Si l’agent du SDECE à Orly, qui a toujours été régulier, qui travaille depuis des années avec vous, inspecteur de la P.J. contre les trafiquants de drogue, si cet agent vous disait : “J’ai besoin de vous pour accompagner le président Ben Barka à un rendez-vous politique capital : il se réconcilie avec le roi du Maroc”, qu’auriez-vous répondu ? — Oui, si je suis couvert. C’est exactement ce qu’a dit Louis Souchon à Lopez. Et Lopez a répondu “Foccart est au parfum.” Puis il y a eu le coup de téléphone de M. Aubert, un des patrons du ministère de l’Intérieur (ce n’était pas M. Aubert). Et voilà comment Souchon, fidèle serviteur de la Loi, est embarqué dans une des plus sombres affaires de la Ve République : l’enlèvement de Ben Barka. Ses chefs le protègent d’abord, lui conseillent de se taire, puis l’abandonnent. Procès. Reddition de Dlimi. Deuxième procès. Six ans de détention pour Louis Souchon. Ses cris d’innocence n’ont servi à rien car il fallait bien, tout le monde peut comprendre ça, sauver les “apparences”. Policier, il ne pouvait être acquitté : on aurait eu l’air de le couvrir, d’avouer Dieu sait quelles complicités officielles dans le drame. Raison d’État. C’est ça la justice ? Souchon ne le croit pas. Et il en a assez d’être traité de “déserteur” et de “flic kidnapper”. Alors il dit tout — tout ce qu’il sait — tout ce qu’il a vu.
Ce livre est explosif et poignant ; l’accent de la sincérité y marque chaque page.