWITZ SUR LA PETITE GUERRE CLAUSEWITZ AVANT CLAUSEWITZ. JOHANN FRIEDRICH KONSTANTIN VON LOSSAU LA TRADUCTION NÉERLANDAISE DE CLAUSEWITZ LA RÉCEPTION DE CLAUSEWITZ EN HONGRIE LA RÉCEPTION DE CLAUSEWITZ EN SUÈDE JUSQU‟À LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE CLAUSEWITZ EN CHINE CLAUSEWITZ EN FRANCE INSTITUT DE STRATÉGIE COMPARÉE CONSEIL D’ADMINISTRATION Président : Hervé COUTAU-BÉGARIE Vice-présidents : Jean-Louis MARTRES ; Jovan PAVLEVSKI ; Olivier BORÉ DE LOISY Secrétaire général : Yves DECAUDAVEINE † Trésorier : Philippe de PADIRAC † Administrateurs : Bruno COLSON ; François CARON ; Jérôme PELLISTRANDI ; CONSEIL SCIENTIFIQUE Président : le général Lucien POIRIER Mme le professeur Jacques BAYON, doyen de la Faculté des Lettres de l’Université Jean-Monnet de Saint-Étienne ; Sir James CABLE, former ambassador (Royaume-Uni) † ; MM. le professeur Jean-Claude ALLAIN, co-directeur du Centre Défense et diplomatie dans le monde contemporain (Paris III) † ; le professeur Jean-Pierre BOIS, directeur du Centre d’histoire du monde Atlantique (Nantes) ; l’inspecteur général des Finances François CAILLETEAU, ancien chef du Contrôle général des armées ; le professeur Claude CARLIER, directeur du Centre d’histoire de l’aéronautique et de l’espace ; Gérard CHALIAND, directeur du Centre européen d’étude des conflits ; le professeur Pierre CHAUNU †, de l’Institut ; le professeur Pierre DABEZIES, ancien président de la FEDN † ; Olivier DARRASON, président de la Compagnie européenne d’intelli- gence stratégique ; le général Jean DELMAS, président d’honneur de la Commission française d’histoire militaire ; le professeur François-Xavier DILLMANN, président de la Société d’études nordiques ; le vice-amiral d’escadre Marcel DUVAL † ; le commandant Ezio FERRANTE, professeur à l’Institut de guerre maritime (Italie) ; le général de corps aérien Michel FORGET ; le général Pierre-Marie GALLOIS ; le professeur Colin S. GRAY, Université de Hull (Royaume-Uni) ; le professeur Pierre GUILLEN, président de la Société d’études historiques des relations inter- nationales contemporaines ; le professeur John HATTENDORF, Naval War College (États-Unis) ; le professeur Jean-Charles JAUFFRET, Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence ; le professeur Jean-Paul JOUBERT, directeur du Centre lyonnais d’études de sécurité internationale et de défense (Lyon III) ; le professeur Jean KLEIN, Université de Paris I ; le professeur Yves LACOSTE, directeur de la revue Hérodote ; le professeur Ioannis LOUCAS, Helmut-Schmidt Universitat ; le professeur André MARTEL, Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence ; le professeur Jean- Louis MARTRES, directeur du Centre d’analyse politique comparée de Bordeaux ; le professeur Michel MOLLAT DU JOURDIN, de l’Institut, président d’honneur de la Commission internationale d’histoire maritime † ; le professeur François MONNIER, ancien président de la Section des Sciences historiques et philologiques de l’École pratique des Hautes Études ; le professeur Bruno NEVEU de l’Institut, président honoraire de l’École pratique des Hautes Études † ; le général d’armée aérienne Bernard NORLAIN, ancien directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale ; le professeur Jovan PAVLEVSKI, Université de Paris V ; le doyen Guy PEDRONCINI, président d’honneur de l’Institut d’histoire des conflits contemporains † ; le recteur Jean-Pierre POUSSOU, président honoraire de l’Université de Paris-Sorbonne ; le général de division Maurice ROZIER DE LINAGE, ancien directeur du Collège Interarmées de Défense ; l’amiral de division Vezio VASCOTTO (Italie) ; le professeur Nuno SEVERIANO TEIXEIRA, ministre de la Défense (Portugal) ; Étienne TAILLEMITE, inspecteur général honoraire des Archives de France ; le général Manuel Freire THEMUDO BARATA, président de la Commission portugaise d’histoire militaire † ; le capitaine de vaisseau Lars WEDIN, de l’Académie royale des sciences militaires (Suède) ; le recteur Charles ZORGBIBE, professeur émérite à l’Université de Paris I. Clausewitz II 97-98 VERS UN NOUVEAU CYCLE CLAUSEWITZIEN Hervé COUTAU-BÉGARIE ........ 