96 pages : 6 mm c 92 92 a e r s 3 3 h i s s (cid:127) N° 392 ai ai Le clivage gauche-droite est-il dépassé ? ç ç L’ÉCONOMIE ran ran f r a n ç a i s (cid:127) L’innovation sociale f f s s (cid:127) Quel bilan pour la COP 21 ? r r À L’HEURE DU NUMÉRIQUE e e i i h h a a C C DOSSIER ■ Éditorial par Julien Winock E U ■ L’économie numérique : une économie disruptive ? Pierre-Jean Benghozi Q I ■ Les nouveaux défi s politiques et économiques de l’internet Bernard Benhamou ÉR L’ÉCONOMIE M ■ L’enjeu de la distribution dans l’e-commerce Jean-Rémi Gratadour U N ■ Entrepreneurs et dirigeants face à la révolution numérique Laure Belot U ■ Un modèle d’entrepreneuriat : les start-up Annabelle Bignon E D À L’HEURE DU NUMÉRIQUE ■ Les technologies numériques marchandes ont-elles bénéfi cié R U aux consommateurs ? Pierre Volle E H ■ L’économie collaborative : un nouveau modèle productif ? Olivia Montel L’ À ■ Big data et algorithmes : la course aux données Kenneth Cukier E I ■ Quelle régulation ? Quelle fi scalité ? Julia Charrié M O ■ Les médias face à la révolution numérique Selma Fradin N O ■ Les industries culturelles. Mondialisation et marchés nationaux Françoise Benhamou C É Diffusion L’ Direction de l'information DÉBAT légale et administrative La documentation Française ■ Le clivage gauche-droite est-il dépassé ? Téléphone : 01 40 15 70 10 1. Un clivage affaibli Nicolas Sauger www.ladocumentationfrancaise.fr 2. Le mentir-vrai du clivage gauche-droite Michel Hastings Directeur de la publication Bertrand Munch LE POINT SUR… ■ L’innovation sociale Antoine Saint-Denis 6 Cahiers français 1 0 Mai-juiNn °2 039126 POLITIQUES PUBLIQUES uin 2 -j ■ Quel bilan pour la COP 21 ? Olivier Godard Mai ; Impression : DILA a" Dépôt légal : 2e trimestre 2016 BIBLIOTHÈQUE Dm@ ISSN : 020C0F80-30922107 ■ LCaa mréilvloel uFtriooind edvua fuéxm-Mineintt,e rie, E10 - R?k@d@j@ 10,10 € Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 2015 10,V: présenté par Antoine Saint-Denis F: VU 92 - VU 3] 3:DANNNA=YUX^WV: 8 - G= La 6K 50P 0K documentation M I H 3’: Française dF CF 392 Économie numérique - F.indd 1 25/03/2016 13:49 Sommaire 63 Les industries culturelles. DOSSIER Mondialisation et marchés CAHIERS FRANÇAIS 1 ÉDITORIAL nationaux par Julien Winock Françoise Benhamou Équipe de rédaction Philippe Tronquoy 2 L’économie numérique : (rédacteur en chef) DÉBAT une économie disruptive ? Jean-Claude Bocquet (secrétaire de rédaction) Pierre-Jean Benghozi 71 Le clivage gauche-droite Martine Paradis est-il dépassé ? 9 Les nouveaux défis (Secrétaire) politiques et économiques 71 1. Un clivage affaibli Conception graphique de l’internet Nicolas Sauger Bernard Vaneville Illustration Bernard Benhamou 76 2. Le mentir-vrai Manuel Gracia du clivage gauche-droite 14 L’enjeu de la distribution Édition Michel Hastings Carine Sabbagh dans l’e-commerce Promotion Jean-Rémi Gratadour Anne-Sophie Château LE POINT SUR… Avertissement au lecteur 19 Entrepreneurs et dirigeants Les opinions exprimées 81 L’innovation sociale face à la révolution numérique dans les articles n’engagent Antoine Saint-Denis que leurs auteurs. Laure Belot Ces articles ne peuvent être reproduits sans autorisation. 24 Un modèle POLITIQUES PUBLIQUES Celle-ci doit être demandée à d’entrepreneuriat : les start-up La Direction de l'information 87 Quel bilan pour la COP 21 ? légale et administrative Annabelle Bignon 26, rue Desaix Olivier Godard 75727 Paris Cedex 15 29 Les technologies ou numériques marchandes BIBLIOTHÈQUE [email protected] ont-elles bénéficié © Direction de l’information aux consommateurs ? 92 Camille Froidevaux-Metterie, légale et administrative, Paris 2016 La révolution du féminin. Pierre Volle En application de la loi du 11 mars 1957 (art.41) et du code de la propriété intellectuelle Éditions Gallimard, du 1er juillet 1992, toute reproduction 35 L’économie collaborative : coll. « Bibliothèque des sciences partielle ou totale à usage collectif un nouveau modèle productif ? de la présente publication humaines », 2015 est strictement interdite Olivia Montel présenté par Antoine Saint-Denis sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé 45 Big data et algorithmes : à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie la course aux données met en danger l’équilibre économique Kenneth Cukier des circuits du livre. 51 Quelle régulation ? Quelle fiscalité ? IMPACT-ÉCOLOGIQUE Julia Charrié www.dila.premier-ministre.gouv.fr IMPAPCITC S DU’CROL LZI’ MOEANAUET 2260 9g22 e mgq e gPq Oe Cq4O 3C-22 H4Pour un ouvrage àS5 e7llam rLaé eFvsroa ldmuintéi odnia nsu fmacéer i que u Version papier : 272 pages. Plus de 200 photos. 27 € Cet imprimé applique l'affichage environnemental. La u Version livre numérique enrichi : 288 photos supplémentaires documentation 50 mm x 40 mm et plus de 50 minutes de vidéos et d’entretiens. 