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Alliance scandaleuse PDF

174 Pages·2012·0.93 MB·French
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Alliance scandaleuse De Leslie KELLY 1. Dans le salon de réception d'une demeure cossue de Baltimore, égarée parmi une foule d'invités rivalisant d'élégance, Lacey Clark sentit la sueur perler à ses tempes. Son étroit fourreau de soie devenait moite à mesure que s'ouvraient sur de nouveaux arrivants les portes de la salle déjà comble, et la tenue de son maquillage lui inspirait de sérieuses craintes. Toutes les femmes de l'assemblée, ou presque, arboraient l'uniforme de circonstance : petite robe de cocktail noire, bas noirs, talons ridiculement hauts, pochette à peine assez grande pour contenir un tube de rouge à lèvres. Quant à leur maintien étudié, il était destiné à masquer un insondable ennui. Lacey détestait s'ennuyer. Elle n'aimait pas davantage porter des fourreaux moulants et des talons aiguilles avec lesquels elle risquait à chaque pas une chute humiliante devant la bonne société de Baltimore. Mais quelle importance, tout compte fait ? Ce milieu n'était pas le sien, il ne le serait jamais. Elle n'avait plus qu'une envie : fuir ces mondanités... Seulement voilà, elle était l'invitée d'honneur. Son hôte, J.T. Birmingham, richissime propriétaire de Féminines, lui décernerait tout à l'heure un prix récompensant la qualité de son travail de chroniqueuse. Et, plus important encore, son patron allait annoncer officiellement ce soir le lien intime qui les unissait tous deux, et qu'elle s'était appliquée, jusqu'ici, à garder secret. J.T. jubilait, et aucun des arguments qu'elle lui avait opposés au cours des six derniers mois n'avait pu le dissuader de faire partager sa jubilation à l'Amérique entière. Voir sa vie privée offerte en pâture au public représentait pour la jeune femme une épreuve plus pénible encore que le feu des projecteurs. Le cours des événements échappait à son contrôle ; elle se sentait prise au piège et, dans son cœur, le désarroi le disputait à la colère... Il était donc hors de question de déserter les lieux. Mais quelques instants de tranquillité, peut-être... Lacey tenta de s'esquiver discrètement. Elle n'avait pas fait trois pas qu'une voix la héla. — Tu as vu son dernier papier ? Lacey n'eut pas besoin de se retourner pour reconnaître la voix de son ami et ancien collègue, Raul Santos. Quant au « papier » en question, il ne pouvait s'agir que de la chronique de Nate Logan parue dans le Nous les Hommes du mois en cours. La jeune femme regarda avec nostalgie la porte ouverte à l'autre bout de la salle, puis se retourna à contrecœur. — Je ne lis plus ses chroniques, Raul. A quoi bon, d'ailleurs ? Tu vas t'empresser de me faire un topo, n'est-ce pas ? Raul répondit avec un large sourire. — Et comment ! D'ailleurs, si j'avais su que je m'amuserais autant à jouer les agents doubles en naviguant entre Nate et toi, j'aurais accepté l'offre de Nous les Hommes pour une bouchée de pain ! — Menteur ! cria Lacey avec un petit sourire narquois. Tu as besoin de cet argent pour faire bonne figure auprès des demoiselles. — J'aurais renoncé à ce bonus si j'avais su que mon départ te chagrinerait... Les yeux sombres de Raul pétillaient de malice. — Tu es particulièrement en beauté ce soir, Lacey. — Arrête ton cinéma, veux-tu ? Nous n'en sommes plus là ! Raul était grand, mince, plein d'humour, et il ne manquait pas de charme. Cependant, au moment de leurs débuts comme gratte- papier à la rédaction, ils avaient compris, une fois pour toutes, qu'ils étaient faits pour être amis. Comme Raul avait trois ans de moins qu'elle, Lacey le considérait comme son petit frère. Cette « offense fatale à sa fierté de mâle », selon les termes de la victime, ne l'empêchait pas de flirter en permanence : son tempérament latin, sans doute. — Donc, tu n'as pas lu cette chronique... — Non ! Alors, tu me racontes ? Raul fit mine d'hésiter. « Quel comédien !» songea la jeune femme. En réalité, il se délectait de la querelle brûlante qui l'opposait à Nate Logan., son ennemi juré. — Nate compte sur moi pour t'en parler, avoua-t-il enfin. Lacey fronça les sourcils. — En général, les taupes