5 LA STRUCTURE DE LA STRATÉGIE MILITAIRE Herbert ROSINSKI ...... 17 RÉPONSE AU PROFESSEUR HEPP Raymond ARON ...... 53 CLAUSEWITZ ET L‟ÉQUILIBRE DE L‟OFFENSIVE ET DE LA DÉFENSIVE Corentin BRUSTLEIN ...... 95 LA RÉFLEXION SUR LA PETITE GUERRE À L‟ORÉE DU XIXe SIÈCLE : L‟EXEMPLE DE CLAUSEWITZ Sandrine (1810-1812) PICAUD-MONNERAT .... 123 CLAUSEWITZ AVANT CLAUSEWITZ : JOHANN FRIEDRICH KONSTANTIN VON LOSSAU Jean-Jacques LANGENDORF .... 149 LA RÉCEPTION DE CLAUSEWITZ EN HONGRIE Ferenc TÓTH .... 175 LA TRADUCTION NÉERLANDAISE DE VOM KRIEGE J.A. DE MOOR .... 185 LA RÉCEPTION DE CLAUSEWITZ EN SUÈDE JUSQU‟À LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE Gunnar ÅSELIUS .... 191 CLAUSEWITZ EN CHINE YU Miao .... 213 CLAUSEWITZ EN FRANCE Bruno DURIEUX .... 217 BULLETIN D’ADHÉSION À L’ISC 4 BON DE COMMANDE DES PUBLICATIONS DE L’ISC 241 BULLETIN D’ABONNEMENT À STRATÉGIQUE 247 ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Raymond ARON (1903-1984), de l‟Institut, professeur au Collège de France. Gunar ÅSELIUS, professeur au Collège national de défense de Suède. Cet article a été publié en suédois dans Militar Tidskrift, 2001. Corentin BRUSTLEIN, chercheur au Laboratoire de Recherche sur la Défense (LRD) du Centre des études de sécurité de l‟IFRI et doctorant en science politique à l‟Université Jean Moulin Lyon-III (CLESID). Une première version de cet article a été présentée au Congrès de l‟Association française de science politique à Lyon en septembre 2005, dans l‟atelier “Puissance militaire et relations internationales”, dirigé par Pascal Vennesson et Thomas Lindemann. Hervé COUTAU-BÉGARIE, directeur d‟études à l‟Ecole pratique des Hautes Études, président de l‟Institut de Stratégie Comparée. Benoît DURIEUX, colonel, breveté de l‟enseignement militaire supérieur, docteur en histoire. Jean-Jacques LANGENDORF, président de l‟Institut für vergleichende Taktik (Vienne), directeur d‟études invité à l‟Ecole pratique des Hautes Études, maître de recherches à l‟Institut de Stratégie Comparée. J.A. DE MOOR, chercheur à l‟Institut d‟histoire militaire de l‟armée néerlandaise. Sandrine PICAUD-MONNERAT, agrégée et docteur en histoire, membre de la Commission Française d‟Histoire Militaire. Cet article est issu d‟une communication présentée au XXXIe colloque de la Commission Internationale d‟Histoire Militaire, à Madrid, en 2005. Herbert ROSINSKI (1903-1969), analyste allemand réfugié aux États- Unis à partir de 1939, conférencier au Naval War College. Ferenc TÓTH, professeur à l‟Université de Hongrie occidentale, directeur d‟études invité à l‟Ecole pratique des Hautes Études, maître de recherches à l‟Institut de Stratégie Comparée. YU Miao, lieutenant-colonel, professeur de stratégie à l‟Université de la défense nationale (Changsha). Directeur de la publication : Hervé COUTAU-BÉGARIE STRATÉGIQUE Revue trimestrielle fondée en 1979 par la Fondation pour les Études de Défense Nationale, continuée en 1995 par l’Institut de Stratégie Comparée, en partenariat avec l’Institut d’Histoire des Conflits Contemporains et, depuis 2007, la Compagnie Européenne d’Intelligence Stratégique École militaire – bâtiment 9 21 place Joffre – 00445 ARMÉES – http ://www.stratisc.org Directeur : Hervé COUTAU-BÉGARIE, directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études Directeur adjoint : François GÉRÉ, directeur de l’Institut Français d’Analyse Stratégique COMITÉ DE RÉDACTION André Béjin, directeur de recherches au CNRS ; Alain Bru, général de brigade (C.R.) † ; François Caron, contre-amiral (C.R.) ; Philippe Boulanger, maître de conférences à l’Université de Paris-Sorbonne ; Bruno Colson, professeur aux Facultés universitaires Notre-Dame-de-la-Paix de Namur ; Paul-Marie Couteaux ; Serge Gadal, chargé de recherches à l’ISC ; Michel Goya, lieutenant-colonel, chargé de conférences à l’Ecole pratique des Hautes Études ; Jean-Jacques Langendorf, président de l’Institut für vergleichende Taktik (Vienne) ; Jérôme de Lespinois, lieutenant-colonel, chargé de conférences à l’Ecole pratique des Hautes Études ; Jean-Louis Martres, professeur émérite à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV ; Christian Malis, docteur en histoire ; Martin Motte, professeur aux Écoles militaires de Saint- Cyr-Coëtquidan et au Centre d’enseignement supérieur de la Marine ; Valérie Niquet, directeur de recherches à l’Institut français de relations internationales ; Philippe Nivet, professeur à l’Université d’Amiens. Secrétaires du comité : Joseph HENROTIN – Olivier ZAJEC Secrétaires de rédaction : Isabelle REDON – Jean-François DUBOS Les articles publiés dans Stratégique ne représentent pas une opinion de l’ISC et n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Sauf indication contraire, ceux-ci s’expriment à titre personnel. Toute reproduction ou traduction, totale ou partielle, de ces articles est interdite sans l’accord préalable de l’ISC. Les règles typographiques sont celles en usage à l’Imprimerie nationale. Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. © ISC – 2009 INSTITUT DE STRATÉGIE COMPARÉE BULLETIN D’INSCRIPTION ET DE SOUSCRIPTION (à renvoyer à l’Institut de Stratégie Comparée École pratique des Hautes Études IV Sorbonne – 45-47 rue des Écoles – 75005 PARIS) http://www.stratisc.org L’Institut de Stratégie Comparée est un établissement privé, à but non lucratif, qui a pour objet la recherche stratégique. Il a repris les actifs de la FEDN (revue et livres), après la dissolution de celle- ci, et en assure aujourd’hui l’exploitation. Il ne prend pas parti et n’a pas de doctrine qui lui soit propre. L’adhésion donne droit : au service de la revue Stratégique ; au service des ouvrages de la collection ―Hautes Études Straté- giques‖ ; à des prix préférentiels sur les autres collections éditées par l’Institut, ainsi que sur les ouvrages diffusés par lui (de la Fonda- tion pour les Études de Défense Nationale, du Centre d’Analyse Politique Comparée de Bordeaux, de l’Institut d’Histoire des Conflits Contemporains, du Centre d’Histoire de l’Aéronautique et de l’Espace) ; à participer aux réunions et journées d’études organisées par l’Institut. ....................................................................................... 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C‟est aujourd‟hui la France qui donne l‟impulsion décisive au mouvement, avec, bien sûr, le livre majeur, classique pratiquement dès sa parution, de René Girard, Achever Clausewitz, mais aussi la thèse modèle du colonel Benoît Durieux sur la diffusion de Clausewitz en France1 et le grand colloque franco-bri- tannique organisé par les écoles militaires de Coëtqui- dan2. Mais la France n‟est pas un cas isolé et on assiste à un fermentation semblable dans le monde anglo-saxon : depuis plusieurs