9,99 € Française pub les murs dans QI.indd 1 01/10/2015 12:11 CF 392 Économie numérique - F.indd 2 25/03/2016 13:49 ÉDITORIAL LES BOULEVERSEMENTS DU NUMÉRIQUE Le formidable essor des technologies numériques innerve désormais l’ensemble de notre tissu économique. Ordinateurs, tablettes et smartphones ne forment plus seulement des outils de communication en réseau, ils sont les principaux vecteurs des mutations qui bouleversent nos modes de production, de consommation et d’échanges. Par ses multiples applications et sa simplicité croissante d’utilisation, le numérique est riche de potentialités énormes en se jouant des frontières traditionnelles entre les consommateurs et les entreprises, les salariés et les entrepreneurs, les créateurs et leurs publics... Chaque consommateur peut ainsi louer sa maison ou sa voiture, vendre ses œuvres ou ses meubles, travailler à distance en même temps qu’accèder à une infinité de produits vendus dans le monde entier grâce au commerce électronique. Avec l’impression 3D, il sera même en mesure demain de fabriquer chez lui, comme dans une usine, des objets ou des pièces détachées. Publicitaires et spécialistes du marketing peuvent en retour cibler leurs offres grâce aux multiples informations versées quotidiennement dans le big data, par le biais des ordinateurs et des objets connectés. Et l’exploitation de ces milliards de données n’en est qu’à ses débuts. À la pointe de l’économie numérique, les start-up ont bien souvent initié les multiples innovations à l’origine de ces transformations. Elles symbolisent, en même temps, cette nouvelle organisation du travail qui fait fi des hiérarchies traditionnelles et dont s’inspirent un nombre croissant d’entreprises, y compris dans les secteurs d’activité les plus classiques. Certaines d’entre elles, comme Apple, Google ou Amazon ont connu une ascension telle qu’elles forment désormais quelques-unes des plus grandes entreprises mondiales. Les promesses de l’économie numérique ne doivent pas pour autant laisser dans l’ombre les profondes interrogations qu’elle soulève. La suppression des intermédiaires avec la mise en réseau généralisée menace en effet l’existence de nombreuses professions. Celle des taxis, concurrencés par les voitures avec chauffeurs, n’est que la forme la plus connue de ce que l’on appelle l’uberisation. De leur côté, les industries médiatiques et culturelles peinent à compenser la perte considérable de leur chiffre d’affaire produit par l’effondrement des ventes de supports physiques (journaux papier, CD, DVD…) et la généralisation d’une culture de la gratuité profondément ancrée chez les jeunes générations. D’une manière plus globale c’est le modèle même de notre croissance qui est en jeu lorsque l’on observe les effets de cette économie dite « disruptive ». Car si le capitalisme numérique a donné naissance à une floraison de nouvelles activités, il prive de leur raison d’être ou fragilise un nombre considérable d’emplois, y compris dans des secteurs faisant appel à une main-d’œuvre qualifiée. Sans prétendre couvrir toutes les caractéristiques de ces mutations profondes et rapides aujourd’hui à l’œuvre dans l’économie, ce numéro se propose d’en analyser les principaux aspects et d’en comprendre les enjeux essentiels. Julien Winock L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE : UNE ÉCONOMIE DISRUPTIVE ? Pierre-Jean Benghozi Professeur à l’École polytechnique, membre du Collège de l’Arcep Sous l’effet de changements tantôt radicaux tantôt plus mineurs, le numérique redéfinit les fonctionnements de l’économie. Il accélère les dynamiques industrielles marquées par une forte plasticité des contours des marchés et des alliances entre les firmes. L’économie de réseau créée par les TIC se caractérise aussi par une ambivalence, ses outils permettant tout à la fois d’accroître l’autonomie des individus et de les contrôler au sein de collectifs de travail. Et dans cette économie insoucieuse des frontières étatiques, la création de valeur repose sur l’information et la connaissance qui permettent d’optimiser la gestion de la pro- duction mais également d’exploiter les multiples données fournies par les consommateurs. Pierre-Jean Benghozi insiste sur la multiplicité des modèles d’affaires inhérente au capita- lisme numérique, sur son bousculement des lois économiques traditionnelles, sur la place qu’y occupent les plateformes d’intermédiation. Sur le passage enfin d’une économie de la rareté à une économie de l’abondance. C. F. La numérisation touche tout autant la vie interne en plus intimes qui s’établissent entre les différentes des organisations, les relations des marchés et les couches d’activités (de l’infrastructure aux contenus), pratiques des individus que la façon de penser et de en redéfinissant profondément les formes tradition- conceptualiser les phénomènes organisationnels et nelles du capitalisme. La nature des enjeux ouverts économiques. La capacité d’utiliser les technologies de avec l’économie numérique appelle donc une réflexion l’information et de la communication (TIC) s’avère une propre sur l’organisation des écosystèmes industriels. composante cruciale dans la