ebook img

Aristote: Topiques. Tome II: Livres V-VIII PDF

265 Pages·2007·27.615 MB·French
Save to my drive
Quick download
Download
Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.

Preview Aristote: Topiques. Tome II: Livres V-VIII

COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE publiée sous le patronage de l'ASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ ARISTOTE TOPIQUES TOME II LIVRES V-VIII TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT , PAR JACQUES BRÙNSCHWIG PARIS LES BELLES LETTRES 2007 TABLE DES MATIÈRES AVANT-PROPOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LVII SIGLA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LXI v . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LIVRE 1 LIVRE VI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 LIVRE VII . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 LIVRE VIII . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 NOTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 INDEX DES MOTS PRINCIPAUX . . . . . . . . . . . . . . . . 311 AV ANT -PROPOS* C'est en 1967 qu'a paru le tome I de la présente édi tion des Topiques d'Aristote. Je n'entreprendrai pas d'ex cuser le retard avec lequel paraît ce tome II, consacré aux Confonnément aux statuts de l'Association Guillaume Budé, livres V-VIII du traité1 : il est proprement inexcusable. ce volume a été soumis à l'approbation de la commission Cette situation assez peu ordinaire a eu divers effets technique, qui a chargé M. Marwan Rashed d'en faire la révi dont le lecteur doit être prévenu. L'Introduction I était sion et d'en surveiller la correction en collaboration avec M. conçue pour couvrir l'ensemble des Topiques. Les maté Jacques Brunschwig. riaux en étaient tirés indifféremment des quatre premiers livres et des quatre derniers ; par exemple, les indications * N.B. Pour les citations et références bibliographiques figurant soit dans le présent avant-propos, soit dans les notes, soit dans l'appa rat critique, j'ai adopté les principes suivants. La bibliographie sélec tive présentée ci-dessous (p. LVII-LX) énumérera les principaux ouvrages cités, avec mention en caractères gras des abréviations utilisées (cf. J. Irigoin, Règles et recommandations pour les éditions critiques, Paris. 1972, p. 51). Les références à ces ouvrages se feront par le seul nom de l'auteur ou du responsable de l'édition (ed. quand il n'y en a qu'un, edd. quand ils sont plusieurs), accompagnés en cas de besoin de la date de publication. Les renvois des éditions, traductions, commentaires des Topiques donnés sans indication de page doivent s'entendre comme ad locum. Pour les autres ouvrages, la référence complète sera donnée Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation pour la première mention ; les suivantes seront introduites par op. cit. réservés pour tous les pays. ou art. cit. L'introduction du vol. I sera désignée par « Introduction I ». © 2007. Société d'édition Les Belles Lettres 1. On pourrait s'étonner de ne pas y trouver les Réfutations sophis 95 boulevard Raspail, 75006 Paris tiques, qu'il y a de bonnes raisons de considérer comme le livre IX des www.lesbelleslettres.com Topiques (cf. Introduction I, p. XVIII-XX). Leur édition dans la Collec tion des Universités de France a été confiée à Louis-André Dorion, qui ISBN: 978-2-251-00537-9 en a déjà publié une remarquable traduction commentée (L.-A. Dorion, ISSN: 0184-7155 Aristote-Les réfutations sophistiques, Paris/Montréal, 1995). VIII AVANT-PROPOS AVANT-PROPOS IX concernant la transmission du texte reposaient sur des naires, des articles2 ; grâce à mes étudiants et à mes col collations qui avaient été déjà effectuées directement sur lègues, grâce aussi à toutes les occasions que je pouvais les manuscrits du traité dans sa totalité. Si le tome II avait avoir de rouvrir ce texte sur lequel il est beaucoup plus été prêt au moment approprié, j'aurais sans doute proposé gratifiant de travailler qu'on ne pourrait croire, j'y décou à l'éditeur de le publier en même temps que le tome I, vrais souvent des insuffisances de mon tome I, des sans lui donner d'introduction particulière. aspects