Conditions et contraintes de l’enseignement de la statistique en classe de seconde g´en´erale. Un rep´erage didactique. Floriane Wozniak To cite this version: Floriane Wozniak. Conditions et contraintes de l’enseignement de la statistique en classe de seconde g´en´erale. Un rep´erage didactique.. domain other. Universit´e Claude Bernard - Lyon I, 2005. Fran¸cais. <tel-00012056> HAL Id: tel-00012056 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00012056 Submitted on 29 Mar 2006 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destin´ee au d´epˆot et `a la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publi´es ou non, lished or not. The documents may come from ´emanant des ´etablissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche fran¸cais ou ´etrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou priv´es. No d’ordre 210-2005 Année 2005 THÈSE présentée devant l’UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD - LYON 1 pour l’obtention du DIPLÔME DE DOCTORAT (arrêté du 25 avril 2002) présentée et soutenue publiquement le 26 novembre 2005 par FLORIANE MATHIEU-WOZNIAK TITRE CONDITIONS ET CONTRAINTES DE L’ENSEIGNEMENT DE LA STATISTIQUE EN CLASSE DE SECONDE GÉNÉRALE. UN REPÉRAGE DIDACTIQUE Directeur de thèse : YVES CHEVALLARD JURY : M. Jean-Luc Dorier, Président Mme Michèle Artaud Mme Marianna Bosch, rapporteure M. Yves Chevallard M. Thierry Fack Mme Maggy Schneider, rapporteure 2 Remerciements Étudier les conditions et contraintes auxquelles les enseignants sont soumis conduit à interroger le réel et regarder comme objet d’étude diverses institutions dont nous sommes parfois nous-mêmes les sujets. La mise à distance que ce type de travail appelle, requiert une certaine acuité dans le regard, nécessairement nourrie d’un esprit critique et curieux et d’une culture très diverse, parce que l’altérité dit tout à la fois la singularité et la généricité. Ce fut pour moi une chance réelle que d’être accompagnée par Yves Chevallard sur ces chemins souvent escarpés. Le temps de rédaction d’une thèse, qu’il conçoit comme un compagnonnage, s’il n’est pas toujours conciliable avec les temps institutionnel et personnel, m’a appris plus que je ne saurai le dire. Je l’en remercie très chaleureusement. Sa probité et son niveau d’exigence sans concessions sont un exemple que j’espère ne pas oublier. Je remercie Marianna Bosch et Maggy Schneider d’avoir accepté d’être les rapporteures de ce travail, leurs commentaires sont autant d’encouragements à poursuivre ma tâche. Je suis reconnaissante à Jean-Luc Dorier d’avoir assumé la présidence de mon jury de soutenance de thèse et je remercie Michèle Artaud – à qui je dois ma rencontre avec Yves Chevallard et dont le soutien tout au long de cette thèse fut sans faille –, et Thierry Fack – dont l’intérêt qu’il porte à la didactique des mathématiques est un soutien précieux à notre communauté – d’avoir accepté d’en être membres. Je remercie l’INRP pour m’avoir aidée en m’accordant une décharge d’enseignement durant l’année de rédaction de ma thèse rendant ainsi plus compatibles mes vies professionnelle, étudiante et familiale. Je remercie vivement tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, et à des degrés divers, m’ont aidée : Les collègues qui ont accepté de répondre aux questionnaires, Michel Julien et Yvette Massiera qui m’ont fourni les cahiers d’élèves, ceux qui m’ont donné une référence ou prêté un document, en particulier Gisèle Cirade qui a eu la générosité de me fournir les questions des PCL1 relatives à la statistique qu’elle a collectées pour sa thèse. Mais aussi, mes collègues de l’IUFM de Lyon qui ont eu à supporter le surcroît de travail occasionné par ma décharge d’enseignement, alors que je rejoignais à peine leur équipe. En particulier, Viviane Durand-Guerrier dont l’indéfectible soutien me fut très précieux ; mes collègues de l’IUFM d’Aix-Marseille qui m’ont toujours encouragée, notamment en veillant à ce que mon emploi du temps de Pr. Ag me laisse quelques libertés pour mon activité 3 de recherche, beaucoup d’entre eux en m’offrant leur amitié m’ont aidée plus qu’ils ne l’imaginent ; mes amis, dont l’inévitable question « alors, et ta thèse ? » exprimait autant leur impatience que l’intérêt qu’ils me portent ; mes parents, ravis de m’avoir eu « en pension » le temps d’une rédaction estivale ; Hervé, qui partage mes joies, mes peines, mes doutes et mes enthousiasmes depuis quelques temps déjà, et puis, nos enfants qui ne savent que trop ce que absence in presentia veut dire … Gwenaëlle, Anne-Laure, Thibault, sortez les vélos, « quand j’aurai fini ma thèse », c’est maintenant ! 