stratégie compétitive des Le renouvellement incessant des modèles économiques entreprises : améliorer les mécanismes et les procédures remet en cause les formes habituelles de la compétition de contrôle, acquérir une plus grande flexibilité et une mais tout autant la nature des contributions du numé- moindre dépendance à l’égard du marché, développer rique à la construction d’un bien-être social collectif. des compétences stratégiques spécifiques et redéfinir les frontières de la concurrence. La vague de l’Internet Comment s’organise l’économie et des TIC s’inscrit néanmoins dans une longue histoire numérique ? de l’informatisation des organisations et des échanges. Une complémentarité entre innovations Cette histoire permet de situer la force des change- incrémentales et disruptives ments à l’œuvre et de relativiser parfois leur radicalité. Les principes économiques en jeu sont relativement La vigoureuse évolution induite par le numérique immuables, mais ils trouvent à s’exprimer de manière tient à plusieurs changements structurels. Le plus mani- quelquefois particulière à l’heure du numérique. Les feste concerne l’accélération technologique portée par évolutions touchent notamment les relations de plus les composants, les réseaux et les applications, accom- 2 CAHIERS FRANÇAIS N° 392 DOSSIER - L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE : UNE ÉCONOMIE DISRUPTIVE ? pagnée d’un flux permanent d’innovations. Elle dessine positionnement dans la chaîne de valeur et leur cadre un monde industriel en plein mouvement, dans lequel compétitif sont beaucoup plus mouvants car les relations les acteurs peuvent disparaître rapidement du fait de de compétition et de coopération sont conçues simul- la conjonction d’une baisse des coûts et d’innovations tanément, grâce au numérique, de manière évolutive incessantes, jamais achevées. Ce mouvement dessine et contingente, en créant une forme de radicalité des un monde hyper-fluide où les règles d’engagement des phénomènes d’innovation. Cette radicalité tient d’abord individus tout autant que l’économie des organisations à l’essence même des innovations et des architectures changent en permanence. industrielles qu’elles sous-tendent, amenant à perce- voir différemment les ressources productives de la Dans un tel cadre, l’innovation revêt un rôle central firme. En pensant simultanément équipements, biens comme vecteur principal des positions concurrentielles et services, les firmes innovantes renversent en effet et des relations avec les consommateurs. Sa dyna- complètement la nature de leurs « produits » et de leur mique interroge néanmoins la distinction historique marché, raisonnant à partir de fonctionnalités d’usage entre innovation disruptive et incrémentale. L’enjeu et plus seulement à partir de la maîtrise de technologies de la discussion n’est pas de pure rhétorique : pour ou d’équipements. Schumpeter, il s’agit là de la source même du renou- vellement du capitalisme. La disruption permet en Mais cette radicalité a aussi des effets sur les straté- effet aux firmes et aux entrepreneurs de trouver de gies d’investissements et les niveaux de risque financier nouveaux espaces de croissance : elle contribue de ce associés. On peut y voir, d’ailleurs, un des facteurs fait à remettre en cause et faire disparaître les rentes déterminants pour expliquer la place grandissante des indues de l’« ancienne » économie. dynamiques d’entrepreneuriat et de start-up dans l’éco- nomie numérique. Les modes de production, de distribution et de consommation des biens et des services sont de fait Ces nouvelles approches de l’innovation à l’âge du bouleversés par la numérisation. De nouveaux marchés numérique remettent en cause l’alternative schumpété- surgissent, un grand nombre d’activités connaissent des rienne au profit d’une forme inédite de complémentarité mutations rapides, les chaînes de valeur se restructurent, entre innovations incrémentales et disruptives. Car le menaçant la position de grands acteurs traditionnels, digital favorise le mélange de changements radicaux déplaçant les relations de pouvoir au sein des indus- et d’autres plus mineurs. Les innovations numériques tries. Des modèles d’affaires inédits sont expérimentés, sont en effet conçues d’emblée dans une perspective ouvrant des voies nouvelles au financement des activités. globale se traduisant par une conception d’ensemble Confrontée à de fortes incertitudes sur l’émergence de d’un design de marché, d’organisation, d’usage et de solutions techniques alternatives, sur l’expression de technologie autour de fonctionnalités. Dans un tel formes renouvelées de la demande et sur les inflexions cadre, les différents registres d’innovation pointés ne des marchés, les entreprises s’engagent dans des dyna- se superposent pas mais tendent plutôt à s’articuler et miques soutenues d’innovation qui redéfinissent les se renforcer. équilibres entre la R & D amont et l’implication des La technologie, dimension oubliée clients