ne viennent pas se vanter de leur double jeu ! — Oh ! Je ne suis pas doué pour tenir ma langue. A ce propos, rappelle-moi de te décrire sa réaction quand il a appris que tu l'avais traité d'adolescent prépubère... — Raul... — D'accord. Ce mois-ci donc, Nate évoque sans la nommer une journaliste qu'il qualifie de féministe pure et dure allergique aux hommes, et encore de vierge frigide. — Quoi ? Au cri d'indignation de Lacey, plusieurs personnes tournèrent la tête. — Cette espèce de... — Voyons, Lacey, tu l'as cherché ! Oser écrire que les hommes qui fréquentent les boîtes de nuit sont des baratineurs collectionneurs de conquêtes ! — Ce n'est pas vrai, peut-être ? — Et quand tu fustiges les individus qui se font photographier dans ces endroits, entourés de filles sans plus de vêtements que de cervelle ? — Je ne l'ai pas cité nommément. — C'était inutile, mon ange. Tous nos lecteurs savent que Nate Logan et Lacey Clark se livrent un combat sans merci. Elle ne put qu'acquiescer, la mort dans l'âme. Raul exagérait à peine. Qui sait comment elle s'était retrouvée au cœur de cette guerre des sexes contre un adversaire qu'elle n'avait jamais rencontré... ni même aperçu, hormis sur un cliché flou paru dans un torchon. Cliché sur lequel il portait un Panama, des lunettes noires, et un énorme cigare répugnant entre les dents. A elle seule, la posture en disait long sur l'homme. Il trônait sur un tabouret de bar tandis qu'autour de lui, de jeunes beautés bien en chair exhibaient fièrement les atouts justifiant leur participation au concours du T- shirt mouillé le plus sexy. M. Nate Logan était membre du jury, ce soir-là. Lacey secoua la tête pour chasser de son esprit cette image rebutante. — Il est déjà là ? demanda-t-elle, résignée à l'avance. Raul affichait un petit air espiègle, sûr que la curiosité l'emporterait. En un sens, c'était vrai : Lacey se sentait soulagée à l'idée de se retrouver enfin face à son adversaire. — Il tenait conférence sur la terrasse, aux dernières nouvelles. — Avec un peu de chance, une adoratrice l'entraînera dans une soirée d'étudiants ! — Ce sera plus amusant qu'ici. — Ah ! cette époque où la vie était simple ! murmura Lacey avec un sourire rêveur. Les parties de poker jusqu'au bout de la nuit... Ces petits matins blêmes où il fallait se lever pour aller passer un examen... — La chroniqueuse Lacey Clark, jouant au poker dans un foyer d'étudiants ! s'exclama Raul. Les lecteurs paieraient pour voir ça ! Ecoute, ma voiture est là : veux-tu que nous allions nous réfugier dans le bar le plus proche ? — Tu sais bien que c'est impossible. — J.T. n'a pas changé d'avis ? Bon, dans ce cas, nous sommes coincés. Alors, autant s'amuser un peu... Si j'allais avertir l'épouse de Norm Spencer que sa robe mériterait deux tailles supplémentaires ? Ce serait un service à lui rendre, non ? — Tu as la dent dure, répliqua Lacey en dissimulant un sourire. — C'est peut-être pour cela que nous nous entendons si bien, toi et moi. Qui se ressemble... — Allons, allons ! Il faut se tenir, dans la vie ! Raul lui pressa gentiment l'épaule. — Voilà le problème, mon ange. Tu passes ton temps à essayer d'être gentille ; un de ces jours, tu vas exploser. Avant que Lacey n'eût trouvé la riposte, son attention fut attirée vers le bar. Accoudée au comptoir lustré derrière lequel s'affairait un jeune barman, une haute silhouette élancée se distinguait dans la foule des smokings noirs. La jeune femme se sentit brusquement dans un état de tension aiguë. Autour d'elle, les éclats de voix et les rires se fondirent peu à peu dans un bourdonnement assourdi. — Comment s'appelle-t-il ? — Qui ? demanda Raul. Lacey ne répondit pas, tant elle était fascinée par l'allure de l'inconnu. Quelle chevelure ! Couleur de blé mûr, épaisse, onduleuse... Quant à son expression, elle reflétait un ennui profond et une totale confiance en lui. Lacey n'était pas la seule à l'avoir remarqué. Une rousse au décolleté généreux s'approcha du bar, et engagea la conversation. Mais elle s'éloigna très vite, l'air dépité. Sa proie haussa les épaules, balaya l'assistance d'un regard indifférent, et reprit sa discussion avec le barman. Lorsqu'il se mit à rire, Lacey retint son souffle. Sa