sur lesquels il me paraissait utile de pousser plus En fait, le long laps de temps qui sépare les publica loin l'analyse, ou même des faits qui m'avaient tout sim tions des deux tomes m'incite aujourd'hui à rédiger un plement échappé. n avant-propos spécial pour ce tome presque quadragé est facile de comprendre que les occasions que naire. La fonction de cet avant-propos sera essentielle j'avais de confirmer mes choix antérieurs ou de revenir ment de décrire les principales conséquences de cet écart, sur eux étaient pour la plupart des occasions ponctuelles, ou si l'on veut les principaux héritages qu'il m'a légués, portant sur la traduction d'un mot, la construction d'une et la manière que j'ai trouvée de les recueillir, de les phrase, l'interprétation d'une prémisse ou d'un argument. inventorier et de les gérer. Ce sont donc les notes, et non le présent avant-propos, qui constitueront la place adéquate pour justifier le main tien ou l'abandon des solutions précédemment adoptées. Du tome 1 au tome II Quant aux modifications de plus grande ampleur, elles Le prernie~ héritage dont j'avais à tenir compte était affectent naturellement les solutions apportées à des naturellement celui que je me léguais à moi-même : mon questions plus générales, comme la sélection des manus propre travail d'antan. A son égard, j'avais sûrement ce crits utilisés pour l'établissement du texte, la présentation qu'on appelle le droit d'inventaire ; plus sûrement de 1' apparat critique, quelques grandes options de traduc encore, j'en avais le devoir. En effet, si haut que l'on tion ; j'en reparlerai donc plus loin. n mette, dans l'échelle des vertus, la fidélité ou l'infidélité est en tout cas un élément de 1' héritage légué par le à soi-même, on ne peut attendre de moi, en pareille situa tome I que j'assume très volontiers. Historien de la phi tion, que j'aie toujours changé d'avis, ou que je ne l'aie losophie, fraîchement initié aux plaisirs du contact phy jamais fait. D'un côté, à chaque instant, devant chaque sique avec les beaux parchemins que j'avais pu consul problème rencontré, petit ou grand, un souci d'homogé ter à Paris, à Rome, à Venise, à Bâle, ayant reçu de néité entre les deux volumes et de cohérence avec mes mains très sûres un début de formation à la codicologie, choix antérieurs m'incitait à remettre mes pas dans mes à la paléographie, à la critique textuelle, j'avais gardé le propres traces. De l'autre côté, cependant, une relecture meilleur souvenir des quelques occasions que j'avais nouvelle, une réflexion supplémentaire, l'objection d'un eues, en préparant le texte des livres I-IV, de reconsti critique, me poussaient sur la voie du changement. tuer avec une certaine sécurité la lettre la plus probable Certes, il serait faux de croire qu'entre 1967 et aujour d'un passage, souvent par croisement entre des observa d'hui, je n'ai travaillé à rien d'autre qu'au présent tions paléographiques sur le libellé de ce passage dans volume ; mais je suis loin d'avoir pour autant abandonné les Topiques. On m'a parfois permis, ou même demandé, 2. Je me permettrai de me référer à ceux qui ont quelque pertinence de leur consacrer des cours, des conférences, des sérni- par rapport à mes commentaires actuels. x AVANT-PROPOS A V ANT -PROPOS XI les divers manuscrits et une analyse logique de son Les livres V-VIII, sauf erreur ou omission de ma part, contenu. ne présentent pas de cas aussi purs de convergence entre Je dois même avouer que j'attribue une signification arguments logiques et arguments philologiques. Je note paradigmatique, encore aujourd'hui, à la petite décou tout de même ici une poignée de cas dans lesquels le jeu verte que rn' avait réservée un passage particulier du livre conjoint d'arguments de chacun de ces deux ordres m'a rœ : par l'analyse du contexte, j'avais été conduit à fait renoncer à certaines leçons adoptées par mes devan conjecturer la présence à cet endroit d'un simple mot de ciers les plus récents (Strache et Wallies, Ross), très sou quatre lettres (nva). Aucun des manuscrits ne le don vent (sinon toujours) au profit de leçons présentées par nait ; mais l'un d'eux (C, le Parisinus Coislinianus 330) les manuscrits les plus anciens (A et B) et adoptées par portait à cet endroit précis un grattage dont la longueur les éditeurs les moins récents (Bekker et Waitz) : précise équivalait à, celle de quatre lettres. De plus, la 140b29-30, 146b11, 149a31-32, 149b26-27, 151b35, raison pour laquelle ce mot avait été effacé dans le 152a15 et 28, 152b32, 153a19-20. manuscrit C, et omis dans les autres, était conceptuelle ment tout à fait claire : dans l'usage aristotélicien clas L'essor de la littérature secondaire siqué, une proposition est dite indéterminée (ùôt6pw- 1:0Ç) quand elle ne comporte aucune marque de quantité Aurais-je voulu oublier les Topiques, d'ailleurs, je ne (par exemple, « le plaisir est un bien ») ; dans le passage l'aurais pas pu : car durant ce temps où ils conservaient des Topiques une fois restitué selon mon hypothèse, une leur place dans mon horizon, ils entraient (ou rentraient) proposition est dite indéterminée quand elle comporte dans celui de nombreux chercheurs. une marque de quantité elle-même indéterminée (par Depuis les années 1960, en effet, les études sur les exemple, « quelque plaisir est un bien », dans le sens de T apiques ont autant augmenté en quantité que pro « quelque plaisir au moins est un bien », n'excluant pas gressé, me semble-t-il, en qualité. Sans nul doute, c'est « tout plaisir est un bien », et contrastant avec « quelque la publication, en 1968, des actes du Troisième Sympo plaisir au moins et au plus est un bien » ). li ne s'agit pas sium Aristotelicum, entièrement consacré à notre traité, ici le moins du monde, précisons-le, d'un bouleversement qui fut à cet égard le stimulant décisifS. On a vu paraître doctrinal : tout ce que montre cette histoire est qu' Aris de nombreuses éditions et traductions nouvelles, totales tote n'avait pas donné le même sens au même mot quand ou partielles, plus ou moins abondamment commen il l'employait dans les Topiques et dans les Analytiques. tées6. Plusieurs ouvrages, recueils et articles importants, Petit bénéfice, on en conviendra, mais qui a le précieux entièrement consacrés aux Topiques, parfois même à un avantage de nous permettre de jeter une sorte de coup seul de leurs livres, ont vu le jour pendant la même d'œil dans 1' atelier d'Aristote. Celui de montrer in vivo qu'Aristote pouvait avoir parfois changé d'avis sur un 5. G.E.L. Owen (ed.), Aristotle on Dialectic-The Tapies, Oxford, point de détail donné n'avait d'ailleurs pas besoin, je 1968. Le Symposium s'était réuni en 1963 à Oxford, et j'avais pu pro pense, de cette confirmation. fiter des documents encore inédits que j'avais rapportés de ce colloque mémorable (cf. Introduction I, p. CXLVIII). 6. Voir ci-dessous, dans la Bibliographie sélective, Zadro, Zanatta, 3. Voir ill 6, 120a7 et la note ad loc. Smith, ainsi que T. Wagner et Ch. Rapp (trad., comm.), Aristote/es 4. Voir An.pr. I 1, 24a19-22. Topik, Stuttgart, 2004. XII A V ANT- PROPOS AVANT-PROPOS XIII période7. Dans cette ample production, bien sûr, certains passé de mode dans les années 1970 et 1980, mais qui thèmes n'étaient pas entièrement nouveaux ; on est dominait largement les études aristotéliciennes de la revenu souvent, par exemple, sur la quaestio vexata des période antérieure, sous l'influence des travaux de Wer rapports entre la méthode dialectique, telle qu'elle est ner Jaeger, de ses quelques précurseurs10 et de ses nom exposée dans les Topiques, et les méthodes mises en breux disciples ou suiveurs : je veux parler du paradigme œuvre par Aristote dans ses traités philosophiques et « génétiste », dit aussi « développemental », attaché à scientifiques8• Mais on a également lu ou relu les reconstituer « 1' évolution de la pensée d'Aristote » et, Topiques comme un ouvrage indépendant, et digne en pour ce faire, à déceler des « contradictions » entre les tant que tel d'une étude monographique, ce qui était œuvres du Stagirite, que ces œuvres soient conservées en relativement nouveau9• À cet égard, les pages pré totalité ou seulement par fragments et témoignages, liminaires de l'Introduction I (p. VII-XVIII) doivent être comme c'est le cas