dans la conception et l’évaluation des produits. du numérique ? Ce faisant, le numérique redéfinit complètement les ressources stratégiques clés sur lesquelles s’appuyaient Dans la plupart des analyses sur l’économie les entreprises, qu’il s’agisse de la maîtrise de la numérique et l’internet, la dimension numérique est, technologie, la maîtrise des informations, la maîtrise de paradoxalement, le plus souvent traitée de façon globale la localisation du rapport entre le virtuel et le physique, et très abstraite. Le risque est alors grand de sous-éva- l’appropriation et le contrôle des usages. luer – voire d’évacuer complètement – l’importance Ce phénomène se traduit d’une part par l’accéléra- centrale de la technologie dans les mutations en cours tion des dynamiques industrielles et d’autre part entraîne au profit d’une seule vision des innovations de service. une redéfinition profonde des contours des firmes et Le degré trop élevé de généralité des propos empêche des marchés. La nécessité d’innovations rapides appelle en effet de penser la spécificité des TIC, en masquant en effet de nouvelles formes de conception et de par- derrière les termes de « numérisation des entreprises » tenariats industriels : les frontières des firmes, leur ou d’« ubérisation » des modes d’appropriation et des CAHIERS FRANÇAIS N° 392 3 DOSSIER - L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE : UNE ÉCONOMIE DISRUPTIVE ? stratégies très différentes de mobilisation de ces tech- sion mondialisée. Les processus de production, de nologies. Or la vague technologique actuelle est très distribution et d’internationalisation des entreprises se singulière. Loin de se cantonner à des types d’usages, sont élargis, en brouillant les frontières nationales autant de fonctions ou d’outils spécifiques, elle est au contraire que sectorielles. Désormais, l’offre de biens et services marquée par un degré très élevé de modularité et de peut s’appuyer sur une organisation internationale de labilité tenant aux capacités d’articuler et de reconfigurer la production et l’extension transnationale des circuits en continu, et de manière contingente, infrastructure, de distribution permet de toucher des consommateurs outils et postes de travail. Les technologies s’orga- partout dans le monde. Les entreprises numérisées nisent et s’entrelacent ainsi en « système » autour des bénéficient ensuite des opportunités de délocalisa- postes de travail et dans les systèmes d’information et tion fiscales des sièges sociaux et d’une organisation de communication. Ces particularités font des TIC un « hors sol » conduisant à optimiser la taxation des flux véritable couteau suisse ouvrant de larges possibilités financiers. Ces dynamiques sont confortées par une d’appropriation par les secteurs les plus divers – de gouvernance originale de l’Internet assurant l’inter- l’agriculture à la santé – et permettant leur utilisation connexion, l’organisation technique et la sécurité des par les acteurs les plus variés – des PDG aux simples réseaux à un niveau transnational par des institutions opérateurs – en favorisant à la fois un contrôle central – en partie – non gouvernementales. accru et une plus grande autonomie locale. L’Internet bouleverse progressivement le système Leurs gains de performances résultent tantôt des fondé sur les frontières entre espaces physiques, comme sources de productivité individuelle, dues à un ensemble l’illustrent les débats récents en Europe. Après que la d’outils et d’applications mis à la disposition des indi- question de la TVA sur le e-commerce transfrontalier vidus pour leur permettre d’être plus efficaces. Mais s’est posée, la pérennité de droits d’exploitation terri- ces outils sont aussi parfois déployés dans une tout toriaux des contenus sportifs et culturels est désormais autre perspective, collective, comme un système qui débattue, car au nom de quoi refuser à un consommateur met en relation les membres d’un collectif de travail français l’accès au replay de ses chaînes de télévision et structure directement ou indirectement leur activité quand il se trouve ailleurs en Europe ; de même, est commune. Dans ce second cas, les TIC contraignent encore en suspens la capacité d’un juge européen d’im- fortement les utilisateurs, ne leur laissant pas le choix poser à un moteur de recherche américain l’effacement d’utiliser ou non tel ou tel protocole ou procédure ; ce des données personnelles d’un citoyen de l’UE. L’essor qui constituait un « outil » pour les uns devient alors du numérique a ainsi contribué à dissoudre progres- souvent un « moyen » de contrôle pour les autres. sivement le lien entre la localisation géographique, le pouvoir des gouvernements locaux sur les marchés en L’observation des entreprises montre ainsi que la ligne, les effets des comportements en ligne des indi- numérisation se traduit simultanément par un renf or- vidus. Les efforts menés par les souverainetés locales cement de la souplesse et une rigidité