années, Christopher Bassford est l‟infa- tigable animateur du site Clausewitz qui a puissamment contribué à relancer l‟intérêt pour le stratégiste prus- sien. Un colloque international organisé par l‟Université d‟Oxford a ouvert des pistes nouvelles. D‟une manière générale, on peut dire que nous assistons à une fin de cycle : celui ouvert dans les années 1970 par deux événements majeurs, pratiquement simultanés, le maître-livre de Raymond Aron, Penser la guerre. Clau- sewitz, et la nouvelle traduction anglaise de Vom Kriege, par Peter Paret et Michael Howard, est en train de se refermer. Tant le Français que les Anglo-Saxons ont 1 Benoît Durieux, Clausewitz en France. Deux siècles de réflexion sur la guerre, Paris, ISC-Économica, 2008. 2 Laure Bardiès et Martin Motte (dir.), Clausewitz et la pensée stratégique contemporaine, Paris, ISC-Économica, 2008. 6 Stratégique voulu imposer l‟image d‟un Clausewitz modernisé, beau- coup moins militariste qu‟on ne le croyait et tout à fait utilisable par le débat stratégique contemporain, au prix d‟une légère adaptation de ses concepts. À l‟époque, ce rajeunissement de Clausewitz a été accueilli avec enthousiasme et a beaucoup contribué à sa relance dans le monde entier : la traduction de Howard et Paret est devenue la référence dans l‟enseignement militaire supérieur américain, le livre d‟Aron a été traduit en onze langues. Les rares critiques qui se sont exprimées sont passés à peu près inaperçues. Aujourd‟hui, trente ans après, l‟intervalle d‟une génération, le contexte a changé et la relecture qui s‟opère se veut plus fidèle au Clause- witz “authentique” et très critique, parfois trop, à l‟égard des ajustements d‟Aron ou de Howard et Paret : la “déconstruction” de la traduction par Hew Strachan est aussi impitoyable que minutieuse, elle oblige à reconsi- dérer l‟ensemble de l‟œuvre : quant à Aron, les critiques qui n‟avaient pu percer lors de sa parution retrouvent aujourd‟hui une nouvelle vigueur, sous la plume d‟Alain Joxe, d‟Emmanuel Terray et de quelques autres. Le colloque Foch, à l‟École militaire en 2008, dont on attend les actes, a montré combien les attaques d‟Aron contre Foch étaient outrancières, on peut faire une lecture plus raisonnée de l‟œuvre du futur maréchal. C‟est dire à quel point le débat clausewitzien reste d‟actualité et combien le maître prussien demeure un classique, c‟est-à-dire un auteur qui ne cesse de faire l‟objet de relectures en fonction du temps. Clausewitz est aussi actuel en ce début de XXIe siècle qu‟il l‟était dans les années 1970, dans un monde dominé par la guerre froide. Un deuxième volume de Stratégique qui lui est consacré n‟a donc guère besoin de justification. Dans le premier volume, alternaient les études de fond sur l‟interprétation de l‟œuvre et les études plus historiques sur sa diffusion dans le monde. Le parti choisi pour ce deuxième volume est à peu près semblable, avec trois ensembles : des documents représentés par des études Vers un nouveau cycle clausewitzien 7 déjà anciennes et qui méritent d‟être versées au débat ; des études de fond sur l‟interprétation clausewitzienne ; des études historiques sur les antécédents et la postérité de Clausewitz. Le premier ensemble regroupe deux auteurs majeurs : d‟abord, Herbert Rosinski, que les lecteurs fidèles de Stratégique connaissent bien. Cet Allemand émigré en Grande-Bretagne, puis aux États-Unis, avant 1939, était l‟un des analystes stratégiques les plus doués de sa génération. Raymond Aron a raconté quel souvenir lui avait laissé sa brève rencontre avec Rosinski durant son séjour en Allemagne et combien son article paru en 1935 dans la