précisément pour ses « œuvres de considérées comme largement périmées : je n'oserais jeunesse » 11. plus auj.ourd'hui m'attribuer, fût-ce tacitement, le mérite Ce paradigme a été ébranlé par diverses objections de m'être occupé d'un ouvrage aussi peu attirant, voire assez meurtrières, dont les unes relèvent une difficulté « disgracié ». qui lui est spécifique, tandis que les autres 1' atteignent Le reste de cette Introduction I serait-il atteint tout comme elles pourraient atteindre d'autres modèles d'in entier par cette péremption ? L'aspect sous lequel elle terprétation. On peut schématiser le raisonnement géné s'expose surtout à ce risque est sans doute sa soumission tiste comme suit : (i) deux assertions d'Aristote, A et B, assez évidente à l'égard d'un paradigme assez nettement sont contradictoires12 ; (ii) leur contradiction peut ou 7. Outre les ouvrages et articles de Barne s, Ebert, Reinhardt, réfé rencés dans la bibliographie sélective ci-dessous, voir V. Sainati, Sto 10. Voir en particulier T. Case, s.v. Aristotle, dans The Encyclo ria dell'« Organon » aristote/ica 1. Dai « Topici >> al « De Interpre paedia Britannica, Cambridge, 1910, assez rarement reconnu comme tatione >>, Florence, 1968. II. L'Analitica 1. La crisi epistemologica tel, et opportunément réédité dans W. Wians (éd.), Aristotle's Philoso della Topica, Florence, 1973 (ce dernier volume a été réimprimé dans phical Development-Problems and Prospects, Lanham, 1996. Teoria 13, 1993) ; J.D.G. Evans, Aristotle's Concept of Dialectic, 11. Quelques dates importantes sur ces recherches et leur bilan : Cambridge, 1977 ; J. Barnes, « Aristotle and the methods of ethics >>, Case, op. cit. ; W. Jaeger, Studien zur Entstehungsgeschichte der Revue Internationale de Philosophie 34, 1980, p. 490-511 ; T.H. Irwin, Metaphysik des Aristoteles, Berlin, 1912 ; Id., Aristoteles, Grundle Aristotle's First Principles, Oxford, 1988 ; D. Devereux et P. Pellegrin gung einer Geschichte seiner Entwicklung, Berlin, 1923, et trad. (edd.), Biologie, logique et métaphysique chez Aristote, Paris, 1990 ; anglaise, Aristotle. Fundamentals of the History of his Development, O. Prirnavesi, Die Aristotelische Topik, Münich, 1996 ; P. Slom Oxford, 1934, 19482 ; F. Solmsen, Die Entwicklung der Aristoteli kowski, Aristotle's Tapies, Leyde/New York/Cologne, 1997 ; M. Sim schen Logik und Rhetoric, Berlin, 1929 ; F. Nuyens, L'évolution de la (ed.), From Puzzles to Principles ? Essays on Aristotle's Dialectic, psychologie d'Aristote, Louvain, 1948 ; E. Berti, La filosofia del Lanham, 1999 ; N. L. Cordero (ed.), Ontologie et dialogue-Hom primo Aristotele, Padova, 1962 et Milano, 19972 ; 1. Düring, Aristo mage à Pierre Aubenque, Paris, 2000 ; J.M. Gambra (ed.), Los Tapi teles - Darstellung und Interpretation seines Denkens, Heidelberg, cos de Aristoteles, dans Anuario Filosofico 35/1 et 35/2, Pampelune, 1966. 2002. 12. Divers cas de figure peuvent naturellement se présenter : A et 8. Un panorama large et très bien fait des discussions sur cette B peuvent se rencontrer dans le même paragraphe, dans le même livre, question : Sim, op. cit. dans des livres différents d'une même œuvre, dans des œuvres diffé 9. On comparera avec la bibliographie de l'Introduction I, p. CXLVTI rentes, etc. Ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans ces détails, qui sont CXLVTII. d'ailleurs loin d'en être. XIV AVANT-PROPOS AVANT-PROPOS xv même doit s'expliquer par 1' écart chronologique qui les assertions est postérieure à l'autre, et laquelle, mais il est 15 sépare : elles n'appartiennent pas à la même « strate » loin d'en être toujours ainsi . de texte ; (iii) l'assertion A est antérieure à l'assertion B Les effets de cette critique, et d'autres difficultés sou (ou l'inverse). On peut contester (i) en arguant que A et levées à propos des travaux développementalistes, se sont B ne sont contradictoires qu'en apparence : en réalité, fait sentir assez fortement pendant plusieurs dizaines elles ne parlent pas de la même chose, ou sous le même d'années ; ils n'ont commencé à se dissiper que vers la rapport, ou au même moment13• Contre (ii) : même en fin des années 