renouvelée. Cette pour mettre en œuvre les règles applicables au niveau tension entre contrôle social et autonomie est constitu- mondial, et orienter et définir ces règles à partir de la tive d’une économie de réseau mondialisée. Les débats localisation physique sont très fortement interrogés. actuels autour du cryptage des données l’attestent. Les mêmes grandes entreprises de services comme Apple, La question du rapport de l’économie numérique au Facebook ou Google fortement critiquées pour leur territoire est donc centrale mais les enjeux nationaux de usage des données personnelles défendent aussi avec cette économie mondialisée restent mal appréhendés. force leurs utilisateurs en refusant de fournir aux pou- Car les territoires d’action des entreprises et leur rapport voirs publics les moyens de décryptage des données aux territoires se transforment. Un double mouvement quand cela s’avère nécessaire. modifie en profondeur les rapports entre monde virtuel et monde physique. La dématérialisation complète de Une économie mondiale certains services et contenus ouvre d’un côté la voie à Une autre caractéristique majeure de l’économie des formes ubiquitaires de consommation « en mobi- numérique tient aux possibilités, ouvertes par les lité », favorisant une globalisation des marchés, des TIC, de communication et coopération à distance, et modèles d’affaires et du champ d’action des acteurs d’inscription dans des infrastructures et des réseaux économiques ; c’est particulièrement le cas pour la interconnectés. Elles lui ont d’emblée donné une dimen- musique ou l’audiovisuel. Mais d’un autre côté, la 4 CAHIERS FRANÇAIS N° 392 DOSSIER - L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE : UNE ÉCONOMIE DISRUPTIVE ? nécessaire présence physique ou matérialité de l’objet valorisation de la prévisibilité de comportements, agré- (cas des ventes de biens d’équipement, de vêtements, ou gation et traitement de données. Le big data n’est ici d’objets de décoration) a aussi stimulé l’apparition de que le révélateur de transformations engagées depuis formes inédites de « distribution distante » reposant sur longtemps dans le marketing, à une échelle certes la dématérialisation de l’information et des transactions moindre, dans ce que l’on aurait alors pu qualifier de dans le cadre d’une logistique optimisée permettant la « medium data ». localisation des formes de consommation. Le succès de sites comme Alibaba, Amazon ou Zalando l’atteste. Les dynamiques inédites du capitalisme numérique Une économie de l’information et de la connaissance La combinaison de toutes ces caractéristiques Parce qu’elle s’appuie sur le traitement de l’infor- contribue à définir des dynamiques économiques iné- mation (le I de TIC), l’économie numérique est, d’une dites qui tiennent à la place tout à fait nouvelle des manière presque tautologique, une économie de l’infor- modèles d’affaires et des modes de financement asso- mation. C’est à la création de valeur elle-même que ciés. Elles relèvent de stratégies qui se dessinent autour contribue l’information. Mais celle-ci n’existe pas en du rôle clé de nouvelles formes d’intermédiation. Elles soi : elle s’interprète en contexte, selon les moments et marquent le basculement du capitalisme d’une économie les utilisateurs, suivant des savoirs et des savoir-faire. ancrée historiquement dans l’exploitation de la rareté Elle est surtout mise en forme dans les architectures à des structures de développement ressortissant au organisationnelles des systèmes d’information, par des contraire à des économies de l’abondance. mécanismes collectifs et des communautés d’échange La place des modèles d’affaires tout autant qu’en s’appuyant sur des substrats tech- niques tels qu’algorithmes ou applications dédiées. Historiquement, l’industrie et le management se Il n’est dès lors pas simplement question d’économie sont construits autour de l’idée qu’il existe un one best de l’information, mais aussi de la connaissance, de way pour s’organiser et produire des biens. Entre les l’attention, de la donnée. constructeurs automobiles, il existe certes des diffé- rences, mais la façon de fabriquer des voitures reste, L’analyse de ces nouveaux mécanismes de création grosso modo, similaire. Cela n’est pas du tout le cas de valeur permet de mieux comprendre les modalités dans le numérique où la flexibilité des technologies et la de gestion des informations dans un cadre collectif et manière de les agencer ouvrent au contraire la possibilité coopératif, au-delà du seul big data auquel on tend de concevoir de façon très différente la fourniture des à réduire toute cette économie de la connaissance. mêmes biens et services en articulant très intimement L’importance des changements à l’œuvre tient, en usages, technologie, production du service, relations particulier, à la nature très diverse des informations au consommateur et modèles de revenus. C’est bien sur lesquelles peut porter la création de valeur. Ce sont cette capacité