4 Tables des matières 7 Introduction. Un repérage didactique Chapitre 1. Enseignements de la statistique 1. Des débuts hésitants 13 2. Un choix sous contraintes 17 3. Une institution pionnière : l’ISUP 20 4. Vers un texte du savoir statistique 23 5. Normalisation institutionnelle et développement 29 6. La résistible diffusion de la statistique 35 7. La tentation du secondaire 40 8. Le premier corpus statistique enseigné 53 9. La statistique enseignée se fige 61 Chapitre 2. La réforme des années 2000 1. Un changement « en franche contradiction » 71 2. Les fondements de la réforme 75 3. Une initiation à la statistique 82 4. Trois leçons de statistique 85 5. Trois autres leçons 102 6. Fluctuations d’échantillonnage et simulation en seconde 115 7. Encore deux leçons 120 8. Onze fiches et une leçon 132 Chapitre 3. La réception de la réforme 1. L’APMEP et la réforme : le choc initial 145 2. « Experts » et « politiques » 149 3. Une profession surprise et troublée 157 5 4. Vers un enseignement rénové ? 160 5. Des mathématiques introuvables ? 170 6. Un écho à l’Académie des sciences 184 Chapitre 4. Enseigner la statistique : conditions et contraintes 1. Niveaux de détermination didactique 187 2. Les aléas de la distribution sociale des savoirs statistiques 204 3. Statistique pour enseignants ? 214 4. La statistique en mathématiques ? 228 5. Sciences mathématiques, modélisation, statistique 239 Chapitre 5. Avant la classe : culture mathématique et formation 1. La statistique dans l’univers mathématique des futurs 245 professeurs 2. Entre inculture et découverte 258 3. Répondre aux besoins de formation en statistique ? 272 Chapitre 6. Avant la classe : la leçon des manuels 1. Les types de tâches de la statistique 299 2. Études statistiques : des questions introuvables 311 3. La statistique et le monde 333 4. Fluctuation d’échantillonnage et simulation 346 Chapitre 7. En classe, et après : le travail sur les contraintes 1. Une enquête à chaud 365 2. En classe 373 3. De l’individu au collectif 402 4. Un fait social total 414 Bibliographie 427 6 Introduction Un repérage didactique Le travail que nous présentons se situe au croisement de deux ordres de développement. Nous avons soutenu notre mémoire de DEA en septembre 2000, sous le titre Les mathématiques du repérage dans la scolarité obligatoire 1. Ce travail, qui portait sur un thème minoré dans l’enseignement des mathématiques contemporain, mais auquel le nouveau programme de seconde qui allait s’appliquer à la rentrée 2000 pouvait donner une vigueur nouvelle, participait d’un intérêt plus large pour ce qui est, croyons-nous, l’un des grands problèmes dont pâtit l’enseignement français des mathématiques au secondaire : le repliement obstiné de la classe de mathématiques sur les objets réputés « purement mathématiques », les autres objets éventuellement présents faisant partie du décorum et restant en réalité extérieurs à l’élaboration de la connaissance. Le travail accompli sur la question du repérage aurait, certes, pu se poursuivre. Mais deux sortes de considérations nous ont fait alors opter pour un autre choix – au lieu du repérage, la statistique. Une première raison de changer tenait à l’objet lui- même. Le repérage renvoie à des savoirs et savoir-faire dont, dans la culture française d’aujourd’hui, la diffusion reste relativement confidentielle, confinés qu’ils sont dans des pratiques sociales « spéciales », certes sympathiques ou utiles, telles la navigation ou la randonnée, par exemple, mais qui n’ont pas actuellement un pouvoir mobilisateur permettant d’espérer, à leur égard, davantage qu’une attention érudite ou un intérêt tout pratique. Pour le dire autrement, la question du repérage est aujourd’hui ressentie comme moins vive qu’une autre question dont le nouveau programme de seconde se faisait le héraut : la statistique. Cette différence de valorisation dans la société 2 apparaissait alors concomitante d’une différence 1 Wozniak (2000). 2 L’intérêt « citoyen » pour le bon usage des statistiques et l’attention critique à leurs mésusages s’étaient notamment manifestés, en France, par une certaine activité éditoriale : voir ainsi Klatzmann (1996, 1re édition 1985) ou Gasquet-More (1999). L’association Pénombre, créée en 1993 « pour développer un espace public de attendue de valorisation dans le travail des classes de seconde. On pouvait penser alors – à bon droit – que nombre de professeurs méconnaîtraient l’invitation somme toute discrète à travailler sur le repérage dans le plan, voire – dans le cadre des « thèmes d’étude » libres – sur la sphère, « avec application à la géographie et à l’astronomie ». Même si le programme de seconde soulignait qu’on y mettait « nettement l’accent sur la notion de repérage », on pouvait s’attendre, faute d’un accompagnement plus important, à ce que le travail consistant à repérer « des cases d’un réseau carré ou rectangulaire », à « interpréter des cartes et des plans », à « réfléchir aux avantages des divers types de repérage », à comparer « les repérages sur la droite, dans le plan (voire sur la sphère ou dans l’espace) » en évoquant à cette occasion « la notion de dimension », on pouvait s’attendre, donc, à ce que ce travail fût léger. Il en allait autrement s’agissant de la statistique. Dans ce cas, à une notoriété culturelle, scientifique, voire mathématique de bien plus grande intensité s’ajoutait un effort