1980, qui ont vu renaître de nouvelles ten admettant que A et B soient effectivement contradic tatives de ce type, généralement appliquées soit à l'en toires, on pourrait soutenir que leur contradiction s'ex semble de 1' œuvre, soit à de grands traités ou ensemble plique autrement que par l'écart de temps supposé les de traités (la métaphysique, les éthiques, le corpus biolo séparer (par exemple : par une différence de contexte, de gique)16. Entre les deux points extrêmes de sa trajectoire, point de vue, de problématique, de niveau d'exacti le balancier n'a pas fini d'osciller ; ainsi, tout le monde tude14). Contre (iii) : même en admettant que la situation reste libre de déterminer sa position en se situant positi s'explique par un écart de temps, il n'est pas toujours aisé vement ou négativement, peu ou prou, par rapport à cha 17 de déterminer si A précède B, ou l'inverse, ou si éven cun d'eux . tuellement les deux assertions pourraient être contempo En ce qui concerne les Topiques, il est certain que par raines : dans certains cas, le contenu de A et de B permet leur contenu intrinsèque et par leur structure additive, ils de déterminer avec assez de sécurité que l'une des deux étaient voués à servir de matériau privilégié pour des 15. D'où de grandes divergences entre commentateurs également 13. G.-G. Granger, La théorie aristotélicienne de la science, Paris, concernés par 1' évolution générale de la pensée aristotélicienne : selon 1976, p. 122-124, exprime une approbation qui m'honore sur Jaeger, op. cit., Aristote, d'abord platonicien, se serait progressivement quelques-unes de mes observations sur l'interprétation de la proposi éloigné de la philosophie de son maître ; selon Düring, op. cit., et tion particulière (J. Brunschwig, « La proposition particulière et les Owen, << The Platonism of Aristotle >>, Proceedings of the British A ca preuves de non-concluance chez Aristote >>, Cahiers pour l'Analyse, demy 51, Londres, 1965, après s'être vivement opposé à lui, il aurait 10, 1969, p. 3-26, développant mon commentaire de Top. III 6, au contraire compris de mieux en mieux l'affinité globale de sa propre 120a8) ; mais il n'accepte pas les conséquences chronologiques que philosophie avec celle de Platon. j'essaie d'en tirer. 16. Par exemple B. Dumoulin, Analyse génétique de la Métaphy 14. À cet égard, les Topiques présentent beaucoup d'applications sique d'Aristote, Montréal/Paris, 1986 ; M. Furth, Substance, Form significatives de l'opposition entre ce qui est dit << au niveau de l'opi and Psyche : an Aristotelian Metaphysics, Cambridge, 1988 ; T.H. nion >> (Ka-r:à ùôÇav) et ce qui est dit << au niveau de la vérité >> (Ka-r:' Irwin, op. cit. ; D.W. Graham, Aristotle's Two Systems, Oxford, ÙÀTj9Etav). Aristote prévient d'emblée que l'ensemble du traité se 1987 ; J.M. Rist, The Mind of Aristotle : A Study in Philosophical situera au niveau de l'esquisse, et non de l'exacte rigueur (I 1, 101a18- Growth, Toronto, 1989. Un bilan d'étape fort intéressant : Wians (ed.), 24). Il renvoie souvent à un autre ouvrage le traitement exact du sujet op. cit. qu'il est en train de traiter, cet autre ouvrage étant annoncé parfois au 17. Je voudrais citer ici une étude récente, raisonnable et pondérée futur (I 10, 104a30-33) et parfois au passé (VII 3, 153a24-26 ; VIII 13, dans ses déclarations de principes, méthodique et exemplairement soi 162b31-33). Il peut donc entretenir sans crainte une pensée à double gneuse dans son application à un problème particulier : M. Rashed, registre ; mais comme il n'explicite jamais complètement ce qui cor << Agrégat de parties ou vinculum substantiale ? Sur une hésitation respondrait, selon la vérité, à son discours selon l'opinion, on peut sup conceptuelle et textuelle du corpus aristotélicien >>, dans A. Lak:s et poser que les deux registres contiendraient des propositions à coup sûr M. Rashed (edd.), Aristote et le mouvement des animaux. Dix études différentes, mais non nécessairement contradictoires. sur le De motu animalium, Lille, 2004, p. 183-202. XVI AVANT-PROPOS A V ANT- PROPOS XVII recherches stratigraphiques. De ce fait, il a été assez tôt et