de renverser totalement les formes clas- d’abord les informations de l’amont, qui portent sur la siques de transaction que désigne le terme d’ubérisation. gestion de la production et des approvisionnements et Les possibilités de reconfigurer sans cesse les formes dont le traitement permet de repenser profondément d’offres, de services et de monétisation génèrent une les sources de performances et de compétitivité. C’est multiplication des modèles d’affaires dans un même notamment une des perspectives ouvertes par l’internet secteur industriel. des objets par exemple. Mais l’information est aussi celle de l’aval, qui concerne les caractéristiques du Une première explication à ce foisonnement est marché et les traces d’usage. Les utilisateurs ne sont qu’il résulte de stratégies d’exploration des entreprises en effet plus seulement de simples consommateurs. Par pour arriver à trouver le « bon » modèle en ligne : c’est l’exploitation des cookies comme par les avis qu’ils ce que l’on voit par exemple dans la presse. La mul- postent ou les opérations qu’ils effectuent, ils produisent tiplication tiendrait alors à l’addition de mécanismes des données en continu, de manière dynamique, en d’essais-erreurs où tout le monde teste des solutions ouvrant la voie à des modalités inédites de valorisation avant de converger sur la bonne solution. Nous serions et d’exploitation : vente de profils utilisateur, vente dans ce cas dans une phase temporaire qui devrait se de visibilité sous forme de mise en avant publicitaire, stabiliser. Mais il existe aussi une seconde explication, CAHIERS FRANÇAIS N° 392 5 DOSSIER - L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE : UNE ÉCONOMIE DISRUPTIVE ? Un nouveau rôle pour le capital ? plus perturbante, qui voit dans les modèles d’affaires le support même de l’innovation. Grâce aux TIC, les L’importance de la dimension technique associée entreprises innovent en effet désormais moins sur la à la grande instabilité des modèles d’affaires et des nature intrinsèque de l’offre que sur les modes de tran- formes de la concurrence amène à repenser les formes saction, sur la traçabilité, sur les métadonnées, sur la traditionnelles de financement, d’investissement et de possibilité d’utiliser des informations d’utilisation pour rémunération des entreprises. Le numérique conjugue créer de nouvelles activités ou de nouveaux services en effet deux économies très différentes : celle de l’in- par exemple. frastructure et celle de la donnée et des services. La Dans un tel cadre, se jouent des formes inédites première est une industrie de coûts fixes, où les effets de concurrence, à l’intérieur même des chaînes de de réseau sont importants. À l’inverse, l’économie de valeur. Alors que l’on voyait essentiellement, jusque- services est plus labile et peut se penser à faible coût là, des concurrences horizontales classiques entre marginal quand les infrastructures et les réseaux sont acteurs analogues produisant des biens similaires, déjà là et disponibles. Les conséquences sont multiples. il s’établit désormais de nouvelles formes de com- Une première conséquence, souvent présentée sous pétition verticales entre des acteurs très différents : l’angle de la net neutralité, concerne la manière dont la fournisseurs de biens et services, intermédiaires de valeur créée sur les services est partagée entre les diffé- l’information, fournisseurs de terminaux, fournisseurs rents acteurs de la chaîne de valeur. Plus précisément, d’accès… Chacun se bat pour être au plus près du dans quelle mesure cette valeur est-elle captée par les consommateur afin de constituer, grâce à la force acteurs de l’aval ou, au contraire, contribue-t-elle au de sa marque, le point d’entrée privilégié d’offres financement des infrastructures ? désormais agrégées… un peu comme dans ce jeu d’enfants où chacun met sa main au-dessus de celle de Une deuxième conséquence importante touche l’autre pour savoir qui sera le dernier. Car l’élément les formes de rémunération du capital associées aux déclencheur d’une transaction peut aussi bien être nouveaux modèles d’affaires du numérique : modèle le forfait du fournisseur d’accès à Internet, que le industriel recherchant la rentabilité des activités ou choix du terminal et de son système d’exploitation, modèle financier visant des anticipations de croissance l’application fournissant le contenu ou le service, dans une perspective de cession ultérieure. La question voire le moteur de recherche ayant conduit à cette se pose tout spécialement dans un écosystème faisant application. L’économie numérique est ainsi, sous une large part à l’entrepreneuriat et aux start-up, au bien des angles, une économie du branding. financement des innovations et au raffinement des 6 CAHIERS FRANÇAIS N° 392 DOSSIER - L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE : UNE ÉCONOMIE DISRUPTIVE ? modalités de financement (capital-risque, business chaînes de valeur. Elle contribue à une forme de disso- angels, fonds