Historische Zeitschrift avait constitué un tournant dans l‟interprétation de Clausewitz. Installé aux États-Unis, aux prises avec des difficultés person- nelles de tous ordres, il n‟a jamais pu mener à bien les grands livres auxquels il songeait, il n‟en a laissé que des esquisses, généralement restées inédites et qui dorment dans ses papiers déposés au Collège de guerre navale de Newport. Photocopiés largement lors d‟un séjour aux États-Unis, ils sont maintenant traduits progressive- ment en français, faute d‟être publiés en anglais ou en allemand. Le texte présenté ici est le canevas d‟une conférence prononcée à une date inconnue, vers 1956. Son titre général ne doit pas faire illusion, il s‟agit bien d‟une lecture clausewitzienne de la stratégie, très exactement d‟une triple réflexion : d‟abord sur le sens de la Formule : “la guerre continuation de la politique avec d‟autres moyens” ; ensuite sur le champ de la stratégie : Clausewitz restait focalisé sur les opérations, que Rosinski appelle la stratégie de campagne (Field strategy) ; la révolution industrielle impose la prise en compte de la préparation et de l‟approvisionnement des forces, tout ce qui relève de la logistique, puis la mobilisation de toutes les forces de la nation dans la perspective de la guerre totale ; enfin, sur les milieux que Clausewitz ne voulait pas ou ne pouvait pas connaître : la stratégie maritime et la stratégie aérienne peuvent et doivent faire l‟objet d‟une analyse clausewit- 8 Stratégique zienne, prenant en compte les spécificités irréductibles de chaque milieu. Cela a été fait pour la stratégie maritime par Corbett3 et Rosinski4 lui-même, il est difficile de citer des exemples aussi convaincants pour la stratégie aérienne, qui s‟y prêterait pourtant. Pour ceux qui acceptent l‟intérêt d‟une véritable stratégie théori- que, il s‟agit là d‟une des relectures les plus stimulantes du maître prussien, susceptible d‟ouvrir la voie à de nouvelles interprétations. Le texte de Raymond Aron est d‟un autre ordre. Lors de sa parution, Penser la guerre. Clausewitz, s‟il avait reçu des louanges à peu près universelles, avait tout de même suscité quelques critiques, parfois très dures. La plus sévère fut celle d‟un professeur allemand, Robert Hepp, qui dénonça en termes virulents ce qu‟il n‟hésitait pas à qualifier d‟“émasculation de Clausewitz”. Aron en fut blessé, au point de consacrer encore plusieurs pages à l‟incident dans ses Mémoires5. Il réagit sur le champ par une longue réponse au compte-rendu de Hepp qui parut en allemand dans la revue où celui-ci avait été publié. Commentaire a publié la deuxième partie de cette réponse relative aux développements contemporains6, qui occupent le tome II de Penser la guerre. Clausewitz, mais la première partie est restée inédite en français. Grâce à l‟obligeance de Madame Schnapper, fille de Raymond Aron, la version intégrale peut ici être publiée. L‟allemand étant devenu une langue rare, l‟intérêt de la publication de l‟original ne se discutera pas. La publication a posé quelques problèmes d‟édition, dès lors qu‟on ne dispose que d‟un tapuscrit qui 3 Julian S. Corbett, Principes de stratégie maritime, Paris, FEDN-Économica, 1993. 4 Herbert Rosinski, The Evolution of Strategic Naval Thought, 1977 ; traduction française à paraître, ISC-Économica, 2010. 5 Raymond Aron, Mémoires. 50 ans de réflexion politique, Paris, Press Pocket, vol. 2, 1985, pp. 912-919. 6 Raymond Aron, « À propos de Clausewitz : des concepts aux passions. Réponse à un critique belliqueux », Commentaire, février 1985, n° 28-29, pp. 498-507.
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