d’accompagnement sans précédent, en appui à un programme relativement substantiel, comportant notamment une innovation absolue, la simulation, et, plus largement, une problématique largement renouvelée, qui manifestait une tentative de ré-articuler le savoir enseigné aux pratiques et aux savoirs « savants » en la matière. Les enjeux étaient donc, subjectivement, scientifiquement, socialement, plus élevés. L’espoir que quelque chose allait se passer tant dans les classes de seconde que dans leur noosphère paraissait plus certain dans un cas que dans l’autre. C’est ainsi que, d’emblée, les professeurs avaient réclamé, souvent avec insistance, « de la formation » en statistique. Il ne semble pas qu’une demande analogue ait été formulée à propos du repérage ! Une large perspective s’ouvrait donc, s’agissant de la statistique, sur un ensemble de manifestations prévisibles, engendrées par la commotion imprimée au curriculum par le nouveau programme. Ces manifestations allaient pouvoir être observées tant dans les classes de seconde que dans la formation initiale et continue des professeurs, sans oublier les interventions et polémiques savantes et demi-savantes en matière statistique ou didactique au sein de la noosphère. Tout un ensemble de travaux, dont notre propre travail de DEA, conduits dans le cadre de la théorie anthropologique du didactique 3, s’étaient articulés à une notion ancienne et réflexion et d’échange sur l’usage du nombre dans les débats de société », a ainsi développé un site Internet (http://www2.unil.ch/penombre/index.htm) et publié sous son nom tout un ouvrage (1999). Rappelons ici la prédiction de Herbert George Wells (1866-1946) si souvent citée dans la littérature en anglais sur la statistique : Statistical thinking will one day be as necessary for efficient citizenship as the ability to read and write. 3 Sur cette approche théorique et ses principaux concepts (praxéologie, type de tâches, technique, technologie, théorie, etc.), voir par exemple Chevallard (2005). 8 quelque peu oubliée, celle de mathématiques mixtes, pour penser et approfondir la résistance de l’enseignement des mathématiques à la mixité objectale et au métissage épistémologique 4. De ce point de vue, le renouvellement de l’étude de la statistique en seconde allait une fois de plus mettre en scène l’antique refus, quasiment consubstantiel à notre enseignement des mathématiques, d’entretenir un commerce vivant avec des réalités tenues pour non mathématiques. Dans la mesure, en effet, où on définit la statistique comme la science de la variabilité, dans la mesure où cette variabilité est celle des phénomènes naturels et sociaux du monde qui nous entoure, le problème ne pouvait manquer de surgir de l’organisation des rapports de l’enseignement donné avec l’univers des « grandeurs variables » concrètes dont la statistique fait normalement son objet. De ce point de vue, le travail que nous avons alors envisagé de faire – et que nous présentons ici – a eu pour ambition d’ouvrir à l’analyse didactique de type anthropologique un domaine qui n’avait pas récemment été travaillé dans cette perspective 5. Le corpus des mathématiques enseignées dans le secondaire se présente presque naturellement comme divisé en trois grands domaines, dont deux forts anciens. On a pu définir autrefois les mathématiques comme la science de la quantité et de l’étendue. L’étendue ou, comme nous le dirons, la « spatialité », est l’objet des sciences géométriques – disons, pour faire court, de la géométrie. La quantité, que l’on pourrait appeler aussi la « numérosité », est l’objet des sciences arithmétiques. Le troisième domaine, inconnu des mathématiques il y a quelques siècles, est celui de la variabilité : il est l’objet propre de la statistique. Bien entendu, en chaque domaine, l’objet premier, primordial – spatialité, numérosité, variabilité – va s’augmenter, avec les progrès de la connaissance mathématique, d’objets construits, internes au mouvement de mathématisation (et regardés pour cela comme « purement » mathématiques), qui vont donner aux mathématiques leur puissance d’intelligibilité et leur opérativité. C’est ainsi que, en géométrie, grâce à la création des calculs vectoriel, barycentrique, etc., on apprendra tardivement – à partir du XIXe siècle, pour l’essentiel – à calculer sur des objets sur lesquels on n’avait su longtemps que raisonner. Sur la base de l’arithmétique primitive se construiront, de même, différents calculs – algébrique, différentiel, intégral, etc. C’est là sans doute que ces deux domaines traditionnels – le 4 Sur ce thème, voir Chevallard (2001b). 5 Dans le cadre d’une recherche menée conjointement à l’IREM de l’académie d’Aix-Marseille et au CNAM à Paris, Yves Chevallard avait, en 1977-1978, rédigé quelque 430 pages de notes internes intitulées Didactique de la statistique, ainsi qu’une série de neuf fascicules intitulée Didactique des tests statistiques comptant au total près de 300 pages. 9
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