d’amorçage…). lution de l’approche « par acteur ou par entreprise » au profit d’une approche « par écosystème ». Une troisième conséquence réside enfin dans la très grande fragilité des positions dominantes dans l’éco- D’une économie de la rareté à une économie nomie numérique. Certes, cette économie est marquée d’abondance par un poids très fort des externalités de réseaux, favo- Les bases traditionnelles de l’économie et de la risant la constitution de monopoles dans une logique gestion ont toujours reposé sur le principe de rareté des de « winner takes all ». Des acteurs dominants se sont ressources et donc sur la recherche des meilleures condi- d’ailleurs succédé tout au long de l’histoire – récente tions pour leur utilisation et leur allocation. Maîtrise – de l’internet. Mais les renversements de position stratégique des ressources clés, organisation logistique peuvent être spectaculaires. Pensons aux leaders qu’ont et gestion des stocks, limitation physique des espaces été Yahoo !, AltaVista, AOL, Blackberry, Myspace, et des forces de vente, ciblage des segments de mar- Netscape… ché… : chacun de ces registres d’action des entreprises est ainsi profondément marqué par le caractère limité Intermédiations et plateforme des moyens disponibles. La mise en réseau généralisée Depuis longtemps ont été soulignées l’importance ouverte par les technologies du numérique traduit en dans l’économie numérique de la notion d’intermé- revanche un basculement radical vers une économie diation et celle, concomitante, de désintermédiation. d’abondance et change profondément les dynamiques Grâce à la flexibilité des TIC, des intermédiaires peuvent économiques à l’œuvre. On peut en donner plusieurs capter directement une part de la valeur en court-cir- illustrations tenant autant à la structure de l’offre, qu’aux cuitant les acteurs en place ou en se greffant sur des conditions de production et aux modalités de diffusion. maillons différents de la chaîne de valeur. La révolution Un premier facteur est souvent évoqué, dans le lan- numérique est ainsi en grande partie une révolution gage courant, sous le terme d’économie de la multitude de l’intermédiation. L’apparition de plateformes, la ou économie collaborative. Portée par le succès des structuration de marchés bifaces et, devrait-on ajouter, Uber, Airbnb, et autres BlaBlaCar, elle est à la mode le développement d’une économie de la prescription et apparaît, pour beaucoup, comme la force principale en constituent les phénomènes les plus marquants. En du numérique. Il s’agit, dans une première acception, stimulant des stratégies novatrices et entrepreneuriales de prendre en compte la possibilité de transformer le autour d’elles, les plateformes d’intermédiation favo- nombre considérable des internautes en autant de contri- risent le développement d’écosystèmes industriels et buteurs potentiels : c’est le modèle User Generated transforment l’ensemble des filières associées : émer- Content de YouTube ou Wikipedia. Mais dans une gence de nouvelles offres, constitution de nouveaux seconde acception, l’économie collaborative renvoie modèles d’affaires et irruption de nouveaux acteurs. plutôt aux prestations assurées directement entre Par la place qu’elles peuvent prendre, elles créent des internautes : il s’agit, dans ce cas, de reconsidérer effets de réseau et des formes de domination inédites l’organisation de la prestation de service en valorisant passant par les modalités d’agrégation de l’offre et de des échanges de type partage ou troc (co-voiturage ou la demande à une échelle inouïe, sur des chaînes de hébergement d’amis de passage) qui se situaient, jusque- valeur raccourcies, par la capacité d’assurer transac- là, hors de la sphère économique marchande. Dans les tions et contrôle de l’attention et de la prescription deux cas, la force d’une masse de contributeurs tient à la sur des marchés couplés, par la maîtrise de standards variété d’intelligence et de créativité qu’ils offrent, bien propriétaires fournissant des bases ouvertes à même plus grande que celle d’un nombre défini d’individus d’accueillir des formes élargies d’innovation. ou de firmes spécialisées. Elle naît ensuite des oppor- Les formes d’intermédiation associées au numérique tunités sans égales de réduire les coûts de prestation ne doivent donc pas se réduire à une vision purement des services et les risques associés, en les externali- linéaire où il s’agirait simplement d’accéder le plus sant sur les individus isolés (les chauffeurs d’Uber ou directement au marché. La place grandissante des plate- de BlaBlaCar achètent et assurent la maintenance de formes traduit bien plutôt l’importance des phénomènes leur véhicule, supportent le risque des variations de de partenariats et des intrications industrielles dans les fréquentation…) plutôt qu’en les faisant supporter par CAHIERS FRANÇAIS N° 392 7 DOSSIER - L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE : UNE ÉCONOMIE DISRUPTIVE ? l’entreprise, contribuant de ce fait à une redéfinition large audience qui rendra d’autant plus intéressante la des clivages usuels entre amateurs et professionnels commercialisation de services couplés (informations, ou entre secteur marchand et secteur non marchand. données, référencements) qui pouvaient jusque-là apparaître comme de second ordre. C’est là le modèle Un deuxième facteur d’abondance tient à l’irruption éminemment rentable de Google mais qui n’a fait, d’un monde inusité marqué par une hyperoffre et – cor- finalement, que développer et affiner celui très clas- rélativement – par des situations d’hyperchoix. Un trait sique de la radio ou de la télévision. Mais la gratuité majeur structurant de l’économie numérique réside bien résulte aussi d’une tout autre stratégie qui consiste dans les possibilités quasiment sans limite qu’elle offre à développer les transactions en favorisant, dans un pour connecter, stocker et proposer des informations premier temps, l’engagement des consommateurs sur et des contenus dématérialisés. La démultiplication une offre gratuite, pour les inciter ensuite à payer pour des échanges, l’apport d’une multitude prodigieuse de des services complémentaires ou de meilleure qualité. contributeurs, l’enrichissement cumulatif, dans la durée, Ce modèle, qualifié de freemium, a notamment trouvé des portefeuilles d’offres existantes et la multiplicité des son succès dans la presse et les jeux vidéos. formes de valorisation créent un changement d’échelle complet dans la prolifération des contenus et services. ●●● On compte par exemple, sur le seul cas français, plu- Le portrait tracé ici fournit une vision déstabilisante sieurs centaines de plateformes de musique en ligne. de l’économie numérique. Loin de ne représenter que L’accumulation sans limite des œuvres existantes et la des phénomènes temporaires liés à une étape de disrup- multiplicité des contenus spontanément proposés par les tion, les dynamiques à l’œuvre suggèrent au contraire internautes rend difficile l’exercice habituel de la déci- des facteurs de changement pérennes et omniprésents sion, reposant sur la maîtrise cognitive de la structure dans l’économie et la stratégie des firmes. Les capacités de l’offre et des modalités de sélection. Cette maîtrise de redéfinition permanentes des contenus, des offres, n’est plus possible : l’hyperoffre a donc pour corollaire des modes de consommation et des modèles d’affaires un hyperchoix. La possibilité de choisir dans des offres sont désormais l’élément structurel de l’économie pléthoriques suppose alors de s’appuyer sur des outils numérique : une économie où le changement devient automatiques de sélection et de recommandation (aide la norme. au choix et personnalisation du conseil, proposition statistique sur la base de clients analogues), opérant Les biologistes évolutionnistes usent d’une méta- a posteriori sur l’offre existante plutôt qu’a priori phore très parlante, tirée de Lewis Carroll, pour rendre sur des critères à satisfaire. Dans une telle situation, compte d’un phénomène analogue : la conservation la dominance des acteurs de l’internet n’est plus liée des espèces par la mutation des gènes. Ils l’appellent aux formes classiques de domination concurrentielle, la théorie de la Reine rouge. Dans le roman, Alice ren- mesurable par exemple par des parts de marché, mais contre la Reine de cœur qui court à corps perdu dans bien plutôt au contrôle de l’attention et de la prescrip- la campagne et elle lui demande : « Pourquoi cours-tu tion dans des plateformes opérant simultanément sur aussi vite ? » La Reine lui répond : « Je suis obligée de plusieurs marchés. La pléthore de biens, contenus et le faire parce que le terrain défile en permanence sous services disponibles empêche les consommateurs de mes pieds. Si je veux rester au même endroit, je suis s’y retrouver et donne un rôle prépondérant aux pla- obligée de courir ». La métaphore est particulièrement teformes, prescripteurs et instances de préconisation. intéressante en ce qu’elle permet de dépasser totalement l’alternative disruption/incrémentalisme. Elle indique en Le dernier facteur marquant de cette économie de effet que c’est finalement la transformation permanente l’abondance est directement relié au point précédent. des modèles qui permet aux entreprises de construire Il tient à l’extension des formes de gratuité dans les une certaine forme de stabilité et de résilience… et pas services en ligne et qui les rend disponibles ad libitum. simplement l’exploitation de ressources stratégiques Grâce aux formes de valorisation nouvelles de l’infor- bien définies ou la seule réponse par l’innovation à un mation, de la donnée, du référencement, de la mise en changement de l’environnement. avant ou de la recommandation, les acteurs peuvent repenser complètement la monétisation des offres de service. Ils ont d’abord la possibilité de proposer la fourniture de services gratuits afin de construire une 8 CAHIERS FRANÇAIS N° 392