remarquable que Tobias Reinhardt a publié en 2000 sur assez généralement admis que leur rédaction d'ensemble le livre V des Topiques - sans doute la contribution la devait avoir précédé celle des Analytiques premiers ; que plus importante de ces dernières années à l'étude de notre leurs livres d'introduction (I) et de conclusion (VIII) traité. L'apport de cet ouvrage, pour moi, a été double. Il avaient de grandes chances d'avoir été écrits postérieure tient d'abord à son objet officiel, qui est de reprendre et ment à leurs livres centraux (II-VII) ; que la structure de résoudre le problème de l'authenticité du livre V. Ce discontinue de l'énumération de « lieux » ('r6n:m), qui problème n'avait été soulevé qu'épisodiquement et tardi remplit presque entièrement ces derniers, favorisait l'hy vement20 ; les partisans de la réponse négative tiraient pothèse d'une écriture discontinue, charriant des inser principalement leurs arguments du vocabulaire de ce tions, des additions, des précisions, des rectifications livre, de son style, de la présentation exceptionnellement postérieures18. Cependant, que l'on ait considéré ces stéréotypée qu'il donne des « lieux » qu'il expose ; questions soit comme modérément intéressantes, soit comme ces particularités figurent à peu près partout dans comme déjà réglées, les études les plus récentes leur le livre V, on ne pouvait guère en conclure, sur leur base, consacrent en général peu d'attention19• qu'à l'inauthenticité totale, ou à l'authenticité intégrale. Pour ma part, j'ai dans l'ensemble gardé mon intérêt Par une analyse très minutieuse, cependant, Reinhardt pour certaines questions chronologiques, non pas pour décèle dans chaque segment du texte, ou presque, des toutes (car il en est de très diverses sortes). Une édition incohérences logiques, des ignorances terminologiques, des Topiques n'a pas, me semble-t-il, à traiter en détail de et plus généralement, des éléments inconciliables qu'au la chronologie absolue de ce traité, ni même de sa chro cune différence d'âge, aucune évolution de la pensée ne nologie relative par rapport à tout ou partie de l'œuvre suffiraient à expliquer. Il les attribue à l'intervention d'un d'Aristote, ni (sauf exceptions peut-être) de celle de ses « réviseur » ou « arrangeur » (Bearbeiter) anonyme, parties par rapport aux parties du reste ; encore moins a impossible à identifier et à dater de façon plus précise t-elle à replacerJes Topiques dans l'évolution d'ensemble qu'en disant qu'il est postérieur à Aristote et antérieur à de la pensée d'Aristote, ni même dans celle de sa métho Alexandre d' Aphrodise ; cet homme, d'une intelligence dologie, de sa théorie et de sa pratique de la dialectique. et d'une compétence limitées, aurait travaillé sur un Pour situer ma position sur ce point, je dirai que j'ai noyau de texte et de contenu authentiquement aristotéli bénéficié, directement et indirectement, de 1' ouvrage cien, pour le compléter à son idée. La méthode qu'il uti lise pour rédiger ces compléments n'est d'ailleurs pas 18. Voir sur tous ces points l'futroduction 1, p. LVI-LXXVI. Je ne parle ici que des datations relatives des diverses parties d'un même 20. Cf. J.H. von Kirchmann, Erliiuterungen zu dem Organon, Leip traité (livres, chapitres, paragraphes, phrases, et même mots). Le pro zig, 1883 ; J. Pflug, De Topicorum libro V, Leipzig, 1908 ; pour:, plus blème des datations absolues et celui des relations chronologiques de détails, voir le status quaestionis dans Reinhardt, p. 13-17. A ma entre un traité donné et les autres œuvres d'Aristote ont été, en règle connaissance, l'authenticité du livre V n'avait pas été suspectée dans générale, volontairement laissés de côté dans les deux tomes de cette l'Antiquité. Il est curieux de constater que dans l'avant-propos de P. édition. Moraux et J. Wiesner (edd.), Zweifelhaftes im Corpus Aristotelicum, 19. Voir par exemple Prinravesi, op. cit., et Slomkowski, op. cit. Berlin/New York, 1983, qui publient les actes du 9e Symposium Aris Dans la partie thématiquement classifiée de sa belle bibliographie, très totelicum consacré à « quelques écrits douteux >>, on ne voit pas