bouche était plus qu'appétissante. — Le type accoudé au bar ? demanda Raul qui avait suivi son regard. Laisse tomber, Lacey. — Tu le connais ? — Comme ça... J'ai bien peur qu'il ne te convienne pas. — Pourquoi donc ? — C'est un abruti. Un sportif en Jaguar, tout dans les muscles, rien dans la tête, qui pose pour la galerie... — Je vois, dit Lacey avec un soupir. Le style Nate Logan, hein ? Raul éclata de rire. — Il n'est peut-être pas pourri à ce point-là... Mais il est sans intérêt, crois-moi. Dommage. Voilà bien longtemps que Lacey n'avait ressenti une attirance aussi soudaine et aussi puissante rien qu'en posant les yeux sur un homme. A bien y réfléchir, c'était même une première. Ce spécimen-là était particulièrement séduisant et, au-delà de son physique irréprochable, il possédait aussi un magnétisme rare. — Un vrai gâchis, murmura la jeune femme en s'arra-chant à regret à sa contemplation. — En effet, dit Raul en éclatant de rire. Lacey le considéra d'un air soupçonneux. — Qu'y a-t-il de si drôle ? — Je me disais... C'est une chance que la beauté ne soit pas réservée aux imbéciles ! dit-il en bombant le torse. Elle se mit à rire à son tour. Sous ses airs de Matamore, Raul était un ami spirituel et loyal. — Merci pour le tuyau, Raul. — Donc, reprit-il, quand je lui ai répété la qualificatif d'adolescent prépubère, Nate a dit... — Je ne veux pas le savoir, coupa Lacey en tournant résolument les talons. Elle entendit son ami pouffer dans son dos, et s'éloigna sans illusions : tôt ou tard, il trouverait le moyen de lui raconter cette histoire. Tout en se dirigeant vers la porte, elle ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil vers le bar. Le beau blond avait disparu. Elle se sentit déçue. Elle le chercha dans la foule. En vain... C'était sans doute aussi bien. Elle se faufila à travers la salle, décourageant d'un regard noir plusieurs ébauches de conversation. Elle n'était pas d'humeur à bavarder. — « Vierge frigide »... Quel culot ! Cet obsédé passait les bornes. Alors que leur métier commun de chroniqueurs dans la rubrique « Société » aurait dû, en toute logique, les rapprocher — d'autant que Féminines et Nous les Hommes appartenaient l'un et l'autre à l'empire de J.T. Birmingham —, un fossé infranchissable les séparait. Nate Logan prônait le flirt, la liberté sexuelle, les expériences inédites, tout en tenant les femmes pour responsables des difficultés relationnelles entre les deux sexes. Lacey était, à l'inverse, une farouche partisane de l'amour et d'une attitude responsable dans le domaine des rapports physiques. Son enfance, sa vie entière avaient été un long et douloureux apprentissage en la matière ; le passé de sa mère lui avait appris très tôt le prix de l'insouciance, et son beau- père n'avait eu de cesse d'inculquer ce principe à toute la famille. Lacey avait, par ailleurs, décidé — sans doute parce qu'elle avait tellement besoin d'y croire — que le véritable amour existait et qu'il valait la peine qu'on l'attende. Pour rien au monde elle ne transigerait sur ce point... — Tu t'amuses bien, Lacey ? Elle venait de déboucher dans le hall. Reconnaissant une rédactrice de son équipe, elle se força à sourire. — Oui... J'adore ces cocktails, affirma-t-elle d'un ton léger. — Le bruit court que tu vas recevoir un prix. Ainsi que Nate Logan, d'ailleurs. Lacey perçut nettement la malveillance dans la voix de sa collègue. — Il paraît, oui, répliqua-t-elle de manière laconique, avant de s'éloigner vers les vestiaires. Et que l'on ne s'avise plus de prononcer le nom de Logan devant elle ! De quand datait leur différend ? Impossible de s'en souvenir. Quant à savoir qui avait décoché la première flèche empoisonnée... Un beau jour, on avait appris que J.T. venait d'engager un jeune chroniqueur pour corser la ligne éditoriale de Nous les Hommes. En l'espace de trois mois, l'image du magazine avait énormément évolué. Sa nouvelle cible : l'ancien amateur de Playboy qui, soucieux de changer son image auprès des femmes, se rachetait une conduite en choisissant un journal plus neutre, tourné vers la santé sous toutes ses formes... Dans le cahier central, on trouvait

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