cité complète à sa date, ce dernier ne trouve à citer que quatre titres se rap Top. V parmi les ouvrages dont l'absence mériterait d'être signalée, portant aux << questions chronologiques >>. voire excusée. En revanche, Metaph. a a droit à quatre contributions. XIX XVIII A V ANT-PROPOS AVANT-PROPOS souvent .celles qui ne figurent pas dans la totalité des entièrement mécanique ni aveugle, puisque Reinhardt manuscrits, et qu'on peut donc attribuer à l'un ou l'autre parvient à en décrire avec précision non moins de cinq « types » différents. de tous les personnages, nombreux et pleins de bonnes intentions, qui sont intervenus ponctuellement dans le On voit tout de suite de quel secours peut être cette texte à quelque moment de sa transmission (copistes, belle étude pour la compréhension du livre V (notre annotation lui doit beaucoup) ; pour autant, sa méthode glossateurs, normalisateurs, lecteurs habiles ou dem~­ et ses enjeux ne sont pas transposables tels quels aux habiles, « diorthotes » érudits convaincus de leur compe tence). En revanche, il est parfois clair aussi, grâce à des questions que peuvent poser les autres livres des Topiques, puisque leur authenticité globale ne soulève indices assez nets21, que c'est Aristote qui a revu et com pas de problème. Il peut être utile, cependant, d'essayer plété lui-même son texte, sans que l'on puisse .sav?~, d'identifier les dissemblances et les ressemblances entre cependant, combien de temps a passé entre la versiOn ml tiale et la version complétée. Cette incertitude, remar les deux cas de figure. Observons d'abord que les anomalies détectées par quons-le, est loin de priver c~tte situat~on de ~~mt intér~t. Reinhardt dans le livre V ne sont pas tant des « contra Un exemple, qu'on ne connalt pas touJours, llllustre tr~s bien : dans le passage fameux de ses Essais sur son ami dictions », dont les termes pourraient être redistribués tié avec La Boétie, Montaigne avait d'abord écrit, dans la entre un Aristote « jeune » et un Aristote « mûr », que marge de l'exemplaire de Bordeaux, «parc~ que. c_'était des incompatibilités d'une telle ampleur que la paternité de l'élément intrus ne peut manifestement pas être attri lui », suivi d'un point énergique encore b1en vlSlble ; buée à Aristote lui-même. De plus, ces incompatibilités ensuite, d'une encre plus pâle, il avait ajouté « parce que se présentent de manière si homogène d'un bout à l'autre c'était moi ». Entre les deux, combien de secondes, de du livre (malgré la différenciation des cinq « types ») minutes, d'heures, de jours ? Peu importe, somme toute : dans tous les cas, il suffit qu'il y ait un intervalle pour qu'il ne paraît pas davantage nécessaire de prouver que le Bearbeiter était un seul et même homme. Sa date ne peut que l'observation donne à réfléchir. . C'est ainsi, pour en revenir au livre de Reinhardt, que être déterminée que de façon très vague ; mais elle est j'ai une double dette envers lui : il m'a influencé, non assez haute pour que les interventions qui lui sont attri seulement de façon directe, en m'aidant à comprendre ce buables remontent à 1' archétype des manuscrits conser qui était arrivé au livre V, mais aussi de façon indirecte, vés, puisqu'elles ne sont pas présentes dans les uns et en m'encourageant à essayer de répondre de façon argu absentes des autres. Enfin, il paraît impossible de mentée, dans mon travail sur les autres livres, à des ques connaître la raison pour laquelle il a consacré ses soins au tions qu'il n'avait pas eu à se poser dans son propre tra seul livre V ; on peut supposer que le noyau authentique vail sur le livre V : telle anomalie, de forme ou de fond, ment aristotélicien sur lequel il a travaillé présentait déjà détectable entre tels et tels segments textuels A et B, est quelques singularités par rapport aux autres livres. elle attribuable clairement à Aristote, ou clairement à un Sur tous ces points, les anomalies textuelles auxquels autre que lui, ou encore n'y a-t-il rien de clair dans son je me suis spécialement intéressé en étudiant les livres cas ? La raison d'être de la modification d'où résulte VI-VIII sont d'une autre nature, et ne se prêtent pas aux mêmes inférences. Ce qui est parfois très clair, c'est qu'Aristote n'en porte pas la responsabilité : telles sont 21. Voir plus loin, p. XXI et suiv., xxx et suiv. xx A V ANT- PROPOS AVANT-PROPOS XXI cette anomalie, qu'elle soit due à Aristote ou non, est-elle Du regrettable intervalle qui sépare la publication des discernable d'une manière ou d'une autre ? Les ques deux tomes, j'ai retiré un bénéfice secondaire non négli tions proprement chronologiques passent ainsi du même geable. Dans le tome I se trouvaient juxtaposés, d'une coup à l'arrière-plan de l'agenda de l'interprète ; je veux part, le texte et la traduction des livres I-IV, qui suppo dire celles qui relèvent d'une chronologie de la mesure de saient une étude assez minutieuse de ces livres, et d'autre 1' intervalle ( « B suit A à un intervalle de n unités de part une introduction générale, qui avait donné lieu à une temps » ). L'essentiel relève plutôt d'une chronologie de lecture inévitablement plus superficielle des livres V l'ordre, d'une sorte de « chrono-topologie », visant à VIII. En revenant à loisir à mon travail sur ces derniers établir des relations de type « B suit A à un intervalle de livres, je me donnais des occasions de voir surgir des rap temps indéterminé (éventuellement minirnal22) ». prochements que je n'avais pas remarqués entre des élé Ces relations chrono-topologiques, à leur tour, peuvent ments provenant des quatre premiers livres et d'autres être considérées comme l'expression de relations qu'on provenant des quatre derniers. Ces rapprochements n'ont pourrait appeler « logico-topologiques »23• On peut en pas manqué au rendez-vous : je me suis aperçu que la effet ne pas se contenter de constater que B suit A dans structure d'ensemble des Topiques, de même que les l'ordre chrono-topologique, mais chercher encore à com déclarations d'Aristote lui-même au sujet de cette struc prendre pourquoi (pour quelles bonnes raisons s'agissant ture, étaient beaucoup plus complexes que leur apparence d'Aristote, pour quelles mauvaises raisons s'agissant simple et claire ne le laissait supposer. En laissant subsis d'un autre que lui) B a été ajouté ou substitué à A. La ter dans son texte (avec une obligeance dont on peut lui solution des enquêtes proprement chronologiques cesse savoir gré) un certain nombre d'indices de cette com alors d'être une fin en soi ; quelque jugement que 1' on plexité, il me conduisait à rétracter (c'est-à-dire à re-trai porte sur son intérêt intrinsèque, elle devient avant tout ter) plusieurs problèmes d'interprétation générale de un moyen d'affiner l'établissement du texte, sa lecture et l'ouvrage. On me comprendra d'éprouver envers le Sta son interprétation. girite, pour cette raison, quelque chose comme de la reconnaissance. Rendre à Aristote ... Les sections qui suivent illustreront, je l'espère, les bénéfices que je crois avoir retirés de cette manière Si importantes que soient les dettes que j'ai contractées d'aborder le texte. par rapport à mon travail passé, et plus encore à ceux de mes devanciers, elles sont encore inférieures à celle que 1. La structure des Topiques et l'ordre des« prédicables » j'ai, tout simplement, envers Aristote lui-même. Voici pourquoi. Le plan des Topiques n'a pas la même structure selon l'échelle où l'on se place pour le décrire. Vu de près, il ressemble à celui d'un fichier plutôt désordonné, où peu 22. Çomme dans l'exemple tiré ci-dessus de Montaigne. vent avoir pris place, peut-être à des dates diverses 23. Evoquons à ce propos l'interprétation, par Xénocrate et d'autres, des étapes temporelles de la cosmogénèse, dans le Timée platonicien : et sans plan préconçu dans le détail, autant de fiches cor- selon cette interprétation, les étapes narratives ne sont que des artifices respondant chacune a, un « l1' eu » 24 . v u d e 1o r.n , en pédagogiques destinés à faire comprendre les étages structuraux du Cosmos (cf. Arist. Coel. 1, 279b33-280a2, Sirnpl. in Coel. 303). 24. Notons cependant que plusieurs groupements de lieux présen-

See more

The list of books you might like

Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.